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lundi 28 décembre 2020

La Fédération des Canadiens-Français a un an et elle mord

L'objet de la lutte a changé

Surprenant, Robert Comeau écrit dans l'Action nationale que les Québécois combattaient les Iroquois en Nouvelle-France. Dans la présentation de sa biographie, Lionel Groulx est présenté comme « l'un des maîtres à penser du nationalisme

québécois ». Ces exemples d'un révisionnisme impudique en histoire, qui s'efforce d'asservir l'identité et les œuvres canadiennes-françaises à la gloriole de l'identité québécoise sont pernicieux. Si le procédé suggère une certaine continuité historique, on y trouve en réalité une rupture. L'objet de la lutte n'est plus le même. C'est ce que nous allons tenter de démontrer ici à ceux qui croient que « les Canadiens-Français sont devenus des Québécois », comme si la démolition en règle de l'identité canadienne-française pouvait être passée sur le compte d'une évolution naturelle !

À la fin de 1980, quelques mois après le fiasco référendaire, François-Albert Angers nous alertait de la confusion identitaire dans laquelle nous entraînait la ¨québécitude¨. "Le sens de la lutte a changé", écrivait-il avec une étonnante lucidité. Président de l'Action nationale depuis quelques décennies, ses propos n'auront hélas eu que peu d'écho, mais l'avenir lui donnera entièrement raison. 



Le peuple canadien-français n'est pas soluble dans l'identité québécoise  

Du coté des néonationalistes on a trop cru que l'instrumentalisation de la richesse intellectuelle des Canadiens-Français, qui émanait d'une fidélité nationale largement partagée et enracinée, pouvait servir de caution à une identité québécoise plurinationale, au sein de laquelle, faut-il le rappeler, les Canadiens-Français devaient être bientôt déshérités de leur statut de fondateurs par Québec. 

« Dans un sursaut de fierté anti-colonialiste mal dirigée, on a voulu mettre à l'index jusqu'au nom "Canadien", pour ne plus être que des "Québécois". Cela a correspondu d'ailleurs avec un processus général de répudiation des valeurs que véhiculait notre histoire nationale,.. pour procéder à la construction d'un nouveau nationalisme proprement québécois qui n'aurait rien de commun avec l'ancien, dont on voulait totalement se dissocier. » (François-Albert Angers, Bilan du référendum, ptie 2) 

Nos néonationalistes ont voulu se dissocier des Canadiens-Français tout en se servant de leur patrimoine comme un réservoir d'appropriation culturelle au service d'une autre cause. Pour briser le mythe de la continuité dans la lutte dite nationale, les Canadiens-Français devront se mobiliser pour faire éclater l'arnaque. Le peuple canadien-français n'a jamais été soluble dans une identité québécoise qui a plutôt tentée de l'éteindre. 

Il faut faire ressortir l'incohérence de la pensé dans laquelle les acteurs du souverainisme institutionnel nous entretiennent. Il y aurait lieu de barrer la route à ceux qui, tout en étant de la "québécitude", se réclament du même souffle les héritiers du Canada-Français et de la Nouvelle-France. S'ils puisent dans notre héritage pour s'approprier à la carte une richesse évocatrice que ne possède pas l'identité québécoise, ils n'en rejettent pas moins l'essence et la finalité. 

Comment cela a-t-il pu se produire ?  

Une dérive en trois actes

Dans l'espace de 15 ans, entre 1965 et 1980, le sens d'une lutte nationale de quatre siècles a été détourné et travesti. Le tout s'est déroulé en 3 actes. 

Le premier acte  se comprend aisément quant on considère les deux doctrines opposées de l'époque. La première était contenue dans le livre Égalité ou indépendance de Daniel Johnson, publié en 1965; la seconde, élaborée dans Option Québec, le manifeste de René Lévesque paru en janvier 1968. 

