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Des origines fédérales du référendum

À 50 ans, l'approche référendaire  a griffé le Québec Nous savons tous que le référendum a été soufflé à l'oreille de Claude Morin p...

mardi 29 octobre 2024

Des origines fédérales du référendum

À 50 ans, l'approche référendaire 
a griffé le Québec

Nous savons tous que le référendum a été soufflé à l'oreille de Claude Morin par trois membres éminents de l'équipe de négociations constitutionnelles de Trudeau. Morin qui avait ses interlocuteurs en haute estime retiendra leurs conseils référendaires «des plus démystifiants.»(1) L'épisode de son acquisition de la cible référendaire, relaté par lui-même, se passe en 1969. Trudeau, déjà bénéficiaire d'une trudeaumanie "spontanée" et "gratuite" est déjà en selle pour changer le Canada en profondeur.

Le père de l'étapisme, Claude Morin, rejoint le Parti québécois en mai 1972. Au sein du PQ, il va s'employer à vendre le référendum jusqu'à ce que ce soit chose faite. Ses souhaits sont exaucés le 16 novembre 1974. Réuni en congrès à Québec, le parti gagné par l'usure et les jeux d'influence, Lévesque et Morin le voulaient, se prononce à la majorité des 2/3 en faveur de ce qu'on appelle aussi l'étapisme.

L'avènement du référendum est un moment clé de la québécitude. La québécitude ? En voici une définition simple : c'est l'identité québécoise à l'exclusion des Canadiens-Français. Avec le référendum et sa doctrine, car c'en est une, s'accélère la séparation tissulaire des Canadiens-Français. Le commencement de cette séparation est difficile à épingler. Cependant, on se rappellera que René Lévesque pèsera de tout son poids pour s'opposer à la Déclaration historique de Daniel Johnson du 5 octobre 1968. Il dénonce avec véhémence l'élément canadien-français que défend Johnson. Un antinationalisme d'après-guerre que véhicule notamment Cité Libre et P.E. Trudeau voudrait mettre les Canadiens-Français sur la liste des nationalismes suspects, sinon, pas mieux, des nationalismes moribonds qui ne méritent rien d'autre qu'on les pousse au bas du précipice.(2)

La doctrine référendaire est antinationale et représentative de la "québécitude". Elle consolide dix solitudes canadiennes-françaises établies par la Loi sur les langues officielles de Trudeau (1969), une loi de dénégation de l'unité nationale canadienne-française et acadienne. Les sceptiques retiendront qu'elle rabat l'existence nationale à une majorité et des minorités linguistiques de langue officielle française dans chacune des provinces. Or une langue n'est pas une nation et ne lui suffit pas. 

Avec la doctrine référendaire, le Québec, qui est dans la bouche de Daniel Johnson le foyer principal et le point d'appui des Canadiens-Français, accentue son isolement. Selon la doctrine référendaire la séparation est cependant de mise et encouragée, tandis qu'elle est subventionnée par Ottawa dans les provinces. 500 000 Canadiens-Français de l'Ontario et 300 000 Acadiens, sans compter les autres, seront séparés de leur point d'appui historique. Un séparatisme "progressiste" qui fait la chasse aux vieilles idées et aux corps morts est à l'œuvre depuis l’échec provoqué des États généraux du Canada français. 

La dénationalisation forcée mise en œuvre par Trudeau, avec son libéralisme et la doctrine de l'Open Society en pointe aggrave l'injustice nationale au Canada. Néanmoins, la décrépitude continentale des Canadiens-Français est toujours applaudie par les souverainistes québécois, dont René Lévesque qui, étant de la même école que Trudeau, se montre réfractaire à l'invocation des droits nationaux, voire même à leur existence. Les deux leur préférant le droit démocratique exclusivement, depuis lequel la doctrine référendaire est issue. On me pardonnera d'y revenir, mais il y a lieu d'insister. 

En fin de compte, bien qu'on s'en chagrinait au coin du feu, les souverainistes voyaient dans l'amputation de la famille nationale une occasion de compenser une perte "négligeable" à leurs yeux. Ils n’anticipaient rien de moins que de prendre, en douce revanche, les anglophones du Québec. Pas forts aux échecs, ils étaient même pressés d'en faire leurs nouveaux compatriotes. Bien que le nouveau « destin commun » dans lequel on bascule se situe dans un espace d'à peine dix ans, le nouvel idéal fonde désormais tous les espoirs. La "nation québécoise", territoriale, civique et aussi "propre" qu'un George Soros peut le souhaiter est née. Elle ne lèvera du reste que dans un imaginaire en roue libre où le progrès de la « cause » prend l'allure d'une perpétuelle fuite en avant…

L'exercice référendaire, dont on ne soulignera jamais assez l'origine fédérale (Morin), sera un puissant accélérateur de notre dépossession nationale. Il fait reculer dramatiquement la cause d'une nation ethnoculturelle disposant de droits à l'autodétermination (interne ou externe), (3) droits reconnus et incontestés sur le plan international. Inlassablement resucée, la doctrine référendaire fera miroiter la fiction d'une "nation québécoise". Comme elle est fictive et non enracinée, elle est la proie facile, sinon le produit des valeurs trudeauistes, ce qui a d’ailleurs été abondamment documenté par quelques-uns de nos historiens et intellectuels les plus allumés.

Pour se séparer du Canada, qu'on estime en certains milieux être « la seule solution », en dépit d’expériences à travers le monde qui montrent que d'autres solutions existent à la question nationale, on demande aux "francophones" (une identité linguistique dénationalisée chère à Trudeau), de se mettre en frais de séduire les Canadiens anglais et ceux qui en masse les suivent. Le projet fédéral atteint son but : il conduit à une impasse permanente. Claude Morin se garde bien d'en évoquer la possibilité ou de la prédire dans ses élucubrations. L’homme qui n’a jamais écrit une ligne pour l'amour de sa patrie a atteint son but : le référendum est partout. 



En 1995, la québécitude porte le droit démocratique 
contre le droit national
  
Le 30 octobre 1995 se tenait le deuxième référendum sur la souveraineté, 39 ans aujourd'hui. Encore une fois, une doctrine souverainiste déficiente aurait pu être un moindre mal si elle ne s'était pas empêchée de saisir au vol les occasions, rares, de se propulser avec force sur la scène pancanadienne ou internationale. C'est certainement un manque commun aux nations occidentales de l'après de Gaulle, pour mettre un signet dans le temps. Ce qu'a fait un cousin étranger, Charles de Gaulle, il faut s'y arrêter, n'a jamais été tenté par un natif. 

Hubert Aquin ? (4) « Il vivait en hauteur dans un univers à l’horizontale » [Jean Basile]. Il ne croyait pas qu'un René Lévesque pouvait être l'homme de l'indépendance. Ce constat lucide, une déception inconsolable, le conduira à la mort trois ans avant le premier référendum. Il arrive donc que l'on meure délibérément pour sa patrie sans être un conscrit de l'État. Contre exemple, la conscription de 1941 heurtait justement la patrie.

