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lundi 5 octobre 2020

La Fédération des Canadiens-Français et la chefferie du Parti québécois (troisième et dernière partie)

D'entrée de jeu, ne pas avoir parlé de la Covid 19 durant la course à la chefferie est un silence qui met les candidats à niveau avec l'ensemble de la classe politique tous partis confondus. Évidemment, avoir exprimé quelques désaccords par rapport à l'urgence sanitaire en vigueur aurait tout de suite disqualifié le fautif. La politique politicienne a ses exigences. Mais de cette politique politicienne qui se fait unanime sur les sujets controversés, est-ce vraiment ce dont nous avons besoin en ces temps tumultueux ?


1- L'indépendance 

Guy Nantel est le candidat qui a le mieux compris la logique de l'indépendance de la nation civique québécoise. Dans son livre, "Je me souviens... de rien", il proposait avec plus de candeur que sa candidature à la chefferie le lui permet aujourd'hui, de déclarer l'anglais langue nationale minoritaire. Il proposait aussi d'ajouter un signe identifiant les anglophones sur le drapeau du Québec. Ce sont des propositions qu'il a imaginées comme souhaitables pour que les anglophones se laissent tenter par un oui à un futur référendum. Mais qu'une personne ayant écrit cela soit bien accueillie au PQ est grandement révélateur qu'on ne comprend pas qu'une nation commune avec les Anglais est l'assurance de leur domination perpétuelle.

Nous savons que jusqu'ici le projet civique du PQ, chevillé à une utopique nation québécoise, s'est heurté à une minorité de blocage. Malgré toute la bonne volonté néo-nationale, les intérêts nationaux réels continuent de se heurter entre anglophones et Canadiens-Français. Pour survivre, le PQ se voit contraint de courtiser la minorité de blocage, d'autant plus qu'elle est appelée à devenir elle-même la prochaine majorité linguistique. Guy Nantel a présentement mis en veilleuse ses propositions, mais il a montré qu'il a parfaitement compris où se trouve l'avenir du néo-nationalisme. Pour faire des gains auprès des anglophones le PQ devra continuer de céder le minimum aux Canadiens-Français, un électorat qu'il se croit toujours en mesure de récupérer. 

Posée dans ces termes, l'indépendance du futur ne servirait plus à rien, sinon à diviser le Canada au profit du Nouvel ordre mondial. Fournir un autre cas de partition justifié pour des raisons qui n'ont plus rien à voir avec la liberté politique des Canadiens-Français, pourtant dans nos espoirs depuis 1760. Le cas du Kosovo est un exemple parfait de l'indépendance mondialiste, dont l'équivalent chez nous serait, on le voit, de faire du Québec un Canada bis, intégré et dominé par l'anglosphère.

2- Le Référendum

À l'instar de Jacques Parizeau, sorte de victime consentante d'un verrouillage stratégique imposé par le tandem Lévesque-Morin, les quatre candidats à la chefferie cèdent encore aujourd'hui à la démagogie culpabilisante d'un démocratisme qui remet à d'autres le soin de décider du destin d'une nation. Voilà pour le principe de notre enfermement perpétuel. 

Et pour l'opérationnel : Télégraphier d'avance à son adversaire le jour où l'on entend jouer le tout pour le tout est une stratégie qui tourne en dérision l'art de la guerre. D'autant plus naïve que l'on continue à attendre du « fair play » d'un adversaire qui a montré par deux fois qu'il n'avait aucunement l'intention de respecter la loi du Québec sur les consultations populaires. La stratégie est d'autant plus surprenante que Québec a montré par deux fois qu'il n'avait nullement l'intention de faire respecter sa loi. À quel jeu joue-t-on ? 

La stratégie référendaire voulait nous faire prendre conscience que nous formions une majorité. À l'arrivée, elle aura plutôt fait la preuve que nous avons toujours été une minorité politique dominée depuis la Conquête. 

3- La lutte constitutionnelle

Au cours de la présente course, Frédéric Bastien s'est fait le champion d'une nouvelle offensive constitutionnelle. C'est pour lui, la seule façon d'en arriver à l'indépendance. Bastien se présente aussi comme un nationaliste assumé, mais comme il se réclame du même souffle de l'héritage de René Lévesque, se pose d'emblée un problème de cohérence. Frédéric Bastien incarne une contradiction qu'il ne semble pas voir.

D'une certaine façon, on est frappé par le fait que Bastien veuille mener avec plus de détermination (et quelques décennies de retard) le combat qui aurait dû être livré par René Lévesque. Ce qui frappe de sa charge contre Ottawa c'est qu'il laisse de coté la problématique mondialiste, qui augmente la responsabilité des petites nations à demeurer elles-mêmes si elles veulent résister à l'effacement. Cette réalité devrait se traduire par une nette distanciation du nationalisme civique. Or il n'en est rien. 

Les Canadiens-Français ne pourront jouer gagnant sur le long terme en se contentant d'escarmouches constitutionnelles ponctuelles. Il leur faudra aborder de front la question de leurs droits nationaux historiques, les droits propres à une seconde autochtonie formée par la Conquête. Il va de soi que ce combat ne peut se faire de manière crédible que s'il se fait au nom des Canadiens-Français. Clairement, les dernières négociations constitutionnelles entre les Canadiens-Français et les Anglais datent de 1865. Depuis la révolution tranquille rien n'a été fait pour en préparer de nouvelles. On se sera même éloigné de l'élaboration d'un dossier à charge bien étoffé. Depuis la révolution tranquille, une nouvelle tradition politique, validée par des haut-fonctionnaires et des universitaires, n'aura pas permis de mettre en relief un contentieux dont la dimension coloniale ne peut être entièrement écartée. La raison est fort simple, à la cause du peuple francophone on a substitué celle d'un état, l'État du Québec. 

