La « Théorie du complot » décodée, de la théorie à la pratique

Démission de l'opposition et nouvelle opposition

J'ai pour mon dire que la liberté dans une société se mesure par le respect des élites pour l'opposition. Depuis les mesures d'urgence sanitaires mises en place par Québec et Ottawa, les partis politiques qui forment l'opposition institutionnelle se sont contentés de

s'accrocher au train en marche des Legault-Arruda / Trudeau-Tam. Ils se refusent de questionner une ré-allocation radicale des ressources en santé et des mesures sociales dont on ne voit pas la fin. L'opposition s'est soumise à la pression, elle a renoncé à jouer son rôle. 

Comme la nature a horreur du vide, il était donc prévisible qu'une opposition se reconstitue hors de l'enceinte parlementaire, qu'elle s'empare des médias sociaux pour faire entendre sa voix et s'exprime jusque dans la rue. Le phénomène est encore accentué par le fait que les médias de masse reprennent à leur compte le narratif officiel. Eux non plus ne font pas leur travail.

La nouvelle opposition est par conséquent populaire, non institutionnelle, bénévole et... stigmatisée comme autant de brebis galeuses. Elle alimente pourtant sa réflexion à des sources médicales et scientifiques reconnues et relève le niveau du débat en faisant voir l'autre coté de la médaille. Malheureusement, en dépit de la qualité de ses arguments, elle ne parvient pas à se faire respecter. En fait, elle est souvent dénaturée, voire méprisée, comme si on voulait purger le débat des objections les plus dérangeantes pour ramener l'opinion publique à un point de vue unique. 

La «théorie du complot»

Je veux parler de ceux que l'on appelle méchamment les « complotistes » et les « conspirationnistes »; de cette opposition que l'on caricature en l'associant dans la même phrase aux tenants de la « théorie de la terre plate », ou qu'on qualifie d' « anti-masques » alors qu'elle est pro-choix ! Ce que font les décevants Mathieu Bock-Coté, Richard Martineau, Patrick Lagacé, Denise Bombardier, Joseph Facal et autres, qui font mine de réfléchir mais qui, sur ce coup, ont déposé les armes. La pression est forte...

Selon certaines sources, la «théorie du complot» serait une théorie abusive parce qu'elle attribue l'apparition de certains événements politiques à une action concertée et secrète de personnes qui auraient intérêt à ce que ces événements se produisent. Cette théorie farfelue n'aurait, dit-on, aucun sens. Cet article vous propose de le vérifier honnêtement. Allons-y donc pour une petite virée dans les replis de l'histoire pour voir s'ils ne s'y cacheraient pas quelques complots aussi juteux que véridiques. Pour s'amuser, on commencera tout doucement pour terminer avec du lourd. 

Complot pour assassiner Champlain

Le 8 septembre 1608, dans Québec qui vient d'être fondée, Samuel de Champlain échappe à un complot contre sa vie fomenté par le serrurier Jean Duval. Le complot est éventé et Duval pendu. Par la suite, Champlain poursuivra l'établissement de la colonie pendant plus de vingt ans. Nous y reviendrons.

Le complot contre Samuel de Champlain

La Confédération : un contrat falsifié

En 1865, George Brown, promoteur zélé de la Confédération, plaidait devant les députés Canadiens [français] un « pacte de paix » et une réconciliation entre « les descendants des vaincus et les descendants des vainqueurs ». En privé, dans une lettre à sa femme, il se confiait en dévoilant que la Confédération était une victoire anglaise qui permettrait « de leur couper les griffes et de leur arracher les dents ».

La Confédération :
une manoeuvre dolosive à contester

On pourrait donc, non sans raison, envisager la Confédération sous l'angle d'un complot. Une réforme vendue de mauvaise foi, sous de fausses représentations, dans le but de duper une partie contractante. Toute contestation constitutionnelle devrait donc mettre à son programme une dénonciation en bonne et due forme de la manœuvre dolosive.

* * *

Un complot réussi peut changer radicalement le cours de l'histoire. Le cheval de Troie n'était-il pas un cadeau offert sous le signe de l'amitié? Judas ne jurait-il pas de sa fidélité au Christ pendant que, contre trente deniers il préparait sa trahison ? 

Rassurez-vous, on ne traitera pas dans ce court billet de la première ni de la seconde guerre mondiale, ni du 11 septembre ni de JFK ni de la shoa. Ce sont des affaires sur lesquelles trop d'encre a déjà coulé pour que l'on puisse formuler sereinement en deux paragraphes un condensé convaincant, quand on sait que tout le monde a déjà son opinion. Des sujets pollués. En revanche, des affaires importantes mais relativement délaissées, moins controversées et moins retravaillées par une version officielle permettront d'établir de manière plus consensuelle, c'est le pari que je fais, la réalité de quelques complots contemporains.

