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dimanche 4 octobre 2020

La Fédération des Canadiens-Français et la course à la chefferie (deuxième partie)

Le déni n'aura qu'un temps

En dépit de leurs vues divergentes sur plusieurs dossiers ils se ressemblent. Les candidats en lice se démarquent, sans qu'aucun des quatre ne représente un renouveau qui pourrait sortir le parti de René Lévesque de son creux historique. Contre toute apparence, le conformisme domine. 

Le nom de René Lévesque vient d'être prononcé. C'est sur son héritage que s'est formé une lourde tradition. Les quatre continuent de s'en réclamer, et s'inclinent devant son icône comme s'il s'agissait d'un passage obligé. Ils ne voient pas que le Parti québécois a été déserté par la majorité de ses membres et de son électorat. Ils ne voient pas que, pour relancer le combat national sur des bases solides, il leur faudrait rouvrir le dossier Lévesque-Morin depuis le début. 

On ne saurait parler sérieusement de nationalisme assumé sans prendre ses distances du nationalisme hésitant, complexé et mal assumé qui a formé l'ADN du Parti québécois jusqu'à présent. D'autant que l'influence du fondateur, René Lévesque, continue de marquer des successeurs qui revendiquent cette filiation. Un bilan sans complaisance s'impose. Faute de se faire au sein du parti, il se fera et se fait à l'extérieur. Et nous ne sommes pas peu fiers d'être aux premiers rangs de cette indispensable révision historique. Non par malice, non par ressentiment, mais pour éclairer l'avenir.

Stratégie de la tension et discipline de parti

Dès octobre 1970, le Parti québécois a été instrumenté dans une stratégie de la tension dont la pièce maîtresse était la Loi des mesures de guerre. René Lévesque s'y est plié. Le positionnement du PQ s'est fait sur deux axes. Le premier a été de contenir l'influence des nationalistes les plus déterminés. Non pas que cela n'était pas déjà fait avant, comme deux exemples tirés des années 1968 et 1969 le montrent ici. Dans un premier cas, Lévesque avait refusé de discuter l'intégration ordonnée du RIN dans le PQ. Dans le deuxième cas, en 1969, alors que se tenait l'Opération McGill français, la plus grande mobilisation de rue depuis la deuxième guerre mondiale, René Lévesque s'était prononcé pour que McGill reste anglais «avec l'aide de l'État». 

Après octobre 1970, ces orientations difficilement conciliables avec l'intérêt national seront consolidés. Ainsi, la loi 99 (2000), (Facal-Bouchard) réaffirmera les « droits consacrés » des anglophones, une loi qui par ses « considérants » se situe dans le sens des positions déjà énoncées 30 ans plus tôt. En même temps, octobre 1970 aura permis à la direction du parti de consolider une discipline interne dirigée contre les nationalistes les plus déterminés. C'est le premier aspect du resserrement post-octobriste, lequel se divise donc en deux volets : 

1) la volonté au sommet de maintenir le statu quo linguistique 

2) le refoulement des «pressés». 

Stratégie de la tension et stratégie référendaire

Le deuxième aspect d'octobre 1970 aura été de faciliter l'adoption d'une stratégie référendaire discrètement recommandée par des autorités fédérales depuis 1969. Elle sera relayée par des agents rémunérés, en tout cas au moins un, devenu célèbre par ses aveux non dissimulés. Cette stratégie était dans l'intérêt objectif du fédéral car elle faisait reculer dans l'agenda provincial toute action gouvernementale pour ré-équilibrer le financement public en éducation et en santé, de même que toutes les autres mesures nationalistes qu'un gouvernement élu en 1976 pouvait décider en toute légitimité. 

En effet, toute initiative législative des souverainistes tombait sous le coup d'un ajournement jusqu'à ce qu'un référendum gagnant donne le feu vert. Feu vert à quoi ? À des négociations, autorisant après coup une modification du statu quo. Or le référendum avait été planifié pour être perdu, du moins si on se fie à Sun Tzu et ses leçons sur l'Art de la guerre. 

Rien de décisif ne sera donc entrepris jusqu'à aujourd'hui pour mettre fin durablement au sur-financement historique des institutions anglophones. C'était pourtant une décision sur laquelle dépendait notre prospérité linguistique future. La loi 101, adoptée péniblement, Lévesque s'y étant opposé, entretiendra la fidélité des militants. Elle aura des effets positifs immédiats mais temporaires. Applaudie par la population elle sera toujours défendue mollement. Le nationalisme complexé qui domine le PQ n'y étant pas pour rien.

