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lundi 11 mai 2020

Les quarante ans du premier référendum

Note : Version augmentée et illustrée du texte paru sur le Bonnet des patriotes (9 mai 2020) à l'adresse suivante :
http://www.lebonnetdespatriotes.net/lbdp/index.php/chroniques/item/23038

L'anniversaire d'une dénationalisation politique

À contre-courant
En temps normal, les médias nous reviendraient avec quelques articles et analyses sur les quarante ans du référendum de 1980. Mais à quoi bon !  Que reste-t-il à dire qui n'a pas déjà été dit ? Et qui veut  
entendre du réchauffé ? Pourtant, ceux qui ont vécu l'événement se rappellent que c'était LA grande question de l'heure, celle qui avait envahi tout l'espace médiatique et ne laissait personne indifférent. Je prends le risque d'y revenir, à contre-courant, en dépit de la surdité présumée d'une opinion de nouveau mobilisée par un seul sujet... Si je le fais c'est que je prétends ne pas vous ennuyer car j'ai autre chose à faire que de servir du réchauffé. En m'appuyant plus objectivement sur l'histoire longue, je mets de l'avant une autre lecture des faits. 

Un arrière-plan riche en événements
Pour une remise en contexte, rappelons brièvement quelques faits qui se situent en amont du référendum. Daniel Johnson père, premier ministre du Québec, (décédé en octobre 1967) s'était fait élire avec son livre-manifeste : Égalité ou indépendance. Johnson, qui avait minutieusement préparé la visite du général de Gaulle à l'été 1967, s'était fait une bonne réputation chez les indépendantistes du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN). Ses militants avaient acclamé le général de Gaulle tout le long de son périple du chemin du Roy, jusqu'au balcon de l'hôtel de ville de Montréal, d'où de Gaulle lança son vibrant Vive le Québec libre ! 

René Lévesque, qui était libéral, membre du parti et ancien ministre, réagira très négativement. Au lieu de dire que le Québec était rentré librement dans la confédération et qu'il pouvait en sortir de la même manière, que dans ce contexte où les Canadiens-Français avaient accédé librement à un régime, la porte restait ouverte. Il n'y avait donc rien de scandaleux à ce que de Gaulle rappelle la liberté comme première condition d'un pacte fédérateur. C'était et c'est toujours la carte à jouer. Mais Lévesque ne le voyait pas ainsi. Au lieu de la sagesse politique et d'une stature diplomatique, Lévesque s'en prendra à de Gaulle, à qui il reprochera de ne pas se mêler de ses affaires. Pierre Bourgault rebondira avec un : « maudit niaiseux ». La réplique connaîtra une petite célébrité. 

Option Québec 
Un projet loufoque, qui s'en remet à la
bonté du Canada-anglais 
Option Québec, le livre-manifeste de René Lévesque est sorti de presse en janvier 1968. Quatre mois après une démission fracassante de son parti de toujours. Il en quittera la structure mais retiendra l'esprit. Du livre, il se vendra rapidement des milliers de copies. C'était un revirement. Après 7 ans au parti libéral, Lévesque se rangeait-il dans le camp de feu son prédécesseur et opposant, Daniel Johnson père ?


Souveraineté-association Vs Égalité ou indépendance
Pour répondre à la question, il faut examiner de plus près les deux projets. Quelle différence y avait-il entre la souveraineté-association, le projet de Lévesque et, Égalité ou indépendance, incarnée par Johnson jusqu'à sa mort ? En apparence pas grand-chose. Dans les deux cas il s'agissait d'abord de faire connaître ses couleurs quant à la question nationale et, ultimement, de mobiliser l'opinion publique en vue de négociations constitutionnelles. Pour les deux hommes, la stratégie était la même, arriver à une table de négociations avec un rapport de force favorable. 

Un projet réaliste qui ne quémande pas
mais s'impose comme tension
politique entre l'égalité et l'indépendance
Au grand dam d'Ottawa, Johnson donna toutes les apparences d'être déterminé et ne perdit pas de temps. Un an après son élection, la visite du chef d'État français donna un retentissement international inespéré à son option. C'était une contribution significative à l'établissement d'un rapport de force favorable. De son coté, René Lévesque se contentera du carré de sable provincial pendant quatre ans avant d'enclencher de peine et de misère un référendum mélodramatique qui, au bout du compte, désagrégera la puissance de négociation du Québec. Sa passivité constitutionnelle est à noter. 

Quel référendum ?
Jusqu'aux alentours de 1970, il n'était question de référendum nulle part. Tous au Québec partageaient une même certitude. Des négociations constitutionnelles, quelles qu'en soient l'issue, pouvaient se tenir lorsqu'une province comme le Québec, qui avait consenti à la formation du Canada en 1867 en faisait la demande. Telle était la puissance du Québec. Personne ne considérait la possibilité qu'Ottawa refuse de s'asseoir à la table dans le cas où un dossier constitutionnel bien étoffé arriverait à maturité. Mais Lévesque n'avait pas de dossier. Après le référendum perdu, tous les observateurs le noteront, il s'était présenté nu comme un ver nu aux négociations constitutionnelles de 1981. 

Johnson, fidèle à la tradition politique
Le lecteur le devine. Une différence de taille, profonde, de nature doctrinale apparaît entre Lévesque et Johnson. Daniel Johnson parlait au nom des Canadiens-Français. S'il voulait lui aussi négocier au nom de l'État du Québec, c'était au titre d'une possession historique de l'État par la majorité canadienne-française. Il se faisait l'écho de la tradition politique. Il n'avait pas le complexe d'infériorité de Lévesque pour qui, parler à Ottawa au nom du Québec, l'obligeait à passer par la média référendaire. 

