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mardi 26 novembre 2019

Un plan pour sortir la nation de l'impasse

La constitution québécoise, une nouvelle patente des attentistes ?

Les années passent et les détours pour ne pas importuner Ottawa avec la question nationale se succèdent. D'abord, la très intelligente barrière référendaire. Elle devait donner le feu vert aux

parlementaires pour s'asseoir à une table de négociation, à condition qu'il y ait 20 % d'Anglais prêts à voter OUI. Dommage, nos «compatriotes» anglophones du peuple québécois, tels que définis par l'État du Québec (loi 99), ne votent jamais de notre bord. Ces compatriotes étatiques, les créatures d'une loi, ne feront jamais des compatriotes de cœur. 

À cette judicieuse idée référendaire, dont la paternité revient au « war room » fédéral d'Ottawa, succède aujourd'hui la nouvelle bonne idée d'une constituante / constitution québécoise. Une nouvelle patente, disent déjà certains, un nouveau détour qui vient revigorer l'attentisme, en remplacement du référendum dont le service après vente ne répond plus. Après un «référendisme» qui aura fait trépigner la nation canadienne-française pendant quatre décennies dans l'antichambre d'une explication entre les deux solitudes, voici qu'on nous offre maintenant de prolonger les délais d'attente à l'urgence. Voudrait-on éviter à Ottawa un face-à-face constitutionnel dans lequel il a le plus à perdre, on ne ferait pas mieux. Avant de s'escrimer à écrire une constitution symbolique, dont le premier défaut est de faire comme si il n'y avait qu'une seule nation au Québec, ne faudrait-il pas se rappeler que notre existence est déjà déterminée par une constitution qui a toute l'effectivité voulue pour nous faire disparaître ? Ce "nous" n'étant pas, on l'aura compris, les Canadiens anglais du Québec. 


L'attentisme et les assermentés

Malheureusement, l'engouement pour les nouveaux habits de l'attentisme semble faire consensus chez les assermentés de la couronne. Je parle de ceux qui siègent à Québec et qui ont prononcé solennellement un serment de loyauté envers la reine. C'est le prix d'entrée dans notre très national salon bleu : le parjure ou la vraie loyauté à la couronne. Y a-t-il un lien à faire entre le tropisme des subterfuges attentistes et le serment de fidélité à sa majesté anglo-saxonne-anglicane ? Nul ne peut le certifier mais nul ne peut l'exclure non plus. Un correspondant Facebook que je ne nommerai pas, écrivait ces lignes incisives contre le relativisme moral. 

«Un serment n'est pas un rituel anodin. C'est une cérémonie civile et sacrée qui atteint l'inconscient de celui qui le prête, et qui consacre l'honneur, la foi et la fidélité des chevaliers. L'indépendance du pays est d'abord une cause noble. Il faut une âme nette pour l'atteindre. La noblesse repose sur l'engagement. Le serment transforme celui ou celle qui le prête. Dire qu'il n'a pas d'importance, c'est dire que sa propre parole n'en a pas. Pour le vaincu, ce serment est un mauvais sort, tous ceux qui l'ont prononcé n'ont pas eu le courage d'aller jusqu'au bout. Ils ont composé des questions référendaires désarmées, ils ont tenté le beau risque et perdu, ils ont laissé sans protester le ROC occuper notre sol et souiller notre drapeau la veille du référendum de 1995, ils se sont consolés provisoirement dans un nationalisme provincial, ils ont adopté la langue de bois, ils se sont dits laïques sans avoir le courage de déposer le crucifix de l'Assemblée (1), bref, ils ont respecté à la lettre le serment au souverain britannique et canadien qu'ils avaient posé. Le serment est à la fois une humiliation, une arme d'assujettissement et une prison de la conscience. Quand je vois la pathétique photo de la députation de QS après le serment je vois bien qu'ils ont compris l'erreur irréversible qu'ils venaient de commettre.» 

«La pathétique photo de la députation de QS» (ce pourrait être un autre parti) témoigne qu'en conscience ils vivent le malaise d'une double loyauté, si la chose était possible !
La même question revient. Y a-t-il un lien entre la double allégeance et des parlementaires qui s'estiment toujours en déficit de légitimité pour rencontrer Ottawa ? Un gouvernement élu ne suffisant pas, seul un référendum gagnant devait remédier à leur manque de confiance. Mais c'est maintenant le détour laborieux d'une constitution provinciale bi-nationale qui prend le relais. Elle-même sujette à un référendum qui, si gagné un jour, donnerait à nos parlementaires la pugnacité qu'ils n'ont pas et la légitimité qu'ils estiment ne jamais avoir. Avec Québec solidaire, des péquistes et le MQI sur des lignes semblables, on promet de discuter sur des virgules pendant dix ans et de diviser une fois de plus le Québec contre lui-même. Ceci faute de cibler Ottawa, gardien de la constitution en vigueur, seule source de nos problèmes nationaux. Les parlementaires souverainistes semblent bel et bien les prisonniers d'une petite tradition qui les tient figés sur la ligne de départ, incapables de la franchir. Depuis cinquante ans, ils épargnent à Ottawa le fardeau d'avoir à répondre des injustices qui se perpétuent et des promesses rompues.

