Nouvelle mise à jour le 7 mars 2018
On aura compris qu'il reste toujours possible que le Québec devienne un pays indépendant quand il le voudra ou le pourra. Même hypothétique, cette éventualité est toujours ouverte. Au même titre, on ne peut s'opposer à ce que la lutte pour régler les contentieux nationaux au sein du Canada prenne une autre voie qui trouverait, elle aussi sur son chemin, un fédéralisme centralisé et dominateur. Certes, les perspectives immédiates demeurent exaspérantes car elles ne laissent présager aucun changement. Entre un « autonomisme - indépendantiste » et le fédéralisme réfractaire à tout changement constitutionnel, ce dernier mène le jeu et s'affiche sans gène comme le créateur du Canada et de son histoire.
De la réforme du fédéralisme I
La réforme du fédéralisme est une expression bien connue de tous les Québécois puisque pendant des décennies elle revenait sur la scène de l'actualité. Si plusieurs seraient prêts à jurer aujourd'hui qu'il s'agit d'une voie sans issue, d'une impossibilité qui pourrait justifier à elle seule l'indépendance, peuvent-ils cependant démontrer que cet objectif a été sérieusement poursuivi ?
La réponse est NON. Il est un peu crève coeur de le dire mais les projets de réforme du fédéralisme canadien revendiqués du coté québécois, ont toujours eu une portée limitée, qui ne mettait pas en cause la légitimité du système politique canadien. Ils se contentaient généralement de propositions destinées à aplanir les dysfonctionnements du fédéralisme. Leur objectif ne consistait pas à mettre un terme à la domination anglo-canadienne, un état de fait tenu pour acquis. Deux des projets les plus remarquables en ce sens sont certainement ceux d'André Laurendeau et de Claude Ryan. S'il faut créditer ce dernier de s'être sérieusement penché sur la question, il le fera toutefois sans sortir de la matrice. Ces deux projets voulaient encore une fois tenter de définir le Canada à partir de deux peuples fondateurs, à l'instar de l'esprit des débats constitutionnels de 1865 sur la Confédération.
En aparté, on peut tout de suite contester une fondation conjointe du Canada par deux peuples. La fondation est par définition un événement qui - par définition - n'arrive qu'une fois. La fondation du Canada a été celle réalisée par la Nouvelle-France. Une oeuvre humaine fondatrice dont les Anglais se sont ensuite emparés. Si on veut absolument parler de deux peuples conjointement fondateurs, il faudrait parler des Premières nations et des Canadiens français, étroitement alliés de 1603 à 1763 et plus.De la réforme du fédéralisme II
Mais en guise d'analyse plus profonde de ces affaires, sans y aller trop dans le détail, ce qu'on peut reprocher à la Commission Laurendeau-Dunton (1967) et au livre beige de Claude Ryan (1980) c'est d'avoir construit leur argumentaire sur la démonstration des dysfonctionnements du fédéralisme et, surtout, d'avoir défendu leur projet à partir d'une perspective embellie de l'histoire constitutionnelle du Canada, trop respectueuse de l'histoire officielle. Laurendeau, qui agissait pour le compte d'une commission fédérale, agissait en bon commis de l'État. Claude Ryan agissait à titre de chef du Parti libéral, il ne pouvait lui non plus parler librement, compte tenu de sa base électorale anglo-saxonne. Il aurait pu parler en homme libre mais ne le fit pas, restant prisonnier de ses attaches jusqu'au bout. Le livre beige, comme d'habitude dans de telles situations, utilisera un vocabulaire policé et technique qui exclura toute évocation de domination et de colonisation, une auto-censure au pied de la vérité historique officielle. Sans être nourri par la revanche ou le ressentiment, l'exposition d'un système d'injustices est pourtant la seule façon honnête d'amorcer une éventuelle réconciliation. Il faut rappeler au Canada ses promesses insistantes faites depuis 1864 - 1865 mais jamais tenues. En lieu et place, il s'engagea dans la poursuite de la répression. J'aurais pu prendre d'autres exemples que ceux cités plus haut pour arriver aux mêmes conclusions. La réforme du fédéralisme canadien réclamée par le Québec a toujours été bien sage et bien conforme à l'ordre canadien, l'objectif de réforme n'a jamais été sérieusement poursuivi.
