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samedi 2 février 2019

L'étapisme : Un sabotage mené de main de maître

Pour renverser la dynamique du déclin : 
Une doctrine nationale décomplexée, 
libérée de l'influence canadiAn

[mis à jour le 3-02-2019 - 12:40]
En concédant la victoire au camp du NON, Jacques Parizeau mettait tout son poids derrière l'idée que le droit de la nation
à disposer d'elle-même n'est pas un droit qu'elle possède en propre. Implicitement, il reconnaissait qu'il s'agit d'un droit
partagé entre deux nations au sein du Québec : celle privée de ses droits politiques, et l'autre, adossée au Canada, qui les lui refuse. Eut-il reconnu que 60 % des Canadiens-français avaient voté OUI, il aurait réclamé la victoire au nom de la nation demanderesse. 


En 1974, 353 délégués (un tiers) votèrent contre l'étapisme, qui était un revirement complet de l'approche souverainiste.  Le cinquième congrès du parti (nov. 1974) se terminait donc sous les applaudissements de René Lévesque mêlés de huées des résistants.  L'étapisme forçait  son passage. Désormais il orientera tout l'avenir du Parti québécois. Claude Morin s'était joint au Parti québécois deux ans plus tôt pour faire passer l'idée avec laquelle il jonglait depuis 1969 : celle d'un référendum qu'il vendait comme une démocratie augmentée. En fait, une démocratie d'exception. Curieusement, le premier geste public qui fit connaître l'étapisme était un coup de force qui n'avait rien de très démocratique. La carte de rappel, ça vous dit quelque chose ?(1)

On ne le répètera jamais assez, indépendamment des ficelles que l'on pourrait découvrir, l'étapisme était un plan au service d'Ottawa. Un plan pour lequel sont montés au front de hauts fonctionnaires fédéraux anglophones, les services de renseignements canadians et des agents infiltrés, dont le seul identifié avec certitude à ce jour, par l'effet du hasard sinon on ne l'aurait jamais su ! est encore Claude Morin. Derrière tout ce beau monde, P-E Trudeau et sa war room s'étaient donnés pour mission de sauver le Canada des vainqueurs, par tous les moyens. Mais chez ceux qui revendiquaient  leur droits politiques que rapportait l'étapisme? Quel en était pour eux le bénéfice ou l'intérêt ? Il n'y en avait aucun. Zéro, niet. L'étapisme n'avait d'autre but que de semer le doute sur la légitimité du projet souverainiste, de créer des obstacles additionnels à sa réalisation et de le détourner sur une voie sans issue. Autrement dit le condamner à la défaite perpétuelle.


*   *   *

Avant l'étapisme, l'élection générale constituait une application, certes imparfaite, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. On considérait, à tort ou à raison, que, puisque les anglophones étaient concentrés dans certains comtés, leur capacité de bloquer la volonté nationale était un risque acceptable. En tout cas, de l'avis général, le processus souverainiste demeurait crédible. En revanche, avec le référendum, le droit collectif sauta la barrière de la représentation par comté pour passer dans le registre du droit individuel. C'était monter d'un cran dans la négation du  droit collectif d'une nation à maîtriser son destin. C'était aussi donner à la minorité canadian un pouvoir de décision accru sur le sort d'une nation qui n'était pas la sienne. Un sabotage mené de main de maître.

La philosophie libérale ne reconnaît que des droits individuels
On pourrait qualifier le cinquième congrès du Parti québécois comme celui de l'adhésion définitive aux thèses du libéralisme politique et philosophique. Celui d'une nouvelle proximité avec la philosophie politique du Canada, celui de la victoire de la pensée canadian sur le souverainisme. La dérive libérale qui s'empara du souverainisme semait dès ce moment les graines du déclin. 

