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mardi 22 juin 2021

Vive la Saint-Jean Baptiste ! Vive les Canadiens-Français !


Le 24 juin, Saint-Jean-Baptiste et fête des Canadiens-Français 

«En 1977, le gouvernement dirigé par René Lévesque proclame le 24 juin jour de la Fête nationale du Québec. Cette journée sera désormais ... la fête de toutes les personnes habitant le Québec » 

Cet extrait tiré du site de la Fête nationale reste silencieux sur le passage d'une fête populaire à une fête d'État. En omettant de rappeler les origines catholiques et canadienne-françaises de cette célébration, en négligeant de l'inscrire dans la continuité des fondateurs du pays, la proclamation de Québec s'appropriait une part du patrimoine charnel d'une nation antérieure à l'existence d'une province, crée en 1867.

Rappelons également, non sans insistance, que la province plus jeune ne reconnaît pas l'existence des Canadiens-Français en tant que nation constitutive du Québec d'aujourd'hui. 

Il était difficile de l'anticiper en 1977, mais on venait de jeter les bases d'une fête civique. La fête du Québec se compare aujourd'hui avec les congés fériés civiques de l'Ontario Day ou la fête du Manitoba. Heureusement, grâce aux initiatives d'organisations locales et régionales, la Saint-Jean se voit encore célébrée ici et là dans son esprit original. Mais de façon générale, prenant le temps à témoin, les Canadiens-Français ont été dépouillés d'un pan de leur patrimoine culturel. Leur fête étatisée sera petit à petit dénaturée par le PQ, principal parti aux manettes. Qui d'autre que le PQ pouvait avoir les coudées franches pour servir de maître arrangeur de la nouvelle symbolique étatique ? Ainsi, faute de pugnacité indépendantiste, on fit libéralement usage de l'épithète "national" à la belle époque. En attendant l'indépendance, on abusait allègrement du vocabulaire pour prendre de l'avance sur l'avenir. Comme si l'existence d'une "Fête nationale" et d'une "Assemblée nationale" (qui renommait le Conseil législatif)... était authentique !  Jusqu'aux Sociétés "nationales" des Québécois (qui renommaient les Sociétés Saint-Jean-Baptiste) et ainsi de suite... 

Ce n'est pas immédiatement que le remplacement de la Saint-Jean-Baptiste des Canadiens-Français par la fête nationale de tous les Québécois produisit une complète inversion des contenus. D'abord, personne n'attendait ça. Mais on a effectivement commencé par retirer tout ce qui rappelait notre passé catholique. Ensuite, tout ce qui tenait de notre glorieuse épopée néo-française. Mais par une brutale accélération du processus, en 2020, aucun drapeau du Québec ne se trouvait plus déployé pour le spectacle diffusé par la télévision d'État. De même, en 2021, on y arrive, le financement de l'État poursuivra son oeuvre d'encouragement à la dénationalisation. Ce sont les autochtones, les minorités visibles, sexuelles, racisés, opprimées parce que femmes ou immigrants qui serviront de prétexte pour jeter dans l'ombre et culpabiliser un petit peu plus le Canadien-Français historique. À sa place, la fête "nationale" mettra de l'avant les codes culturels d'un mondialisme idéologique éculé. Le message sous-jacent est clair : il faut en finir avec tout ce qui forme une cohésion nationale enracinée. 


Les "Québécois francophones", détenteurs inconscients d'une identité diminuée, dont beaucoup se disent fiers, ne  comprennent pas encore le préjudice de leur affaiblissement identitaire. Malgré la révocation de leur passé ils n'ont pas encore fini d'expier leurs fautes... ils restent suspects. Malgré leur délestage d'un nationalisme trop traditionnel, trop fermé, trop clérical, trop tissé serré, etc. toutes les tares qu'une Révolution tranquille menée par des élites libérales-mondialistes n'a cessé de leur reprocher, ce sera peine perdue. Ils restent toujours potentiellement coupables du malheur des communautés minoritaires éplorées, entend-on. Or, après avoir renoncé à défendre une part de leur identité, pour se plier, ils ne parviennent pas encore à échapper à la mauvaise conscience qu'on veut leur instiller. Pour continuer à les punir, les Canadiens-Français qui ont pris la peau du Québécois francophone ne seront plus célébrés le 24 juin. S'ils le sont, ce sera par des artistes connus pour leur idéologie multiculturaliste et diversitaire qui, au hasard d'une feinte ou d'une moquerie, leur rappelleront qu'il vaut mieux pour eux garder un profil bas. Et place à la diversité !