De la prétendue quête d'indépendance - réforme du fédéralisme III
Également, la recherche d'indépendance - excluons d'emblée la sécession ou la DUI (déclaration unilatérale d'indépendance) - ne fut jamais menée sérieusement, avec une vraie volonté d'employer tous les moyens légaux et légitimes à la disposition de ses promoteurs ou de l'État du Québec, pour les fois où ils s'en trouvèrent aux commandes. Il y a une façon de se revendiquer du peu de pugnacité, de sérieux et de persévérance chez Lévesque et Parizeau et ceux qui continuent de marcher dans la tradition qu'ils ont établie et de s'en faire un honneur. On pourra lire à ce sujet mes articles qui détaillent les quatre échecs des tentatives - misérables - de renouveler le fédéralisme en cinquante ans. Notamment ici : https://vigile.quebec/articles/mort-precoce-de-toutes-les-tentatives-pour-modifier-le-statut-constitutionne
Car, il suffit de lire les questions des deux référendums pour bien se rendre compte qu'il s'agissait de deux tentatives de renouvellement du fédéralisme mais avec une prétention jusqu'alors inconnue. Abuser de la bonne foi du sentiment national.
La fausse réforme du fédéralisme IV
Mais revenons à la réforme du fédéralisme. Le moment le plus important depuis la Confédération fut sans nul doute le rapatriement de la constitution de 1982 - assorti de quelques amendements, d'une Charte des droits et d'une formule d'amendement très exigeante. Cette réforme a aussi été l'événement politique le plus catastrophique mené par le Québec par un gouvernement qui n'avait pas de « mandat constituant » et pas de programme de réforme constitutionnelle. De surcroît, ce gouvernement ne venait-il pas de se faire répondre non par référendum à l'ouverture de négociations constitutionnelles, présentés par les fédéralistes comme une menace séparatiste ? Si bien des militants enthousiastes croyaient, eux, que l'initiative menait à l'indépendance, le libellé de la question référendaire n'était pas de cet ordre. De surcroit, ce gouvernement, le gouvernement Lévesque, était sous l'influence avérée des services canadiens. Le vice-premier ministre et principal négociateur du Québec à Ottawa était lui-même un agent payé des services fédéraux ! Désormais assis à la table de négociations à l'initiative du fédéral, il ne fut jamais question de présenter le dossier à charge contre le Canada. D'ailleurs, peut-on s'étonner que le dossier des revendications défendues par ces bozos - à part l'improvisation - était tout à fait dans la continuité du fédéralisme et ne remettait nullement en cause sa légitimité ? Il est temps qu'on se le dise.
Mia le champ est désert...
Compte tenu des ratages survenus sur les deux plans :
1- celui ouvertement voué à la réforme du fédéralisme et
2- celui d'une souveraineté-indépendance pas trop claire - qui ne pouvait se solder que par une autre réforme du fédéralisme,
ces ratages, dont les mêmes personnes et les mêmes partis étaient les auteurs, en particulier le Parti québécois, nous montrent que le champ - que l'on croyait occupé - est libre. Le champ est désert. Et, lucidement, il a toujours été libre car le procès de la légitimité du fédéralisme n'a jamais été fait depuis une tribune politique.
Quiconque voudrait d'ailleurs chausser les chaussures des chefs historiques du PQ, mis à part les mythes de héros faillis, pourrait se trouver avec les pieds trop grands. En matière constitutionnelle, René Lévesque, certes une bête politique en son genre, occupa tout à tour les deux coins du ring : la réforme du fédéralisme et la souveraineté associative, mais d'évidence très confusément. Il souffla le chaud et le froid, passant tantôt en faveur de l'un puis de l'autre, incapable de prendre la distance qui lui aurait fait voir son incohérence. Au lendemain de la rebuffade de 1981 - qu'il s'était préparée - il pompa à fond ses partisans contre le fédéral, pour les dégonfler avec la même faconde quelques semaines plus tard. Il n'ira jamais au bout ni de l'un ni de l'autre.
