« Quand nous parlons, en effet, d'État français, nous n'exigeons par là nul bouleversement constitutionnel. Nul besoin pour créer cet État, de changer un iota aux constitutions qui nous régissent. Nous demandons tout uniment que soit fait aujourd'hui ce que, par inintelligence ou pleutrerie, nos chefs politiques n'ont pas su faire en 1867. Au lieu d'un État qui, en tant de domaines, se donne des airs d'État neutre ou cosmopolite, nous demandons un État qui, dans le respect des droits de tous, se souvienne aussi de gouverner pour les nationaux de cette province, pour la majorité de la population qui est canadienne-française. »
Lionel Groulx
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Ajout du 10 décembre à 11h45
Le cycle nationaliste des années 1960, qui avait commencé dans l’enthousiasme, s’est terminé dans la déprime et la liquidation d’une ambition. Quelle était cette ambition? C’était de prendre l’État du Québec et d’en faire le levier de notre affirmation, d’en faire le défenseur autorisé des intérêts de la nation canadienne-française majoritaire. Cette ambition c’était la réclamation insistante de Lionel Groulx, la voie royale pour garantir notre existence nationale dans le respect des autres. Le plein potentiel pour réaliser cette mission salutaire, considérable au départ, s’est graduellement érodé et a été perdu. Que s’est-il passé pour qu’une grande idée connaisse une fin si décevante ?
La défaite référendaire de 1995 s’est conclue par la remise des clés de notre avenir entre les mains des souverainistes prêcheurs de la mauvaise conscience nationale, plus prompts à défendre les diversités que notre propre avancement national. Le couronnement de cette dérive a pris la forme statutaire d’une doctrine d’État. La phase finale de ce dévoiement nationaliste se trouve dans le préambule de la loi 99 (2000), une loi qui reconnaît en détail toutes les composantes du peuple québécois, mais passe sous silence la nation canadienne-française. Tenue pour acquise, inexistante ou détestable, cette dernière passe à la trappe. Elle se trouve ainsi noyée dans la diversité d’un peuple québécois redéfini sans elle. Dans ces conditions où le déni de la première nation concernée est manifeste, le reste de la loi 99 n’est plus qu’un exercice de grandiloquence.
Le paradigme nationaliste des années 1960 est terminé. Il faut reprendre la question nationale en s’extrayant des ornières creusées par l’échec. Un sursaut est encore possible. Il est possible à condition de se redonner une existence politique. Ce retour à notre autonomie politique peut initialement prendre forme avec une mobilisation pour réclamer de l’État du Québec un amendement à la loi 99; exiger qu’on corrige cet oubli freudien par la reconnaissance et la réintégration de la nation canadienne-française au sein du peuple québécois. Le souverainisme de la mauvaise conscience nous a ramenés à la précarité existentielle de jadis. Pour en sortir, il faut mettre fin à la rhétorique d’un indépendantisme vide de sens, qui souvent ne sert que les intérêts des juristes et de politiciens déconnectés. Il faut plutôt se consacrer à réunir les moyens qui nous permettront de compter de nouveau dans l’échiquier politique, première étape d’un retour en puissance. J’invite les sceptiques qui me lisent à se rappeler que l’indépendance se mesure à l’aune de la puissance politique, jamais autrement.
1 commentaire:
Excellent, Gilles Verrier. Très éclairant comme discours.Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour nous faire manquer le bateau à ce point? Il serait intéressant d'analyser le profil psychologique des Canadiens français dans cette dérive.Pas pour leurs taper dessus,mais pour l'avenir,pour comprendre ce non dit qui ressemble à un suicide collectif et le soigner avant de repartir le vent en poupe.
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