Il est devenu parfaitement clair que l'évolution de la Fête nationale aboutit à une mise à l'écart de notre patrimoine et de notre légitime fierté. On a semé le doute et mis les freins sur l'illustration de nos accomplissements historiques et de notre résilience devant l'hostilité. Cette situation cautérise les racines de la nation. Elle rend plus difficile que jamais la transmission de notre épopée aux jeunes générations. La fête, dite nationale, est devenue un complément de cours ECR multiculturalistes, qui n'ébranle les fondements de la cohésion nationale que par la promotion de la diversité partout et de l'identité nulle part ! 

Le mondialisme idéologique se trouve derrière ces courants. Il est l'ennemi de la cohésion nationale et le prince de Babel. Qu'il s'agisse de Jacques Cartier, Champlain, Dollard des Ormeaux, Pierre Le Moyne d'Iberville, Jeanne Mance, Marie de l'Incarnation, que l'on voyait jadis apparaître avec d'autres héros de notre histoire dans les défilés de la Saint-Jean, ils sont aujourd'hui passés à la trappe. Et le même sort est réservé à nos grandes figures contemporaines, Leclerc, Vigneault, Raymond Lévesque et, dans un autre ordre, Lionel Groulx, Maurice Séguin, Fernand Dumont, Marie Victorin, l'abbé Gadbois et nos innombrables poètes oubliés, tous, eux aussi, sortis du décor. En 1977, la création d'une fête nationale étatique voulait innover. Dans l'ordre d'un symbolisme altier, on se préparait, semble-t-il, pour une indépendance imminente, mais qui n'est jamais venue. Par conséquent, l'étiquetage du "national" qui devançait des événements qu'on attend toujours est devenu un Trade mark de l'État tourné en parodie.

Le site politiquement correct de la Fête nationale poursuit en nous expliquant que la Saint-Jean-Baptiste devait disparaître parce qu'elle excluait les non-catholiques. Ah oui ! Posez-vous la question. Les Irlandais changeraient-ils le nom de leur mythique St-Patrick ? Pourquoi voudraient-ils rompre avec une tradition qui porte toute leur personnalité nationale ? 

Et d'autres ne sont pas moins malléables que les Irlandais. La fête des autochtones du 21 juin dernier ressemblait, elle, sans aucun complexe, à ce qu'était notre Saint-Jean-Baptiste de jadis. Que des autochtones avec leur culture, leur folklore, leurs légendes et la promotion de leurs droits sans l'ombre d'une mauvaise conscience. Ironiquement, on pourrait se demander quand les autochtones feront leur mise à jour multiculturaliste pour intégrer des Canadiens-Français, des noirs, des immigrants et autres minorités LGBT dans leur journée nationale ? Quand les Premières nations s'ouvriront-elles sur le monde ? Quand cesseront-elles d'être à ce point tissées serré ? C'est un parallèle qu'on se sent en droit d'oser. Les Canadiens-Français ne forment-ils pas aussi un peuple minoritaire et un peuple autochtone ?  

Chez nous on a franchi le pas suicidaire dans la modernité insignifiante : une fête nationale des Québécois consacrée à tout et à tous. Les seuls exclus étant l'histoire et le patrimoine profond des Canadiens-Français. On leur réserve peu de remémorations et d'éloges... mais ne sont-ils pas discrédités d'abord par nos élites parvenues de la québécitude ? La fête nationale serait-elle en train de démontrer avec une gravité insoupçonnée que les Canadiens-Français ont décidé collectivement de ne plus se perpétuer dans leur être ? 

Les Acadiens ont plus de chance. Demeurés eux-mêmes, ils ont résisté à leur provincialisation. Leur déploiement s'arque boute sur quatre provinces canadiennes. Ils sont demeurés fidèles à leur identité historique propre, jusqu'à un certain point indépendant du découpage politique de 1867. N'ayant jamais été une majorité démographique sous le régime anglais, un malheur qui en revanche les aura gardés de bien des illusions. Ils n'ont pu se payer le luxe d'un indépendantisme utopique universel, revendiqué pour et avec tout le monde. Les "Québécois francophones", naturellement plus futés que les Canadiens-Français, l'ont osé, eux. Et ils ont perdu leur propre cause en voulant l'étendre à tous. 

