La patrie avant le pays
Les Canadiens-Français avant le Québec
La reconnaissance statutaire de notre peuple avant le souverainisme
Nos droits nationaux avant l’inter (multi) — culturalisme
Rétablissons une vérité. La majorité de francophones au Québec est une fausse majorité, c’est une illusion d’optique qui cache la vraie minorité que sont les francophones au sein du Canada. Cette minorité, qu’elle soit du Québec ou qu’elle se situe ailleurs au Canada n’a pas le droit de se prononcer sur son avenir de manière indépendante. L’impossibilité de s’exprimer en son propre nom, l’impossibilité pour elle d’avoir une voix au sein même du multiculturalisme canadien, n’est-ce pas là une funeste ironie. Le multiculturalisme du Canada se fonde sur la négation de l’existence même des Canadiens (et Acadiens), peuple historique et fondateur du Canada.
Notre négation nationale est d’abord enracinée dans le régime fédéral, certes, mais elle ne s’était jamais imposée aussi nettement avant Pierre Elliot Trudeau. Dès son arrivée au pouvoir, Trudeau s’empresse à redéfinir le Canada comme un pays d’anglophones et de francophones épurés de leur communauté nationale d’appartenance. Si les anglophones qui dominent le jeu sociopolitique depuis la Conquête n’en souffrent pas, le changement sera dramatique pour le peuple canadien-français dont l’existence est fragile.
Cependant, sous le leadership de Daniel Johnson père, et, concurremment, à l’initiative des sociétés Saint-Jean-Baptiste et de la société civile, les Canadiens-Français avaient fait montre d’un sursaut de vitalité. Cette volonté de vivre s’était manifestée sur le plan constitutionnel : l’existence des Canadiens-Français et Acadiens est alors clairement revendiquée et trouve son écho jusqu’au sommet de l’État canadien. Ensuite, l’événement d’envergure que sont les États généraux du Canada français manifeste concrètement la volonté d’un peuple de se projeter dans l’avenir.
Dès lors, deux camps s’affrontent. Celui de Trudeau, l’antinational, et l’autre, formé de la mouvance canadienne-française et acadienne. L’opposition entre les deux est frontale et irréconciliable. Un nouveau venu dans ce contexte délicat où se décide l’avenir du Canada semble être ni d’un camp ni de l’autre, mais quelque part entre les deux. C’est le joker qui pouvait faire pencher la balance en faveur d’un camp ou de l’autre. En pratique, René Lévesque détourne la lutte des Canadiens-Français au profit du camp Trudeau. Cette perspective est facilement démontrable quand on examine l’approche référendaire, la pièce maîtresse qui va isoler le Québec derrière le rideau bleu de la québécitude. Un « destin commun » qui n’avait jamais existé entre les deux communautés va prendre le Québec pour fondement exclusif et radicalement changer la perspective d’un peuple : les Québécois voient le jour. Un nouveau peuple est né ! Formé sur le modèle trudeauiste, il est composé d’anglophones et de francophones. Encore ici épurés officiellement de toute appartenance nationale enracinée.
La genèse de la voie référendaire parle d’elle-même. L’affaire est d’abord sérieusement discutée à Ottawa dès 1969. Claude Morin s’en fait le promoteur dès son adhésion au PQ en 1972. Il peut compter sur René Lévesque, Guy Joron et d’autres pour vaincre l’opposition à cette formule qui va noyer définitivement notre cause nationale. Le débat se prolonge sur deux ans, mais le projet est finalement adopté en 1974 lors d’un congrès tumultueux, 30 % d’opposants tenaces votent contre. Et pour cause. Le référendum verrouille l’impossibilité pour notre peuple de parler en son propre nom. De fait, il met fin à l’existence des Canadiens-Français sur le plan politique, ce qui réalise au Québec le vœu le plus cher de Pierre Elliot Trudeau qui, lui, mettait en place le même programme pour l’ensemble du Canada.
L’analyse esquissée plus haut met en évidence la grande difficulté qu’il y a à redonner une voix aux Canadiens-Français au sein du Canada. Il faut retenir que, consciemment ou pas, les fédéralistes et les souverainistes, agissant chacun à leur niveau, se sont donné la main pour faire disparaître un peuple.
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Texte reproduit du no 34 du Bulletin de liaison de la Fédération des Canadiens-Français, 22 juin 2025