Daniel Johnson père proposait une formule ouverte d'égalité ou l'indépendance pour les Canadiens-Français. Quoi qu'on en pense, René Lévesque viendra parasiter cette approche prometteuse au lieu de l'enrichir. Tournant le dos aux ambitions de Johnson pour les Canadiens-Français, il proposera avec beaucoup d'élucubrations un pacte de souveraineté-association pour le Canada. Ce pacte excluait l'échec des futures négociations qu'il appelait de ses voeux et, par conséquent, la possibilité que l'indépendance survienne à la suite d'un échec.

Johnson ne dérogeait pas au devoir du peuple canadien-français de se perpétuer dans son être collectif et, à cette fin, de se doter d'un État national. En revanche, Lévesque voulait restructurer la "maison de fous" qu'était devenue le fédéralisme pour le rendre plus rationnel. Ses arguments les plus étayés portaient sur l'ordre économique et structurel du Canada. 

Si les propositions de Johnson partaient et allaient vers les Canadiens-Français, celles de Lévesque préconisaient une solution canadienne bi-nationale. C'est dès ce premier acte qu'apparaît la rupture irréductible entre deux visions : la vision canadienne-française, légitime, enraciné et historique; et la vision québécoise dénationalisée, libérale, progressiste et cosmopolite. 

La victoire facile de Lévesque sur Daniel Johnson, qui venait de mourir, marque le début de ce que sera le passage d'une cause nationale à une autre. 

Le deuxième acte va se jouer avec l'adoption de l'étapisme, en novembre 1974. C'était l'acte fondateur de la québécitude, car il lui manquait encore de s'imposer officiellement. Avec l'adoption de la démarche référendaire on fera disparaître le droit historique et légitime des Canadiens-Français à posséder le Québec. On se reconnaîtra désormais une obligation de le partager avec la puissante minorité anglophone, ce qui fera d'elle une force ascendante. En filigranne, elle venait d'être investie d'un droit de veto sur le destin national des Canadiens-Français. Le Parti québécois venait de diminuer délibérément, à l'occasion de son cinquième congrès le potentiel des pouvoirs et des prérogatives de la nation canadienne-française.

Le troisième acte prend forme avec la défaite référendaire prévisible de 1980, mais lancée quand même, le référendum était l'expérimentation de la dérive commencée avec Option Québec (premeir acte) et confirmée par l'étapisme (deuxième acte). Tout ce qui avait été mis en place se conjuguerait désormais sous la forme d'un repli ininterrompu des Canadiens-Français. Un nationalisme purement civique mènera le Parti québécois à imposer d'autres mesures contre les intérêts nationaux des Canadiens-Français. Un PQ très politiquement correct ne voulait surtout pas avoir à se défendre de quelque favoritisme envers les Canadiens-Français. 

* * *

À partir de 1980, tout était plié. Le reste n'a été que la poursuite de la chute. Ayant accepté de se dépouiller de toute représentation politique indépendante, les Canadiens-Français ne pourront tirer aucun bénéfice de s'être exprimés à hauteur de 61 % pour des changements constitutionnels en 1995. Ainsi, Jacques Parizeau avalera sans délai une défaite contestable, mais il ne revendiquera aucune forme de victoire. C'était le prix à payer pour avoir fait le deuil de son identité canadienne-française, remplacée par une communauté de destin inédite avec la communauté d'expression anglaise aux droits consacrés. De nouveaux  ¨compatriotes¨ nous étaient donnés, ils nous tiendraient captifs plus que jamais auparavant.


Et pour éliminer la possibilité qu'un sursaut canadien-français ne vienne qu'à se produire plus tard, le Parti québécois fermera la porte à double tour. Il rayera les Canadiens-Français pour éviter leur résurgence dans l'avenir. C'est ce qui se produisit avec l'adoption d'une loi fondamentale, la loi 99 (2000), qui définit largement un peuple québécois pluri-national, mais sans jamais faire état d'un peuple canadien-français, ne serait-ce qu'à titre de rappel historique. Retenons tout de même qu'en cinquante ans de néonationalisme piloté par le Parti québécois, nous sommes passés de l'ambition de faire du Québec un État national des Canadiens-Français à celui d'un État qui nie leur existence. Il n'y a donc pas de continuité mais, comme nous l'affirmions plus haut, une rupture.