D'abord, on a cru à un rêve séduisant et plausible. Mais après 20 ans bien comptés de tergiversations et d'atermoiements, le moment "M" était passé. Aujourd'hui, ne subsiste plus qu'un indépendantisme de reliquaires, d'allumeurs de lampions et de courailleux de pensions. Le seul gain tangible se situant dans une confortable rente de député. Pour faire illusion, ils usent de tous les subterfuges pour conserver chez les électeurs qu'on s'arrache devant le Bar B Cue ou à l'épluchette de blé d'Inde, l'espoir dément d'une indépendance sans les Canadiens-Français, mais avec la permission des anglophones, ou n'importe quoi. 

À leur fête, les Acadiens célèbrent les Acadiens. Les autochtones célèbrent les autochtones, les Irlandais célèbrent la Saint-Patrick; il y a parmi ces peuples meurtris par les vicissitudes de l'histoire que les Canadiens-Français, peuple non reconnu et sans État, pour célébrer la fête "inclusive" de tous les Québécois. Si le doyen des peuples européens sur le territoire du Québec comprend si mal son propre intérêt, toujours empêtré dans les doctrines fumeuses des années 1960, et pour qui, bizarrement, les perdants sont des grands hommes, quand remettra-t-il les pieds sur terre et retrouvera-t-il sa volonté de vivre ? 

Les Canadiens-Français, forment toujours la plus importante minorité au Canada dont ils sont les  Fondateurs. Ils forment aussi à ce titre la continuité naturelle des Français-Canadiens / Canadiens / Canadiens-Français, un seul et même peuple, relié sans discontinuité par l'histoire. Ce peuple est à ce jour scandaleusement non reconnu par Ottawa et par Québec. Et comble de malheur, le 24 juin lui rappelle que, pour bien faire, l'État du Québec lui a enlevé une fête vénérable, antérieure à la Conquête, une fête qui lui appartenait en propre. Elle est aujourd'hui, plus ou moins subtilement utilisée contre lui.

Privés de reconnaissance par les instances politiques, les Canadiens-Français sont en voie de minorisation au Québec même. La question existentielle, qui demande une urgente réflexion à tous ceux qui ont à coeur qu'une oeuvre d'écologie humaine vieille de 400 ans se perpétue, est de trouver comment les Canadiens-Français pourront-ils "réussir" leur passage d'une majorité démographique (dont ils n'ont jamais pleinement profité) à celui de la minorité qui les attend. Ils sont certes une minorité démographique au sein du Canada global depuis 1850. Ils sont aussi une "minorité" sociologique et politique au sein de la Province de Québec depuis toujours. Et malgré des effets salutaires liés à la forte natalité et une survivance gagnante, aujourd'hui disparue, ils ont l'habitude de disparaître tranquillement. Doivent-ils hâter le processus ou le renverser ? Si oui, comment ?


Pierre Le Moyne d'Iberville, natif de Ville-Marie
(Montréal), éternel vainqueur par mer et sur terre,
la terreur des Anglais 

Êtes-vous générique, spécifique ou les deux ? 

Le cas inusité d'une identité nationale ambiguë augure mal pour l'avenir. Ne sachant pas de quel «être» nous réclamer, la cohésion nationale est ébranlée et devient problématique.  Il n'y a pas d'évolution naturelle explicable entre le Canadien-Français et le Québécois, il y a une rupture. Le passage de l'un à l'autre voulait d'abord tourner le dos aux Canadiens-Français de la diaspora pour, ensuite, imaginer une nouvelle "création nationale" symbolisée par un appel référendaire qui réunirait les deux solitudes intérieures dans un destin commun. 

Certes, j'entends tous ceux qui me répètent que les Canadiens-Français sont devenus des Québécois. Oui, mais que sont devenus les Canadiens anglais du Québec ? Québécois ou CanadiAns d'abord ? Nos compatriotes ou une minorité canadiAn au Québec ?

Comble de malheur, les plus sincères patriotes québécois francophones (pas nos compatriotes québécois anglophones patriotes !) ne semblent pas réaliser qu'ils ont été piégés. Ils sont paralysés politiquement par leur attachement à une identité double. Ils ne se rendent pas compte que l'identité québécoise est à la fois générique et spécifique. Générique, dans le sens global de tous les Québécois, comme les lois statutaires du Québec le proclament en conformité avec la constitution canadienne. Spécifique, dans le sens subjectif de Québécois francophones. La dichotomie est patente, mais on ne veut pas trop l'objectiver ou on est incapable de la voir en face. Nous sommes devant une dissonance cognitive généralisée. 

