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vendredi 25 septembre 2020

La Fédération des Canadiens-Français et la chefferie du Parti québécois (première partie)


La fédération de Canadiens-Français s'est intéressée à la course à la chefferie du Parti québécois et présentera ses positions en trois parties,

voici la première. Ce qui suit n'a pas pour but d'influencer le vote du 9 octobre prochain mais de porter les regards plus loin. Nous prendrons le recul nécessaire pour considérer ou reconsidérer sur le temps long quelques unes des positions des candidats qui nous paraissent importantes dans leur liaison aux enjeux fondamentaux. 

Le lecteur qui nous suivra dans cet exercice doit s'attendre à ce que la Fédération des Canadiens-Français marque des désaccords qui n'ont rien de superficiels. Mais on le fera avec des objectifs honnêtes, comme celui de réveiller l'élan patriotique; on le fera dans un esprit positif, celui de sortir du cul de sac dans lequel le Parti québécois maintient la question nationale.

Pour nous, que les quatre candidats à la chefferie se revendiquent de la continuité péquiste et de l'héritage de René Lévesque est une déception sans surprise. Sans le claironner, le Parti québécois a tourné le dos à la nation historique issue de la Nouvelle-France. Il boude la nation canadienne-française, non reconnue, mais qui se trouve à la source de toutes les revendications nationales portées par Québec. Notre nation reniée depuis la fondation du PQ, continue pourtant d'assurer seule l'existence de ce parti et de lui fournir ses électeurs. 

Acquis aux dévoiements de la démocratie libérale qui a transformé le pouvoir en « gouvernance », les candidats du Parti québécois gagnent leur élection grâce au nationalisme des Canadiens-Français, mais gouvernent selon un pacte avec une puissante minorité. Les deux, les Canadiens-Français et la puissante minorité anglophone, formeraient ensemble ce que l'on a gratifié du titre de « peuple », une nation si on se fiait à la définition anglo-saxonne... 

L'existence de cette nation autrefois inconnue, a été affirmée au cours de la révolution tranquille et consolidée ensuite avec la participation d'idéaux contraires dans deux référendums communs. En dépit de cette volonté de communion, qui n'a pour origine que des francophones,  faut-il le rappeler, le vote québécois est resté divisé entre les anglos et les francos tout autant qu'il l'était avant la révolution tranquille.

Or, une nation qui n'a pas de volonté commune n'en est pas une. Il est temps de revenir à la réalité. 

Nous affirmons que la nation québécoise est une application dans le cadre provincial du rêve trudeauiste pan-canadien qui nie la légitimité du combat politique des deux nations canadiennes depuis 1760. 

Pour René Lévesque, comme pour P. E. Trudeau, nos problèmes et nos insuffisances viennent de notre refus de fonder avec l’Anglais un nouveau pays. Comme dans la visée des chefs patriotes, reprise par Trudeau et Lévesque, il faut convaincre les Canadiens-Français de s’inscrire dans une communauté de destin avec les anglos. Pour dorer la pilule, on a laissé croire que les Canadiens-Français pourraient prévaloir dans une telle union, une prétention que dément l'expérience naïve et qui se poursuit tête baissée depuis maintenant cinquante ans.

À l'époque des Lionel Groulx et des Daniel Johnson père, on prenait les choses avec plus de réalisme. On reconnaissait d'emblée une nation canadienne-française forgée par l'histoire, forgée par la lutte séculaire pour l’atteinte de l’égalité et la fin du colonialisme anglo-saxon. Nos chefs de file d'avant la révolution tranquille n'essayaient pas de convaincre les Canadiens-Français qu'ils formaient une communauté de destin avec les anglophones. En digne héritier des Patriotes et des « bonententistes » libéraux qui leur ont succédés, le Parti québécois l'a osé !

C'est à se demander si le Parti québécois n'aurait pas été créé pour veiller au grain ? Que voulons-nous dire ? Au pouvoir comme dans l'opposition, le PQ n'aura pas contesté avec la force nécessaire que l'on coupasse inégalement les parts du gâteau fiscal. Il n'a pas mobilisé l'opinion publique et agi avec conséquence pour mettre fin à une distribution inéquitable du trésor public. Cette distribution qui favorisait la communauté anglophone (et immigrante anglophone) en santé, en éducation, en communication et en culture. Autant que les autres, le Parti québécois s'est interdit l'audace de mettre fin à ce déséquilibre humiliant qui assure un développement inégal des deux communautés linguistiques. Pire, le PQ s'est à peu près toujours interdit d'en parler franchement.

Du fait de ces inégalités, les deux communautés jouissent d'un pouvoir d'attraction inégal, l'inégalité ne s'est pas résorbée depuis René Lévesque et ses continuateurs. Le peu de prestige accordé à l'usage du français nous plombe. 

Le français, devenu langue minoritaire du Canada en 1850, le deviendrait pour le Québec en 2050, possiblement avant, si l'on se fie à de nombreuses prévisions démo-linguistiques. Un lent, tragique et interminable déclin nous affecte, alors que la cohésion et les moyens d'action que nous donnaient jadis la dénomination canadienne-française et sa légitimité historique sont disparus.

Le PQ en est coupable à plusieurs titres. En 2000, avec la loi 99, il a consolidé la différence de traitement entre les communautés linguistiques en reconnaissant aux anglophones des « droits consacrés ». Cette reconnaissance gratuite, faite au profit de la puissante minorité ne nous procurait pourtant absolument aucun avantage national. Bien au contraire, cela ne pouvait que rendre plus difficile la contestation du sur-financement public des institutions anglophones. 

C'est Joseph Facal qui a écrit cette loi sous le gouvernement de Lucien Bouchard. Dans une récente chronique, M. Facal se chagrine du fait que le français est en perte de vitesse. Mais il se garde bien d'y voir une responsabilité personnelle, qui s'étend à celle du gouvernement Bouchard et à la québécitude globale portée par le Parti québécois. 

Effectivement, M. Facal n'avait pas pour devoir de reconnaître aux Canadiens-Français le droit consacré de perpétuer et d'améliorer leur majorité linguistique. Inversement, comme Canadien-Français il n'aurait pu échapper à ce devoir.

L'effacement national jusque dans l'action législative des nôtres, de nos piètres colonisés, nous rappelle que le colonialisme dont parlaient les indépendantistes pré-péquistes demeure une clé de compréhension qui n'a rien perdue de sa pertinence. La réalité que recouvre le mot n'a guère changée, sauf peut-être, dans les discours sortis de l'imaginaire péquiste. 

On comprend mieux pourquoi, tout ce pan d'injustice évoqué plus haut a été comme toujours entièrement ignoré des débats à la chefferie. Sans recouvrer notre identité historique et la légitimité qu'elle nous confère en droit, la québécitude ne fera que poursuivre son chemin descendant qui nous mène à la minorisation et à la folklorisation. Pour les tenants du néo-nationalisme de la révolution tranquille, le Québec « libéré » provincialement en vertu de nouvelles prétentions nationales, n'aurait plus, en principe, qu'à se débarrasser du fédéral pour filer un parfait bonheur. 

Il est temps de recadrer le débat sur le premier enjeu. Qui sommes-nous ? De quelle identité nous réclamons-nous pour défendre notre existence ?

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