Qu'est-ce que le libéralisme ? 
Alain de Benoist

Pour les lecteurs qui voudraient se renseigner, voici une vidéo éclairante qui résume bien la question. Au départ, il faut retenir que la philosophie libérale ne reconnaît que des droits individuels. Ces droits s'expriment notamment par l'institution étatique qui fait naître une nation civique formée d'individus qui n'ont en commun que leur rapport avec l'État. Selon la conception anglo-saxonne libérale, la nation est formée par la juxtaposition des identités individuelles rattachées à un État de droit. C'est cette conception qui domine dans la vision des néo-nationalistes, Lévesque, Morin, Parizeau, Bouchard, Landry, etc. Cette première conception s'oppose au nationalisme conservateur 

Lionel Groulx
 et anti-libéral des Angers, Minville et Groulx, auxquels on pourrait rajouter avec quelques nuances les Daniel Johnson, Marcel Chaput, Pierre Bourgault... Pour ces derniers, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne relève clairement pas du droit individuel. C'est un droit collectif insoluble dans le libéralisme. Ce droit ne renvoie pas à la citoyenneté dans un État de droit, mais à la nature sociologique, historique, culturelle et linguistique de la nature humaine. C'est un droit collectif qui ne nie pas cependant les droits de l'homme et les droits du citoyen, il les prolonge plutôt, et les complète en tenant compte de l'enracinement particulier des individus dans une communauté nationale. 


François-Albert Angers
 La dérive libérale du souverainisme consentira à la supériorité définitive d'un droit sur l'autre, à l'écrasement du droit collectif par les droits individuels. C'est sur ces principes qu'est érigé le Canada post-national et sa charte des droits. En fait, le Canada ne reconnaît aucune nation. La doctrine libérale canadienne est fondée sur la dualité linguistique et le multiculturalisme. Pour revenir aux souverainistes, c'est en quelque sorte par leur refus de combattre sur le fond la doctrine canadian qu'ils ont nié leur propre combat qui ne pouvait se passer d'une valorisation du droit collectif à l'auto-détermination. Si, à la différence d'Ottawa, le « libéral-souverainisme », je l'appellerai comme ça, n'a pas rejeté directement l'existence des nations, il est parvenu au même résultat par sa volonté utopique de fusionner les deux nations principales en une seule et même nation. Une fois réalisée la nation artificielle, on pouvait justifier que soient encadrés par une loi référendaire tous les Québécois, appelés à voter ensemble sur le sort de la nation historique. Après avoir nationalisé l'électricité, l'État s'attaquerait à la « nationalisation »... des nations. Surtout la nation canadienne-française, celle qu'il pressait de noyer dans le droit prépondérant de la démocratie libérale. 

De l'effectivité à l'étapisme
Je ne sais pas précisément d'où vient le mot « étapisme », mais si c'était pour cacher la gravité de ce qu'il recouvrait il a été très bien choisi. Pour ceux qui n'auraient pas souvenance des événements qui ont fait passer le Parti québécois de l'effectivité politique à l'étapisme, un petit rappel des faits s'impose, ne serait-ce parce que l'étapisme a modifié profondément la doctrine du Parti québécois. 
Esdras Minville

Jusqu'en 1974, il avait été clair que l'élection d'un gouvernement du Parti québécois autorisait des gestes d'État souverain. On pouvait sortir de la Confédération de 1867, un traité entre colonies, de la même manière qu'on y était entré, soit par un vote majoritaire des députés. La démocratie du régime est ainsi faite. D'ailleurs, la procédure était peu contestable puisqu'elle était conforme aux traditions parlementaires britanniques. En pratique, mettre fin à la Confédération, cent ans après, était un peu plus compliqué. Il suffit de regarder le BREXIT. Mais clairement, le premier pas était franchi avec l'élection du Parti québécois. L'élection coïncidait avec une remise en cause des institutions.