Sous couvert de faire une place à « tous les Québécois », en pratique, c'est une place toujours plus grande qui sera faite à ceux qui, depuis la Conquête, nous privent de nos droits nationaux avec souvent beaucoup d'hostilité. Sous la québécitude, le discours public envers cette minorité, qui n'en a jamais été vraiment une, évoluera comme suit : on parlera d'abord d'avantages généreusement consentis, puis de droits acquis et finalement de droits consacrés. Quel contraste avec la place réservée aux Canadiens-Français qui ne fera que décliner.

Pour couronner l'imposture, on insistera pour nous présenter l'État du Québec comme notre État national, terme ambiguë derrière lequel l'État officie lui-même à l'imposture. 

La Fédération des Canadiens-Français va s'efforcer au cours de l'année 2021 de dévoiler l'incohérence des nôtres qui persistent à nous dire que les Canadiens-Français sont devenus des Québécois. Il n'en est rien.

Pour paraphraser Viktor Orbán, tout doit être dirigé pour entretenir et défendre la nation, un droit et un devoir tant il s'agit de la perpétuer dans son être. 

« C'est aussi un atout déterminant dans le monde contemporain. Elle permet de bâtir une démocratie souveraine, par opposition aux États faibles, dominés par des intérêts étrangers ». 

En 2021, la Fédération des Canadiens-Français entend redonner une voix politique aux Canadiens-Français, ce qu'elle a commencé à faire modestement en 2020. Elle entend aussi rétablir une vérité historique malmenée et remplacée par des mythes et des fantasmes décollés de la réalité, mais maintenus à flot au profit d'un souverainisme institutionnalisé et tout à fait inoffensif. 

*    *    *

Pour que la nation canadienne-française retrouve une existence politique indépendante, 

rejoignez la Fédération des Canadiens-Français.

______

Pour poursuivre la réflexion :

Annonce de fondation de la Fédération des Canadiens-Français, 31 décembre 2019

https://gilles-verrier.blogspot.com/2019/12/federation-des-canadiens-francais.html

François-Albert Angers avait tout compris dès 1980

https://gilles-verrier.blogspot.com/2019/01/francois-albert-angers-avait-tout.html

L'Identité québécoise ne peut mener qu'à une indépendance trudeauiste

https://gilles-verrier.blogspot.com/2020/03/lidentite-quebecoise-ne-peut-mener-qua.html


3 commentaires:

La fille rebelle de Durham a dit...

À mesure que le Nécrologue nous informe de la disparition des "héros" de la Révolution tranquille, les langues se délient sur les agendas secrets des uns ou des autres, souvent à notre grande surprise ou même notre grande incrédulité.
Le décès de Claude Castonguay a permis d'apprendre qu'il n'a jamais voulu un système public de Santé, tout comme les Corporations professionnelles des médecins spécialistes et généralistes. D'eux, on se doutait, mais lui? On avait la profonde conviction que la petite carte de la RAMQ que nous recevons le jour de notre naissance venait directement de son coeur.
On reparlera de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de plier les Corporations à cette voie. Elles se sont d'ailleurs bien occupé de lui tout au long de son parcours en politique passive, une fois la politique active derrière lui.

La disparition de ce pilier du Québec moderne et les révélations qui s'ensuivent devraient permettre à court terme de visiter l'autre monument de la Révolution tranquille, celui de l'Éducation et des Relations internationales, Paul Gérin-Lajoie.
Surprise assurée à la clé.

Le Ministère de l'Éducation n'a jamais desservi d'abord les intérêts et les besoins de l'Éducation mais ceux des firmes de construction et des corporations professionnelles afférentes. Les priorités budgétaires vont d'abord au bâtiment, hier comme aujourd’hui.