Yukio Mishima mettra sa mort en scène de manière plus magistrale et étudiée. Sa mort a été sa plus grande œuvre, dira Marguerite Yourcenar. Il ne voulait pas que la victoire américaine s'assouvissant sur les populations civiles du Japon ne laisse plus rien du Bushido, outre que des jeux vidéos. Tout amour de la patrie et de nos ancêtres, tout culte de là où nous venons dans les profondeurs du temps nous différencie de l'espèce animale. Cet amour fait œuvre de civilisation. C'est là une caractéristique unique à l'espèce humaine. C'est en reconnaissance de cette réalité qu'a été institué le droit national, qui en quelque sorte reflète une humanité à la fois unie et différenciée. Mais pour qu'elles soient unies, les différences humaines ne doivent pas être réprimées, mais admises dans le cénacle et protégées en général dans le cadre naturel de leur apparition dans le temps. C'est en quelque sorte de la simple écologie humaine. L'immigration massive est en ce sens un crime contre la nation et par extension un crime contre l'humanité. Le procès est à faire aux passeurs et non aux victimes instrumentalisées.

Aquin, Bourret(5), Mishima... Guevara avait 28 ans quand il s'embarqua sur le Granma. Des sacrifices plus ou moins inutiles au final, selon la conception que l'on se fait de la vie. Certainement inutiles quand on estime que notre vie est une quête infinie d'acquisitions et des jouissances de biens matériels. Mais n'est-ce pas là, à d'autres égards, une vie assez pauvre ? Pierre-Louis Bourret, vite oublié, à vingt ans bien comptés, cherchait sans doute une aventure nationale héroïque. Dans son idéal, il n'attendait pas sa mort précoce au terme d'une poursuite détonante de coups de feu.  

 
« ...l’écrivain conciliait le suicide avec sa foi catholique, qui pourtant
le réprouve, et cette foi, connue des intimes, restait pour lui
inséparable de l’identité nationale. »
Que faire d'Hubert Aquin en québécitude ? 

On imagine parfois des personnages en format plus grands que nature. En amont de 1980 Parizeau n'avait pas souscrit à l'approche référendaire. "On y est entré sans référendum, on en sortira de la même manière...", avait-il lancé.
Cette vérité de base allait dans le sens de son adhésion au PQ, où, chez Butch Bouchard, il évoquait sans gène la cause des Canadiens-Français.
Avait-il suffisamment réfléchi ? Changer d'avis n’était-ce pas carrément changer de doctrine ? Bref, deux décennies avant son rôle de figure de proue référendaire, Jacques Parizeau aurait apparemment été prêt à rebondir sur un vote des Canadiens-Français qui se reconnaissaient à hauteur de 60 % . En 1995, il ne l’était plus.

Qu'est-ce qui avait changé du grand portrait ? À peu près rien. Seule la québécitude avait changé les mentalités et secoué une doctrine nationale déjà mal assurée. Le PQ nous fera passer d'un souverainisme malléable et juvénile, le temps de digérer les RIN, les RN et les libéraux de base, ce qui n'était pas de la galette. Digestion faisant, on pouvait toujours espérer quelque chose... sauf Hubert Aquin, le colibri dans la mine. De la social-démocratie bon teint, faux-nez du mondialisme, on passa à un souverainisme trudeauiste décomplexé. Parizeau s'est étouffé.

Le 30 octobre 1995, le oui des Canadiens-Français, car on ne peut croire qu'il ne s'agit pas de ces galeux, avait toute la valeur d’une motion de censure envers les institutions fédérales. Comme ce verdict était celui de la nation porteuse de la cause, Parizeau aurait été pleinement justifié de surprendre l'adversaire par un coup fourré, comme une volte-face à la Sun Tzu. Il ne le fit pas. Mais on est en guerre où on ne l'est pas. Ceci selon les propos révélateurs d'un Charles "Chuck" Guité, qui s'était illustré dans la campagne des commandites, campagne de propagande fédéraliste qui balaya le Québec juste après le référendum, sans rencontrer la moindre résistance d'un PQ égal à lui-même.

Parizeau, c'est de l'histoire, joua donc à son corps défendant le rôle que la québécitude et les hyènes fédéralistes attendaient de lui. Un suicide politique à la Mishima, moins le sang et les éclats. Pas de seppuku, même si on sentait sa frustration. Sans aller si loin, bien qu'il le pouvait à ce point, il pouvait aussi, maître du jeu, se déclarer le mandataire désigné des Canadiens-Français. C'eût été une sortie par le haut qu'entre l'humiliation et le seppuku il fasse de lui un Pierre Le Moyne d'Iberville des temps modernes.

Considérons que l'échec du référendum de 1995 n'était pas tant dans les résultats chiffrés que dans leur interprétation. Nominalement le non l'emportait. Mais il ne l'emportait pas chez les Canadiens-Français. Sur le plan du droit démocratique, le non l'emportait, sur le plan du droit national, le oui l'emportait. Les Canadiens-Français s'étant largement dit oui à eux-mêmes, ils validaient leur cause. 

L'interprétation négative au soir du 30 octobre est attribuable à l'autocensure imposée par une identité québécoise moderniste et trudeauiste.  On a perdu pour cause de québécitude. Pour cause d'une doctrine, qui par des vertus déclaratoires un peu magiques, a réussi le tour de force de transformer la menace héréditaire anglo-saxonne, coloniale et dominante, en des co-nationaux. Un droit de veto sur notre destin a encore une fois été consenti sous le faux drapeau d'une libération.

C'est l’erreur ou la fraude référendaire de base de laisser croire  que le droit démocratique l'emporte sur le droit national. C'est aussi là le noyau argumentaire de Morin. On ne peut vraiment contester cet argumentaire sans un retour à la cause nationale bien comprise.
______________________

1. Au moment où Claude Morin a ses discussions en 1969, l'enjeu est apparemment que des politiciens provinciaux pourraient être avides de pouvoirs additionnels, sans que cela représente le vœu de la population. Ottawa voudra s'en assurer, être le juge de la légitimité et du caractère démocratique des revendications du Québec.

Or, déjà à ce stade précoce, la question est entièrement détournée. La question nationale au Canada ne tient pas de ce qui précède, elle n'est pas contenue dans les courtes citations de Morin, plus bas. La question nationale est un héritage de la Conquête laissé en suspens par l'histoire, soit par la force des vainqueurs des plaines d'Abraham. Or, cet aspect, qui renvoie à un long contentieux historique a été systématiquement occulté par la québécitude, une occultation qui cache mal l'abdication continue du néonationalisme québécois devant le crédo trudeauiste.

