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mercredi 27 mai 2020

P E Trudeau et Frédéric Bastien en marge des 40 ans du premier référendum


Documents publiés en référence à ma réponse à Frédéric Bastien

D'abord, l'allocution de Pierre Elliott Trudeau au Centre Paul Sauvé, Montréal (Québec), le 14 mai 1980. Ce premier texte est suivi d'une prise de position de Frédéric Bastien : "Il y a quarante ans la promesse qui devient trahison". En troisième lieu, je reprends un

texte de Denis Monière publié dans le même contexte du 40è anniversaire du premier référendum.

1- Allocution de Pierre Elliott Trudeau 
[Les surlignements sont de nous]
Monsieur le Président,
Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup.
NON, MERCI BEAUCOUP
Monsieur le Président, mes chers amis canadiens.
Je voudrais tout d'abord vous dire merci pour cette façon de m'accueillir. Je crois qu'il est évident, dans cette assemblée immense,-il est évident, que nous vivons des journées historiques.
Il y a très peu de cas, dans l'histoire des démocraties, où une partie de pays a choisi de décider pour elle-même si elle voulait, OUI ou NON, appartenir au pays auquel elle a toujours appartenu. Il y a très peu de moments où cela s'est vu dans l'histoire des démocraties. Et je pense que tous ceux qui sont ici ce soir, tous ceux qui ont milité pour le NON, depuis plus d'un mois, dans cette province, seront fiers de dire, lorsque nos enfants, et peut-être si nous avons de la chance, nos petits-enfants, nous demanderont, dans vingt, dans trente ans:
Vous étiez là, vous autres, en mai 1980. Vous étiez là au moment où le peuple québécois a été invité à se prononcer librement sur son avenir. Vous étiez là au moment où le Québec pouvait exercer l'option de rester dans le Canada ou d'en sortir. Qu'est-ce que nous avez fait en mai 1980?-NON, c'est ça qu'on a répondu.
Je voudrais, ce soir, vous inviter à réfléchir sur la question qui nous est posée et sur les conséquences des réponses que nous pouvons donner à ces questions.
Laissez-moi, peut-être une dernière fois avant d'entrer dans l'isoloir,-laissez-moi relira le gros de la question. Il y a deux choses dans cette question :
La première, c'est la Souveraineté du Québec, et ça se définit dans la question même comme: le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir des impôts, et d'établir des relations extérieures, ce qui est la Souveraineté.

Et si, dans cette salle, nous répondons NON, il y a, dans d'autres salles, dans d'autres parties de la province, des gens qui répondent : OUI; qui veulent vraiment, honnêtement la Souveraineté.
Je suis de votre avis: c'est une option erronée, c'est une option qui veut, comme le disait Jean Chrétien, que nous n'envoyions plus de députée québécois pour nous gouverner, dans le Canada : c'est une option qui veut dire : l'indépendance; une option qui veut dire: la séparation du Québec du reste du pays. A cela notre réponse est NON.
Mais ce n'est pas à ceux qui sont pour ou contre la Souveraineté que je voudrais m'adresser ce soir. Après le référendum, j'espère que nous continuerons de nous respecter dans notre divergence; que nous respecterons l'option qui aura été exprimée librement par ceux qui sont pour ou contre l'indépendance du Québec.
Donc, dans cette question, il y a la Souveraineté et il y a tout le reste.

Le reste, c'est une nouvelle entente. C'est l'égalité des peuples. C'est en même temps une association économique. C'est une même monnaie. C'est un changement par un autre référendum. C'est un mandat de négocier.
Et on sait bien ce qu'ils font, les regrattiers de OUI.
Ils s'en vont chercher tous ceux qui vont dire OUI à une nouvelle entente. OUI à l'égalité des peuples.
OUI en même temps à une association. OUI en même temps à une même monnaie. OUI à un deuxième référendum. OUI à un simple mandat de négocier.
C'est à ces OUI par fierté, à ces OUI par incompréhension de la question, c'est à ces OUI pour augmenter le pouvoir de négociation, c'est à ces indécis qui titubent sur le bord du OUI que je m'adresse ici ce soir, parce qu'il faut se demander : qu'est-ce qui va arriver dans le cas d'un OUI, comme dans le cas d'un NON? Et, c'est à ces indécis, à ces OUI par fierté, c'est à ces OUI fatigués et tannés qu'il faut, dans ces derniers jours, s'adresser.
Alors, voyons ça. Le gouvernement du Canada, le gouvernement de toutes les provinces se sont déjà exprimés clairement.
Si la réponse à la question référendaire est NON, nous avons tous dit que ce NON sera interprété comme un mandat pour changer la Constitution, pour renouveler le fédéralisme.
Ce n'est pas moi qui le dis tout seul. Ce n'est pas monsieur Clarke. Ce n'est pas monsieur Broadbent. Ce n'est pas seulement les neuf premiers ministres des autres provinces. Ce sont les soixante-quinze députés élus par cette province pour aller les représenter à Ottawa qui disent : un NON, ça veut dire du changement.
Et je sais parce que je leur en ai parlé ce matin à ces députés, je sais que je peux prendre l'engagement le plus solennel qu'à la suite d'un NON, nous allons mettre en marche immédiatement le mécanisme de renouvellement de la Constitution et nous n'arrêterons pas avant que ça soit fait.
Si je m'adresse solennellement à tous les Canadiens des autres provinces, nous mettons notre tête en jeu, nous, députés québécois, parce que nous le disons aux Québécois de voter NON, et nous vous disons à vous des autres provinces que nous n'accepterons pas ensuite que ce NON soit interprété par vous comme une indication que tout va bien puis que tout peut rester comme c'était auparavant.

Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement.

Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement.
Voilà donc notre attitude dans le cas du NON.
Mais, monsieur Lévesque m'a demandé : Mais, quelle sera votre attitude dans le cas où la population québécoise répond majoritairement OUI?
Je l'ai déjà donnée cette réponse. Je l'ai donnée au Parlement. Je l'ai donnée ici à Montréal, à Québec. Je la répète ce soir : Si la réponse au référendum était OUI, j'ai dit carrément en Chambre, à la Chambre des communes, monsieur Lévesque sera bienvenu de venir à Ottawa, où je le recevrai poliment comme il m'a toujours reçu d'ailleurs à Québec, et je lui dirait : il y a deux (2) portes. Si vous frappez à la porte de la Souveraineté-Association, il n'y a pas de négociation possible.
Il n'y a pas de négociation, parce que voyez-vous, monsieur Lévesque, l'Association, ça prend au moins une autre personne pour s'associer.
Puis, on sait que toutes les autres provinces, que tout le reste du Canada, que tous les partis à la Chambre de communes ont dit : NON à l'Association.
Monsieur Lévesque continue de répéter : Puis la démocratie, qu'est-ce que vous en faites si le peuple québécois votait majoritairement OUI? Est-ce que vous ne seriez pas obligés par les lois de la démocratie de négocier?
Mais non!
C'est comme si je disais à monsieur Lévesque : La population de Terre-Neuve vient de voter à 100 pour 100 de renégocier le contrat d'électricité avec le Québec. Vous êtes bien obligés, au nom de la démocratie, de respecter la volonté de Terre-Neuve, NON?
C'est clair que ça ne marche pas ce raisonnement-là,
La démocratie peut exprimer le point de vue des Québécois, mais ça ne peut pas lier les autres à vouloir faire, ceux qui n'ont pas voté dans les autres provinces, à vouloir faire ce que le Québécois décide.
Alors, ce raisonnement, monsieur Lévesque, il n'y aura pas d'Association.
Maintenant, si vous voulez parler, si vous voulez parler de Souveraineté, laissez-moi vous dire que vous n'avez pas de mandat pour négocier la Souveraineté, parce que vous n'avez pas demandé, purement et simplement, aux Québécois s'ils voulaient la Souveraineté.