René Lévesque en rupture avec l'histoire
Né Canadien-Français en 1927, Lévesque était
incapable de prononcer le nom de l'identité que lui avait
donné ses père et mère.
Comme Trudeau père, il en avait honte.
Pour contourner les mots de son identité, il écrira
"Nous autres", dans un manifeste de supposée "libération".
René Lévesque parlait au nom des Québécois. Il voulait négocier au nom d'un État du Québec considéré comme celui d'une majorité francophone, en voie de former un peuple québécois nouveau qui sublimerait les effets de la Conquête par la magie de l'ouverture aux autres. Une nouvelle identité de toute beauté, avec une communauté anglophone d'une fidélité absolue à Ottawa. Pour imposer cette innovation, la grande idée plurinationale, en rupture complète avec notre histoire depuis le 10 février 1763 : il fallait un référendum. Le référendum devint l'acte fondateur le plus marquant du néo-nationalisme. 

Lévesque et Pierre Elliott Trudeau font bon ménage 
À l'égard de la nationalité et du nationalisme, René Lévesque et Pierre Elliot Trudeau faisaient plutôt bon ménage. Contre la doctrine Johnson, dans les circonstances, mais en fait contre une tradition nationaliste enracinée. Trudeau et Lévesque étaient dans leur élément pour magnifier la « Grande Noirceur » duplessiste. Un concept libéral surfait, qui incluait une opposition virulente au nationalisme canadien-français. La révolution tranquille, si on met de coté l'économie et l'expansion de l'État, c'était d'abord la détestation des Canadiens-Français, un sentiment que les deux hommes partageaient vivement, étant tous deux libéraux. Le fait est que la révolution tranquille a été l'occasion d'un retournement radical des nouvelles élites contre la société qui les avait nourries et promues. Il s'agit d'un bris dans une continuité nationale pluri-séculaire. Un individualisme et une ingratitude radicales. 

Lévesque, pourfendeur des « purs et durs »
Lévesque n'avait jamais été un patriote. Quand les derniers partisans romantiques sortiront de leur rêve, ils le constateront. Comme Trudeau, Lévesque fuyait le nationalisme. D'ailleurs, ce n'était pas contre le régime fédéral qu'il avait les mots les plus durs mais contre les indépendantistes déterminés, décriés comme des "purs et durs", qu'il souhaitait même voir quitter le parti.

Sortir les Canadiens-Français de la politique
Si on s'en tient à la dynamique interne du Québec, le sens politique du référendum de 1980 était de sortir les Canadiens-Français de la question nationale. De les sortir de l'existence politique, en particulier du dossier dont ils étaient les premiers concernés et les seuls intéressés. Par le biais d'un «démocratisme» mal inspiré, le référendum niait le droit des fondateurs du Canada à disposer de leur destin par la maîtrise de leur État. La nation n'était plus la nation historique, mais la combinaison d'une majorité francophone, plus les anglophones, plus leurs alliés. Le rôle de Lévesque dans l'ensemble de nos tribulations historiques aura été, de concert avec Trudeau, de remettre à leur place les Canadiens-Français, de les tasser pour réduire à néant leur prétention de former leur propre État national. 

L'État national comme figure de proue de l'imposture
Au sein de cet État la minorité anglophone aurait certes été respectée, mais appelée à prendre pour la première fois depuis la Conquête le statut d'une vraie minorité. Le véritable défi démocratique était celui-là. Il était d'obliger les anglo-saxons à un exercice auquel ils ne sont pas habitués et auxquels ils résistent naturellement. Impensable pour Lévesque. En revanche, le PQ ne cessera pas de soigner une symbolique nationale sans substance, pour consommation indigène, avec un supposé « État national » comme figure de proue de l'imposture. 

La fluidité identitaire du PQ
Avec le Parti québécois, les Canadiens-Français se sont condamnés à vivre un humiliant recul historique. On leur a imposé la fluidité identitaire au sein d'un nouveau peuple québécois dont ils ne forment plus qu'une partie maigrissante. Leur destin est plus que jamais soumis à l'approbation de la minorité des bénéficiaires historiques de la Conquête. Dans ce cadre, le petit Québec libre, que ces élites dénationalisées appellent toujours de leur voeux pieux, ne pourrait être qu'un petit Canada. Le pays que Lévesque avait sans doute comme idéal pour le Québec, car Lévesque sera toujours demeuré un parfait incapable lorsque l'histoire le convoquait à réfuter les thèses de Trudeau sur la nation et le nationalisme. L'entourage de Claude Morin, qu'il avait choisi, ne l'aidait sûrement pas à se dépasser... 

L'imposition d'une identité partagée et la dégradation de notre statut
Les nouvelles élites de la révolution tranquille ont d'abord milité pour que les Canadiens-Français abandonnent leur statut de fondateur du Canada, leur légitimité historique et leur existence politique. C'est tout dire. Contrairement à Daniel Johnson père, c'est ce que René Lévesque voulait. Déjà incapable de nommer les Canadiens-Français dans Option Québec, car il avait honte de ses origines, et c'est ce qu'il propageait... En mettant nos espoirs entre les mains d'un parti farouchement dénationalisé, la dégradation de notre statut politique ne pouvait que suivre. Inversement, le statut de la communauté anglophone s'est trouvé renforcé. L'identité officielle de l'État, que les Canadiens-Français sont tenus de partager, a conduit à mettre en berne leur fierté nationale, à la perte d'attraction du français, à la perte de leurs institutions nationales. 

Il n'est pas trop tard pour rappeler qu'un peuple a le devoir de maintenir son existence. Le référendum de 1980 manquait à ce devoir. 

Gilles Verrier
Porte-parole du Bonnet des patriotes et
président de la Fédération des Canadiens-Français

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