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jeudi 28 mars 2019

Mascarade vestimentaire et accessoires promotionnels : une affaire civile et non religieuse !

Faut-il recourir à une loi parce que la volonté d'agir sur le terrain fait défaut ?

En tentant de définir ce qui est un symbole religieux et ce qui ne l'est pas, le gouvernement Legault sort de son rôle. L'État devrait se rappeler qu'à l'intérieur même des cultes le port de signes et de


[Note : Ce texte a été écrit quelques heures avant le dépôt du projet de loi 21 
du gouvernement de la CAQ, ce qui n'enlève rien 
à l'essentiel du propos et à sa pertinence - 23:59 - 28-03-2019]

certains vêtements ne fait pas consensus ? Que l'État s'invite dans la mêlée, qu'il se prononce sur les pratiques et les objets qui définissent un culte, enfreint le principe de la séparation des pouvoirs religieux et politiques, que chacun prétend défendre par ailleurs. Le bon sens voudrait que l'État se tienne à l'écart, car il n'a pas la compétence pour déterminer ce qui appartient aux cultes religieux. 




Mais l'État n'est pas dépourvu de moyens pour autant. Suivant la même logique, il apparaît indiqué que l'approche de l'État pour régler la question de la mascarade vestimentaire des uns et des autres, qui ne se limite d'ailleurs pas qu'au religieux, soit une approche strictement civiliste et non religieuse. Autrement dit, l'État doit s'attaquer au problème depuis les compétences et les prérogatives qui sont les siennes. 

À cette première intention étatique de quitter la neutralité religieuse s'en ajoute une deuxième : la référence persistante à la "laïcité" qui s'est imposée dans le discours public. Comme si la laïcité était la vertu incarnée ? Ce qui ne peut manquer d'apparaître à plusieurs comme un peu suspect. Il est loin d'être clair en effet que la laïcité n'est pas elle-même un culte quand elle prend ses formes les plus militantes. Un culte discret, lui-même dissimulé sous un voile : le culte cher à la franc-maçonnerie, ennemie jurée du catholicisme et cheville ouvrière de la révolution française. Et aujourd'hui, vraisemblablement à la pointe pour mettre le crucifix de l'Assemblée nationale dans un musée. Or, on ne fera pas un avenir meilleur par l'épuration du passé. D'ailleurs, on ne pourrait jamais construire assez de musées pour y enfermer notre passé. Aussi, les marques laissées à l'assemblée nationale, qui sont catholiques, anglicans, monarchiques, etc. seront toujours un fil du passé qui se tend vers l'avenir. Ce ne sont pas ces symboles publics qui peuvent corrompre les décisions des élus d'aujourd'hui. Faire table rase du passé n'est pas une condition de la neutralité - toujours relative - de l'État.

La sagesse voudrait donc que la réserve de l'État au regard des éléments qui appartiennent à la pratique des cultes soit rigoureusement maintenue. L'État doit intervenir autrement. Se rappeler que son rôle consiste à faire respecter la paix sociale et l'ordre public. Cette mission s'accomplit par l'intermédiaire de fonctionnaires mandatés jusqu'au niveau local pour représenter l'autorité publique. Or, ces derniers ne peuvent représenter équitablement le pouvoir public, réputé égal pour tous, sans projeter une image de cohérence sociale minimale. Il va sans dire que cette image devrait être la même sur l'ensemble de la juridiction. Eu égard à l'équité et à l'uniformité formée par l'habitus culturel que requiert l'exercice du pouvoir public bien compris, toute réclame en faveur de causes sportives, philanthropiques, humanitaires, musicales, ethniques ou religieuses particulières, qui transitent par des moyens vestimentaires ou symboliques, s'oppose au devoir de réserve des fonctionnaires et agents de l'État désignés en devoir ou en autorité. Or, le pouvoir public a déjà laissé trop libre cours à la promotion d'images à la carte, délibérément individualisées; des pratiques qui diffusent son autorité et son universalité. C'est dans l'esprit de recouvrer ses prérogatives légitimes, mises à mal en périphérie, que l'État devrait agir. Et on peut penser qu'il pourrait le faire pour une bonne part sans nouvelle loi. Comment ? Simplement par une application moins libérale d'une réglementation existante (renforcée au besoin), depuis le niveau ministériel jusqu'aux échelons inférieurs. Essentiellement, par un changement de cap qui mettrait fin au laxisme du régime libéral précédent.

Ainsi donc, malheureusement, tout en ayant l'air de ne pas y toucher, l'État du Québec, par ses tentations à définir les cultes et celle de céder à l'influence maçonnique, se révèle moins neutre qu'il n'y paraît. Cela en fait l'instrument d'une enfilade prévisible de controverses additionnelles, possiblement évitables au départ. Car, dans les deux cas, le crucifix et la définition des cultes, l'intervention des législateurs ne s'avère aucunement nécessaire...

Cela se discute mais, en ce qui me concerne, le recours à une loi m'apparaît prématuré. Du moins tant que tous les moyens de l'arsenal gouvernemental ne seront pas mis énergiquement en oeuvre. Bien des cas de figure nous montrent qu'il est justifié de pencher pour la pugnacité de l'exécutif d'abord, ceci de préférence à l'adoption d'une loi, dont l'application risque fort d'être laissée sans moyens suffisants ou paralysée par la controverse. On n'a qu'à penser à la loi 101. L'État du Québec, qui se révèle toujours moins «national» qu'on le pense, paralyse son application depuis toujours en ne lui accordant que de maigres moyens. Ce qui se prépare avec la loi Legault sera-t-il du même ordre ? À tout considérer, la clause dérogatoire pour rétablir la loi 101 et des moyens conséquents pour soutenir son application feraient bien plus pour « un peuple désireux de perpétuer [son] patrimoine immatériel, de conserver sa sociabilité propre et de rester souverain sur les conditions de sa propre reproduction sociale.» (A. de Benoist).




Mais pour revenir à la priorité du présent gouvernement, peu importe le scénario, c'est la question du passage des intentions à leur réalisation qui reste problématique. Comment voulez-vous que l'État se présente avec une cohésion minimale dans ses rapports avec les citoyens quand l'atmosphère de l'Assemblée nationale nous fait trébucher dès le départ sur un code vestimentaire ? Dans ce cadre ultra libéral, où le chacun pour soi d'une Catherine Dorion parvient à diriger sur sa personne l'attention des parlementaires et du public, la rigueur semble céder facilement au spectacle. On est donc porté à se demander si les législateurs ne cherchent pas bien maladroitement à imposer par la force de la loi ce qu'ils n'ont pas la volonté de réussir par un attachement moins flamboyant au bien commun, mais qui se traduirait par des pratiques administratives rigoureuses et plus contraignantes. En temps normal, un État qui se défend devrait être capable d'imposer son visage dans les formes raisonnables qu'il juge à propos sur tout le territoire. Être obligé de passer par le supplice d'une loi pour le faire a quelque chose d'un peu humiliant. 

Réflexion faite, malgré bien des discours contraires, l'État peut affirmer sa place en écartant largement la question religieuse. Cette approche devrait plaire aux républicains. Quant à la question religieuse comme telle, elle devient épineuse dans le cadre d'une société libérale en déliquescence, comme symptôme d'une société graduellement soumise au mondialisme depuis la révolution tranquille et désormais mise à risque d'un éclatement qui part dans tous les sens. L'effritement national est le produit du mondialisme libéral.


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