1- En 1898 les États-Unis trouvent un prétexte pour envahir Cuba 

Vous êtes vous déjà demandé pourquoi Guantanamo est une base américaine à Cuba ? Où quand Hawaï est devenue une possession américaine ? Pour répondre à la question, il faut remonter à l'affaire du USS Maine.

USS Maine
En 1898, les chaudières des navires à vapeur
n'étaient pas sans risque

« Le soir du 15 février 1898, vers 21h40, le cuirassé américain Maine est victime d'une violente explosion dans la rade de la Havane, à Cuba. La détonation est si violente qu'elle souffle les vitres des maisons de la ville.

Le navire sombre presque immédiatement et malgré les secours qui arrivent des autres navires, 252 hommes périssent dans l'accident. 8 autres allaient plus tard mourir de leurs blessures.

Immédiatement, la presse américaine accuse les Espagnols, qui gouvernent Cuba, d'avoir placé une mine sous la coque du navire, lequel était en visite de courtoisie. Dans les faits, une commission d'enquête conclura - mais en 1911 seulement - à une explosion accidentelle dans la salle des machines.

Entre-temps, la campagne de presse contre l'Espagne aura entraîné les États-Unis dans la guerre et débouché sur rien moins que l'occupation par Washington de Cuba, Guam, Hawaï, Porto-Rico et les Philippines ! »

Les États-Unis rendront Cuba mais conserveront Guantanamo. 

https://www.herodote.net/15_fevrier_1898-evenement-18980215.php

2- Le « non-incident » qui déclencha la guerre du Vietnam 

L'incident dit du golfe du Tonkin, n'en était pas un. Il justifia le passage d'une guerre larvée et tenue en partie secrète à une guerre ouverte des États-Unis contre le Nord-Vietnam. Cette version est même à peu de choses près celle reprise aujourd'hui par Wikipédia.

« La majorité des historiens s'accordent aujourd'hui pour dire que des données relatives aux incidents ont été délibérément manipulées de façon à fournir un prétexte à l'entrée en guerre des Etats-Unis au Vietnam.

 

Le Devoir - 5 août 1964

Voici ce qu'en dit André Kaspi : ¨La vérité devait être révélée partiellement 7 années plus tard, à la suite de la publication des Papiers du Pentagone, un ensemble de 7000 pages de documents et d'analyses rassemblés par le département de la défense en 1967/1968. Le gouvernement américain appliquait, depuis le 1er février 1964, le plan d'opération 34A, élaboré par la CIA pour contraindre Hanoï à lâcher le Vietcong et le Pathet lao (le mouvement communiste au Laos). Des satellites espions recueillaient des renseignements. Des saboteurs et des agitateurs étaient parachutés sur le territoire nord vietnamien. Des commandos du sud, conseillés par des américains, débarquaient sur les côtes du nord avec pour mission de faire sauter les ponts stratégiques. Des chasseurs bombardiers T28, basés au Laos, pilotés par des Thaïlandais sous le commandement d'officiers de la CIA, pilonnaient régulièrement les objectifs ennemis et recevaient l'aide électronique de bâtiments comme le Maddox L'état-major américain avait dressé la liste de 94 cibles au Vietnam qui seraient bombardées dès que le Congrès aurait adopté une résolution soutenant l'action du président. On sait aujourd'hui, grâce à des documents qui ont été ouverts à la recherche historique, que le Maddox n'a vraisemblablement jamais été attaqué, que son commandement a cru déceler des traces de torpilles sur son écran radar, puis s'est rendu compte de son erreur, qu'à Washington le président a voulu, quels que fussent les événements, montrer sa détermination.” »

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-incidents-du-tonkin-du-2-et-4-119972

3- Israel complote pour attaquer un bâtiment de guerre américain et les États-Unis complotent à leur tour pendant cinquante ans pour cacher la vérité à sa population 

Le complot israélien se soldera par 34 pertes de vies humaines et 176 blessés américains. 

Près de 50 ans ont passé depuis l’attaque du navire américain USS Liberty par l’aviation et la flotte israéliennes. Pourtant la version officielle, matérialisée par Wikipedia par exemple, continue de parler de l’ « incident du USS Liberty » et de la confusion avec un bateau égyptien. Près de cinq décennies plus tard, commence-t-on à voir poindre quelques éléments de vérité dans les médias « dominants » occidentaux ?

