Six ans après sa fondation, le Parti québécois (PQ) faisait volte face. Le samedi 16 novembre 1974, le cinquième congrès du PQ adoptait une résolution prévoyant la tenue d'un référendum sur la
souveraineté advenant son élection. Le Bonnet des patriotes annonce un forum public qui coïncidera avec les 45 ans de cette décision, convaincu qu'il est temps de se rallier massivement contre ce revirement essentiellement négatif, pour pouvoir en dépasser un jour les limites et les pièges.
Le référendum, qu'on souhaitait appliquer pour résoudre la question nationale introduisait une démocratie d'exception. Il mettait en place une démocratie expérimentale qui, contrairement à l'élection, n'avait pas de tradition chez nous. Y recourir pour décider d'un sujet délicat exposait la formule à tous les aléas et aux abus. Ce qui ne manqua pas d'arriver, deux fois plutôt qu'une. De plus, l'étapisme-référendaire avait pour effet de réduire l'initiative souveraine d'un gouvernement élu, avant le référendum d'abord, et après le référendum si la consultation ne lui était pas favorable. Pour la première fois au Québec, le référendum recentrait la question nationale au sein même de la province, faisant de celle-ci une pomme de discorde intérieure. Au lieu de continuer sur la lancée commencée dans les années 1950, qui mettait un pression nouvelle sur Ottawa, et d'accentuer cette pression par la défense d'un réquisitoire constitutionnel implacable; un gouvernement souverainiste négligerait désormais ses responsabilités à cet égard pour se consacrer dorénavant à obtenir le feu vert de la population pour s'asseoir avec Ottawa. De la lutte nationale réelle, on passa à la binarité du zéro ou un.
Adopté en novembre 1974, il convient de rappeler que l'entrée en scène de l'étapisme s'était faite un peu plus d'un an auparavant, à la veille des élections du 29 octobre 1973. Une publicité électorale, dont le message étapiste contredisait le programme officiel, apparaissait soudainement quelques jours avant le vote, grâce à des appuis haut placé au sein même du parti. La manoeuvre prévoyait la distribution d'une carte de rappel factieuse à tous les électeurs. L'opposition de certains candidats qui veillaient au grain, dont Jean Garon, l'empêcha. Cet « épisode de la carte de rappel », qui s'accompagnait d'autres publicités, visait à changer la ligne du parti en plaçant tout le monde devant un fait accompli.
L'agent officiel du PQ faisait paraître une page entière de
publicité qui ré-écrivait le programme du parti deux jours
avant le vote. Le Devoir, 27 octobre 1973, p.7
publicité qui ré-écrivait le programme du parti deux jours
avant le vote. Le Devoir, 27 octobre 1973, p.7
À la différence de certains biographes et auteurs qui relient trop mollement les faits, il y a lieu de les rapprocher pour mettre en relief une incohérence révélatrice et troublante. Vendu comme un indispensable surplus de démocratie, l'étapisme s'imposera donc initialement sur la scène politique par une sorte de coup de force, un geste unilatéral dépourvu de la délicatesse démocratique dont ses partisans se réclamaient pourtant à cor et à cri. L'étapisme apparaît-il finalement plus noble ou juste plus suspect ?
À la veille du congrès de novembre 74, l'idée pilotée par Claude Morin était toujours controversée. Elle était applaudie par la presse, « le souverainisme passait de la foi religieuse à la maturité », écrivait Michel Roy (Le Devoir). L'étapisme était maintenant défendu par une majorité à la direction du parti, mais il était toujours refusé par 36 % des délégués qui résistèrent jusqu'à la dernière minute et votèrent contre.
Le portrait ne saurait être complet sans aller à la racine du revirement référendaire. Qu'en est-il au juste ? On l'apprendra de la plume de Claude Morin lui même. Il confiera plus tard, trop tard, que l'idée lui avait été soufflée par trois hauts fonctionnaires fédéraux du Canada-anglais. Morin, durablement séduit, se fera leur ambassadeur.
Manquant de franchise, il se gardera bien de dévoiler de qui il tenait sa fameuse idée pendant toute la durée des débats controversés sur la question. Les délégués au congrès de 1974, prirent donc une décision qui orientera les gestes du Québec pour des décennies, pendant qu'on leur dissimulait des faits. Ils en apprirent encore davantage sur la manipulation dont ils avaient été les victimes quand il fut dévoilé accidentellement que Claude Morin, cheville ouvrière de l'étapisme, avait entretenu des relations avec la GRC depuis 1966. En conclusion, le parcours gagnant de l'étapisme (perdant pour la nation) s'enchaîne de maillon en maillon, depuis des agents fédéraux et la GRC à Claude Morin, de Claude Morin à la direction du PQ, puis à sa base, pour finir en credo de tout un Québec pris au piège.
Robert Bryce, Al Johnson et Gordon Robertson, les trois fonctionnaires de haut rang à la racine de l'étapisme, entourent Claude Morin au centre. Ils influenceront Claude Morin durablement. |
Manquant de franchise, il se gardera bien de dévoiler de qui il tenait sa fameuse idée pendant toute la durée des débats controversés sur la question. Les délégués au congrès de 1974, prirent donc une décision qui orientera les gestes du Québec pour des décennies, pendant qu'on leur dissimulait des faits. Ils en apprirent encore davantage sur la manipulation dont ils avaient été les victimes quand il fut dévoilé accidentellement que Claude Morin, cheville ouvrière de l'étapisme, avait entretenu des relations avec la GRC depuis 1966. En conclusion, le parcours gagnant de l'étapisme (perdant pour la nation) s'enchaîne de maillon en maillon, depuis des agents fédéraux et la GRC à Claude Morin, de Claude Morin à la direction du PQ, puis à sa base, pour finir en credo de tout un Québec pris au piège.
Compte tenu de sa faveur qui persiste aujourd'hui, ce retour aux racines historiques de l'étapisme est loin d'être inutile. Dans une perspective patriotique, 45 ans plus tard, le bilan qu'on peut faire de la prise de contrôle du mouvement d'émancipation national par le référendisme, dont le manque de noblesse de ses origines est connu, ne peut que surprendre. Mais, plus important encore, le rejet de l'étapisme ne sera concrétisé que lorsqu'il sera remplacé par une alternative crédible et patriotique. L'examen critique du référendisme peut-il déboucher sur une reformulation de la question nationale qui mettrait fin à plus de quatre décennies de culpabilisation de la population, de paralysie et d'échecs ? C'est sur cette question-clé de la relance du mouvement d'égalité des nations qu'il importe de se pencher. Une présentation de Gilles Verrier, porte-parole du Bonnet, sera suivie d'autres interventions et d'une période de questions.
Forum public, samedi 16 novembre 2019
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