Vous avez dit : Voulez-vous la Souveraineté à condition d'avoir en même temps l'Association?
Comme il n'y a pas d'Association, vous n'avez pas de mandat pour faire la Souveraineté, vous n'avez pas la clef pour ouvrir cette porte, puis moi non plus.
Moi non plus, je n'ai pas de mandat, parce que, voyez-vous, nous venons d'être élus le 18 février, il n'y a pas deux mois de ça, nous venons d'être élus en force par la province de Québec, précisément pour faire des lois pour la province de Québec.
Alors, demandez-moi pas de ne pas en faire, demandez-moi pas de donner plein pouvoir au Québec.
Par contre, si monsieur Lévesque, par miracle, c'est le cas de le dire, frappait à l'autre porte et disait : J'ai un mandat pour négocier, je voudrais négocier un fédéralisme renouvelé, la porte serait grande ouverte. Je lui dirai : Ce n'était pas la peine de tenir un référendum pour ça, mais puisque vous voulez ça, c'est ça que vous voulez négocier, entrez.
Voyons si vraiment c'est possible que monsieur Lévesque dise ça, parce que, qu'est-ce que les tenants du OUI disent?
Les tenants du OUI disent,-et je l'ai demandé à monsieur Lévesque il y a une quinzaine de jours : Qu'est-ce que vous ferez si la population vote majoritairement NON? Qu'est-ce que vous direz à ce moment-là? Est-ce que vous respecterez la volonté populaire ou est-ce que vous allez prétendre qu'un NON n'a pas la même valeur qu'un OUI et qu'un NON ne compte pas pour le moment mais qu'on fera d'autre référendum pour voir?
J'ai demandé ça à monsieur Lévesque et voici ce qu'il a répondu : Nous ne sommes pas pour refuser des graines d'autonomie pour le Québec, mais nous continuerons à tourner en rond.
Monsieur Lévesque, même si la population du Québec votre NON, comme je pense qu'elle va voter NON, n'allez-vous pas dire que c'est votre devoir puisque le peuple a rejeté la Souveraineté et l'Association, n'est-il pas de votre devoir d'être un bon gouvernement et d'empêcher le statu quo que vous blâmez tant et de vous joindre à nous pour changer cette Constitution.

Monsieur Lévesque nous a dit : On va continuer de tourner en rond.
Eh bien, ça, ça devrait éclairer tous les OUI pour augmenter le bargaining power, tous les OUI par fierté, tous les OUI parce qu'ils sont tannés.
Si monsieur Lévesque ne veut pas de fédéralisme renouvelé, même quand le peuple vote NON, c'est clair que si le peuple vote OUI, il va dire : Pas question de fédéralisme renouvelé.
Et moi, je dirai : Pas question de Souveraineté-Association.
Ce qui veut dire que nous sommes dans une impasse et que ceux qui votent OUI doivent le savoir dès maintenant que le OUI va conduire soit à l'indépendance pure et simple, soit au statu quo, c'est ça l'option du OUI : l'indépendance du Québec, la séparation du Québec, ou alors le statu quo, pas de changement, parce que monsieur Lévesque refuse de négocier.
C'est ça qu'il faut dire aux tenants du OUI : si vous voulez l'indépendance, si vous votez OUI, vous n'aurez pas l'indépendance parce que vous l'avez faite conditionnelle à l'Association, conditionnelle à faire en même temps l'Association.
Si vous voulez l'Association, votre OUI ne signifie rien, parce qu'il ne lie pas les autres provinces qui refusent à s'associer avec vous. Et si vous votez OUI, pour le renouvellement de la fédération, votre OUI sera perdu également, parce que monsieur Lévesque va continuer de tourner en rond.