CITATIONS :

Tiré de Une idée née à Ottawa [Claude Morin, Mes premiers ministres, Boréal (1991) p. 480 et suiv.]

Par une de ces ironies dont l’Histoire est friande, l’idée du référendum me fut involontairement suggérée en 1969 par trois personnalités renommées de l’establishment politico-technocratique anglophone fédéral.

(...)

À quelques reprises, j’abordai ouvertement le sujet avec trois membres importants de l’équipe fédérale de négociation: Gordon Robertson, secrétaire du cabinet fédéral et, à ce titre, premier fonctionnaire d’Ottawa, Robert Bryce, ancien sous-ministre fédéral des Finances et éminent mandarin d’Ottawa, et Al Johnson, sous-ministre de la Sant nationale et du Bien-être social (il deviendrait plus tard président de Radio-Canada).

Ils me firent chacun, l’un après l’autre et même une fois les trois ensembles, des commentaires fort instructifs. Ces échanges se situent parmi les plus démystifiants de toute ma carrière. Je n’étais pas près de les oublier. Ils corroboraient ma propre observation expérimentale.

(...)

Voilà comment le recours au référendum s’insinua dans nos conversations.

Là-dessus, leurs propos furent transparents: bien que pratiquement jamais utilisée en régime parlementaire britannique, seule une consultation de ce genre serait susceptible, me dirent-ils, d’inciter Ottawa et les provinces à consentir à un nouveau partage des pouvoirs plus avantageux pour le Québec. Pourvu, cependant, que les Québécois s’y fussent montrés très majoritairement favorables et qu’on eût permis l’expression du point de vue fédéral. Même là, le succès de la négociation intergouvernementale n’en serait pas pour autant garanti et les demandes québécoises ne seraient pas toutes satisfaites, mais, chose sûre, l’attitude fédérale et canadienne-anglaise évoluerait si un référendum confirmait qu’une majorité de la population québécoise, et non plus seulement ses politiciens, souhaitait l’acquisition de compétences constitutionnelles nouvelles.

2. v. Pour un fédéralisme des nations
https://canadiens-francais.com/pour-un-federalisme-des-nations-au-canada/

3. Dans la plupart des cas, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se règle de nos jours en équilibre avec le droit des pays à leur intégrité territoriale et souveraine. En pratique, une autodétermination interne s'applique et ses contours sont définis par la constitution. C'est le refus du droit de la nation canadienne-française à l'existence, de part et d'autre du référendisme, qui a prévenu jusqu'ici qu'une approche raisonnable, éprouvée et largement reconnue à travers le monde, y compris par l'ONU, soit réclamée depuis Daniel Johnson.

4. https://www.ledevoir.com/lire/788971/essai-portrait-d-un-suicide-hubert-aquin-mystique-quebecois



dimanche 13 octobre 2024

Le péquisme, une colossale imposture !

Patriotes, il est temps de rassembler ses esprits

Le retour à notre identité originale est une condition de notre salut. C'est la seule façon de vaincre l'effacement que nous prépare le mondialisme anglo-saxon. Le péquisme se solde par un échec lamentable, une colossale imposture qu'il faut repomper toutes les décennies. C'est un recul sans précédent de la nation ethnique prise dans le sens d'une communauté humaine possédant des traits socio-historiques et culturels qui lui sont propres. A-t-elle le droit à l'existence ?
NON ! C'est la réponse brutale et contre-patriotique que nous assène le PQ depuis cinquante ans.


________

Les peuples autochtones ont droit à leur ethnicité. Elle est reconnue au sein d'un Canada qui se dit pourtant post-national... Notons l'incohérence pour un pays qui se croit sérieux... C'est une gravissime incohérence qui n'est jamais relevée par les médias.

Les Juifs ont droit à leur ethnicité. De même, tous les peuples faisant partie de fédérations construites sur les nations ont droit à leur ethnicité reconnue. L'étendue de leurs prérogatives est naturellement matière à débats, comme du reste dans le cas des autochtones du Canada, dont les contours du statut et de l'autonomie est sujette a de nombreux contentieux. Comme ailleurs, mais ils existent !
La reconnaissance des réalités ethniques et leur conséquente traduction politique est assez répandue. La Chine reconnaît les Ouïghours comme une minorité nationale parmi de nombreuses autres (1), la Fédération de Russie se décline selon des critères d'appartenance nationale. La Suisse est une fédération de nations ethniques, ce qui n'en fait pas un pays ethniciste. L'Allemagne est une fédération de Landers. Quant à lui, le Canada s'est fait un peu tirer la manche pour reconnaître le statut des nations indigènes autochtones, pour le faire il a dérogé à sa propre profession de foi. Le fédéralisme canadien se veut administratif : fondé sur un partage des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement central.

À la différence des Autochtones, les Canadiens-Français n'ont pas eu d'appuis internationaux... sauf de Gaulle, avec son coup de gueule sans lendemain. Mentionnons toutefois l'Acte de Québec et le rapport Durham, deux cas où le colonisateur reconnaît notre existence nationale sans reconnaître ses droits. Mais cette existence, évidente pour le colonisateur à ces moments, n'a jamais eu grâce aux yeux du Parti québécois. Son oeuvre a été de nous faire renoncer à notre identité. Le référendum a en a été la pièce maîtresse. Sous un argumentaire fallacieux qui en appelait à des concepts comme la modernité, le PQ a rebaptisé les Canadians du Québec en Québécois anglophones pour qu'ils puissent exercer leur vote et bloquer indéfiniment les droits nationaux des Canadiens-Français. Qu'on continue dans ce sens après cinquante ans cette année, est simplement la poursuite de la mise à mort d'un peuple. Par-dessus le marché, l'indécence est sans limite, on accuse le peuple de s'être dit non à lui-même. En réalité, il a été noyé dans un concept national taillé pour l'effacer.

Les péquistes ont grandement besoin d'une réflexion approfondie sur leur position intenable, peut-être même, qui sait, d'une thérapie collective.

