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La stratégie machiavélique du fédéral pour mettre en échec la menace des Canadiens-Français : référendum et langues officielles

Le 16 novembre 1974, il y 50 ans, l'accession de la souveraineté par la voie référendaire était adoptée. Disons qu'il y a 50 ans ça...

samedi 25 août 2018

Le Hir, Pomerleau, Verrier - Anniversaire d'une rencontre non concluante

Il y a un an aujourd'hui je recevais chez-moi Jean-Claude Pomerleau et Richard Le Hir, deux figures principales du site internet Vigile. J'annonçais mon intention de remettre en cause toute la façon dont la question nationale avait été présentée aux Québécois depuis la fondation du Parti québécois, arguant que nous étions devant l'échec d'une époque.
[ dernière m-à-j 26-08-2018 - 00:45 ]
Si je n'ai pas réussi à les convaincre, en revanche la rencontre a été cordiale et ils ont pris le temps de m'écouter. Le paradigme péquiste est tenace mais j'estime que le temps me donne raison. Les Québécois voteront bientôt pour élire un nouveau gouvernement, et si les francophones semblent s'unir pour voter cette fois avec un certain accord, donc dans une certaine cohésion nationale, ce n'est pas le PQ qui aura leur vote. Tout cela était déjà dans les cartes il y a un an. Mais là, il semble que la page sera bientôt tournée sur un épisode de notre histoire, et vraisemblablement tournée pour de bon. 

Les idées sont d'abord une production sociale - et non individuelle - et je n'ai le mérite que d'avoir été attentif aux signes des temps. Les signes sont là pour tout le monde. C'est pourquoi les remises en question d'un paradigme ne sont pas tant le fruit de cogitations individuelles mais, pour reprendre le mot de Victor Hugo, l'émergence d'idées dont le temps est venu. Ainsi un groupe de réflexion s'est formé petit à petit pour tester de nouvelles pierres avant de les poser sur le chemin d'un processus qui ne peut que gagner en importance. Nous le verrons après les élections du 2 octobre !

Mais déjà, pas plus tard que ce matin dans son blogue, Mathieu Bock-Coté titre que la constitution est une vraie affaire. Il termine sur ces mots qui vont tout-à-fait dans le sens de ma propre réflexion :
... nous devrons défier la constitution qui nous étouffe. Mais pour cela, il faut d’abord en reconnaître l’importance. Pour confronter une tutelle, il faut la nommer.
*  *  *
Quelques jalons pour relancer une lutte nationale décomplexée

1- La légitimité de notre combat constitutionnel prend sa source au temps de la fondation de la Nouvelle-France, très vite appelée Canada. On pourrait faire remarquer que la construction de l'Abitation de Québec par Samuel de Champlain en 1608 était un geste fondateur du Canada. Ce qui souligne la co-occurrence ancienne des termes Canada et Québec comme assises de notre identité. La création juridique de The province of Quebec au lendemain de la Conquête, englobait alors tout le Canada passé aux Anglais.

Cette richesse d'identité et d'appartenance, car nous ne venons pas de nulle part, a été révisée depuis 1960 pour être réduite à une affaire exclusivement québécoise. L'adhésion à cette nouvelle identité, qui occulte une partie de notre héritage, n'aura que partiellement tenue. Ne sommes-nous pas en passe de nous renommer « québécois francophones » ? La boucle est bouclée avec ce clin d'oeil inattendu au Canadien-français qu'on avait pourtant chassé. 

Quoi qu'il en soit, on se gardera de faire une guerre de tranchées sur le vocabulaire qui pourrait nous faire perdre de vue l'essentiel. Québécois, Canadien-français, Canadien peuvent ensemble ou séparément faire résonner notre héritage. En revanche, ce qui mérite d'être combattu c'est le sens exclusiviste du terme Québécois quand il prend la forme d'un repli par rapport à une culture et une histoire plus vastes. Une histoire canadienne créatrice d'alliances et d'épopées que les chantres d'un modernisme douteux nous ont pressé de ne plus revendiquer. Il est clair qu'une volonté un peu malade de séparer de leur enracinement plus large les francophones du Québec a dilué leur combat pour la reconnaissance nationale, laquelle a perdu en légitimité en devenant plus superficielle.

2- Nous posons qu'il y a un peu plus d'un demi siècle naissait un mouvement en faveur d'une identité québécoise exclusive et parfois sectaire. Voulu pour régler ses comptes avec le passé, ce mouvement révisionniste, comme il y en a souvent dans l'histoire, comportait plusieurs aspects nouveaux. J'en résume l'essentiel plus bas. 
2-1 Le rejet radical de la liaison historique et peu dissociable entre francité, catholicité et continentalité. 
2-2 Le rejet intransigeant de la dimension canadienne et canadienne française de notre identité qu'on s'est employé à dépouiller de toute valeur par une ré-écriture de l'histoire.
2-3 L'adoption de la nation canadienne-anglaise par le Québec, désormais intégrée comme partie d'un tout à libérer, ce qui était concéder aux Anglais un droit de veto sur notre destin, une concession politique confirmée par les deux référendums et la Loi 99.
Bernard Landry et Lucien Bouchard, 
champions de la conception anglo-saxonne. 
Le pouvoir de l'État sur un territoire définit la nation.  