Alors, c'est ça, voyez-vous, c'est ça l'impasse où cette question ambiguë, cette question équivoque nous a plongés, et c'est ça que les gens qui vont dire OUI par fierté, c'est à ça qu'ils doivent penser.
OUI par fierté veut dire qu'on soumet à son avenir à la volonté des autres qui vont dire NON, pas d'association, et puis notre OUI fier, on va être obligé de le ravaler.
Et puis ceux qui disent OUI pour en finir, OUI pour sortir, OUI pour débloquer les négociations, ils se font dire dans la question même qu'il y aura un deuxième référendum, et puis peut-être un troisième, et puis peut-être un quatrième. Et c'est ça mes amis, c'est ça que nous reprochons surtout au gouvernement Péquiste, ce n'est pas d'avoir voulu l'indépendance, c'est une option que nous rejetons et que nous combattons franchement.
Mais ce que nous reprochons au gouvernement Péquiste, c'est de ne pas avoir eu le courage de poser la question : OUI OU NON, L'INDEPENDANCE?
OUI OU NON?
Vous le savez, vous, les militants du NON, vous savez les divisions que cause cette période référendaire. Vous le savez le partage à l'intérieur d'une même famille. Vous savez les haines entre voisins que cela crée. Vous savez l'écartèlement que ça produit entre les générations. Vous savez cette longue méfiance qui durera longtemps entre les tenants du OUI et les tenants du NON.
Vous savez ce que c'est que l'épreuve référendaire. Eh bien, vous vous faites dire par le gouvernement Péquiste qu'il y en aura d'autres référendums et que cette haine, cet écartèlement, ce gaspillage immense d'énergies de la province de Québec, ça va continuer avec cette question. Eh bien, nous disons NON à cela. NON, ça ne va pas continuer.
Voici un parti qui était autrefois séparatiste, qui était autrefois indépendantiste, qui est ensuite devenu seulement souverainiste et ensuite pour la Souveraineté-Association, puis ensuite même par la Souveraineté-Association, ce n'est rien que pour négocier. Voici un parti qui, au nom de la fierté, a dit aux Québécois : "Tenez-vous debout, nous allons avancer sur la scène du monde pour nous affirmer".
Et voici que ce parti, au moment de s'avancer sur la scène du monde, il a le trac et puis il reste dans les coulisses. C'est ça la fierté? C'est ça un parti qui nous dit que ça va recommencer si la réponse est OUI, qu'il y aura un autre référendum?
Eh bien, c'est ça que nous reprochons au parti Québécois : c'est de ne pas avoir eu le courage de poser une question claire, une question à laquelle un peuple mûr aurait pu répondre, la question bien simple:
VOULEZ-VOUS SORTIR DU CANADA, OUI OU NON?
NON!
Eh bien, c'est parce qu'il savait, le parti Québécois, que la réponse de la grande majorité des Québécois à la question : VOULEZ-VOUS CESSER D'ÊTRE CANADIENS ? La réponse aurait été NON, et c'est pour cela qu'il a raté son entrée sur la scène du monde.
Eh bien, nous le savons, il y a une réponse claire, il y a une réponse non ambiguë et cette réponse, c'est : NON. Cette réponse, c'est NON à ceux qui veulent, comme le disait, je pense, Camil Samson, nous enlever notre héritage et l'enlever à nos enfants.
C'est NON à ceux qui prêchent la séparation plutôt que le partage, à ceux qui prêchent l'isolement plutôt que la fraternité, à ceux qui prêchent, au fond, l'orgueil plutôt que l'amour est fait de défis et d'unions et d'aller rechercher les autres et de travailler avec eux pour bâtir un monde meilleur.