Citation :

La vision très sombre – voire «funéraire» pour reprendre
la juste expression de Marcel Martel (2000) – qu’avait René
Lévesque du destin des minorités francophones hors Québec a
quelques fois été évoquée dans la recherche consacrée à l’éclatement du Canada français. Dans la présente note de recherche,
j’aimerais expliciter davantage cette vision pour le moins crépusculaire de la francophonie hors Québec. (2)

Éric Bédard

On se souviendra que René Lévesque s'était engagé dans une critique pratiquement hystérique de la cohésion nationale des Canadiens-Français, une semaine après que Johnson mette de l'avant ses positions constitutionnelles pour un Canada à deux. Pour le faire, il avait dû se tenir debout à dix contre un, à la Conférence constitutionnelle du 5 février 1968. (3)


___
1- Le Bloc québécois est connu pour faire du zèle en faveur des Ouïgours à Ottawa et sur la scène mondiale. En ont-ils besoin..? Le financement américain dont ils profitent fait certainement quelques heureux. Les Ouïghours sont les chouchous du Bloc, mais pas les Canadiens-Français tenus pour acquis dans le grand échiquier de McKinder et de Zbigniew Brzezinski. Le Bloc est pris dans sa défense d'un nationalisme ethnique sélectif.
2- En lisant cette note d'Éric Bédard, dont on connaît la neutralité d'historien, on comprendra, exemples et citations à l'appui, le rôle actif qu'a joué Lévesque pour priver le Canada français de son existence politique. Ch. 12, p.377 et suiv. René Lévesque et la fin du Canada français dans - Retour sur les États généraux du Canada français. Continuités et ruptures d'un projet national, Joseph-Yvon Thériault et Jean-François Laniel
3- La réponse de Lévesque à Johnson : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2777161
et La Fédération des Canadiens-Français sur le même sujet : https://canadiens-francais.com/pour-un-federalisme-des-nations-au-canada/

samedi 17 août 2024

Dans trois mois, l'approche référendaire aura cinquante ans

Ce qui est tenu pour acquis en 2024 ne l'était pas à l'époque
Un tiers des délégués au congrès du PQ de novembre 1974 votent contre la stratégie référendaire pilotée par Claude Morin. René Lévesque et ses lieutenants soutiennent ce dernier et font passer la motion. Cinquante ans plus tard est-il exagéré de dire que la nature de la lutte "nationale" a été profondément changée. Quels étaient les arguments de ceux qui votèrent contre, ont-ils eu raison avec le temps ?
Opérant depuis une vision commune du Canada, Trudeau et Lévesque accordaient aux provinces une place prépondérante (1). Leur vision révolutionne le concept d'un Canada des deux nations. Ce concept était le fruit d'une longue élaboration. Avec Daniel Johnson il était devenu un projet constitutionnel mature. Il devra cependant céder la place à dix applications provinciales de la dualité linguistique.

Dans un mouvement synergétique inusité jamais vu depuis la Conquête (1763), la nation historique est redéfinie et se campe désormais dans une seule province, le Québec. Une province contre neuf, mettra au rancart une nation face à une autre. Ce n'était pourtant pas là une utopie, mais une proposition constitutionnelle aboutie formulée en bonne et due forme en 1968, au cours d'une très officielle conférence constitutionnelle.

Photo d'archive


Cinquante ans plus tard, la "nation québécoise", surgie dans le sillage de la provincialisation des Canadiens-Français en dix segments linguistiques (identités linguistiques de langues officielles), sans identité nationale commune, nous a-t-elle fait progresser vers un avenir national mieux assuré ? Certes, le Québec pouvait être le foyer et le point d'appui de la nation canadienne-française d’Amérique, ce qui a du sens, mais former une nouvelle nation lui-même regroupant tous ses habitants, y compris ceux qui souhaitent notre disparition depuis 300 ans, c'est un peu fort de café. Mais n'était-ce pas là le pari référendaire ? Et combien d'anglophones de souche ont voté pour le oui déjà ? Ces derniers sont pourtant ceux que nous avions pris en échange contre nos compatriotes des autres provinces et du continent, ne conservant à ces derniers qu'une valeur folklorique et sentimentale.
Après 50 ans, il semble que l'on n'a pas encore suffisamment réfléchi sur la question. Les 30 % qui avaient voté contre en 1974 se sont tus. Il faut dire que la pression pour rentrer dans le rang était forte.
Après le Forum sur les 45 ans de l’étapisme, dont on peut trouver des comptes rendus sur mon blogue et sur le site de la Fédération des Canadiens-Français, il semble que toutes les leçons ne soient pas encore tirées ou encore trop peu connues. J'invite donc mes lecteurs à rejoindre un groupe témoin sur la question pour lire et commenter différents aspects. La Fédération des Canadiens-Français publiera dans trois mois un bilan actualisé des cinquante ans de l'approche référendaire.

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1- en matière identitaire, pour préciser. 

dimanche 4 août 2024

Le 4 août 1701, la France et les Canadiens s’illustrent en Amérique

La Grande Paix de Montréal, une alliance sans égale

La paix de Montréal dans la foulée d'une Tabagie 
Ceux qui savent que la Grande Paix de Montréal a été conclue en 1701 sont peu nombreux à réaliser qu’elle se situe dans la foulée d’un autre événement aussi riche de promesses. Pour comprendre la constance plutôt pacifique de la présence française en Amérique, il faut remonter au moins à 1603. C’est à l’été de cette année-là, près de Tadoussac, que se tient une Tabagie, soit une grande fête. À cette occasion, Samuel de Champlain et Anadabijou, un chef qui se trouve à la tête de plusieurs communautés indigènes réunies sur les plages de la Pointe aux Alouettes, fument le calumet de paix. À la différence de ce que l’on voit de nos jours, la rhétorique égalitaire n’est pas le fort d’une alliance qui ne se paie pas de mots. Mais devinez quoi, cent ans plus tard, elle tient toujours. Elle s’incarne dans les faits et s’est coulée dans la coutume. Seuls les Iroquois continuent à guerroyer.



En 1603, un rapprochement cordial avait ouvert les portes du Saint-Laurent aux Français. En 1701, la paix de Montréal donne à ce rapprochement une envergure continentale. En termes généraux, la Grande Paix du 4 août 1701 est le résultat d’un siècle de bon voisinage. Elle s’inaugure avec l’occupation consentie d’un vaste territoire dans un cadre de coopération qui est déjà bien en selle. L’esprit des Français et Canadiens se maille avec celui de leurs hôtes. En 1701, des peuples séparés par des horizons considérables étaient peut-être en train de réussir une synthèse aussi inédite qu’improbable. Le domaine français en Amérique est à son apogée. Pierre LeMoyne d’Iberville, natif de Montréal, s’illustre sur trois mers. 

Dans les deux instances, ce qui s’est passé à Tadoussac et à Montréal fait partie de ce qu’on pourrait appeler une exception positive. Des deux côtés, les artisans indigènes et exogènes de la paix de 1701 en retirent encore aujourd’hui un mérite très singulier, ce qui nous invite à commémorer l’événement avec un mélange de joie et de fierté. 

Le cas anglo-saxon 
À l’autre extrémité du continuum colonial, comme le disent les sociologues, les Anglo-saxons protestants ont peut-être moins de motifs de pavoiser. À mesure que progresse la Conquête de l’Ouest, les justifications à sa violence s’additionnent, couronnées par l’idéologie de Manifest Destiny. Elle n’a rien d’égalitaire ni de fraternel. Elle révèle plutôt un tropisme guerrier et dominateur dans une Amérique anglo-saxonne capable d’une cruauté qui était dans bien des cas tout à fait évitables.