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Justin Trudeau s'est avancé pour reconnaître le colonialisme canadian à l'encontre des Premières nations, ignorant du coup l'oppression coloniale envers les « descendants des vaincus », ce qui constitue par omission l'admission du rapport de domination qu'il cherche à éluder.
Suite à cette intervention de Justin Trudeau, j'ai proposé à Vigile de réunir les descendants des vaincus pour entamer une réforme du fédéralisme basée sur un Canada tri-national. C'est à la fois une proposition innovatrice et naturelle. Une proposition basée sur la réalité socio-historique du Canada, par opposition au découpage politique actuel qui reflète les intérêts de la dernière nation constituée, celle qui s'est imposée par la violence des armes et l'usurpation du pouvoir ( dans le sens protestant) - sur les deux autres.
https://vigile.quebec/articles/une-negociation-a-faire-entre-les-trois-nations-historiques
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Mon propos vise la réconciliation canadienne - ne somme-nous pas primitivement Canadiens (français) - par la reconnaissance des trois nations constituantes - égales - et la fin des injustices coloniales. Une approche qui avait déjà reçue un commencement d'acceptation dans les débats parlementaires sur la constitution de 1865, mis à part les peuples indigènes. Notons que ces débats parlementaires - il faut le souligner - dépassent en importance les Conférences de Québec et de Charlottetown, retenus par les livres d'histoire, mais dont la valeur constituante était de bien moindre poids puisqu'elles n'étaient formées que de délégations alors que les débats constitutionnels du Canada uni de 1865 étaient des assemblées plénières délibérantes qui visaient à obtenir l'assentiment des députés francophones du Bas Canada - appelés les descendants des vaincus - sans leur vote favorable la Confédération n'aurait pu se réaliser vu leur poids démographique à l'époque.
Malgré une certaine appréhension qui régnait chez bon nombre de Canadiens français, on peut dire que l’année 1867 s’était déroulée sous le signe de l’optimisme. Entrée en vigueur le 1er juillet, la Confédération leur avait été présentée comme un « pacte de paix » qui devait régler à jamais les vieux différends qui avaient tant divisé les « descendants des vainqueurs » et les « descendants des vaincus ». Les mots communément utilisés pour qualifier cette nouvelle constitution étaient « pacte », « traité » et « alliance ». Les adjectifs que l’on accolait à ces substantifs étaient « amical », « cordial » et « fraternel ». Ainsi, la Confédération apparaissait comme un événement heureux qui découlait d’un « pacte amical, cordial et fraternel » conclu entre les « descendants des vainqueurs » et les « descendants des vaincus ». Les mots ci-avant entre guillemets sont ceux utilisés lors des Débats parlementaires sur la Confédération en février et mars 1865.
De plus, les Pères fondateurs avaient cherché à les rassurer en leur disant que le gouvernement général à Ottawa ne s’occuperait que des sujets où l’intérêt de tous serait identique. Tout le reste allait aux provinces. Le Bas-Canada devenait une province autonome pratiquement souveraine dans ses champs de compétences. Plus encore, on avait ajouté que plus jamais les Anglais ne viendraient mettre leur nez dans leurs affaires. Les Canadiens français devenaient maîtres chez eux avec leur assemblée législative et leur propre gouvernement. C’était le meilleur des mondes : maîtres chez eux et unis à de gentils voisins pour les sujets d’intérêt commun. Pouvaient-ils espérer mieux ? Eh oui, beaucoup mieux puisqu’ils n’avaient pas compris qu’on leur avait vendu un rêve. Toutes ces fascinantes promesses étaient trop belles pour être vraies.