Comme bien d'autres, Jean Bouthillette, dans Le Canadien français et son double pensait faire triompher une identité québécoise unifiée par l'indépendance. C'était en 1972. Mais depuis le projet a échoué. L'identité d'occasion ne tient plus. Si l'Histoire devait donner aujourd'hui la réplique à Bouthillette, Elle lui écrirait : Le Québécois et son double : l'aliénation a changé de vocabulaire ! 

Quand Québec a adopté la loi référendaire, elle concernait tous les Québécois, c'était du générique. Quand on a dit ensuite qu'un peuple s'était dit non à lui-même, c'est le spécifique qui parlait. Quand Lévesque a lancé "Nous sommes quelque chose comme un grand peuple", de quel peuple parlait-il ? Des Québécois francophones ou de tous les Québécois ?  Mais, en revanche, quand on lit la définition statutaire de la nationalité québécoise dans la loi 99, on devient générique car elle fait de tous les habitants du Québec des Québécois.  

Le défilé du 24 juin 1947. La patrie c'est ça !

Très gentiment, je fais une mise en garde à ceux qui sont fiers de leur identité réductrice de "Québécois francophones". Je dis à ces "spécifiques" que le défi qui nous attend n'est pas l'indépendance mais de réussir le prochain passage. Il s'agit du passage d'une majorité démographique désorganisée qui ne sait pas se nommer, à une minorité organisée, consciente de ses intérêts et bien vivante. La minorisation au sein même du Québec paraît inévitable.

Si vous êtes comme moi, vous aurez compris que la quête d'indépendance (car avec le PQ on n'aura rien fait d'autre que la quêter !) est un leurre qui nous a forcés à des concessions identitaires, patrimoniales et existentielles coûteuses, dans l'espoir idiot de fonder une nation nouvelle sortie du chaos des nationalités et des minorités irréductibles du Québec. L'affaiblissement identitaire qui en a résulté, nous sommes les seuls à en avoir payé le prix. Pour charitable qu'elle fût, la belle utopie nous a privés des assises solides depuis lesquelles il était possible de réclamer sérieusement nos droits. Et ils sont de plusieurs ordres :  nos droits historiques de peuple vaincu dans l'honneur, jamais rétablis statutairement, ce qui veut dire une paix honorable ; nos droits, ou à tout le moins notre reconnaissance, au titre de peuple fondateur du Canada européen; nos droits de peuple autochtone, une autochtonie engendrée par une conquête violente, suivie d'une colonisation britannique qui amenait avec elle ses colons allochtones ; nos droits de peuple minoritaire, puisque notre statut politique prépondérant (constitution, défense, affaires étrangères, droit de dépenser, etc.) est d'appartenir au Canada.

Aucun de ces droits ne peut être revendiqué par autrui. Seul un peuple canadien-français reprenant conscience de ses intérêts, travaillant de nouveau pour lui-même, sans manquer à la charité chrétienne, peut les réclamer. À l'inverse, demeurer Québécois avec les défis qui nous attendent, c'est renoncer à tous nos droits, c'est laisser la proie pour l'ombre. 

Une nation qui compte pour moins de 3 % de la population d'Amérique du Nord représente un poids infime dans la démographie planétaire. Elle sera toujours à risque de disparaître. Elle ne peut survivre et prospérer que dans un esprit de conservation mâtiné d'une certaine audace, dans la poursuite de l'épopée collective qui est la sienne. Par sa spécificité, si elle la conserve, elle contribue à la richesse et à la diversité bien comprise de l'humanité. 

Vive la Saint-Jean Baptiste ! Vive les Canadiens-Français !


2 commentaires:

Unknown a dit...

Superbe texte qui ouvre les yeux. Nous avons perdu la notion de canadiens français de la Nouvelle France. Imposé l'appellation de "québécois" à la fin des années 60 avec la création du PQ.

Léon XIV a dit...

C'est triste de le dire ainsi, mais l'identité canadienne-française est aussi un recul identitaire par rapport à l'identité française, car on a intériorisé une identité canadienne qui à l'origine n'était pas nationale, mais régionale, une identité régionale qui ne serait jamais devenue une identité nationale sans notre libre et volontaire capitulation de 1760. Il aurait été préférable de mourir Français que de survivre en tant que Canadien-Français dans le déshonneur d'avoir troqué la couronne française pour la couronne anglicane avant même que la guerre de sept ans soit terminé.