Alors, il faut dire, indépendant même de toute cette question alambiquée il faut dire NON à l'ambiguïté. Il faut dire NON aux subterfuges. Il faut dire NON au mépris, parce que c'est là qu'ils en sont rendus.
On me disait que monsieur Lévesque, pas plus tard qu'il y a deux (2) jours disait que dans mon nom il y a Elliott et puis Elliott, c'est le côté anglais et ça s'explique que je suis pour le NON, parce que, au fond, voyez-vous, je ne suis pas un Québécois comme ceux qui vont voter OUI.
Eh bien, c'est ça, le mépris, mes chers amis, c'est de dire qu'il y a différentes sortes de Québécois, c'est dire que les Québécois du NON ne sont pas d'aussi bons Québécois et puis ont peut-être un petit peu de sang étranger, alors que les gens du OUI ont du sang pur dans les veines. C'est ça le mépris et c'est ça la division qui se crée chez un peuple et c'est ça à quoi nous disons NON.
Bien sûr, mon nom est Pierre Elliott Trudeau. Oui, Elliott, c'était le nom de ma mère, voyez-vous. C'était le nom des Elliott qui sont venus au Canada il y a plus de deux cents ans. C'est le nom des Elliott qui se sont installés à Saint-Gabriel de Brandon où vous pouvez encore voir leurs tombes au cimetière, il y a plus de cent (100) ans, c'est ça les Elliott.
Et puis mon nom est québécois, mon nom est canadien aussi, et puis c'est ça mon nom.
Laissez-moi vous dire le ridicule dans lequel cette sorte d'argumentation méprisante de monsieur Lévesque tombe, puisqu'il choisit de qualifier mon nom.
Monsieur Pierre-Marc Johnson, c'est pourtant un ministre. Johnson, c'est-tu un nom anglais ou un nom français?
Et puis Louis O'Neil, son ancien ministre, et puis Robert Burns, et puis Daniel Johnson, c'étaient-tu des Québécois, oui ou non?
Et puis si vous regardez aux noms, je voyais dans le journal d'hier, que le président des Inuits québécois, les Esquimaux, ils vont voter NON eux autres. Bien, savez-vous son nom? C'est Charlie Watt. Ce n'est pas un Québécois? Ils sont là depuis l'âge de pierre, ils sont là depuis l'âge de la pierre. Ce n'est pas un Québécois, monsieur Watt?
Et puis d'après le journal d'hier, le chef de la bande des Micmacs, à Restigouche, quinze cents (1500) Indiens, son nom à lui : Ron Maloney. Ce n'est pas un Québécois ? Ca fait rien que deux mille (2,000) ans qu'ils sont là, les Indiens. Ce n'est pas un Québécois?
Mes chers amis, Laurier disait quelque chose en 1889, il y a presque cent (100) ans, qu'il vaut la peine de lire, ces quatre (4) lignes:
Nos compatriotes, disait Laurier, ne sont pas seulement ceux dans les veines de qui coule le sang de la France. Ce sont tous ceux, quelle que soit leur race ou leur langue, tous ceux que le sort de la guerre, les accidents de la fortune, ou leur propre choix ont amenés parmi nous.
Tous les Québécois ont le droit de voter OUI ou NON comme le disait madame De Santis. Et tous ces NON sont aussi valables que n'importe lequel OUI, peu importe la couleur de la peau ou le nom de celui qui vote.
Mes chers amis, les Péquistes nous disent souvent : Le monde nous regarde, sachons nous tenir debout; le monde nous regarde, le monde entier surveille ce qui se passe dans notre démocratie; montrons-leur notre fierté.
Et bien, je viens de recevoir le dernier dépliant, paraît-il, qui viendra du comité du OUI. Vous irez le chercher en quelque part. Je vous le conseille. C'est un document historique.
C'est un document historique parce que dans tout ce dépliant, on trouve des expressions comme : NEGOCIER SERIEUSEMENT - UN PROJET QUEBECOIS - UN MEILLEUR CONTRAT AVEC LE RESTE DU Canada - UNE ASSOCIATION D'EGAL A EGAL - LES NEGOCIATIONS - UN AUTRE REFERENDUM.
On ne trouve pas une seule fois - non seulement on ne trouve pas le mot : SEPARATISTE; on ne trouve pas le mot : INDEPENDANTISTE; on ne trouve pas le mot : SOUVERAINISTE; on ne trouve même pas une seule fois : LA SOUVERAINETE-ASSOCIATION. Ca, c'est la fierté!
Ca, c'est tromper le peuple. Et je ne sais pas ce que l'histoire dira de ceux qui ont manqué de courage devant ce tournant historique, mais je sais qu'ils seront sévères pour ceux qui ont voulu tromper le peuple et qui disent, en ce dernier dépliant,-qui disent ceci : Certains veulent faire croire que la question porte sur la séparation. C'est faux.
C'est faux. Votre question parle de SOUVERAINETE. Branchez-vous, les gens du péquisme. Dites-nous le donc vos vraies couleurs : êtes-vous pour l'indépendance?
NON. Nous sommes contre l'indépendance. Le monde nous regarde, bien sûr. Le monde va nous regarder un peu étonné, je vous l'avons-because in today's world you see, things are unstable, to say the least. The parameters are changing, to use a big word. And that means that there is fire and blood in the Middle-East, in Afghanistan, in Iran, in Vietnam; that means that there is inflation which is crippling the free economy; that means that there is division in the world; that means that there is perhaps a third of the human race which goes to bed hungry every night, because there is not enough food and not enough medicine to keep the children in good health.
And that world is looking at Canada, the second largest country in the world, one of the richest, perhaps the second richest country in the world, a country which is composed of the meeting of the two most outstanding cultures of the western world: the French and the English, added too by all the other cultures coming from every corner of Europe and every corner of the world. And this is what the world is looking at with astonishment, saying: These people think they might split up today when the whole world is interdependent? When Europe is trying to seek some kind of political union? These people in Québec and in Canada want to split it up?
They want to take it away from their children they want to break it down? NO. That's what I am answering.
I quoted Laurier, and let me quote a father of Confederation who was an illustrious Quebecer: Thomas D'Arcy McGee: The new nationality-he was saying-is thoughtful and true; nationalist preferences, but universal in its sympathies; a nationality of the spirit, for there is a new duty which especially belongs to Canada to create a state and to originate a history which the world will not willingtly let die.
Well, we won't let it die. Our answer is: NO, to those who would kill it.Il y a un devoir disait D'Arcy McGee, un devoir qui incombe spécialement aux Canadiens de faire survivre un état et de produire une histoire que l'humanité ne voudra pas facilement laisser mourir.
Et bien nous ne laisserons pas mourir ce pays, ce Canada, cette Terre de nos Aïeux, ce Canada qui est véritablement, comme le dit notre hymne national : la terre de nos aïeux. Nous allons dire à ceux qui veulent nous faire cesser d'être Canadiens, nous allons dire immensément NON.