Un renversement des préjudices  
On a parfois l’impression qu’on est passé d’une simplicité abusive à une autre, on pourrait quasiment dire d’un jugement raciste à un autre. Quand les autorités des États-Unis organisaient le déplacement forcé des communautés indiennes, souvent en violation des traités, c’était pour installer des colons blancs sur leur terre. Apparemment, il n’y avait là rien de répréhensible. De fait, un siècle plus tard, Hollywood salive à la mise en scène de ces violences divertissantes. C’était avant que des auteurs et des universitaires, mais pas tous des Américains du terroir, commencent à attribuer la cause de ces exactions à des politiques génocidaires. Tout un revirement. Mais le redressement des torts aura aussi ses excès. 

Aujourd’hui c’est fait. Le préjudice est renversé et il s’accompagne d’une distribution des fautes historiques à des contemporains qui n’y sont pour rien. Les présomptions de racisme endémique chez les Blancs ne sont plus rares et font naître des sentiments de culpabilité qui se répandent. Voudrait-on polluer le cerveau des Blancs, celui de tous les Blancs, avec pour alibi le mauvais sort dévolu aux Premières Nations ? En réponse à un racisme bien réel, donc bien identifiable et documenté, serions-nous en train de créer un environnement de racisme inversé qui peut se passer de preuves ? Bref, on assiste à de plus en plus de cas où la présomption de culpabilité est tenue pour argent comptant. Si de telles conjectures peuvent parfois s’avérer fondées, elles ne le sont pas d’emblée. Faut-il rappeler que la présomption d’innocence a toujours sa place en droit ?

Pour illustrer mon propos sur les dérives de notre temps, on va prendre un exemple récent qui a fait couler beaucoup d’encre. Les médias n’ont pas vraiment fait leur devoir avant de diffuser le canular des cimetières autochtones clandestins à Kamloops (C-B) et dans d’autres pensionnats catholiques. Dans le climat d’aujourd’hui, dès qu’il s’agit de Blancs et à plus forte raison de religieux catholiques, on peut se passer d’enquêter sur les faits pour sauter aux conclusions les plus effrayantes. Une presse irresponsable, bien que très influente, peut donc impunément se faire le relais de tous les ragots au risque d’alimenter les préjugés, le ressentiment ou pire. On sait qu’après le battage médiatique, l’opinion publique est faite. En représailles, on a dit qu’une centaine d’églises avaient été vandalisées ou incendiées par des revanchards excités. Qui l’a su ? On retiendra que la vérité sort rarement du tumulte… Mais aujourd’hui, ce qui émerge contredit les allégations du départ. 1

La domination du récit anglo-saxon
Si j’ai évoqué plus haut les États-Unis, c’est qu’une bonne part des idées qui ont cours au Canada sur les questions autochtones et les Blancs nous viennent justement de là. Après tout le Canada et les États-Unis ne forment-ils pas qu’un vaste espace anglo-saxon ? 

Je ne peux m’empêcher de voir dans la dominance du récit anglo-saxon une explication, du moins partielle, au fait qu’aucun crédit universitaire n’est accordé à l’étude des colonialismes comparés. N’a-t-on pas des budgets même pour ce qu’on appelle la littérature comparée ? En fait, distinguer la colonisation française de celle des Anglo-saxons n’est pas dans les priorités, ça ne presse pas. Qui dans l’Amérique actuelle voudrait se mettre en position de reconnaître chez les Français des comportements coloniaux plus équitables que ceux des Anglos ? Qui souhaiterait voir dans la Grande Paix de Montréal un phare qui éclaire une attitude et une politique coloniale plus sociable avec les Premières Nations et plus propice à tisser des liens durables avec elles ? L’UQAC ? Columbia ?

Il faut le regretter, les Autochtones sont eux-mêmes fort influencés par les courants de pensée américains dans la formation de leur propre jugement. Même ceux du Québec ne dérogent pas. Ils restent assez réfractaires à briser un drôle de consensus. Peu sont prêts à reconnaître chez les Français et les Canadiens de Nouvelle-France des comportements interethniques plus évolués. À quoi bon ! 

Des rapports de bon voisinage passent dans les mœurs
Il faut se garder d’idéaliser les rapports interethniques avant ou après la Conquête. Comme toujours rien n’est jamais parfait dans les relations humaines et les abus sont de tout temps. En termes généraux, les rapports de bon voisinage ont survécu à la Conquête. Ils ont perduré dans les communautés et dans les régions, en dépit du fait que la superstructure politique de Nouvelle-France, qui en avait assuré l’émergence n’existait plus. Aujourd’hui, l’on constate que l’ensemble du jugement sur la relation entre Blancs et Indiens de l’époque coloniale ne s’embarrasse pas de nuances. Il se forme souvent en faisant abstraction des régimes et de la personnalité des institutions (notamment religieuses) qui sont à la base de différences sociétales bien réelles. En pratique, il y eut une frontière entre Français et Anglais en Amérique et elle importe. Mais pour être dans le ton, on dirait qu’il faut se conformer à un récit uniforme, un récit traversé par une opposition systématique entre Blancs/Européens Vs Indiens, comme la Commission d’enquête sur les Autochtones (Erasmus-Dussault) nous en fournit un modèle. Quatre commissaires sur sept étaient autochtones et accessoirement anglo-saxons. Mais peut-être que c’est sans importance ? En fait, les Autochtones ne sont plus de purs autochtones depuis longtemps. Ils ont aussi une appartenance culturelle et linguistique européenne qui est davantage marquée chez les plus instruits. 

C’est sans surprise que les Anglo-canadiens vont dans le sens américain d’une repentance dont le cours est à la hausse. Or que des Canadiens-Français s’inclinent en masse devant le même récit sans plus d’esprit critique est regrettable. En revanche, le fait nous renseigne sur les progrès d’une déculturation à laquelle ils sont incapables de résister. Quand les héritiers de la Grande Paix de 1701 embrassent un point de vue qui plombe leur propre histoire, l’associant parfois à celle de la Conquête de l’Ouest, c’est qu’ils distinguent difficilement leur propre intérêt. Québécois francophones ou Canadiens-Français, qu’ils soient toujours de langue française, ne changerait donc pas grand-chose. Ce sont tant d’Anglo-saxons culturels d’adoption qui parlent français… Voilà qui nous interroge encore une fois sur les limites de l’identité linguistique à la québécoise. 

Ce qui est inévitable ne laisse pas de choix
Reprenons. Au seizième siècle, l’Europe découvre l’Amérique et commence à y établir des colonies de peuplement. Les Européens connaissent la navigation à voile, le gouvernail d’étambot, la boussole et j’en passe. En comparaison des embarcations qu’on trouve en Amérique, les navires venus d’Europe sont immenses. Le Portugal, l’Espagne, la Hollande, l’Angleterre, la France (et la Russie en Alaska) participent à la collision des continents. Les colonies de peuplement feront de l’Amérique un prolongement de l’Europe. Y avait-il un autre scénario ? Une « histoire alternative » à celle-là ?