L'héritage linguistique de René Lévesque

L'orientation prise dès le départ par le Parti québécois, et en particulier par René Lévesque, est celle d'une fausse opposition. Une fausse opposition au statu quo qui s'est toujours refusé le droit d'inverser durablement les tendances linguistiques. Les conséquences de cette malheureuse orientation nous font craindre aujourd'hui que le basculement du Québec vers une majorité anglophone se produise d'ici quelques décennies. 

L'héritage constitutionnel de René Lévesque

Et que dire de l'oeuvre constitutionnelle de René Lévesque ? Les négociations constitutionnelles de 1981, menées par Claude Morin (surtout) et René Lévesque avaient en fond de scène le renoncement à la souveraineté-association. Le célèbre plan de René Lévesque, élaboré dans Option Québec pour renouveler en profondeur le fédéralisme, ne sera pas évoqué au cours de ces rares négociations portant sur le régime politique. 

Faute de faire le procès du régime dans le cadre idoine des négociations constitutionnelles, le duo Morin-Lévesque travaillera plutôt à recadrer plus modestement les ambitions du Québec. À Ottawa, on se contentera de plaider la décentralisation. À cet effet, un front commun des provinces sera constitué à l'initiative personnelle de Claude Morin. Encore lui. C'était là la pièce maîtresse qui devait mener aux progrès de la décentralisation. 

Selon l'analyse officielle, celle qui a toujours réuni le camp d'un souverainisme mal assumé, le scandale des négociations constitutionnelles de 1981 se trouverait dans l'isolement du Québec par les provinces du ROC, à la faveur de la fameuse nuit des longs couteaux. En réalité, Lévesque voulait juste se réchapper d'une humiliation personnelle aux dépens de la vérité politique. L'analyse biaisée de l'échec constitutionnel de 1981, qui lui est favorable, détourna l'attention publique et médiatique d'une véritable trahison. Le silence de la délégation du Québec sur le contentieux historique est impardonnable. Et dire que ce sont là les enjeux qui avaient justifiés la formation du PQ. Ce sont eux qui seront tus. Au bout du compte, le PQ aurait-il seulement été formé pour enlever la main au nationalisme de feu Daniel Johnson père ? En tout cas, la dialectique de l'égalité ou indépendance pour les Canadiens-Français, détournée par le PQ, ne se rendra jamais à Ottawa.


La critique des années Lévesque-Morin

Sous les dehors d'un nationalisme décomplexé et assumé ou d'un rajeunissement du parti, le silence règne chez les quatre candidats à la chefferie. Ils continuent de plus belle à faire passer l'histoire du PQ pour ce qu'elle n'est pas. La présente course à la chefferie donne au PQ une occasion supplémentaire de faire l'impasse sur un passé qui n'a rien de reluisant. Nous estimons que les antécédents du parti ne lui donnent ni la crédibilité ni le prestige de poursuivre sa route. En tout cas, pas sans avoir d'abord évaluer avec plus d'objectivité et moins de complaisance le rôle très ambiguë qui a été le sien. Après tant d'années de duplicité et d'abus, la population a d'ailleurs largement statué sur la question. 

Dans la troisième partie, avant de conclure, nous examinerons l'effet durable de l'héritage de René Lévesque sur les positions mises de l'avant par les quatre candidats. Nous verrons que cet héritage délétère n'a rien perdu de son ascendance, il continue de sévir sous la forme d'une encombrante tradition politique. Notre examen ne sera pas exhaustif, il portera sur quelques aspects de la survivance du lévèquisme en 2020 :

1- La lutte constitutionnelle – toute lutte constitutionnelle coïncide-t-elle vraiment avec l'intérêt national et conduit-elle vraiment à l'indépendance ? Frédéric Bastien a-t-il fait ses devoirs ?

2- La laïcité – est-elle vraiment un nationalisme ou la poursuite de la dénationalisation tranquille par d'autres moyens ? La laïcité n'a pas toutes les vertus et n'est pas la panacée du vivre ensemble. Bien au contraire, elle s'adresse à tous mais ne rejoint en pratique que les catholiques culturels ou pratiquants, ceux qui en sont les principaux promoteurs. N'en sont-ils pas aussi les premiers perdants ?

3- L'indépendance péquiste – doit-elle devenir toujours plus conforme aux normes du Canada pour s'attirer l'appui des anglophones ? C'est un peu ce que suggérait Guy Nantel dans son livre. Combien révélateur !

4- La stratégie référendaire – télégraphier d'avance à son adversaire le jour où l'on entend jouer le tout pour le tout est une stratégie qui tourne en dérision l'art de la guerre. Il faut donc attendre beaucoup de fair play de la part de la puissante partie adverse. Est-ce bien fondé sur des antécédents, est-ce bien réaliste ? 

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Pour lire la première partie de cette série :

https://gilles-verrier.blogspot.com/2020/09/la-federation-des-canadiens-francais-et.html

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