La nature de base du Parti Québécois 
On a raison de dire que les programmes du PQ de 1969 à 1973 étaient très affirmatifs sur le plan de la souveraineté, mais on aurait tort de conclure que le parti était indépendantiste. Si le programme reflétait l'influence d'une base militante convaincue, il faut modérer cette donnée avec le projet de René Lévesque. Le chef ne cachait pas sa volonté de refaire le lien avec le Canada, mais sur de nouvelles bases. Sa position rendait inséparables la souveraineté et l'association. Dès 1967, René Lévesque n'avait-il pas suggéré que le Canada réformé prenne pour nom l'Unité canadienne ? Si Lévesque ne pouvait empêcher que l'on colle l'indépendance à la peau du PQ, cette affaire était le simple reflet de l'enthousiasme partisan. D'ailleurs, le vocabulaire des plus militants finira par s'imposer sans qu'il modifie en rien la conduite du parti. 

De l'autre coté, des adversaires excessifs criaient à la menace séparatiste sans plus de fondement. Il va sans dire que les deux cotés irritaient également René Lévesque. 

On ne refera pas l'histoire, mais sans le recul que provoqua l'étapisme, on peut tenir le pari que l'élection du PQ, si ce dernier tenait son bout, menait tout droit à un bras de fer constitutionnel, dont le dénouement ne pouvait se faire que par la voie de négociations. Dans ce cadre, la part de l'autonomie par rapport à celle de l'association ne serait apparue clairement qu'au terme de ces négociations. Au-delà des idéaux et des objectifs revendiqués, le résultat final ne pouvait que refléter le rapport de force entre les parties : leur puissance et leur détermination respectives... Mais, sans spéculer davantage sur les aboutissements, on ne le rappellera jamais assez, le coup d'envoi du processus commençait par une élection gagnante, sans autre condition. 

La réception fédérale de la souveraineté-association


Pierre Bourgault arrêté alors qu'il participe à une manifestation
contre Pierre-Elliot Trudeau. Saint-Jean-Baptiste, 1967
À Ottawa, cette volonté d'établir une certaine justice des nations au Canada, cette démarche légitime, fondée historiquement et élaborée dans le respect des institutions; cette volonté qui pouvait encore s'approfondir en se réclamant des promesses non tenues de 1865, « un pacte de paix », tout cela était décrié comme une entreprise menaçante, suspecte et dangereuse par une élite paranoïaque. Non seulement les défenseurs de l'ordre établi ne signalèrent aucune ouverture à la négociation, ce qu'aurait sans doute espéré René Lévesque, mais ils utilisèrent le pouvoir pour discréditer le projet par la démagogie et la propagation de la peur. Nous étions brusquement replongés dans la noirceur du deuxième Canada, celui d'une conquête violente, dont la volonté de domination ne s'était jamais éteinte. On en avait encore une preuve !

L'étapisme et la défaite de l'effectivité
Le PQ avait accru notablement son soutien populaire entre les élections de 1970 et de 1973. Mais le fait que le nombre d'élus n'avait pas suivi la courbe ascendante avait fait bien des mines déconfites. Certains opportunistes influents en prirent prétexte pour remettre en cause le programme d'action immédiate qui, selon eux, éloignait les indécis.i

Comme on le sait, Claude Morin, technocrate de l'État et père de l'étapisme, avait rejoint le Parti québécois en 1972. On a su qu'il était payé pour des rencontres secrètes et répétées avec les services de renseignements canadians. Devant cette faute grave, que d'aucuns pourraient qualifier de trahison, l'élite souverainiste restera encore aujourd'hui assez complaisante.(2)

Reste à clarifier comment Claude Morin se retrouvait immanquablement à des postes stratégiques.(3) Toujours est-il qu'un an après son adhésion au PQ, il avait créé de toute pièce un mouvement d'opinion qui semait le doute sur la validité démocratique du programme du parti. Ce mouvement ne correspondait au départ à aucune réclamation provenant des membres. Mais, pour lui, déjà en situation d'influence, les règles démocratiques en usage depuis la Confédération étaient insuffisantes. Pour rendre légitime l'application du programme d'un gouvernement élu il en fallait plus. 

