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lundi 8 novembre 2021

Les quarante ans de la nuit des longs couteaux. Bof !

Après les cent ans sans se plaindre de Robert Charlebois, voici les quarante ans à se

plaindre de la nuit des longs couteaux. Mais y a-t-il vraiment matière à perpétuellement s'indigner des événements d'une seule nuit ? Sans s'attarder sur la valeur limitée des négociations constitutionnelles entamées, cette courte synthèse se propose de rappeler la précipitation et l'amateurisme des représentants du Québec, qui ne pouvait que perdre. Il ne manquait que les circonstances. Le parti pris retenu ici s'intéresse davantage aux intérêts fondamentaux du peuple canadien-français qu'au redressement de l'image d'un René Lévesque humilié par Trudeau et ses camarades du "front commun" des provinces. 

Intro m-à-j le 08-11-21,19:21


Pierre Elliott Trudeau et René Lévesque 

Les 4 et 5 novembre 1981 nous rappellent que l'indépendance du Québec n'a jamais été une affaire sérieuse. 

René Lévesque avait pris pour lieutenant un officier douteux. Contrairement au fameux "Chuck" Guitté, il ne se croyait pas en guerre ! Lévesque était un inconditionnel de la souveraineté-association sans casser des oeufs, dérivée de ses positions nationales mal définies. Mais il laissait courir le bruit, parfois à son corps défendant, que cela pourrait signifier l'indépendance. Il profitait ainsi de l'appui des orphelins du RIN, du RN et même des émules de l'Alliance laurentienne, tous plus motivés que lui. Mais tombés sous le charme du chef péquiste, ils ne voyaient à travers ses discours que le feu de la solidarité.


Maurice Séguin, historien de la
question nationale 

Il profitait en quelque sorte des grands labours de Lionel Groulx et de Maurice Séguin, tout en cherchant à s'en distancier. 


Extrait de la biographie de Lévesque par Martine Tremblay,
très impliquée elle-même, qui balance mais garde ses réserves...

Martine Tremblay, biographe de Lévesque, avait vu juste. 

Dans son livre Derrière les portes closes, la trame des événements nous fait comprendre que la nuit de longs couteaux était une mise en scène de dernière minute, acte final d’une totale improvisation qui remontait aux lendemains des élections provinciales d'avril 1981. Cette nuit-là servait de dénouement prévisible à une impasse dans laquelle s'étaient placés les négociateurs du Québec avec une totale inconscience. Les événements de la nuit du 4 au 5 novembre arrivaient à point nommé pour détourner le jugement de l'histoire sur un ratage monumental. L'instrumentation de la nuit des longs couteaux, un nom bien choisi pour effrayer, avait pour fonction de racheter auprès des masses nationalistes la performance désastreuse du gouvernement de René Lévesque aux négociations de 1981. 


Option Québec 1968 - Jamais le Canada ne pourra refuser
notre offre. 1981 : Jamais le Québec ne capitulera

Rarement. Une fois dans le siècle, peu ou prou, se tiennent des négociations de cette importance. Comme de fait, elles arrivaient plus de cent ans après le pacte confédératif de 1867. Mais de l'inventaire considérable des profits et pertes qui avait été réalisé par nos penseurs, rien du bilan confédéral, rien de substantiel ne sortit des séances de 1981. C'était donc un acte manqué. Ces négociations furent entièrement gaspillées, intégralement soumises à l'agenda fédéraliste. Pourquoi ? Nos représentants avaient pour seul but de sauvegarder l'intégrité du Canada dans un projet utopiste de souveraineté-association. Car c'était là leur énoncé maximal, un énoncé au-delà duquel ils n'étaient pas disposés à franchir le moindre pas. C'est écrit en toutes lettres dans Option Québec, le best-seller de René Lévesque publié en 1968, qui prédisait, en effet, que le Canada ne pourrait résister à une offre d'égalité du Québec. Mais, pour Trudeau, les Québécois se montraient, selon lui, comme un peuple de "dégueulasses maîtres chanteurs". Textuellement. Ce qui aurait dû faire allumer Lévesque. Mais allez relire le libellé de la question référendaire de 1980 pour vous rassurer, Lévesque n'avait toujours rien compris. 

Pour Lévesque, on était incapables de faire notre indépendance, mais on était prêts à se soumettre à un meilleur statut au sein d'un Canada et pas plus. Et pourquoi pas ? Si c’était légitime et en accord avec un esprit de modération bien répandu, en revanche, les limites de l’ambition avaient été bien comprises par Pierre Elliott Trudeau. En novembre 1981, Trudeau mettra au défi René Lévesque d'aller jusqu'au bout dans sa volonté de réformer le Canada. Lévesque s'écrasera. Dans les négociations constitutionnelles, il devait y avoir un gagnant et un perdant. Le maître chanteur, qui manquait de substance, en perdit son panache. La nuit des longs couteaux servit d'alibi à l'abdication : de la poudre jetée aux yeux des partisans pour que Lévesque récupère sa superbe. Au lendemain du 5 novembre il souffla d'ailleurs le chaud pendant quelque temps...avec quelques discours enflammés, mais laissés sans suite, comme d'habitude. 

Quant à l’existence d’un renouvellement du fédéralisme qui tient compte des nations, René Lévesque ne put jamais l'imposer. Quant à l'indépendance, il l'esquissera pudiquement, toujours pudiquement, laissant les plus dévoués de ses partisans patauger dans la purée. Et nous y sommes toujours, Jacques Parizeau prenant la relève d’une doctrine qu’il aura à peine retouchée. Et puis...