https://gilles-verrier.blogspot.com/2018/03/labsence-de-legitimite-du-federalisme.html
Cette approche qui nous rattache à l'histoire a déjà reçue un premier signe d'intérêt en Acadie. La Société internationale Véritas Acadie (SIVA) qui a bien voulu relayer au sein de sa communauté ma chronique parue sur Vigile. Une constitution canadienne représentative des réalités historiques des trois nations donnerait à l'Acadie un territoire et des pouvoirs qu'elle n'a jamais eus, dans le cadre de la nation canadienne-française-acadienne. La seule façon d'assurer son avenir et sa prospérité culturelle.
Pour les Québécois, les choix ne sont pas mutuellement exclusifs dans le mode opératoire actuel. C'est-à-dire que toute les options restent ouvertes, du moins en théorie. Mais ces derniers doivent bien réaliser que, dans sa finalité, l'indépendance du Québec aura trois nations à reconnaître au sein de son territoire. Le Québec est tri-national, il faut prendre acte de la réalité. Cette indépendance d'un Québec tri-national est une option. Une autre serait la reconnaissance d'une nation socio-historique plus enracinée dans le temps et plus large, sur un territoire à partager avec les mêmes deux autres nations. D'une manière ou d'une autre, il faudra partager. On devine bien que ceux qui auront le plus de difficultés à le faire sont les descendants des vainqueurs. En ce qui nous concerne, la territorialité d'une nation sur trois, versus la continentalité d'une nation étendue sur trois, nous mettra face au même adversaire-ennemi. Mieux vaut disputer ses droits sur un grand territoire - sur lequel nous avons des prétentions à la légitimité - que sur un petit, sur lequel, The Province of Quebec, nous en avons moins. Cela dépend à partir de quand et de quoi on veut bien faire commencer la résistance nationale, en ce qui me concerne, c'est la persistance des conséquences de Guerre de sept ans ( 1756 - 1763) et le colonialisme qu'elle a institué sur les fondateurs du Canada et de l'Acadie qu'il faut renverser. C'est ainsi, me semble-t-il, que se posent nos choix. Ils se situent dans le paradoxe entre le post-nationalisme de Trudeau qui reconnaît le colonialisme canadien vis-à-vis des premiers autochtones. Et s'il y a un coin que nous pouvons enfoncer, il est là : le forcer à ce que son ouverture, quant à l'existence du colonialisme canadien, englobe aussi les autochtones de deuxième rang, que sont les descendants des vaincus ou les Canadiens français. La faiblesse des chefs de file du Québec c'est d'avoir cessé de voir le fait colonial dans notre condition, d'avoir cessé de mener le combat de la légitimité pour mener celui d'une pure légalité politique territoriale.
Pour être très clair en termes des aboutissements, il s'agirait donc d'un fédéralisme à trois au sein du Québec, ou d'un fédéralisme à trois au sein du Canada. On y échappera pas. La territorialité fédérale (Québec) ou la continentalité fédérale (Canada). La question centrale dans les deux cas est celle de l'égalité des nations. Et c'est celle qui a toujours failli dans le Canada britannique. Justin Trudeau vient d'ouvrir une porte qui rompt avec ce déni de réalité. Reste aux autochtones de second rang ( Nous ) de s'engouffrer dans l'ouverture. Une ouverture conjoncturelle qui se situe au sein du Canada global et non seulement au sein du Québec-province en opposition avec le Canada. Voilà un beau dossier à mener pour le Bloc à Ottawa, si la victoire de Matine Ouellet contre l'esprit « collabo » de Duceppe veut dire quelque chose, voilà une occasion de mettre le Canada unitaire sur la défensive, de l'affaiblir et de rallier tous ceux qui veulent un renouvellement constitutionnel représentatif des réalités sur ce territoire sans bon sens.
Autres sujets :
Difficulté d'amender la constitution et mobilisation populaire des trois nations.
États-généraux du Canada français et de l'Acadie. Autres états généraux.
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