Les populations indigènes d’Amérique sont accueillantes. Qui refuserait un chaudron en cuivre ou une hache en fer ? Qui tournerait le dos à l’accomplissement de ses tâches quotidiennes avec une facilité inédite ou de se parer de nouveaux bijoux ? Le désir d’accéder aux produits de l’industrie européenne est spontané et général. Aucun Indien ne refusera d’échanger ses fourrures contre des importations européennes. Mais le progrès amène avec lui la maladie et des épidémies, elles ne changeront rien à une tendance irréversible. 

Une paix réussie avec quelques ombres au tableau
Selon Wikipédia : Comme de fait, malgré l’ambiance festive et l’abondance d’échanges commerciaux, la rencontre multiethnique de 1701 se déroule dans des conditions difficiles : Montréal est en proie à une épidémie qui tue de nombreux délégués, particulièrement des chefs hurons-pétun et miamis. Des rumeurs courent à l’effet que les Français auraient délibérément provoqué l’épidémie pour détruire les nations autochtones, compromettant le processus de paix. Certains autochtones refusent même d’être soignés à l’Hôtel-Dieu de Montréal, car ils craignent d’être empoisonnés.

En dépit de tout ce qui assombrit l’événement, on peut supposer qu’il se vit à Montréal des moments d’euphorie. Les 38 ou 39 tribus réunies ont beaucoup à découvrir, autant que les Français et les Canadiens. Pendant deux semaines, la population de Montréal double. Malgré cette affluence, on ne fait nulle part état de troubles à l’ordre public. Pas de vandalisme, pas de beuveries. Apparemment, un bon comportement est la norme de cette foule. Quel contraste avec ce qui se passe de nos jours en de telles circonstances ! 
Plusieurs voient peut-être une vache en vrai pour la première fois, pendant que des Canadiens et des Français rencontrent des Sioux. Des Indiens des plaines ont fait le voyage. Ne peut-on pas supposer que Montréal vibre d’une irrésistible palpitation ? Il ne s’agit pas ici de fabriquer une image d’Épinal, mais quand les circonstances y sont pourquoi faudrait-il se retenir de brosser un portrait favorable de nos relations ethniques dans le cas colonial bien singulier qui était le nôtre ? Des documents officiels comme ceux de la Paix des braves, de l’Approche commune, des initiatives provinciales, ou ceux de la Commission royale d’enquête Erasmus-Dussault en font-ils seulement état ? Il ne s’agit pas de s’entendre en tous points sur le passé pour construire l’avenir. L’avenir ne dépend pas d’un consensus sur le passé. Mais une mémoire qui soutient la poursuite de relations constructives peut aussi lui servir de creuset. 

On tente aujourd’hui de faire des procès au colonialisme qui ressemblent à une guerre livrée à la fatalité, un peu comme les artisans de jadis se révoltaient contre les machines à tisser au temps de la révolution industrielle. Or, pour le meilleur et pour le pire, à cette époque comme de nos jours, ce qui est plus avancé et utile tend à se répandre. Les Autochtones, les rares qui vivent encore de chasse et pêche ne rejettent pas forcément le téléphone cellulaire, même si ce n’est pas dans leur tradition et pas eux qui les fabriquent. On boude rarement ces petits appareils qui ne sont ni fabriqués en Amérique ni par des Blancs. Que faut-il en conclure ? Un nouveau colonialisme ? Devant ces faits, peut-on philosopher que les peuples qui s’appliquent le plus au travail et à l’étude sont ceux qui peuvent le mieux gagner en influence et réussir. Donc, qu’il s’agisse des Premières Nations ou des Blancs, ils risquent tous deux d’être dépassés par des concurrents d’une autre « couleur » s’ils ne s’interrogent pas bientôt sur la productivité de leur travail ou négligent les études qui mènent loin. Autrement dit, nous sommes dans le même bateau plus que certains le pensent.

La guerre, les Anglais, les Français et les Canadiens
« The French and Indian Wars » est plus qu’un titre qui recouvre la période de la guerre de Sept Ans, commencée ici par une provocation sanglante dans l’Ohio, avant que les hostilités ne commencent en Europe. Sans que ses auteurs le souhaitent, l’expression anglaise consacrée, citée plus haut, accuse un tropisme anglo-américain pour la guerre qui ne s’est jamais démenti. Avec la juxtaposition des Français et des Indiens au début de l’expression, l’ennemi est désigné. N’est-il pas vrai que les peuples amochés d’Amérique du Nord sont les French et les Indians ?

On a vu avec l’auteur Marco Wingender que ce sont les truchements (interprètes), la proximité quotidienne avec les tribus alliées et l’adresse redoutable des Canadiens à mener la « petite guerre » contre les Iroquois qui ont rendu possible la paix de 1701. Certes, les Français y sont pour quelque chose, ça ne se discute pas, mais ce n’était pas que l’affaire des Français.

Fichtre ! Il y aurait dans la Grande Paix une belle occasion de nous distinguer sur les plans national et international. Une belle carte de visite. Mais on hésite. Sommes-nous dans le cas du Blanc/Européen épinglé par la Commission Erasmus qui écraserait le Canadien en nous ? Sommes-nous paralysés par une culpabilité déplacée, qui prendrait un peu trop la posture de l’Anglo-saxon qui bat sa coulpe ? L’intrépidité de nos ancêtres devrait davantage nous interpeller.

Les Français et les Québécois en 1701, mais pas les Canadiens
Voyons le site web de l’Assemblée nationale du Québec. Il devrait être en tête de liste pour rappeler nos faits d’armes, mais il ne mentionne pas la participation des Canadiens dans le contexte de la Grande Paix. Dans un article sur le sujet 2 tout est attribué aux Français :

« À la fin du XVIIe siècle, les Iroquois sont de plus en plus affaiblis, les Français n’ayant cessé de les attaquer. »

Mais où est donc passée « la petite guerre » ? À moins de croire au hasard dans le choix des mots, le site gouvernemental tient à distance le Canadien de Nouvelle-France, il l’ignore. Et comme il serait anachronique, même ridicule de parler d’une petite guerre des Québécois dans la région des Grands Lacs, on se limite à mentionner les Français. Toute la prudence légendaire de l’Assemblée nationale dans une seule phrase. 

Dans un autre cas de révisionnisme historique, d’autres ont montré plus d’audace. Dans l’Action nationale de juin-septembre 2018, deux universitaires écrivent que « La Grande Paix est une entente militaire et commerciale entre les Québécois et les Premières Nations… » Dans ce deuxième cas, c’est l’identité récemment acquise avec la Révolution tranquille qui se donne pour mission de récuser une identité tricentenaire enracinée dans le continent. Je m’abstiendrai de commenter davantage. 