Le navire de renseignements USS Liberty en ruines après
une frappe israélienne de deux heures

 

(...) L’amiral Thomas Moorer, qui a servi autrefois son pays dans l’État-major interarmes et comme chef des opérations navales, avait mis sur pied une commission indépendante pour enquêter sur ce qui s’était réellement passé avec l’USS Liberty. Les résultats de cette commission ont été rendus publics en 2003. En voici certaines des conclusions les plus frappantes :

• Cette attaque par un allié des États-Unis fut une tentative délibérée de détruire un navire américain et de tuer tout son équipage.

• Elle comprenait le mitraillage des sauveteurs et des canots de sauvetage.

• La Maison-Blanche a délibérément empêché l’U.S. Navy de venir au secours du USS Liverty. C’est la première fois dans l’histoire navale qu’une opération de secours est annulée alors qu’un navire américain est attaqué.

• Les survivants de l’équipage ont par la suite été menacés de procès, d’emprisonnement, ou pire, s’ils parlaient à qui que ce soit de ce qui leur était arrivé, et ont littéralement été « abandonnés par leur propre gouvernement. »

https://www.mondialisation.ca/attaque-du-uss-liberty-en-1967-les-enregistrements-audio-montrent-quisrael-voulait-vraiment-couler-le-navire-americain-et-tout-son-equipage/5416003

« Dans une déclaration à The Intercept, Ernie Gallo, actuellement président de l’Association des anciens combattants du Liberty, a dit: « Nous savons maintenant que la Cour d’enquête de la Marine était simplement pour la forme, car les officiers ont été invités à conclure que le Liberty avait fait son travail et que l’attaque avait été accidentelle ». 

« Bamford fait également référence à l’ampleur et à la longueur de l’attaque comme preuve de son caractère délibéré : le navire a été touché à plusieurs reprises, d’abord par des avions qui ont jeté des bombes de 500 kilos et du napalm, puis par des torpilleurs. Les forces israéliennes ont également bloqué les antennes et les canaux de communication du Liberty, ont neutralisé les quatre mitrailleuses de calibre 50 du bord ... « C’était une attaque en plein jour », a déclaré Bamford. « Il battait un grand pavillon américain. Il y avait marqué USS Liberty à l’arrière… Je veux dire, qu’est ce que vous voulez de plus ? »

https://www.mondialisation.ca/cinquante-ans-apres-la-nsa-conserve-le-secret-sur-les-details-de-lattaque-du-uss-liberty-par-israel/5599829

« Les messages israéliens interceptés le 8 juin 1967 ne laissent la place à aucun doute sur le fait que la mission des avions et des lance-torpilles israéliens, alors que la guerre des Six Jours faisait rage au Moyen-Orient, était précisément de couler l’USS Liberty. Je répète : il n’y a aucun doute – aucun – que les IDF (Israeli Defense Forces) avaient pour mission de détruire l’USS Liberty et l’ensemble de son équipage. » Ancien analyste de la CIA, Ray McGovern

4- En 1985, le navire Rainbow Warrior de la société Greenpeace est coulé clandestinement dans une opération des services de renseignements et militaires français 

Billard à trois bandes clandestin qui tournera mal
pour les renseignements et militaires français.
L'ombre du contre-renseignement états-unien ? 

Le 10 juillet 1985, le bateau de Greenpeace, venu perturber les essais nucléaires menés dans le Pacifique par la France, était coulé en baie d’Auckland. Le photographe portugais Fernando Pereira y perdait la vie. (...) Charles Hernu, ministre de la défense et Pierre Lacoste, chef de la DGSE durent démissionner. 

Le Rainbow Warrior éventré

Le complot terroriste d'État fera un mort.

5- En 2003 des allégations d'armes de destruction massives bactériologiques et chimiques justifient l'invasion de l'Irak par les forces américaines 

Colin Powell présente une éprouvette censée contenir un échantillon des armes chimiques stockées par Sadam Hussein. Dans son discours de 80 minutes à l'assemblée générale de l'ONU, Powell invoquera trois motifs principaux pour justifier l'invasion de l'Irak auprès de la communauté internationale. Des trois motifs, armes chimiques, bombes nucléaires en préparation et les liens de l'Irak avec Al Qaida, il n'en restera rien.

