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lundi 18 janvier 2016

Sur l'indépendantisme endogène que suscita la Révolution tranquille

La Révolution tranquille aura réussi cet inattendu séparatisme. La rupture du fil de « la nation de l’âme » qu’était notre patrie néo française d’Amérique, la patrie des Canadiens. 

Il a semblé que pour que naisse la volonté d’un pays territorial inclusif, les ambitions de la post-survivance devaient prendre les formes d’une brutale « indépendance » vis-à-vis des nôtres pour mieux s'attacher aux Autres. Il le fallait, si on se reporte au contexte, pour mieux se vouer à l’exclusif et séduisant calcul du décompte démocratique. S’il fallait, hélas, à l’aube des années 1960, comme plusieurs le plaidèrent, délaisser la patrie du cœur, la patrie mystique aux dimensions d’un continent, peuplée de « dead ducks » (René Lévesque) et de « cadavres encore chauds » (Yves Beauchemin), c'était pour que l’adhésion envers le pays moderne se solidifie. 
Les dommages sont considérables. Le fédéralisme canadien a continué de segmenter les survivances de la Nouvelle-France. La Nouvelle-France et ses Canadiens, seule façon de nous nommer qui plonge dans nos racines. Seule façon de rester fidèles à ce que nous sommes au-delà de nos différences. Seule façon de se nommer avec assez de transcendance pour refaire un tant soit peu l'unité qui n’aurait jamais dû se briser.
La segmentation de la patrie historique, celle de nos origines et des pères prend aujourd’hui des formes grotesques : fransaskois, franco-manitobains ou franco-ontariens. Comme si le fait francophone primitif en Ontario, au Manitoba ou en Saskatchewan était postérieur à la création de ces provinces. Comme s’il était postérieur à ces créatures tardives (les provinces de l’Ouest) du régime colonial britannique et de ses prolongements. Non, le fait néo-français et franco métis, violemment réprimés, comme le fut le fait acadien, ces faits de civilisation américaine avant l’Anglais, ces faits de civilisation honorables qui précèdent l’Anglais ne doivent jamais être oubliés ou faire l’objet de révisionnisme historique. Même si l’histoire officielle du Canada s’efforce à tout prix de le faire.
Le séparatisme indépendantiste dirigé contre nous-mêmes, notre funeste séparatisme endogène, qui a pour objet d’exclure notre minorité (au singulier) hors Québec. Qui n’est pas vraiment « hors Québec » puisqu'elle fait partie du même destin néo-français canadien – c'est la diaspora d'une même chaire. Le Canada nous a segmenté dans des entités provinciales grâce à sa puissance militaire contre Louis Riel, et grâce à un système de subventions basé sur une utilisation perverse, anglo tropique, des concepts du fédéralisme. La puissance du fait français, dans sa dimension catholique, francophone, et fidèle à elle-même – une épopée à nulle autre pareille dans l’histoire des colonisations - menaçait bien davantage le Canada multiculturel en revendiquant son statut de fondateur primitif qu’en se redéfinissant sur les contours de la cartographie politique du deuxième Canada, le Canada anglais.
Se soumettant au récit du vainqueur, nous voyant dans son œil, nous avons renoncé à beaucoup. C’est ce qu’avait pourtant voulu prévenir Lionel Groulx. Il voulait la modernité sans détruire le passé. Il est de ceux qui rappelaient la continentalité américaine de notre épopée sans l’opposer à tous les possibles pour le Québec. Pour la suite de notre rapetissement, la québécitude a éliminé des pages entières de notre mémoire. Avec pour résultat que nous ne savons plus nous nommer, comme les Fransaskois et le Ontarois.  

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