Ni indépendance, ni fédéralisme renouvelé, ni fédéralisme trudeauiste (rejeté d’emblée); que nous reste-t-il ? Apparemment, pour en finir avec nous, il faudrait maintenant qu'on s'en tienne à une québécitude intégralement inclusive. À part le statut très politiquement correct qu’autorise cet inclusivisme, une telle approche, bien que drapée de toutes les apparences de la vertu, ne nous donne aucun gain en ces temps d’immigration massive et d’anglicisation galopante. À l'opposé, un nationalisme canadien-français assumé réintroduirait cette part d'exclusivité sans laquelle aucun nationalisme ne peut exister. Être Canadien-Français c'est dire oui au droit de la nation fondatrice à se perpétuer dans son être, c’est aussi, par conséquent, un non au mondialisme. Cette approche d'un nationalisme aux assises conservatrices n'aurait jamais dû nous quitter. 

Aujourd'hui, personne dans la mouvance de l'autonomie nationale n'a de solution. Personne ne semble comprendre que, bien avant d'espérer rayonner il faut d'abord exister. Les Canadiens-Français ne peuvent avoir de destin national s'ils ne réclament pas et n'obtiennent pas d'abord de Québec leur reconnaissance statutaire. Celle-ci est devenue indispensable compte tenu de la pluralité diversitaire que constitue l'identité québécoise. Le reste nous enfonce dans l'impuissance politique avec la folklorisation pour seule perspective.

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M-à-j. le 8 nov. 2021 à 8:18

6 commentaires:

Pierre Pastedechouan a dit...

«Personne ne semble comprendre que, bien avant d'espérer rayonner il faut d'abord exister. Les Canadiens-Français ne peuvent avoir de destin national s'ils ne réclament pas et n'obtiennent pas d'abord de Québec leur reconnaissance statutaire.»

Mais Gilles, ce n'est pas une déclaration officielle qui nous fera exister davantage. L'existence précède la déclaration et à la limite n'a même pas besoin de document légal. La grande question : existons-nous encore ?

Gilles Verrier a dit...

Par où commencer ? À mon sens, exiger notre reconnaissance par Québec serait une manifestation de vitalité, cela ne passerait pas sans une mobilisation et une nouvelle prise de conscience. Mais si rien ne se passe sur ce front, ça montrerait une courbe plate sur l'électrocardiogramme : la réponse à ta question.

Jean-Claude Dupuis a dit...

Ne faudrait-il pas commencer par définir ce qu'est un Canadien-Français, et voir en quoi il se distingue du Québécois francophone?

Gilles Verrier a dit...

Merci de votre question M. Dupuis. Moi je maintiens que le Canadien-Français c'est le Canadien de souche, fondateur du Canada. Devenu Canadien-Français pour se distinguer, quand les Anglais ont pris graduellement le nom de Canadians. Selon moi, il faut se mobiliser pour exiger la reconnaissance statutaire des Canadiens-Français par Québec, nation non reconnue au sein de ce qui devient un melting pot. Sinon, avec le "Québécois francophone", qui peut-être un immigrant fraîchement débarqué et obligé d'apprendre le français, mais qui reste toujours prêt à passer à l'anglais demain matin, on est morts. Le Canadien-Français c'est une identité complète, enracinée, culturelle, historique et catholique qui a besoin d'amour. Sans cette identité, la défense du français est frappée d'un handicap : une régression trudeauiste par laquelle le Canada a été défini sur la base de deux langues de communication dénationalisées.

Guy Huard a dit...

Obtenir la reconnaissance de l'ethnie canadienne-française du Québec par l'Assemblée nationale est un combat nécessaire qui rencontrera d'abord l'incrédulité tant des attentistes du Grand Soir que des "confortés et indifférents" car il seront confrontés à une réalité incontournable, notre fragilité démographique, déjà avérée dans la région de Montréal. Par contre, ce cap franchi, le gouvernement canadien, de par sa Loi même, devra prendre compte d'une nouvelle situation et accorder protection à sa minorité ethnique canadienne-française entière, même dans sa province de Québec. Les conséquences de sa politique immigrationiste seront tirées. Ce sera en quelque sorte utiliser ses propres armes en ce qui nous concerne contre son dessein de nous faire disparaître. Il a été plus habile lorsque l'indépendance était numériquement possible, voyons s'il le sera toujours une fois les règles du jeu changées. Qu'avons-nous a y perdre, sinon de délétères illusions?

Gilles Verrier a dit...

Guy Huard : commentaire très lucide. Maintenant que l'indépendance n'est plus possible, la solidarité trans-Québec, c'est-à-dire les concessions des Canadiens-Français pour gagner les autres québécois à la cause d'un État souverain a perdu son intérêt. De même, je range dans ce cadre un néo-fédéralisme qui cheche à nous solidariser avec les velléités d'indépendance de l'Ouest, là où des provinces ont des intérêts économiques, mais pas de préoccupations existentielles. Le fédéralisme serait de croire que nous avons un intérêt commun avec elles... mais ces dernières nous laisseront tomber dès que leur contentieux avec Ottawa trouvera une solution. Au mieux, elles soutiendraient peut-être une séparation du Québec dans la poursuite des privilèges et droits consacrés des anglophones, un supplément de moyens au Québec pour continuer de mousser davantage l'anglicisation. Il faut se garder de faire passer une fidélité à l'état du Québec avant les intérêts de la patrie. Au final, les provinces de l'Ouest mettront la solidarité anglo-saxonne avant un appui au Québec et, plus précisément, avant tout appui aux Canadiens-Français. Pour avoir cru à ces chimères fédéralistes, un régime qui par nature évolue entre tensions internes et apaisements, Lévesque s'est retrouvé le bec à l'eau en 1981. C'est exactement ça que mon texte met en évidence. La leçon à tirer c'est que la seule cause à défendre est celle du statut des Canadiens-Français, la cause la plus délaissée depuis la révolution tranquille.