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La stratégie machiavélique du fédéral pour mettre en échec la menace des Canadiens-Français : référendum et langues officielles

Le 16 novembre 1974, il y 50 ans, l'accession de la souveraineté par la voie référendaire était adoptée. Disons qu'il y a 50 ans ça...

mardi 17 décembre 2019

Non à l'indépendantisme dénationalisé, non à l'effacement de la nation

Octobre 1960. Le manifeste de fondation du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), commence par ces lignes :
«Les Canadiens français constituent une nation dont l'origine remonte à l'époque de la Nouvelle-France. Conquise par la force des armes, isolée de sa mère-patrie, soumise à des tentatives d'assimilation nombreuses et prolongées, la nation canadienne-française a toujours manifesté une indomptable volonté de survivre et de s'épanouir librement en conformité avec ses origines et son génie particulier.» (1)
Les Québécois, un nouveau vocable, sont à cette époque les Canadiens-français indépendantistes. C'est la question nationale qui est au coeur de leur action politique. Ils veulent faire du Québec l'État national des Canadiens-français, mettre fin aux inégalités issues de la conquête, du colonialisme et de l'annexion. Près de soixante ans plus tard, rien n'a véritablement changé sur le fond. Certes, l'assemblée législative s'appelle l'Assemblée nationale, mais je doute qu'une certaine symbolique, même louable, puisse racheter cinq décennies de piétinement. Enfin, c'est ce que je conclue personnellement. Libre à vous de tirer vos propres conclusions sur les progrès réalisés dans la "volonté de survivre et de s'épanouir librement". Je souhaite que le point de vue que j'exprime plus bas éclairera utilement les enjeux immédiats de la question nationale. 


*   *   *

Comme le démontrent les grands dossiers du Mouvement Québec français (2), ainsi que de nombreuses études indépendantes (3), 260 ans après la conquête, les anglophones bénéficient toujours d'un traitement de faveur dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la culture et de la langue publique. Ils forment toujours la majorité sociologique. Le PQ n'y a rien changé. De surcroit, ils forment aussi l'État profond : un pouvoir supra étatique permanent qui veille et pèse lourdement sur l'État du Québec, il lui interdit toute politique de redressement en faveur des Canadiens- français. L'énoncé est vérifiable. Quels que soient les partis qui se sont succédés au gouvernement depuis un demi-siècle, l'État du Québec est toujours réduit à maintenir la paix entre deux nations inégales, sans espoir de mettre fin à l'injustice. Il maintient sa crédibilité par le recours à une habile réthorique apaisante, posant plus ou moins en nationaliste, pendant que, en réalité, il se consacre tout entier à l'arbitrage du conflit national, pris dans les clous d'un statu quo historique marqué par le déclin continu de la nation canadienne-française. La seule échappée en 50 ans a été la loi 101, dont l'intégrité, sans même parler de son renforcement, n'a jamais été défendue par Québec depuis. 


Il est indéniable qu'une puissante prise de conscience nationale s'était amorcée au tournant des années 1960. Le RIN et plusieurs autres forces, dont le PQ des premiers temps, levaient en quelque sorte l'Omerta sur la condition politique des Canadiens français. Ils apportaient avec eux un vent de fraîcheur; ils libéraient une parole trop longtemps contenue. Il fallait du courage. Les premiers militants, des bénévoles au grand coeur, ne défendaient pas leurs convictions dans le confort d'aujourd'hui. Plusieurs le firent au prix de leur emploi ou durent renoncer à l'avancement de leur carrière.   

Aujourd'hui, si l'indépendance (ou la souveraineté) se maintient toujours dans le discours public, c'est avec l'immense différence que l'expression contemporaine de cette idée est en rupture complète avec l'indépendantisme des années 1960, et ce pour deux raisons principales. 

On ne perd plus son emploi pour être indépendantiste. Bien au contraire. Le leadership des fondateurs, de vaillants militants tels que  Marcel Chaput, Pierre Bourgault, André d'Allemagne, Guy Pouliot, etc., qui ont dépensé tous leurs sous sans en toucher un, et qui n'ont jamais de leur vivant prêté allégeance à la couronne, ont été détrônés par des politiciens de profession qui ont reçu beaucoup et donnent peu. Ils sont connus pour leur séjour (souvent prolongé) dans les officines de l'État. Un électoralisme racoleur, associé à une dilution des grandes ambitions, a fini par produire une classe de parvenus, puis de rentiers, qui en sont maintenant à la deuxième génération. Ils doivent tout à l'État et le lui rendent bien. Leur allégeance s'est déplacée. De la défense des intérêts de la nation on est passé à la défense des intérêts de l'État du Québec. Comme si ce dernier était davantage "le nôtre" aujourd'hui qu'il l'était en 1960! Mais ce serait plutôt l'inverse. Même nos glorieux mouvements nationalistes, fondés à l'origine pour la défense de la nation canadienne-française (SSJB, L'Action nationale, etc.) ont suivi le courant. Délaissant peu à peu leur mission, ils se rangent aujourd'hui derrière la défense d'un État du Québec parfaitement mystifié. 