Source du texte

Source : Trudeau, Pierre Elliott. Transcription de l'allocution du très honorable Pierre Elliott Trudeau du Centre Paul Sauvé, Montréal, Québec, le 14 mai 1980. [Ottawa] : Cabinet du Premier ministre, 1980. 25 p.

*   *   *

2- TEXTE DE FRÉDÉRIC BASTIEN - 40 ANS PLUS TARD



Il y a quarante ans, la promesse qui devint trahisonIl y a 40 ans aujourd’hui, à six jours d’un référendum historique sur la souveraineté-association, le premier ministre fédéral faisait l’une des plus célèbres promesses électorales de notre histoire. Le 14 mai 1980, à la faveur d’un grand rassemblement au Centre Paul-Sauvé, Pierre Trudeau invitait solennellement ses concitoyens à rejeter l’option indépendantiste:

«Si la réponse à la question référendaire est non, nous avons tous dit que ce non sera interprété comme un mandat pour changer la Constitution, pour renouveler le fédéralisme... nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement!»

Cette déclaration a été entendue par presque tout le monde comme une ouverture à ce qu’on a appelé les demandes traditionnelles du Québec, c’est-à-dire des revendications exigeant plus de pouvoirs et une reconnaissance du peuple québécois en tant que nation. Pourtant, le lendemain du référendum, Trudeau a lancé un processus qui a mené à l’isolement du Québec dans le giron constitutionnel canadien. Il nous a donné le contraire de ce qu’il avait laissé entrevoir le 14 mai 1980 en nous enlevant des pouvoirs et en niant notre statut de peuple fondateur.
Si l’ancien premier ministre a pu arriver à ses fins, c’est grâce à la complicité de la Cour suprême. Comme je l’ai dévoilé dans La Bataille de Londres, deux juges, dont le juge en chef, ont passé de l’information au pouvoir politique alors que le plus haut tribunal se penchait sur la légalité du rapatriement. De plus, les magistrats fédéraux ont aussi fait perdre au Québec son droit de veto constitutionnel, donnant à Pierre Elliott Trudeau l’arme dont il avait besoin pour nous imposer sa démarche.


Justin Trudeau bloque les archives


L’ancien chef libéral s’est défendu pour le reste de sa vie d’avoir trompé les Québécois. Ses idées, en matière constitutionnelle, étaient bien connues, disait-il, et personne n’aurait dû être surpris de la réforme dont il a accouché. Pourtant, c’est bien ce qu’avait compris, entre autres, André Burelle, le conseiller qui a écrit le discours du 14 mai. Suite au rapatriement, il a conclu que son patron avait trompé les Québécois et, quelques années plus tard, a rejoint Brian Mulroney pour travailler à l’Accord du lac Meech.

L’ancien premier ministre l’a répété jusqu’à sa mort et son fils Justin le répète depuis: l’isolement du Québec est la faute de René Lévesque. Pourtant, tant les libéraux que les péquistes ou les caquistes ont depuis rejeté la Constitution de 82. De plus, si Lévesque est responsable de l’isolement des Québécois, pourquoi Justin Trudeau refuse-t-il, comme Harper avant lui, de rendre publiques les archives du rapatriement, comme l’a réclamé de façon unanime l’Assemblée nationale lors de la publication de La Bataille de Londres, en 2013? Si l’interprétation de notre premier ministre est bel et bien fondée, les archives viendront étayer ses dires.

Invalider les lois québécoises

Dans tout ce débat, Trudeau père a eu beau jeu de dire qu’il n’a jamais enlevé de pouvoirs à sa province, mais qu’il a plutôt donné à tous les Canadiens une merveilleuse charte des droits. Or, avec celle-ci, il a en réalité inventé de toutes pièces le prétendu droit fondamental d’étudier en anglais au Québec et en français dans le reste du Canada. Il a ainsi donné aux juges fédéraux le pouvoir d’invalider la loi 101, ce que la Cour suprême a fait à plusieurs reprises. Ces interventions se sont faites dans ce qui était jusqu’alors des compétences exclusives du Québec.


L’ancien premier ministre a aussi inclus dans sa charte l’article 27, une clause servant à faire la promotion du «patrimoine multiculturel des Canadiens». Cet ajout avait pour but de nier le fait que les Québécois constituent un des peuples fondateurs du pays. Le tout a aidé les tribunaux fédéraux à prendre toutes sortes de décisions visant à aider les immigrants à conserver leur culture, notamment par des accommodements religieux. Rappelons-nous entre autres la fameuse affaire Multani, en 2006, qui a donné à un élève sikh le droit d’aller à l’école avec un poignard, et ce, au détriment du droit des enfants à la sécurité. Aujourd’hui, la charte des droits est utilisée devant les juges fédéraux pour tenter d’invalider la loi 21.