Pour appâter les arrivistes, il proposait un correctif grâce auquel, assurait-il, un grand nombre de députés seraient élus. L'affaire était alléchante pour ceux qui trépignaient à la porte du parlement. Mais, comme il est connu que le diable demande toujours un tribut en échange de ses faveurs, s'il ne s'agissait pas dans le cas présent de renoncer à la souveraineté-association, il fallait consentir à ce qu'elle ne soit pas mise en œuvre dès l'élection. En pratique, le plan Morin suspendait le pouvoir d'initiative de l'État en matière constitutionnelle, en fait, il le sacrifiait, au moment où le parti se rapprochait du pouvoir.

L'étapisme, un plan diabolique
L'étapisme de Claude Morin était un plan diabolique. Il importe de saisir que ce qui était dans le collimateur était d'une importance considérable. C'était l'affirmation grandissante des prérogatives de l'État du Québec, pas dans le symbolisme d'une loi comme la loi 99, mais dans les faits. On visait à priver l'État du Québec de la marge qui pouvait lui permettre d'agir avec envergure dès le lendemain d'une victoire électorale. L'attaque était donc particulièrement bien ciblée sur le plan stratégique. En vérité, l'étapisme proposé réduisait le gouvernement élu à la demi-paralysie puisqu'il reléguait ses activités à des projets de province, en attendant un référendum qui déciderait de son sort. Faute de mieux, encore aujourd'hui, des partisans restés fidèles continuent de se pâmer devant le zonage agricole, l'assurance automobile et autres hochets législatifs. Ne voient-ils pas que c'était là le prix de consolation en échange du renoncement à l'essentiel ?

Dans l'intervalle, l'étapisme venait donc réduire les pouvoirs régaliens de l'État. Mais, était-ce seulement dans l'intervalle ? Si le gouvernement élu s'obligeait à un référendum pour étayer sa légitimité, c'est donc qu'il ne pouvait la retrouver qu'en le gagnant. S'il le perdait, il devenait le seul acteur canadien, sur onze gouvernements, à ne pas avoir les coudées franches en regard de toute initiative constitutionnelle. Or, par l'étrange addition d'une obligation démocratique qui allait au-delà des exigences de la constitution, la loi référendaire constituait une loi d'exception. Cette loi pénalisait le Québec en lui retirant la liberté d'action. 

Le référendum, une patente, une imprudence...
La stratégie référendaire présentait un flanc non protégé à l'ennemi. Au Canada, les élections provinciales sont protégées par une constitution renforcée par la tradition. En gros, elles sont l'affaire de la province. L'ingérence massive d'Ottawa dans une campagne électorale provinciale lui faisait courir le grave risque de la réprobation générale. En revanche, malgré les intentions louables d'une loi provinciale pour l'encadrer, le référendum restait une patente. Une expérience imprudente, une aventure vers l'inconnu qui sortait des pratiques établies. Comme Ottawa n'en était pas partie prenante, il ne se sentait pas tenu d'en respecter les règles. Par conséquent, le référendum mettait les souverainistes à la merci d'Ottawa. Il les plaçait sans défense devant ses interventions ouvertes ou dissimulées. En toute impunité, Ottawa obtenait donc de l'étapisme toute la latitude nécessaire pour conduire le projet à sa perte.

Le droit de la nation ne peut s'exercer que dans le cadre national
Le référendisme sonnait le glas d'une certaine liberté du Québec en matière constitutionnelle. Cependant, il n'était pas la seule carte de l'étapisme. On oublie facilement qu'il était aussi la mise au rancart d'un principe de droit international inscrit à la charte des Nations-unies. En faisant disparaître du programme toute trace du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, il abandonnait toute référence à une situation coloniale et à une lutte pour l'égalité nationale. Il est vrai que les droits ne sont jamais acquis. Ils ne valent que la détermination que l'on met à les faire valoir. Éliminer ce droit collectif faisait partie des concessions réclamées par l'étapisme. 

Dans les multiples analyses qui ont suivi le référendum de 1995, la gauche libérale-souverainiste n'a jamais osé inclure dans sa critique l'absurdité du double suffrage. Elle n'a pas osé attirer l'attention sur le fait que la combinaison des suffrages de la nation demanderesse - dominée - et de la nation opposante – dominante - transformait en parodie le droit de la première à disposer de son destin. 