La deuxième raison, je la formulerai d'une manière qu'on pourra trouver surprenante : c'est la disparition de la question nationale de l'indépendantisme. L'indépendantisme d'aujourd'hui est épuré de tout nationalisme. Il s'est recyclé dans une affaire de rivalité fédérale-provinciale qui s'articule généralement autour des préférences politiques conjoncturelles. Sur le fond, la rivalité fédérale-provinciale oppose deux multiculturalismes, deux immigrationnismes, deux "progressismes", lesquels se confondent dans deux post-nationalismes. Prenons la fameuse loi 21, une loi qui illustre à merveille la différence entre deux approches multicultaristes. L'État du Québec croit favoriser le multi-confessionalisme (qui n'est qu'un aspect du multiculturalisme) en éloignant toutefois de l'État l'expression individuelle de l'appartenance religieuse (3), alors que l'État fédéral prétend mieux le faire en adoptant une position plus libérale sur la question : il autorise l'identification personnelle à un culte au sein même de l'appareil d'État. On pourra certes déchirer sa chemise en faveur de l'État du Québec, mais on ferait bien de se garder une petite gène à prétendre qu'il s'agit là d'un combat sur la question nationale, contre le multiculturalisme ou pour la séparation des pouvoirs civils et religieux. Foutaise mâtinée de démagogie, de qui se moque-t-on? 

Quant au positionnement envers les nations, l'État du Québec et du Canada sont encore plus proches. Ni l'un ni l'autre ne veut reconnaître les nations canadienne-française ou canadienne-anglaise. Ne reconnaissant aucune nation fondatrice, ils se livrent à une surenchère dans la dépersonnalisation de l'État, lui retirant tout particularisme identitaire pour l'ajuster à l'idéal d'indifférenciation auquel conduit le mondialisme idéologique. C'est ainsi que le premier ministre Legault, qui retira le crucifix, expliquera tout récemment au gouverneur de la Californie que les Canadiens français sont tous des catholiques. Voulait-il renchérir sur le fait que l'État québécois n'est pas l'État des Canadiens-français? Que cet État n'est pas le nôtre?  Comme si la preuve n'en était pas déjà faite! Les gestes comptent plus que les paroles. Le geste officiel qui porte pour les générations futures est l'effacement d'un marquage particulier de l'État québécois, que rien d'aussi transcendant et enraciné ne pourra jamais remplacer. Sauf le vide. François Legault nous a fait progresser dans le dépouillement identitaire sans préserver l'avenir. En ce sens il n'a jamais quitté le PQ. Ne serait-ce pas là le vrai bilan de la loi 21? 

Certains trouveront peut-être que j'y reviens souvent, mais la loi 99 (2000) est une loi fondamentale du Québec adoptée unanimement par l'Assemblée nationale. Elle mérite qu'on s'y attarde. Sa grande importance tient au fait qu'elle codifie (4) la disparition de la question nationale au profit d'une rivalité inter-étatique fédérale-provinciale, une évolution saluée unanimement par la classe souverainiste/indépendantiste institutionnelle. Les derniers indépendantistes de bonne foi devraient prendre garde à ne pas tomber dans le panneau. En fait, on aurait intérêt à tenir compte du fait que l'indépendance du Québec risque fort de ne rien changer aux privilèges historiques des anglophones. Il est clair qu'en cas d'indépendance la loi 99 et les "droits consacrés" des anglophones seront immédiatement invoqués pour justifier le statu quo en matière de langues et de sur-financement public de la minorité anglophone. L'État semi-colonial du Québec a verrouillé les Canadiens français dans un rôle de subalternes. Plusieurs ne semblent pas avoir pris acte du fait que l'indépendance "civique" dénationalisée ne changerait rien à notre trajectoire déclinante.

Dans ce contexte politique national peu reluisant, le retour de l'identité canadienne-française joue aujourd'hui le même rôle que l'identité québécoise jouait lorsqu'elle apparut en 1960. À 60 ans d'écart, il s'agit de formes de résistance aussi opportunes l'une que l'autre, de deux manières de résister à la disparition tendancielle d'une nation dont l'origine remonte à la Nouvelle-France. C'était jeter un pavé dans la mare en 1960, ce l'est encore aujourd'hui. Il faut rappeler aux bien-pensants, aux parvenus et à ceux qu'ils influencent que la question nationale existe toujours. Le Bonnet des patriotes cherche, parmi d'autres, à regrouper les Canadiens-français qui comprennent la gravité des enjeux brièvement évoqués plus haut. Il cherche à regrouper ceux qui ne sont pas dupes de l'appropriation de la question nationale par un étatisme qui restera éternellement indifférent aux revendications du Mouvement Québec français, tout en prêchant l'indépendance. Ce qu'a appris à ses dépends Yves Michaud, un patriote méritoire de la patrie, souillé irrémédiablement et unanimement par le nationalisme civique-mondialiste, en décembre 2000, par les mêmes parlementaires qui adoptèrent unanimement la loi 99 à quelques jours d'écart. L'assemblée nationale savait très bien ce qu'elle faisait dans les deux cas. Un doublet de Lucien Bouchard et de Jean Charest. Qui défend cette oeuvre? 

La nation canadienne-française constitue l'opposition naturelle à l'indépendantisme dénationalisée et le barrage naturel le plus puissant au mondialisme idéologique. 

Halte là, halte là, halte là!

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Notes 
1- http://www.rond-point.qc.ca/rond-point/histoire/rin/manifeste-du-rassemblement-pour-lindependance-nationale-r-i-n/ Bruno Deshaies critique sévèrement les faiblesses de la doctrine du RIN, souvent avec raison, mais il faut aussi se rappeler que le coeur y était. 
2- Grands dossiers MQF https://quebecfrancais.org/grands-dossiers/
3- Disparaître, HOULE, Jacques; MAROIS, Guillaume, etc. Le problème n'en est pas un de manque de documentation...
4- Voir les considérants 1, 5, 6 de la loi 99 -http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2000C46F.PDF

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