Système de justice

Ce tour d’horizon serait incomplet sans parler des conséquences dramatiques du rapatriement sur notre système judiciaire. Des causes, souvent loufoques, se fondant sur la charte, engorgent nos tribunaux. Prétextant une violation de leur droit à un procès dans un délai raisonnable, la Cour suprême a ordonné la libération sans procès de présumés meurtriers, violeurs ou fraudeurs, comme elle l’a fait avec l’arrêt Jordan et l’arrêt Askov, au détriment de notre droit à la sécurité et du droit à la justice des victimes et de leurs proches. Ces manœuvres avaient pour but de créer un tollé pour forcer le pouvoir politique à embaucher plus de juges et à donner davantage de ressources au pouvoir judiciaire.

Les conséquences de la promesse trahie du 14 mai 1980 sont si nombreuses qu’on ne pourrait toutes les nommer ici. Hélas, depuis plusieurs années déjà, les politiciens québécois (souverainistes comme fédéralistes) ont hissé le drapeau blanc plutôt que de reprendre le combat constitutionnel. Il est plus que temps de relever la tête en forçant le Canada anglais à rouvrir la Constitution pour que le peuple québécois obtienne ne serait-ce qu’un début de réparation. C’est une question d’honneur et de justice.

L'historien et essayiste Frédéric Bastien est candidat à la direction du Parti québécois.


Source : https://www.journaldemontreal.com/2020/05/14/il-y-a-40-ans-la-promesse-qui-devint-trahison

3- Denis Monière oppose indépendantisme et autonomisme

DENIS MONIÈRE - 40 ANS PLUS TARD 

Depuis Machiavel, on sait que la politique est un combat et que tous les moyens sont bons pour gagner, en particulier l'emploi de la ruse. Cette logique s'applique d'autant plus dans le cas d'un référendum où les citoyens doivent dire OUI ou NON à une question longue et complexe qui concerne le destin d'un peuple. Quelque que soit le résultat, le perdant pourra toujours dire que ceux qui ont voté pour la thèse opposée ne savaient pas sur quoi ils votaient et qu'ils ont été trompés.
Au référendum de 1980, le NON a été majoritaire à 60% et comme promis Pierre Trudeau a enclenché le changement constitutionnel. Toutefois, ce changement ne visait pas à améliorer la place du Québec dans le Canada comme plusieurs l’espéraient, mais à remettre le Québec à sa place. Il n'a pas tergiversé et s'est servi de sa position de pouvoir pour imposer sa vision du fédéralisme centralisé. Contrairement à ses homologues du Québec, Trudeau n'a jamais été ambigu sur sa position constitutionnelle. Il a toujours été fidèle à son refus de reconnaître la thèse des deux nations et sa conséquence, l'attribution d'un statut particulier pour le Québec. Ce n'est pas lui qui a trompé les Québécois et les Québécoises mais les adeptes du fédéralisme asymétrique comme Claude Ryan et le Parti libéral du Québec qui ont refusé de dire OUI à l'ouverture d'une négociation pour en arriver à une nouvelle entente d'égal à égal avec le Canada. Il ne faut pas l'oublier, c'était cela le contenu de la question référendaire et non pas la réalisation de l'indépendance du Québec.
Ce sont les gagnants qui écrivent l'histoire et après coup il ne reste plus aux naïfs ou aux angéliques qu'à se désoler d'avoir été trahis. Toute le monde sait qu'en politique les promesses n'engagent que ceux qui y croient.
Les nostalgiques de l’ambiguïté et du réformisme constitutionnel, quarante ans plus tard, viennent se plaindre qu'ils ont été trompés et qu'en votant NON ils n'ont pas voulu dire Oui au Canada de Trudeau qui a remplacé le biculturalisme par le multiculturalisme. Par pure partisanerie politique, pour battre les souverainistes et le PQ, ils ont fait alliance avec l'ennemi no 1 du Québec qui les a bien enfirouapés. Ce sont les libéraux du PLQ qui ont trahi le Québec et non pas Trudeau qui ne s'est jamais caché de défendre l'intérêt national du Canada.
Le rêve d’améliorer le Québec dans le Canada que certains appellent l’autonomiste est mort et enterré et il est vain de vouloir le ressusciter dans le Canada d'aujourd'hui. Au moins, on doit reconnaître à Trudeau le mérite d'avoir clarifié le débat constitutionnel et d'avoir mis fin aux illusions du fédéralisme renouvelé.