Si on a bien voulu admettre du bout des lèvres que les Québécois francophones s'étaient dit oui, c'était en pure réthorique. On osera pas en tirer les conclusions les plus libératrices. La nation a bel et bien dit oui en 1995, mais elle n'a pas réclamé sa victoire. [ addition du 03-02-2019 13:30 Pour éviter que l'on sur-interprète mes propos, j'ajouterai que réclamer la victoire n'était pas l'obtenir. C'était faire persister le rapport de force dans des conditions nouvelles. Il fallait être stratège et non se dégonfler. Or, l'esprit compradore qui régnait au sein du camp du OUI ne permettait pas d'espérer qu'émerge un tel stratège. En fait, la scène joué par Jacques Parizeau le soir du référendum était écrite depuis le congrès de 1974, dont j'ai expliqué la nature plus haut.]  Il faut donc rappeler aux esprits mal éclairés que le droit de la nation à décider de son destin est un droit collectif et ce droit n'a de sens que s'il est exercé dans un cadre national. En toute logique, pour prendre un exemple, comment les anglos pourraient-ils prétendre au droit de vote dans un référendum sur l'autonomie des peuples autochtones ? Si ce droit peut à la rigueur être aménagé, tout manquement à respecter d'abord son exercice dans le cadre national en viole le principe même.

L'étapisme, l'acte le plus destructeur de la cause nationale
Pour imposer l'étapisme, sans doute l'acte le plus destructeur contre les Canadiens-français au XXè siècle, il fallait brouiller l'existence des nations et leur intérêt respectif. La nation dominante et la nation dominée devaient être confondues, de manière à ce que la première détienne la balance du pouvoir quant au sort de la seconde. Il fallait que le Québec aux Québécois disparaisse dans le sens de Canadien-français... en fait, reprenons, il fallait que le Canadien-français disparaisse.

Si on s'était déjà aventuré dans la fiction d'une nation québécoise synthétique et étatique, sans réalité sociologique; avec l'étapisme, on accélérait le caractère post-national du Québec par la réduction des distinctions nationales réelles. Du Québec aux Québécois, on passa au Québec de tous les Québécois. De l'État, levier putatif de libération, on passa à l'État arbitre du statu quo permanent des inégalités nationales. L'État devenait le garant de la poursuite d'une évolution qui suit des trajectoires opposées pour chacune des deux nations. Une vers le haut, l'autre vers le bas.

Bien incrusté dans l'imaginaire collectif, le processus référendaire forme maintenant une nouvelle couche de scellant sur la dépendance coloniale. Il s'est imposé en symbiose avec une nouvelle identité, dont la fierté se fonde sur le mépris du Canadien-français et du Canada-français. C'est là notre « package » de libération, notre héritage de la révolution libérale.  

Conclusion
Le référendisme a servi de stratagème pour brouiller les différences nationales et les intérêts politiques particuliers qu'ils engendrent. Le Québec, territoire provincial faussement uni-national, territoire sur lequel se concurrencent âprement deux nations principales, ce Québec a été sublimé par un Québec de « tous les Québécois ». Le mot clé c'est Québécois, le fourre-tout qui a permis l'embrouille. Il est maintenant possible de constater que ce Québec des sophistes de tout bords a été l'instrument de notre effacement. Il l'a été par la dilution d'un nationalisme conservateur et anti-libéral dans un néo-nationalisme libéral, multicuturel, d'influence anglo-saxonne et anti Canadien-français. Mais que ne ferait-on pas pour être un mini-Canada post-national ?