Un test des "valeurs québécoises" peut-il faire contre poids
au serment d'allégeance aux valeurs canadiennes ?
Prenant en considération tout ce qui précède, sans offenser personne, il faut se demander sérieusement si, pour le bien de la nation, il est encore souhaitable de laisser tout le contrôle de la lutte nationale entre les mains des parlementaires... Le PQ a déjà compté 280 000 membres (1981), mais les parlementaires qui avaient pris le contrôle des instances ont toujours rejeté les initiatives de la base. Des mouvements et institutions composés de membres dont l'allégeance est claire et insécable, qui placent la nation avant l'État, auront toujours leur place pour la minorité francophone d'Amérique.  


L'impréparation à négocier à toujours fait le jeu d'Ottawa

J'ai entendu plusieurs fois l'objection que toute négociation serait refusée par Ottawa. Qu'y a-t-il de nouveau là-dedans? Il a toujours été clair qu'Ottawa n'a aucun intérêt à négocier. Ce qui ne l'a pas empêché de s'accorder le luxe d'une parodie où le fond du contentieux national est demeuré le grand absent. Ce fut le cas des négociations lamentables de 1981. Pilotées par Claude Morin et René Lévesque sans préparation. Sans réquisitoire digne de ce nom, ils se rouleront eux-mêmes dans la farine avant de se faire ignorer. Le message qu'il faut retenir de ces malheureux événements c'est que nous devons nous tenir prêts.  
Le manque de préparation et d'ambition du Québec tournent en
parodie les négociations constitutionnelles de 1981
Nous savons toute la difficulté qu'il y aurait d'asseoir Ottawa à une table. En revanche, nous savons que seul un régime totalitaire refuse de négocier avec ses parties constitutives. Notons aussi que la cour suprême est elle-même d'avis qu'il y a une obligation de négocier pour le fédéral si une demande soutenue lui en est faite. Les Canadiens-français, fondateurs du Canada, se sont déjà exprimés à hauteur de 60% en faveur de réformes constitutionnelles en 1995, il n'y a aucune raison de ne pas invoquer ces chiffres (2). Le fait que le Québec n'a pas signé le pacte de 1982 constitue un argument de plus en faveur de futures négociations. Il y a beaucoup de moyens pour faire monter la pression contre Ottawa quand on a la certitude défendre une cause juste. Mais faut-il seulement le vouloir ! Le grand problème chez-nous a toujours été l'absence de préparation et le manque de volonté d'aboutir. Il faut rappeler qu'aucun nouvel arrangement entre les parties de l'Acte constitutionnel de 1982 ne pourra se réaliser sans négociations. En revanche, croire que le Québec pourrait sortir du Canada par un coup de force, par une déclaration unilatérale d'indépendance ou à la faveur d'une crise provoquée par d'autres, pendant qu'on reste les bras croisés, relève de la pensée magique ou d'un simple manque de confiance en nous.

Il faut donc prendre des moyens qui conduisent aux résultats que l'on souhaite, et le faire en respectant le sentiment de nos compatriotes. C'est un fait avéré que la tradition constitutionnelle au Québec, et avec elle le sentiment majoritaire des nôtres, a toujours été plus proche de l' "égalité ou indépendance" que de "l'indépendance pure et dure". La surenchère de l'indépendance avec un grand i ne rapportera jamais autant d'appuis que des préparatifs à des négociations de pied ferme. Et les appuis seront d'autant plus fermes que la population sera associée à l'élaboration d'un réquisitoire contre le régime fédéral. Une pédagogie dynamique qui va au devant d'un face-à-face historique, est toute à l'opposé d'une «pédagogie de l'indépendance» dans le vide. En fait, cette pédagogie de l'indépendance n'était qu'un sous-produit du référendisme, une manière de recueillir des OUI comme on ramasse des pommes. À l'inverse,  je crois que l'on peut réveiller le sentiment patriotique des Canadiens-français, car c'est d'eux qu'il s'agit, n'ayons pas  peur des mots, toujours les seuls sinon les premiers au créneau. Les immigrants, passent le vrai test des valeurs quand ils jurent fidélité au Canada et à la couronne. Les Anglais, on aura beau les inclure par décret dans la nation québécoise, ils n'ont aucune volonté, ni présente ni passé, de réformer le Canada. Il faut s'y résoudre, on avancera notre cause en mettant au point un argumentaire imparable. 

