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Des origines fédérales du référendum

À 50 ans, l'approche référendaire  a griffé le Québec Nous savons tous que le référendum a été soufflé à l'oreille de Claude Morin p...

mardi 4 avril 2017

Pour les Nations unies en Afrique francophone

Deuxième partie
Les Nations-Unies en Afrique francophone
Après avoir profité à New York et aux États-Unis pendant 70 ans

Il ressort de la première partie que l'insularité relative des États-Unis, une «île» entre deux océans, lui a permis d'entrer dans la deuxième guerre quand elle l'a bien voulue et de profiter de cette position de retrait pour parfaire l'édification de son complexe militaro-industriel. Ce dernier est devenu le fondement de ce que l'on appelle aujourd'hui «l'État profond». Pour nourrir le monstre, la guerre sera portée sur tous les continents sans jamais que les perprétateurs en subissent les terribles conséquences négatives chez eux.

La création des Nations-Unies et son installation au cœur même de l'empire constitue toujours un fleuron de la projection de puissance américaine. À partir de faits regroupés ici et souvent peu connus, je vais tenter de montrer que le siège de l'ONU devrait être délocalisé et ne plus jamais se trouver dans les frontières d'une grande puissance. Il devrait se situer dans un pays de petite taille, bien géo-localisé et dont les ambitions ne lui permettraient jamais d'exercer trop d'influence.

1- Comment furent choisis New York et les États-Unis
Curieusement, la première assemblée générale des Nations Unies s'est tenue à Londres en 1946. À l'ordre du jour, il fallait choisir le pays hôte de la nouvelle organisation. Selon une note de bas de page de la chercheuse Jessica Field, les autres pays membres du Conseil de sécurité (Royaume Uni, France, Chine, URSS) auraient été minimalement envisagés, mais vu «l'urgence», «les destructions de la guerre dans ces pays» et «le rôle prépondérant joué par les États-Unis pour réunir les nations et pousser cette forme de collaboration», la préférence fut donné aux États-Unis. Une parenthèse sur l'urgence : on pourrait facilement arguer qu'il n'y avait pas d'urgence au temps où les États-Unis ne défendaient pas leurs alliés... avant d'être eux-mêmes attaqués par le Japon et que l'Allemagne leur déclare la guerre. Quoi qu'il en soit, on notera que des trois motifs invoqués à Londres pour choisir les États-Unis, deux n'existent plus de nos jours et le troisième est devenu fort discutable.

Une fois le pays choisi, il fallait choisir la ville. On rapporte que Londres avait été envisagée antérieurement. Or, avec la confirmation des États-Unis, la capitale anglaise tomba de fait. Les villes envisagées restaient San Francisco, Boston, Philadelphie et New York. Un don de «dernière minute» de 8,5 millions de dollars de John D. Rockefeller Jr. donna à NY la marge nécessaire pour l'emporter sur les villes concurrentes. L'argent achète tout! On rapporte aussi que le miliardaire donna 17 acres de terrain en bordure de l'East River. Était-ce en échange de contrats d'architecture et de conception...comme d'autres l'ont rapporté...?