Notes

1. Gilbert Paquette (préface du livre de Jacques Panneton) ne fait malheureusement pas suffisamment ressortir que si la carte de rappel sortie du cerveau de Claude Morin, contredisait l'esprit dans lequel se déroulait la campagne électorale, la carte allait par conséquent à l'encontre des plans et objectifs déclarés du parti. René Lévesque pas mieux. D'où : La première apparition politique publique de l'étapisme prend le net aspect d'un coup de force de Claude Morin pour renverser le sens de la campagne électorale.
Le signe avant-coureur de ce qu’on appellera plus tard « l’étapisme » apparait pour la première fois lors de la préparation de la campagne de 1973. À titre de conseiller au programme du parti, je participe au comité de préparation de la campagne électorale. À l’instigation de Claude Morin, le député Guy Joron, responsable de la stratégie publicitaire, présente un modèle de carte de rappel qui se lit comme suit : « Aujourd’hui, je vote pour la seule équipe prête à former un vrai gouvernement. En 1975, par référendum, je déciderai de l’avenir du Québec. Une chose à la fois. »
L’intention est claire. Il s’agit, pour une première fois dans la jeune histoire du parti, de dissocier dans l’esprit de l’électeur un vote pour le parti d’un appui à la souveraineté, dans le but évident d’obtenir un plus grand nombre de votes et d’arriver plus rapidement à former le gouvernement du Québec.
Malgré l’opposition de quelques membres de l’exécutif national dont je suis, mais avec l’appui déterminant de René Lévesque, la carte de rappel est imprimée et distribuée dans les comtés. Certains, comme Jean Garon, refuseront de la distribuer, ce dernier précisant plus tard sa position : « Tu ne peux pas faire la campagne sur la souveraineté puis dans les derniers jours dire : C’est pas tout à fait ce qu’on avait dit ». Pour bien se replacer dans le contexte, c’était encore l’époque où le parti faisait campagne pour la souveraineté lors des élections. Dans toutes les élections qui suivront, celle de 1976 et les suivantes, on ferait plutôt une campagne axée sur des enjeux de province.
L’indépendance n’étant plus l’enjeu de l’élection, cette question, pourtant la raison d’être du parti, sera reporté à un éventuel référendum. On promettra même en 1981, de ne pas tenir de référendum au cours d’un prochain mandat. 
2. René Lévesque lui-même choisira de lui conserver son amitié plutôt que de lui retirer à vie sa carte de membre. Le PQ n'envisagera pas de le poursuivre... ni de demander des comptes aux autorités fédérales. On ne questionnera pas non plus la nature de son influence politique laissée au parti, ni son bilan à titre de principal négociateur constitutionnel de divers gouvernements du Québec pendant plus de vingt ans. Longtemps après que l'affaire de la taupe fut dévoilée, René Lévesque passera encore avec lui des vacances en famille. Au PQ, le sérieux et l'intégrité de la cause seront rarement incarnés par des modèles venus d'en haut. 
3. Je ne passerai pas en revue les péripéties de la double vie de Claude Morin, le lecteur pourra relire avec profit le chapitre 5 du livre de Pierre Dubuc qui lui est consacré. Pour comprendre son rôle clé dans la mise en place de l'étapisme, un chapitre du livre de Simon-Pierre Savard-Tremblay, Un souverainisme de province, lui est aussi en partie consacré.

4. On pourrait revoir les faits dans le détail mais, effectivement, aucune initiative de l'État en faveur de la souveraineté n'est plus jamais venue. Une scrupuleuse réticence à utiliser les moyens de l'État pour introduire quelque changement au statut politique du Québec s'ensuivit. Cette réticence a été observée chez tous les gouvernements du Parti québécois.

5. Coup de la Brinks. Acteur non invité mais dont on ne contesta jamais la présence sur le plan légal. Un Parizeau soumis dira après réflexion : « Les résulats étaient là », parlant de sa courte défaite. Landry dira « le fédéral s'est déshonoré » en parlant de son ingérence, mais on en restera là encore une fois. On ne contestera rien... Devant cette absence pugnacité, caractéristique des chefs de file du libéral-souverainisme, qui aurait voulu voir le désastre de négociations menées par ces gens ? On en aura une idée avec l'ineptie des négociations constitutionnelles entreprises par Lévesque-Morin en 1981. Mais c'est là une autre histoire. 

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