Selon certaines estimations, le complot contre l'Irak fera le sacrifice de 162 000 personnes, dont 79 % de civils. Mais rien ne le justifiait, aucun des trois motifs invoqués ne passera le test de la vérité. 

https://www.ina.fr/video/2205136001007

6- Incident de Mukden

Hergé relate l'incident de Mukden dans l’album de Tintin “Le Lotus Bleu” (1936).

Pourtant le sérieux de l'affaire ne relève pas de la bande dessinée

Cette opération sous faux drapeau, mise au point par les Japonais en 1931, leur permit de procéder à l'invasion et à l'annexion de la Mandchourie. Chez les Chinois, ce complot, prélude à l'agression, fera au moins 20 millions de morts dont 17 530 000 civils. 

* * *

Une distinction majeure s'impose entre les petites gens qu'on accuse de fabuler, et les complots réellement orchestrés à l'échelle nationale, mais récemment et de façon croissante à l'échelle mondiale. Là comme ailleurs, il importe de distinguer ceux qui mènent le monde de ceux qui subissent leurs décisions. On voit bien à la suite de cette courte rétrospective que les complots, singulièrement ceux qui coutent chers en vies humaines et en destructions massives, ne viennent pas des simples citoyens même si ce sont ces derniers qui font les frais de la mauvaise réputation de complotistes. En réalité, les citoyens ordinaires, quels qu'ils soient, n'ont ni les moyens ni les motifs. 

Il est toujours possible de croire, pour qui le veut, que certaines puissances politiques et d'argent ne font pas tout le nécessaire pour arriver à leurs fins, sans reculer devant l'organisation de complots et de coups montés sous faux drapeau. On peut certes croire que ce sont des personnes malveillantes qui font naître les complots du fond de leur sous-sol, et que ce sont ensuite des personnes crédules qui adhèrent à ces fadaises, sinon des esprits dérangés. 

Mais il y a rarement de fumée sans feu. Et, on l'a vu, ce sont essentiellement les puissants de ce monde qui sont en position de fomenter des complots, d'organiser des opérations sous faux drapeau, de répandre de fausses informations, de provoquer des guerres injustes, injustifiées et évitables. 

Même ce Jean Duval. S'il voulait tuer Samuel de Champlain c'est qu'il était instrumentalisé par une puissance étrangère pour tuer son chef et vendre la colonie à des marchands hollandais. 

Et octobre 1970, la loi des mesures de guerre dont nous commémorerons le cinquantième anniversaire le 16 octobre prochain, déclarée sous le prétexte d'une insurrection appréhendée, n'était-elle pas plutôt une façon d'appliquer la fameuse « stratégie de la tension » dans les conditions propres du Québec ? 

Jusqu'à quel point après octobre 1970, un René Lévesque intimidé se sentira-t-il obligé de redoubler de zèle dans sa propension à maintenir la paix nationale, c'est-à-dire pan-canadienne ? Ne dédoublera-t-il pas son combat pour la souveraineté-association d'une lutte incessante contre tous les indépendantistes et nationalistes déterminés, refusant à chaque virage que la question nationale prenne la forme d'un rapport de force tendu, sans le découpler du cadre légal ? 

Sans un minimum de pugnacité, la nation française d'Amérique ne pourra jamais s'affranchir de la matrice anglo-saxonne. Trudeau l'avait bien compris, d'où son complot réussi pour intimider des chefs comme Lévesque et Bourassa. C'est en tout cas mon hypothèse, renforcée récemment par le fait d'une notoriété publique accrue, que les services de renseignements montaient des dossiers sur l'un, l'autre et d'autres encore. Dans quel but ? Trouver ce par quoi on pouvait les tenir ? Le complot ne se situe pas dans la volonté légitime des Canadiens-Français de se perpétuer dans leur être, mais dans la volonté d'écraser cette noble ambition par tant de filouteries et de moyens détournés.

Conclusion

Cet article voulait vérifier s'il est 

« abusif d'attribuer l'apparition de certains événements politiques à une action concertée et secrète de personnes qui auraient intérêt à ce que ces événements se produisent. » 

C'est ce qu'on appelle la « théorie du complot », une théorie réputée farfelue. Or en quelques paragraphes, cet article aura permis de faire ressortir quelques cas spectaculaires de mise en pratique de cette théorie. Cette théorie ne serait donc pas abusive, elle a du sens. Mais ceux qu'on accuse d'en être les adeptes « dérangés » ne sont pas ceux qui la mettent en pratique. Quand on accuse l'opposition des humbles de donner dans la « théorie du complot », c'est généralement la « pratique officielle des complots » qu'on veut occulter ou excuser.