Un mot sur la colonisation espagnole
On a souvent représenté la colonisation espagnole par des horreurs. Mais ça ne suffit pas pour clore le débat. Sans avoir la compétence pour trancher, je crois qu’on ne peut exclure l’existence de relations plus positives en Amérique du Sud à certains moments. C’est ce que veut montrer Salvador de Madariaga dans un livre de 500 pages qui porte sur l’essor de l’empire espagnol en Amérique. Le catholicisme, superstructure spirituelle omniprésente à l’époque, y est sans doute pour quelque chose, comme en Nouvelle-France du reste. Et la controverse de Valladolid 3, un vrai débat d’idées, conclut que les Indiens ont une âme, ce qui leur vaut la dignité. Il a sûrement influencé la suite des choses.

La Nouvelle-France, un terreau d’égalité

 

Figure 1 Le gouverneur Louis-Hector de Callière et le Chef Kondiaronk

Il en a été brièvement question plus haut. La rudesse de la vie des coureurs des bois et des explorateurs de l’arrière-pays est une vie grandement partagée avec les indigènes. Elle impose spontanément le respect mutuel, car on dépend les uns des autres pour sa survie.

Un autre facteur d’égalité, tient au fait qu’en Nouvelle-France la tenure des terres et le climat rigoureux n’étaient pas propices aux grandes cultures. On peut tirer de la terre et de la fourrure ce qu’il faut de revenus, mais chacun doit faire sa part. Bref, les revenus restent insuffisants pour qu’émerge du régime seigneurial ou des marchands une classe de propriétaires fonciers bien nantis. Ce qui contraste grandement avec les colonies du Sud. Ces dernières sont plus profitables, y compris pour la France. C’est là que l’esclavage s’est répandu pour satisfaire les besoins intensifs en main-d’œuvre des grandes plantations. Une telle problématique est absente du Canada. Ici, le coureur des bois peut être rapproché de ce qu’on appelle aujourd’hui le travailleur autonome, alors que le paysan et le seigneur forment ensemble une cellule économique plutôt bien soudée.

En terminant, il faut reconnaître que les faits de la vie économique ne peuvent produire à eux seuls des rapports sociaux exemplaires. Il faut des meneurs bien inspirés pour qu’émerge un ordre de respect mutuel et de paix et, derrière ces hommes, un pouvoir politique qui le favorise ou ne s’y oppose pas. Avec Samuel de Champlain les rapports interethniques avaient débuté du bon pied. Cent ans plus tard, c’est le gouverneur Louis-Hector de Callière qui fera une longue enjambée avec la paix de 1701. 

Pour faire le compte, il fallait une contrepartie idoine chez nos alliés. Nos hommages vont à Anadabijou, aux compagnons hurons de Dollard des Ormeaux dont les noms de cinq d’entre eux sont gravés dans la pierre du monument à Dollard, au parc Lafontaine. À Kondiaronk et à tous les signataires de la paix de 1701. Nos hommages vont à tous les vaillants anonymes, qui ont continué de porter le flambeau de la résistance après la Conquête, à l’instar du chef Pontiac et des Métis de la Rivière Rouge.

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1-https://irsrg.ca/articles/ou-sont-les-restes-des-enfants-inhumes-au-pensionnat-autochtone-de-kamloops/ ↩︎
2- https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=13258&type=pge ↩︎
3- Voir un excellent film sur le sujet https://vimeo.com/512013420 ↩︎

vendredi 26 juillet 2024

La Grande Paix de Montréal de 1701 - dans la foulée d'une tradition commencée un siècle plus tôt

La Grande Paix de Montréal met en scène Français, Canadiens et une quarantaine de communautés autochtones d’une partie considérable d'Amérique du Nord. 

La Fédération des Canadiens-Français estime que l'événement n’est pas commémoré avec le panache qu’il mérite. Laissé dans une ombre relative, sous-évalué ou mal compris. 

Au palmarès de la rencontre des deux continents, on peut estimer que les Français et les Canadiens de Nouvelle-France se sont distingués et comportés de manière exemplaire. Tout le prouve, notamment, le sommet de 1701. À cet égard, on aurait tort de vouloir faire régresser dans les limbes l’identité canadienne d’héritage, elle est soudée à une contribution continentale qui a fait notre épopée. De même, on aurait tort de se laisser influencer par une repentance qui semble faire recette chez d'autres... 

En 1701, lors de la signature de la Grande paix de Montréal, on ne le rappelle pas souvent, mais il y a déjà un siècle que dure une première paix...  La réthorique égalitaire n'est pas le fort de cette alliance, car elle ne se paie pas de mots. Mais dans les faits, depuis 1603, des relations d'une étonnante égalité se sont forgées au hasard d'une rencontre devenue inévitable entre deux mondes séparés par un océan réputé infranchissable.

À l'occasion de 323e anniversaire, le 4 août prochain, le site canadiens-francais.com annonce la publication imminente de trois textes inédits. 


samedi 6 juillet 2024

Notre filière de l'automobile électrique accuse de graves retards

 Pour un État stratège, éthique et patriotique 

L’État stratège n’est pas du type qui est constamment suspecté de se livrer au transfert de fonds publics vers l’entreprise privée ou vers les amis du régime. Il n’est pas non plus à la merci d’un jugement idéologique du genre c'est à rejeter car ça vient de la Chine. On le souhaite éthique et patriotique. 


Une technologie supérieure devrait être protégée autant que possible contre le conservatisme des princes de l’entreprise. Le problème des vainqueurs de la guerre 1939-45 c'est qu'ils croient trop à leur supériorité. Mais le temps passe. Le capitalisme industriel, qui a fait un temps la puissance des États-Unis, est devenu un capitalisme financier, rentier, parasitaire. 


Il reste que l’État doit conserver assez de sa vertu pour ne pas être constamment suspecté de servir de simple relais de fonds publics vers une entreprise privée trop facilement pardonnée, qui encaisse plus qu'elle innove et produit. L'État capitaliste est complaisant envers l'entreprise privée. L'État chinois, qui tient en équilibre capitalisme et socialisme, demande que les barons de l'entreprenariat rendent des comptes. Cet équilibre des contraires est à considérer car il a sorti 500 millions d'humains de la misère en quelques décennies.    


Le protectionnisme sous la forme de tarifs douaniers ou sous celle plus discutable des "droits de l’homme" (servis en alibi), ne peut endiguer la progression de technologies plus avancées par rapport à celles qui le sont moins. 


L’État stratège peut jouer un rôle décisif dans l’économie mondialisée, qui d'autre le peut ? Qu’on le veuille ou non, dans le monde numérique d’aujourd’hui, une technologie supérieure en soi et qu'on peut offrir à moindre coût ne peut être maintenue longtemps à l’écart du marché global. 