Les classes et les écoles disposent de moins de matériel éducatif et scolaire qu'elles n'en avaient aux temps antérieurs à la création du Ministère.
La contribution financière directe des parents est devenue la norme.
Où vont les taxes et les impôts versés au 2e poste budgétaire du gouvernement?
Les classes sont de plus en plus nombreuses et la charge des enseignants de plus en plus lourde, face à une clientèle de plus en plus dysfonctionnelle, sans ressources appropriées.

Les professeurs, enseignants et autres métiers connexes n'ont jamais obtenu le statut ni la reconnaissance que l'on doit à un corps professionnel chargé de former et préparer à la vie en société des millions d'êtres humains en devenir de citoyens.
D'ailleurs, on leur a refusé le statut de "professionnels", leur préférant le statut de "travailleurs de l'éducation", dès la création du Ministère.

La grande différence est dans le niveau de responsabilité:
Le professionnel est personnellement responsable de ses actes professionnels. Le travailleur a plutôt une responsabilité collective à travers les règles syndicales.
Maintenant que le système d'Éducation est dans la moise et les budgets déjà dédiés au bâtiment, par habitude ou par tradition, on voudrait leur imposer le statut de "professionnels", avec tout ce que ça comporte de rétrocession de responsabilités.

Le troisième pilier, celui de l'identité, celui de l'unité de la nation, celui de la mutation du Canadien français en creuset de sa dissolution, c'est celui qui fera le plus mal, le jour où les cartes tomberont.

Il serait bien que ceux-là qui sont informés partagent ce qu'ils savent, quitte à se faire insulter, mépriser pour un temps, traiter de menteurs, de sales tueurs de rêve, ou pire, avant que ne nous vienne d'ailleurs, la vérité toute nue dont ils n'ont pas cru leurs yeux lorsqu'ils en ont eu l’évidence.
(À suivre)

La fille rebelle de Durham a dit...

(Suite)
L'Ouest a fouillé notre passé pour mieux comprendre son présent. Ils ont découvert qu'ils n'étaient pas différents de nous, face à un gouvernement fédéral centralisateur, irrespectueux des compétences provinciales partout dans la Fédération.
Ils ont compris qu'ils n'étaient nullement protégés des mêmes infamies par le partage d'une langue autre que la nôtre.

Ils ont demandé pourquoi nous n’avions pas détalé, en 1976, informés de nos droits à l’indépendance, par un de leurs députés.

La réponse a semé la stupeur et la gêne.

J’assistais à la conférence et j’étais connue pour ma position nationaliste et patriote.
Quelqu’un a demandé: "Vous avez les preuves?"

La réponse fut: "Malheureusement, OUI."

Je n’ai pas demandé à les voir, étourdie et aveuglée par les sueurs froides. Aujourd’hui, deux ans plus tard, je serais prête.

Lorsque Jean-François Lisée demande, au soir de sa défaite:
"Qui veut la mort du Parti Québécois?"
Il n’ose pas répondre: "MOI", en parlant de lui-même.

Avec tout ce qu’il a fait depuis 45 ans dans le paysage politique du Québec, s’il n’est pas le seul, il est du moins un des seuls à pouvoir livrer la réponse à la question entourant le mystère du 3e pilier.

Personne ne dispose d’autant d’informations qu’il en a colligées dans ses banques d’investigation sur les uns et les autres, ne serait-ce que pour se protéger lors de la publication de ses livres.
Il est le seul à pouvoir expliquer pourquoi le Parti Québécois est un mythe; pourquoi la Révolution tranquille telle que nous la concevons est un mythe; pourquoi le Parti Québécois est le mythe de la Révolution tranquille.

Et maintenant, comment rassembler et revitaliser la nation canadienne-française, après la mort du mythe?

Je ne suis pas favorable à la dissolution du PQ. J’ai toujours été d’avis que, en politique, il est plus facile de reconnaître ses erreurs et de redresser une infrastructure existante que d’en créer une autre "ab nihilo".

Encore, faut-il reconnaître ses erreurs, bien sûr à condition de les connaître.

Unknown a dit...

Superbe texte et très bonne analyse. Je vous invite à associer notre drapeau CH à votre Fédération ; c'est un drapeau canadien Français. Fraternellement, le Gaulois.