3- En cinquante ans, la recomposition du camp du Nous s'est opérée sur deux axes. Par la rupture interne de la nation socio-historique des Canadiens-français au Québec, qu'on peut représenter par des figures comme Lionel Groulx et Daniel Johnson ; et, à l'externe ( reste du Canada ) par l'adoption d'une nouvelle norme, qui a consisté à repousser toute fraternité et toute forme d'alliance, mais qui se refuse surtout à établir tout rapport de force à l'échelle du Canada en prenant appui sur notre légitime « canadianité » francophone, qui pourrait faire éclater le fragile équilibre de la fausse égalité canadienne.


Daniel Johnson (à gauche) et Lionel Groulx (à droite).
Deux représentants de la vision transmise, organique 
et socio-historique de la nation 
En voici  deux exemples : 
a ) Le refus de mettre en parallèle les droits des minorités canadiennes anglaises au Québec avec ceux des francophones des autres provinces. 
b) Mentionnons un autre fait puisé dans l'actualité récente : l'acceptation des nôtres à tenir un débat électoral en anglais au Québec, alors qu'au Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue du Canada, on ne tiendra pas de débat en français. Rappelons que le français est la seule langue officielle du Québec. Il est devenu impossible dans le cadre de l'État plurinational du Québec de parler au nom du foyer principal de la nation canadienne-française. Ce serait pourtant la seule façon de relancer le débat constitutionnel pour le centrer sur l'égalité des nations !

L'isolement mental envers le Canada, que sont fiers d'afficher les néo-nationalistes québécois les a coupés de puissants leviers qui pouvaient faire avancer la cause. Il est clair que l'intérêt autour de l'adoption d'une Constitition québécoise est une belle indication de la préférence que l'on accorde aux amuse-gueules et aux diversions. Espérons que le mot de Mathieu Bock-Coté sera entendu.  

La construction de l'État du Québec au service de qui ?

Les néo-nationalistes des années 1960, ont substitué à la souveraineté nationale d'une nation enracinée la quête d'un État indépendant multinational, calqué sur le credo du Canada des Trudeau. Il n'est pas exagéré de conclure que 50 ans de néo-nationalisme ont reformulé complètement les termes de l'émancipation nationale dans la logique canadian. Au lieu d'un pays du Québec libre, foyer principal de la nation canadienne-française, les néo-nationalistes ont opté pour un Québec seul, à la merci de la majorité sociologique anglo-saxonne. La Loi 99, adoptée à l'unanimité des partis, codifie très bien cet état de fait.


Le Québec peut-il se libérer en prenant en main son État

Nous posons que l'essor pris par l'État du Québec depuis le milieu des années 1950 jusqu'à l'arrivée au pouvoir à Ottawa de Pierre-Elliott Trudeau ne dépend que partiellement de la volonté des élites politiques du Québec. Cet essor n'aurait jamais pu se produire sans un contexte canadien et international qui lui était favorable. Le premier phénomène, de nature interne, est le fédéralisme d'ouverture pratiqué par Ottawa, qui ne s'est pas objecté à plusieurs initiatives innovantes du Québec. Il a même collaboré avec lui pour les mettre en place. Le deuxième phénomène tient de l'atmosphère dans les pays occidentaux quant à la construction de l'État providence de l'après guerre. L'essor de l'État québécois tient certes à la manifestation d'une puissance nouvellement acquise, mais très conjoncturelle.  Cet essor s'inscrit d'abord dans la montée technocratique au sein des états et de la nouvelle mission sociale qu'ils s'attribuaient à cette époque. Finalement, le boom démographique de l'après guerre vient compléter le portrait des conditions facilitantes.


Il convient de ne pas faire d'anachronismes avec ces circonstances du passé qui ne peuvent être de nouveau réunies aujourd'hui. Nous ne pouvons compter sur la reprise en main de notre État provincial, que nous n'avons d'ailleurs jamais tenu franchement. La prise de nouvelles initiatives et l'utilisation de la clause dérogatoire par un gouvernement du Québec risquerait fort de provoquer un face à face avec l'État fédéral, l'intervention de la cour suprême et, à la clé, un blocage  constitutionnel. Ce qui est donc à l'ordre du jour c'est de se préparer à d'incontournables négociations constitutionnelles. C'est à travers ce processus pacifique et légitime qu'un changement de statut pourrait conduire à l'égalité des nations au sein du Canada. Une promesse évoquée en 1867 et qui reste encore à tenir. 

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