Nous en avons la preuve avec la Chine qui domine désormais le marché mondial de l’automobile et en particulier celui de l’automobile électrique. La vidéo [lien plus bas, en anglais] nous rapporte que les États-Unis n’ont jamais été des meneurs en matière de batteries, élément clé de la voiture électrique. Le Japon et la Corée du Sud étaient les chefs de file dans ce domaine décisif. Ils sont aujourd'hui déclassés par la Chine. Les États-Unis ? On connait pas, le Canada encore moins.


Chose certaine, ce n’est pas par l’immigration massive ou en recourant à un protectionnisme déguisé et sous influence américaine (comme dans le cas de l’affaire Huawei, de triste mémoire) que le Canada pourra se tirer d’affaire. Ce pays, dont je ne suis pas spécialement solidaire, devra montrer plus d’indépendance face aux États-Unis et à l'OTAN. Il faudra décorseter nos libertés.


Comme certains ne cessent de le clamer, une indépendance du Québec pourrait-elle  changer la donne ? Or jusqu’ici, l’indépendance du Québec n’a été sur le plan géostratégique qu’une copie carbone de la soumission du Canada à l’anglosphère. Il suffit d'observer ne serait-ce que distraitement les prises de position du Bloc québécois, un exercice entièrement convaincant. 


Je le crois autant que je le crains, il faudra hisser le débat d'un cran.   



samedi 29 juin 2024

Qui nous a dépossédés des acquis de l’Acte de Québec ?

Le 250e anniversaire de l’Acte de Québec pose avec acuité la question de la continuité du droit et de nos acquis hérités de la loi constitutionnelle de 1774. Est-on encore une fois en train de passer à côté de l’essentiel ?

Communiqué de la FCF publié le 22 juin 2024 pour les 250 ans de l'Acte de Québec. Distribué à la Journée d'étude sur le même sujet, chapeautée par Droits collectifs Québec.


[Source originale : www.canadiens-francais.com]

Nous avons certainement raison de le craindre. Pour sonner l’urgence d’un recadrage, faudrait-il s’abstenir de participer à la Journée d’étude « De l’Acte de Québec à la Constitution : le temps d’agir », chapeautée par Droits collectifs Québec.

Ceux qui ont à cœur les intérêts d’une nation enracinée dans l’histoire devraient revendiquer l’héritage de l’Acte de Québec dans un esprit de continuité du droit. L’Acte de Québec est une concession du droit coutumier anglais en faveur du droit coutumier français et en vigueur chez nous depuis l’établissement du Conseil souverain en 1663, notre toute première constitution.

Par le rétablissement de notre droit coutumier français, en vertu duquel nos ancêtres ont vécu un siècle, Londres reconnaissait implicitement une société canadienne et française formée dans le creuset de ce droit. Plus tard, avec une conquête qui perdure, le remplacement graduel du droit coutumier par la common law ne sera pas contesté par les nôtres, même si l’usage de notre droit nous avait été octroyé. Ce fut le cas en 1867, avec une constitution imposée par la duperie et en 1982 une constitution imposée dans des circonstances similaires, mais aggravées par la tricherie et la collusion des pouvoirs. L’emploi de la force pour nier notre existence distincte rend illégitime l’ordre constitutionnel canadien. Qui nous le rappelle ? Qui agit en conséquence ? Qui s’en scandalise publiquement ?

La common law anglaise reconnaît implicitement que la force crée ultimement du droit, Might makes rights ! Le droit naturel, le droit continental et le droit international coutumier s’y opposent catégoriquement. Pour ces trois système de droits, dont la source remonte au droit romain, il est même légitime et naturel de s’opposer à tout ce qui est imposé par la force et la violence. De plus, d’innombrables juristes ont affirmé que l’obéissance aux lois est toujours limitée et conditionnelle. Personne ne peut se sentir lié en conscience par une loi imposée par la force.

Contrairement à une idée trop répandue, nos droits nationaux ne relèvent pas d’une prise de conscience récente. Les droits d’une société distincte nous ont été rendus par Londres avec l’Acte de Québec, il y a de ça 250 ans. Nos juristes et nos constitutionnalistes ont accepté, hélas, que ce qui a été imposé devienne l’acceptable. Le fait accompli « annulerait » le droit antérieur sans qu’on prenne la peine de l’abroger ! On renonce donc à la continuité du droit, ce qui revient à servir le régime. Mais n’est-ce pas d’abord la légitimité de l’ordre constitutionnel lui-même qui devrait être contestée ? Nos élites ont repoussé l’idée de dresser un réquisitoire exhaustif sur les dérogations à la continuité du droit et l’enchaînement des injustices historiques.

Nous voyons bien que nous ne vivons pas et ne souffrons pas dans un néant national auquel un référendum gagnant pourrait mettre fin un jour, nous souffrons d’un désarmement volontaire. En fait, nous souffrons d’un désarmement moral totalement accepté. Ce désarmement moral sévit d’abord chez ceux qui sont en position d’agir et de défendre nos acquis légitimes. Qui rappelle que l’Acte de Québec signait pour nous un destin distinct de celui des Anglo-Saxons ?

Nos juristes et constitutionnalistes sont-ils les garants d’une impasse qui reconnaît pour légitime ce qui nous a été imposé en 1867 et en 1982 ? Cette soumission gênante du subalterne prend bien au sérieux l’arbitraire du droit anglais ! Et son influence est bien sentie dans une tradition législative qui ne connaît elle-même que la soumission. L’Acte de Québec nous octroyait beaucoup plus : soit le rétablissement de « their Property, Possessions… And all other Civil Rights »1. Alors que nous avons les arguments pour déculotter le régime dans un procès politique qui a tous les attributs pour un procès international, le ronron académique finasse ou s’enlise. Alors qu’un réquisitoire systématique pourrait regrouper nos charges contre le régime, nous sommes encore acculés au rôle de quémandeur, qui alterne avec l’occasionnelle dopamine d’un mythique Grand soir.

Une dynamique de réappropriation. Pour premier geste, nous demandons aux animateurs de la Journée d’étude (et à toutes nos élites patriotes) de réclamer de Québec un amendement à la loi 99 (2000) qui rétablirait les Canadiens-Français dans leur existence politique légitime. C’est indispensable. Si le préambule de la loi 99 s’efforce de détailler la composition démographique du Québec, il échoue à nommer les premiers concernés par l’Acte de Québec : les Canadiens issus de Nouvelle-France. En vertu de la continuité du droit, il ne peut y avoir de remède à notre négation nationale sans que ces Canadiens, que le gouverneur Carleton appelait par leur nom, soient de nouveau nommés et se placent au centre de l’émancipation politique. Ils sont les premières victimes d’une injustice séculaire non réglée au Canada. Ils ont toujours montré qu’ils étaient en faveur d’un statut qui leur rendrait justice, ils attendent que leurs élites politiques et juridiques mettent fin à leurs tergiversations et reconnaissent leur existence.

22 juin 2024 – 250e anniversaire de l’Acte de Québec