Le vert contre le bleu 

Dans cette perspective, la surenchère sémantique, celle qui fait que certains opposent nationalisme et indépendantisme, souverainisme à indépendantisme, etc. ne joue plus aucun rôle. Ce n'est pas un point d'arrivée particulier qui doit être d'abord recherché, mais la nécessité de s'engager dans un processus qui défend le principe de l'égalité des nations. L'indépendance n'étant elle-même qu'une forme de l'égalité. Toute amélioration de notre sort, toute situation transitoire demeure souhaitable. Mais une fois le processus enclenché, s'il est bien mené, il devra aboutir. Le réquisitoire contre Ottawa doit être complet et non sectoriel. Il doit s'attaquer aux gros morceaux comme la fin de la compétence de la cour suprême au Québec dans le domaine de la langue, de la culture et de l'éducation; le retrait du fédéral des champs de compétence du Québec avec pleine compensation, etc. Mais l'actualité nous fournit souvent les meilleures occasions de compter dans le filet adverse. Elle vient de nous fournir un contre-exemple édifiant. Dans le cas du Wexit, le Bloc québécois aurait pu renchérir avec intelligence en soutien à l'Alberta, au lieu d'appuyer Trudeau contre l'Alberta. Comme le dit avec raison Jean-Claude Pomerleau, il y a là un manque flagrant de culture politique. J'ajouterais de culture patriotique. C'est ce qui a porté le Bloc à choisir mécaniquement et sans vision le vert contre le bleu. 

Un problème de taille reste à surmonter. Soumise à l'influence gauchiste depuis belle lurette, l'indépendance se retrouve dépouillée de nationalisme et de patriotisme. Elle est verte avant d'être bleue. L'indépendantisme est devenu un slogan, même au MQI, pour mousser un programme politique conjoncturel où le climat, l'environnement, le féminisme, l'énergie verte, la laïcité, l'anti-racisme, l'anti-identitaire, les LGBT, toutes les causes minoritaires et exotiques ont pris le pas sur celle du destin et de la survie nationale.  

L'indépendance proposée par les assermentés du régime en a déplacé les assises. Elle est devenue partie prenante du mondialiste idéologique, car elle n'entend pas reconnaître l'importance absolue des nations socio-historiques pour l'avenir de la civilisation occidentale. Ces dernières sont pourtant les seules à pouvoir faire contre poids au mondialisme. À cet égard, et à l'inverse, la nation civique, qui ne dispose d'assises que dans l'anonymat de l'État, ne peut être qu'une phase intermédiaire vers la disparition des nations. C'est l'objectif ultime que cherche à atteindre le mondialisme par la dénationalisation et l'immigration de masse. Il ne fait aucun doute que la nation civique est un cheval de Troye, l'avant-poste masqué du mondialisme idéologique. La nation civique est inlassablement promue dans tous les pays occidentaux. Sa faveur est attribuable aux efforts combinés du grand capital financier (et des réseaux supra étatiques) et de la gauche. Les deux forment une alliance, dont les parties, en apparence opposées, sont reliées par des personnes comme George Soros, pour nommer une figure emblématique. Leur plan est clair, noyer les nations historiques dans des nations étatiques pluri-nationales, multiculturelles et multiconfessionnelles, cette alliance infernale ne poursuit pas d'autre but. 

À notre époque, la nation retrouve une pertinence nouvelle, elle ne tient plus aux raisons qui en expliquaient l'émergence au XIXè siècle. De nos jours, toute revendication de souveraineté nationale authentique se porte à la défense de la nation culturelle socio-historique. Chez nous, ce sont les Canadiens français qui portent cette exigence contemporaine. C'est du sort qui leur a été fait depuis la conquête que doit partir un réquisitoire national intégral pour la reconnaissance, la co-existence et l'égalité des nations. 

Notes
1- GV : L'enlèvement du crucifix était un marché de dupes en "compensation" pour des dispositions de la loi 21. Il faut le voir comme un effacement de notre épopée historique qui désert nos intérêts nationaux bien compris. La hiérarchie catholique a toujours été une structure parallèle à la hiérarchie du pouvoir public. Ce qui n'est pas le cas pour l'Angleterre où, depuis 1531, le pouvoir civil nomme le chef du pouvoir religieux (Anglican), le roi ou la reine. C'est aussi là que le pouvoir public est tombé sous le pouvoir de l'argent par le truchement du droit anglais. Découpler l'État du Québec d'un prétendu pouvoir catholique est risible. Cela ne faisait que détourner l'attention des symboles de la vraie triple fusion des pouvoirs public, bancaire et religieux à l'assemblée nationale qui, à la différence du crucifix, dominent lourdement. Lire à ce sujet le très instructif texte de Valérie Bugault : 
https://lesakerfrancophone.fr/retour-sur-lidentite-juridique-francaise
2- «Les trois cinquième de ce que nous sommes ont voté oui», Jacques Parizeau, 30 octobre 1995


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