4- La Loi 21

Et la contestation constitutionnelle ne coïncide pas forcément avec l'intérêt du peuple francophone. C'est la loi 21 qui nous en fournit une preuve supplémentaire. Si Guy Nantel est le candidat de la dénationalisation de l'indépendance, Frédéric Bastien est le candidat par excellence de la dénationalisation spirituelle. 

La laïcité n'a pas toutes les vertus et n'est pas la panacée du vivre ensemble. Bien au contraire, elle s'adresse à tous mais ne rejoint en pratique que les catholiques culturels ou pratiquants, ceux qui en sont les principaux promoteurs. Ces catholiques qui ont renoncé à leur dénomination tout en y étant les produits, ne renonceraient pas aux valeurs des Évangiles pour guider leur vie, sauf exception, pour celles de la charia ou du talmud. Mais ils font comme si tout était égal.

La loi 21 n'a donc rien de nationaliste, comme Frédéric Bastien veut le laisser croire. La mise en scène de deux approches étatiques du multiculturalisme, celle de Québec et d'Ottawa, qui s'opposent, ne suffit pas à faire de la laïcité un enjeu du nationalisme, à moins de confondre nationalisme et rivalité étatique. Du reste, les deux approches, sans être identiques sont pourtant voisines. D'un coté, la vision québécoise de la CAQ, dont Frédéric Bastien se fait le champion, avec derrière lui nombre d'appuis anti-catholiques et maçonniques bien identifiés. De l'autre, la vision fédérale qui repousse tout encadrement du phénomène de la multi-confessionnalité. 

Selon nous, il faut envisager la question à partir de la justice distributive d'Aristote et de Saint-Thomas d'Aquin, une approche qui s'exprime par la formule suum cuique tribuere, soit de rendre à chacun son dû. Selon la tradition non libérale, la justice ne consisterait pas à traiter tous les cultes sur le même pied, mais de donner à chacun ce qui lui revient. 

L'État, qui nivèle le catholicisme au niveau des cultes exotiques ou d'apparition récente, nous met devant une dénationalisation supplémentaire de notre identité. Pour endiguer la prolifération des cultes exotiques, l'État n'avait pas à niveler la place du catholicisme par le bas en prétendant à l'égalité de tous. C'est ce que fit François Legault en rompant sa promesse de ne pas décrocher le crucifix de l'Assemblée nationale. Oui, il y a une différence à faire entre les cultes. Un nationalisme assumé ne peut encourager que la foi patrimoniale soit reléguée au niveau des autres cultes, retirant encore une autre dimension à notre couleur nationale, pour la remplacer par l'indistinction. 

La loi 21 ouvre donc la porte à un multi confessionnalisme indifférencié, qui est le multiculturalisme de la spiritualité. La diversité bien comprise ne prône pas la juxtaposition de cent communautés humaines dans quelques quartiers de Montréal, aux langues, aux cultes et aux mœurs étrangers les uns les autres, donc dans l'absence de toute appartenance commune, mais dans la capacité de fournir et de garantir à chaque nation élaborée par l'histoire le terreau nécessaire pour se perpétuer. Une nation assumée, qui maintient ses attributs, est le seul rempart au mondialisme. 

Conclusions

Nous venons de voir que l'héritage de René Lévesque, dont se revendiquent le PQ et les quatre candidats à la chefferie, empêche tout renouvellement sur les questions de la nation, de l'indépendance, du référendum, de la lutte constitutionnelle et de l'assumation intégrale de notre héritage et nos valeurs catholiques. On pourrait continuer la liste. 

Notre séparation du régime fédéral anglais, dont la toxicité pour notre nation n'est plus à démontrer, est absolument nécessaire. Ce qui a été sous-estimé c'est que la question se décide d'abord dans les âmes et dans le cœurs. Deux dimensions qui sont hors de portée du nationalisme civique. La décision sécessionniste se réalise plus ou moins complètement quand un sentiment national assez fort, assez profond et partagé par ceux qui reconnaissent et ressentent l'injustice, rend irrésistible tout retour en arrière et finit par provoquer la séparation des institutions elles-mêmes, en l'occurrence l'édifice fédéral. Dans ce sens, le péquisme n'aurait été qu'un éprouvant détour... Nous sommes moins séparés du Canada fédéral aujourd'hui que nous l'étions avant la formation du PQ.

Le souverainisme réfractaire au nationalisme et mondialiste est le spectre qui guette la nation canadienne-française et menace son avenir.

Dans l'avenir, il serait utile de poursuivre l'analyse de la dérive péquiste et en particulier de l'héritage des Lévesque-Morin. C'est sans doute la seule façon de revaloriser notre existence nationale, de repartir sur des bases qui nous rattachent à notre histoire longue. Une impulsion à notre vitalité nationale pourrait être donnée en réclamant de Québec la reconnaissance de la nation canadienne-française. Une renaissance nationale nous apparaît à peu près impensable autrement.

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Pour lire la deuxième partie de cette série : 

https://gilles-verrier.blogspot.com/2020/10/la-federation-des-canadiens-francais-et.html

Pour en lire la première partie : 

https://gilles-verrier.blogspot.com/2020/09/la-federation-des-canadiens-francais-et.html

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