La fédération des Canadiens-Français offre une approche réaliste à une question nationale apparue avec la prise de Québec et la Conquête de 1760. Jamais résolue depuis, cette question litigieuse a cependant marqué profondément la politique du Canada depuis deux siècles et demi.
La tentative la plus sérieuse d’une solution honorable entre les parties remonte à la conférence constitutionnelle de 1968, alors que Daniel Johnson formulait sa proposition d’un Canada à deux, superposé au Canada des dix provinces. Le mérite de l’initiative de Johnson, par rapport à toutes celles qui suivirent, tient surtout à deux choses. D’abord, elle situait correctement les parties en cause, soit les Canadiens de souche avec pour vis-à-vis les conquérants anglais, renommés Canadians.
Johnson représentait non seulement le Québec au titre d’une province sur dix, ce qui allait de soi, mais ce qui était d’une détermination remarquable c’est qu’il imposait à ses pairs sa présence à titre de représentant légitime des Canadiens-Français et des Acadiens, préfigurant un Canada recomposé. C’est à eux que Daniel Johnson, ce descendant d’Irlandais, parfaitement assimilé à sa nouvelle patrie, voulait donner une existence politique reconnue. Ensuite, ce qui faisait la force de sa requête c’est qu’il s’exprimait sans détour dans un cadre politique pleinement décisionnel. Il s’exprimera sans ambages, sans cette mauvaise conscience qui fournira l’inspiration aux errances référendaires qui viendront plus tard. Elles commenceront quatre ans plus tard, sans nécessité, on n’avait qu'à suivre l'exemple donné par Johnson.
Depuis ce temps, le poids politique des Canadiens-Français dans le Canada, y compris au Québec, s’est grandement réduit avec les progrès du multiculturalisme, dont Pierre Elliot Trudeau a été un chef de file mondial. En toute objectivité, Trudeau a été secondé dans ses efforts par les progrès de la québécitude. Tout comme Trudeau, les indépendantistes voulaient mettre fin à une nation canadienne-française historiquement constituée dans l’espace continental, pour la ramener à la hauteur de dix échelles provinciales. Au Québec, remplacer les ayants droit canadiens-français par une nation québécoise imaginée à partir d’un modèle parallèle à celui du Canada multiculturel et subordonné à lui, ne gardant que la langue française comme signe distinctif.
La volte-face nous est présentée comme une continuité, il n’en est rien. C’est ce que nous fait voir l’ultime contre-offensive à l’esprit de Daniel Johnson, mise en place en 2000, avec l’adoption de la loi 99 par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard. Cette loi fera passer à la trappe les dernières réalités nationales canadiennes de souche. Ce qui se passe aujourd’hui ressemble à une incurable amnésie. S’exprimant peu après le référendum de 1980, François-Albert Angers, qui était plus allumé, avait prévenu : « le sens de la lutte a changé ».
Depuis que le phénomène de la persistance des Canadiens-Français à défendre leur existence s’est effrité, on ne parle d’indépendance et de pays que sous fond d’exclusion des premiers intéressés ! Mais de qui se moque-t-on ? La rigidité politique en vigueur ne fait que dissimuler un renoncement à envisager la question nationale dans les termes où elle se pose. Les peuples et les pays du monde nous montrent pourtant des exemples de relations équitables imaginés entre les nations en vertu d’aménagements et de dispositions constitutionnelles. Ce qui est en cause chez-nous, ce n'est pas un pays pour le Québec, mais la survie d'une nation que Québec ne reconnaît même pas, ce qui fait de l'indépendance elle-même un sauvetage illusoire et une fausse priorité. Dans notre propre contexte, l’ambition des solutions que des indépendantistes mettent en avant, bien que souvent de bonne foi, n’a plus aucun rapport avec les réalités en présence.
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