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mercredi 28 octobre 2020

De la misère d'être soudainement devenus des Québécois

 

« Nous croyons qu’il existe au Canada, dans 
le sens sociologique du terme, une nation 
de langue française dont le foyer est au Québec. 
Cette nation a la ferme intention de poursuivre
son affirmation en se donnant, dans l’ordre
et la justice, tous les instruments nécessaires 
à son développement. »

Daniel Johnson père

 On ne s'est dit NON qu'en tournant le dos 

à notre identité nationale

Après les avoir invités à venir statuer sur notre destin, ceux-là qui s'étaient bâtis à nos dépens des institutions comme l'Université McGill, le chef du camp du oui leur concéda tout de suite la victoire. Et il n'en démordra pas. Jusqu'à sa mort, malgré tous les rappels dépités d'un "vol référendaire", dont on peut lire des pages encore aujourd'hui sur les réseaux sociaux, il aura maintenu que "les résultats étaient là", c'est-à-dire valides. 

J'ai toujours eu du mal à voir un grand homme dans le mauvais stratège qui abandonna ses troupes au beau milieu du champ de bataille. Ce mauvais général, dont nous parle Sun Tsu, qui, ayant perdu une bataille, se conduisit comme s'il avait perdu la guerre. On a eu beau critiquer le vol référendaire à l'époque, et reprendre le refrain encore aujourd'hui, ni le chef, ni son successeur, ni l'état major, ni les députés, personne n'était plus là en 1995 pour sonner le rassemblement et fortifier nos positions. Mais laissons-là une stratégie déplorable qui cache le pire.


Adressez-vous au Comité de recrutement
de la Fédération des Canadiens-Français (v.note)


Sur le fond, le référendum était un enfant de la "québécitude" : l'idée d'une nation fictive  qui pouvait mettre d'accord les deux solitudes du Québec, faute de pouvoir appliquer la même recette dans le grand Canada. Selon cette aliénation, les tensions nationales, omni présentes depuis la Conquête, devaient désormais s'estomper sur l'autel d'une nouvelle identité forcée et commune. 

Aveuglé par la québécitude, ce néo-nationalisme qui reniait l'identité canadienne-française de ses pères et mères, le chef du camp du oui ne pouvait concevoir que nous pouvions tirer quelque parti de la défaite très apparente, mais nullement fatale du 30 octobre 1995. Piégé par la québécitude, il lui était impossible de rebondir. Impensable pour lui de réclamer sur le champ des négociations constitutionnelles, en arguant que 60 % des Canadiens-Français avaient voté oui. Une nouvelle démonstration de la fracture du Canada ne venait-elle pas d'éclater à la face des journalistes du monde entier ? Mais au lieu d'une relance appropriée (il y avait plusieurs angles possibles), on eut droit à un discours peu diplomatique, sans hauteur politique et dépourvu de perspective. Quelle amère déception pour tous les partisans qui avaient été mobilisés et amenés jusque là ! Après quelques semaines de vaines agitations, nous étions repartis sur la route du déclin et le moral sous le bras, car les nations qui refusent de se battre pour leur existence reculent. Tellement l'univers politique et mental des Canadiens-Français est bouché, il aura fallu vingt-cinq ans pour en arriver à réunir ces idées qui se réclament de plus de cohérence et de moins de complaisance. 

Ne réagissez pas émotivement. Il ne s'agit pas tant de faire porter tout le blâme sur le chef du camp du oui, mais plus gravement sur la doctrine bancale qu'il incarnait. Avec l'échec de toutes les promesses de la québécitude, la mesure du renoncement à notre identité historique apparaît comme une deuxième défaite des plaines d'Abraham, à la différence que, cette fois-ci, elle est auto-infligée. Un nouveau chapitre, inédit, sur l'aliénation coloniale restera à écrire pour les générations futures.

Les perspectives d'avenir, que sont notamment notre mise en minorité démographique, ne pourront s'embellir sans que la nation historique reprenne son cours. Il faut exiger la reconnaissance de la nation canadienne-française par l'État du Québec !


*   *   *

Note sur l'illustration : L'affiche peut avoir besoin d'une explication. C'est une publicité de l'armée canadienne pour recruter les Canadiens-Français dans la guerre 1914-18, alors que ces derniers s'opposaient à la conscription. L'article de wikipédia - émeutes de Québec de 1918 - retrace toute l'importance des événements. Mais ressortir cette affiche aujourd'hui prend un tout autre sens. Elle a été choisie pour rappeler à la mémoire de nos compatriotes que :

1) le gouvernement fédéral publiait en français des affiches unilingues
2) il reconnaissait l'existence des Canadiens-Français en faisant appel à eux, reconnaissant même un héros national : Dollard des Ormeaux
3) la nation canadienne-française était une entité politique qui allait de soi et avec laquelle il fallait compter : réprimer, amadouer, convaincre, etc.

Or cette existence nationale a été noyée dans la québécitude, qui nous a fait perdre la capacité de parler pour nous-mêmes avec toute la légitimité voulue. Cette affiche est donc une pièce de notre argumentaire. Elle est reprise pour justifier nos revendications politiques et constitutionnelles enracinées dans l'histoire, ce que ne saurait faire l'identité québécoise pluri nationale, qui d'ailleurs s'en empêche. Il est vrai que le sens de l'affiche peut être incompris, mais c'est là que loge toute la question d'un redresement national qui doit se faire avant que nous devenions minoritaires, dans quelques deux décennies. Canadiens-Français, nous pourrons toujours défendre notre existence, même minoritaires, mais "Québécois francophones" achèvera notre dénationalisation.

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Publication FB 15h - 28 octobre 2020
Mise à jour Blogger 21h17 - 28 octobre 2020
Note ajoutée à 10h50 - 29 octobre 2020


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