Les nationalistes fédéralistes ne peuvent pas venir pleurer aujourd’hui puisqu'ils avaient été prévenus de ce qui allait arriver durant la campagne référendaire de 1980. Pierre de Bellefeuille, député de Deux-Montagnes écrivait ce qui suit le 18 mai 1979 : « Les Québécois qui voteront NON au référendum voteront pour le rouge à lèvre. Les changements proposés seront cosmétiques comme la demande de permettre aux provinces de nommer des sénateurs ou des juges à la Cour suprême. Mais cela ne touchera pas le partage des pouvoirs essentiels. Ceux qui voteront OUI affirmeront la volonté du Québec d'être maître chez lui...Avec un NON au référendum, nous serons d'une faiblesse telle qu'en négociation, on pourrait même nous refuser le rouge à lèvre. »
Les dupés d'hier ne peuvent aujourd'hui se plaindre de leur mauvais jugement politique. Ils ne peuvent invoquer leur turpitude passée pour nous ramener sur le chemin des illusions fédéralistes. Quarante ans plus tard, nous savons qu'il n'y a plus d'avenir dans le régime canadien et que l'indépendance est la seule porte de sortie pour exister comme nation. Au lieu de vilipender Trudeau, faisons comme lui et agissons de façon cohérente pour que l'indépendance advienne.



(Ajout du 5 juin 2020)

4- Mathieu Bock-Coté déforme l'histoire

Le 20 mai 1980, le Québec se disait non à lui-même. Le formidable élan de libération nationale engagé avec la Révolution tranquille frappait un terrible esquif. L’indépendance avortait.

Les souverainistes avaient sous-­estimé la colonisation mentale d’une partie de notre peuple qui s’imagine le Québec condamné à la médiocrité et la pauvreté s’il se délivre du cadre fédéral. Ne sous-estimons pas non plus l’efficacité des mensonges référendaires du pire traître de notre histoire, Pierre Elliott Trudeau.
René Lévesque, dans la débâcle, a eu le génie de garder l’avenir ouvert, en disant aux Québécois « à la prochaine fois ». En d’autres termes, il transformait cette étrange défaite en première étape vers une prochaine victoire.

Défaite
Le 21 mai, une nouvelle histoire a commencé. Celle du syndrome post-référendaire. Le Québec, sans trop s’en rendre compte, est entré en dépression politique. Bien des électeurs du camp du Non, dans la suite du référendum, eurent profondément honte de leur vote. Ils savaient qu’ils avaient cédé à la peur. Ils sentaient aussi, probablement, qu’un peuple ne refuse pas son indépendance sans en payer le prix.
On a sous-estimé les effets psycho­logiques et politiques d’une telle défaite. On disait autrefois : malheur aux vaincus !
La défaite référendaire, qui aboutit à la constitution de 1982, n’était pas sans faire penser à la défaite de 1837-1838, qui s’était parachevée dans l’Acte d’Union. Tout comme la défaite de 1995 nous a valu le plan B d’Ottawa, la loi sur la clarté et une entreprise de diabolisation délirante de notre identité collective, assimilée au racisme.

Il en fallut du courage, après 1980, pour garder vivante la flamme de l’indépendance­­­. Les militants de l’époque portaient l’idéal alors que plus personne ne voulait en entendre parler. Ils firent ce qu’ils purent pour éviter que la flamme ne s’éteigne. Leur travail ne fut pas vain. Jacques Parizeau a reconstruit un mouvement en décomposition.
Surtout, c’est le choc constitutionnel avec le Canada anglais, à partir de 1987, autour de l’Accord du lac Meech, qui réanima pleinement l’idée d’indépendance. On connaît la suite. Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous sommes toujours plus soumis au Canada.

Nous sommes fiers, avec raison, d’avoir voté la Charte de la laïcité l’année passée. Mais il y a quelque chose d’absurde­­­ dans cela.

Demain
Cette loi, fondamentalement, est minimaliste. Elle est révélatrice, néanmoins, du peu d’autonomie dont nous disposons dans la fédération. Nous évoluons dans un espace politique toujours plus étroit, sous la surveillance des tribunaux canadiens. Nous transformons mentalement le moindre pas de fourmis en victoire olympique. Nous prenons une souris pour une montagne.

La crise actuelle est parlante aussi. Elle nous rappelle l’importance pour un peuple de prendre par lui-même toutes les décisions qui touchent sa survie.












































Il se pourrait bien qu’à la prochaine commémoration du référendum, dans 10 ans, nous soyons un pays souverain. François Legault pourrait même en être le père fondateur. Il ne tient qu’à lui de le vouloir à nouveau.

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