Au cours de la présente campagne électorale, les grands partis ont défendu une approche musclée de la crise sanitaire gérée du haut de la pyramide du pouvoir, supprimant la subsidiarité partout. On en restera là.
En même temps, on a vu deux conceptions du fédéralisme opposer les partis. Le Parti libéral et le NPD
restent campés sur leur doctrine d’un fédéralisme dominé par Ottawa; les Conservateurs et le Bloc prônent des aménagements dans le respect des champs de compétence. À un autre niveau, sur le front des provinces, la campagne n’a pu cacher des oppositions à l’hégémonie fédérale. Des tendances séparatistes persistent dans l’ouest alors qu’au Québec, les accusations de discrimination qui lui ont été servies lors du débat en anglais ont soulevé l’indignation. Ce moment d’autodéfense prévisible a donné à François Legault l’occasion de justifier les choix du Québec et de marquer publiquement sa préférence pour un gouvernement conservateur.La question. Une alliance peut-elle se former entre les adversaires d’un fédéralisme centralisé pour remettre en question la Loi constitutionnelle de 1982, ou, au minimum, endiguer l’invasion fédérale dans les champs de compétence des provinces ? La vidéo, une idée de Carl Brochu, déborde naturellement sur une question additionnelle : À quelle condition une telle alliance pourrait-elle garantir aux Canadiens-Français de s'imposer durablement sur la scène politique ? Ce serait du jamais vu. Dans cette analyse, le Parti populaire du Canada, fédéraliste libertaire (que l'on peut apprécier pour certains aspects), n'est pas pris en compte.
En compagnie de Carl Brochu, chef du Parti patriote, Jean-Claude Pomerleau de Vigile et Gilles Verrier de la Fédération des Canadiens-Français comparent leurs points de vue sur des questions qualifiées d'existentielles. Cette rencontre fort cordiale avait lieu le 12 septembre, 8 jours avant le vote, à l'invitation de Gilles Verrier.
Jean-Claude Pomerleau lance la discussion avec un parallèle historique. L'élection de 1958 : l’alliance des conservateurs et de l'Union nationale qui voulait contrer la centralisation fiscale des libéraux, d'où provient le pouvoir fédéral de dépenser. Ce pouvoir d’empiètement est au cœur de toutes les élections depuis la fin de la deuxième Grande Guerre. « Diefenbaker emprunte la machine électorale de l'Union nationale, le parti du premier ministre québécois Maurice Duplessis, permettant aux progressistes-conservateurs de balayer ce qui avait été un bastion libéral depuis plus d'une génération.» https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89l...
L'incompréhension des Canadiens-Français par Diefenbaker, qui en nomma peu à des postes clés, décevra ceux qui s’attendaient à plus de bilinguisme au fédéral et moins de centralisation. Le retour d’ascenseur ne viendra jamais.
En quoi cette déception préparait-elle la vague suivante d'un fédéralisme encore plus centralisateur, mais avec, cette fois-ci, un premier ministre venu du Québec, porté par la trudeaumanie, qui prendra le pouvoir quelques années plus tard ? La sagesse de la stratégie d'un Duplessis, qui n’avait sans doute pas obtenu de garanties claires, avait ses limites. https://www.erudit.org/fr/revues/lq/1...
Et la solution de rechange ne fut pas plus heureuse.
Mais Duplessis avait affaibli les libéraux. Leur retour minoritaire avec Lester B. Pearson, pour un court intervalle, va mener à un transfert de points d'impôt sous l’étiquette du fédéralisme coopératif, vite anéanti par PET.
Aujourd’hui, la montée des autonomistes de l'Ouest pourrait-elle changer la donne ? Il y a certes un net intérêt pour le Québec à mettre un frein aux décennies de centralisation fédérale, lesquelles remontent en fait à 1867. Clin d’oeil à 1958 : la grande alliance bleue ... « L'union nationale c'est la CAQ maintenant » (François Legault). Le scénario souhaitable pour Legault : le Parti conservateur est élu minoritaire avec l'appui du Bloc pour gouverner. Un scénario qui mettrait en cause la constitution de 1982, si le Bloc a l'intelligence de faire le pont avec les autonomistes de l'Ouest (Le Bloc québécois de l'ouest). Or les idées « progressistes » du Bloc sur plusieurs dossiers : climat, pétrole, armes à feu, etc. pourraient l’empêcher. Le Bloc pourrait voir ce qu’il appelle la défense des intérêts du Québec par la lorgnette du progressisme, avant celle du nationalisme. D’ailleurs, son approche des dossiers au cas par cas pourrait l’éloigner d’une vision d’envergure, pour laquelle il exprime souvent son peu d’appétit, en attendant qu’à Québec...
Dans le contexte d’un référendum en Alberta qui remettrait en cause la péréquation, le Québec a deux options. Il se braquera contre les autonomistes de l'ouest où il fera alliance avec eux en proposant un compromis : Le Québec renonce à la péréquation pour le retour de son pouvoir de taxation direct. La révision de la péréquation pourrait signifier des pertes de 5,6 milliards pour le Québec. L'alliance bleue est dans notre intérêt .
Gilles Verrier insistera quant à lui sur le fait que toutes les alliances passées des autonomistes - souverainistes des années 1960 se sont soldées par des échecs. Il y a lieu d’en examiner les causes avant d’improviser dans le cadre d’une nouvelle aventure. Les assises nationales doivent être préservées.
John Diefenbaker n’a pas livré la marchandise. Pearson ne sera qu’une interlude. Trudeau mettra fin à toute velléité de fédéralisme coopératif dès son élection.
En 1980, la souveraineté-association qui était réclamée par voie référendaire, comme si le Canada 2 s’était gagné des galons démocratiques pour avoir conquis le Canada 1 par les armes, précipitera le rapatriement unilatéral de la constitution. En 1980, toujours, les Canadiens-Français du Québec comptaient beaucoup moins en poids qu’ils comptaient en 1867. L’ambitieux front commun des provinces, organisé à l’initiative d’un Québec affaibli par le référendum perdu, se constitua grâce aux bons offices de Claude Morin. Il avait pour mission de faire barrage au rapatriement unilatéral de la constitution. Issue prévisible, résidu d’une Conquête encore inachevée, les figurines représentant le Québec subiront un lâchage dramatique pour le Québec mais sans état d’âme des provinces anglo-saxonnes. Québec, René Lévesque, s’en scandalisera.
Plus tard, la réponse de Bourassa à l’échec de Meech, à laquelle Parizeau répondra en élevant Bourassa au titre de son premier ministre, fait figure de renoncement à talonner Bourassa quant à ses engagements et, pire, le dédouanait de toute obligation. Or, ce sont les paroles célèbres de Bourassa que Legault vient de reprendre. Leur sens est moins solennel qu’il ne l’était en juin 1990, mais il ne porte pas davantage d’obligation. Qui se fera encore duper, telle est la question ?
Pour s’assurer que des paroles fortes se traduisent en actes forts, il nous faudra une opposition enracinée dans la nation, comme celle que porte en germe le Parti patriote. Ce pourrait être une autre structure. Mais, pour peser dans l’échiquier politique, il est indispensable que les Canadiens-Français se donnent une voix indépendante et clairvoyante. Le nationalisme fondé sur de solides assises historiques doit devenir la mauvaise conscience des partis de pouvoir, il doit guider la nation contre les dérives et les trahisons politiciennes qu’il serait naïf de ne pas redouter.
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