2- Retombées économiques
Selon des données de 2014, rendues publiques en décembre 2016, les Nations unies, ses agences et son personnel ont généré 3,69 milliards de revenus pour la ville de New York. Ils représentent un apport de 8 000 emplois et amènent à New York 30 000 visiteurs qui participent à des réunions chaque année. Il s'agit d'une petite avalanche de dollars US qui retournent à la maison en provenance du monde entier, année après année.
3- Langues officielles de L'ONU
A l'ONU, s'il y a un information confidentielle, c'est qu'il y existe six langues officielles. Parmi elles, le français et l'anglais sont les deux langues de travail. À l'ONU, comme au Canada, les langues officielles finissent en monolinguisme. La langue dominante, que personne ne veut qualifier de suprême, mais qui exerce néanmoins sa suprématie, est l'anglais. Christian Rioux explique,dans un article paru dans Le Devoir en 2012 «L’Organisation des Nations unies a depuis sa fondation deux langues de travail qui ont le même statut officiel : l’anglais et le français. Depuis la publication du rapport Vareilles en février dernier, on sait pourtant que, lorsque vient le temps de recruter du personnel, l’anglais est obligatoire dans 84 % des postes alors que le français ne l’est que pour 7 %. Et encore, parmi ces rares employés qui parlent le français, plus d’un sur cinq est affecté à la traduction.» Comme au Canada, la langue de rédaction (et de création) est l'anglais, ce qui relègue toutes les autres langues à n'être plus que des langues de traduction.
C'est un peu comme le cas des Jeux olympiques que l'on peut aussi reprendre. Fondés par Pierre de Coubertin, cette organisation a le français pour langue officielle. En pratique, l'anglais y domine pourtant, sans que les pays francophones réagissent. Le Comité international olympique siège à Lausanne (Suisse), il y a fort à parier, et à plus forte raison, que tant que le siège des Nations Unies se trouvera dans la métropole du monde anglo-saxon, l'anglais continuera à détemir la prépondérance au prix de la diversité langagière du monde. Il continuera d'apparaître naturel que son usage, un fait de dominance auquel trop se sont conformés, continue de nous rapprocher de son usage exclusif. Le phénomène sera irréversible si la volonté populaire de donner sa chance à une autre langue et à un autre pays ne se dresse pas contre une situation qui a trop durée.

4- Le déplacement du siège des Nations-Unies dans l'actualité
Une petite recherche a permis de constater que le sujet de la relocalisation du siège des Nations unies s'il n'a pas encore rejoint de larges couches de l'opinion publique, c'est un sujet qui commence à intéresser. Selon moi, nous n'avons pas fini d'en entendre parler.

Ainsi, une question posée sur le site Quora a généré des réponses intéressantes. Ailleurs on a parlé du Qatar comme point de chute éventuel, mais c'est de la part des diplomates et politiques Russes que viennent les prises de position les plus fortes. La Russie s'inquiète des tracasseries que leur impose les services frontaliers ou de sécurité américains et voudrait que l'organisation s'installe dans un pays plus neutre. L'argument porte. Difficile à dire s'il s'agit d'une vraie tendance, mais c'est d'ores et déjà un pays dont on s'exile (Edward Snowden) et un pays à qui l'on demande de radier sa nationalité (Ken O'Keefe), ceci sans compter les nouveaux objecteurs de conscience qui, à tort ou à raison, se croient justifiés de fuir les États-Unis de Donald Trump. Reste à savoir combien passeront à l'acte.

D'autre part, les Russes, pas seuls, trouvent la vie chère à New York. Qu'en pensent les pays les plus pauvres de la planète comme le Niger ou l'Éthiopie? Pour réduire le coût des délégations et le temps de transport, Un parlementaire russe s'est exprimé pour que les Nations Unies s'installent au centre de toutes les capitales du monde. D'abord dubitatif, j'ai dû jongler un peu avec l'idée avant de comprendre qu'il propose très objectivement l'endroit qui serait le plus proche en kilomètres cumulés des 183 capitales. Par exemple, si 100 capitales se trouvent à moins de 4 500 km d'une ville candidate, (Alexandrie? Latakié? Limasol?) ce serait déjà pas mal, mais pas du tout le cas de New York, qui serait sous cet angle exclue au premier tour. Dans un article du NY Daily News, à propos d'un livre paru en 2013, on trouve là aussi que la métropole américaine est trop couteuse et on propose la ville de Nairobi au Kenya. Washington se trouve à 327 KM de New York, la seule capitale située à proximité du siège de l'ONU. Il s'agit d'un immense avantage pour faire entendre son point de vue, jouer de son influence et pratiquer toutes le formes de lobbying. Rockfeller avait bien vu l'intérêt d'installer l'ONU à New York!

5- Un choix pour la francophonie et un choix pour le bien vivre chez soi planétaire
Les Nations Unies sont le fruit d'un projet discuté par Churchill et Roosevelt en 1941 au large de Terre-Neuve, puis à la Conférence Arcadia, tenue fin 41 et au début de 1942 à Washington. Cette conférence ratifia la Déclaration des nations unies sans majuscules. Installer l'ONU à New York, comme je l'ai montré, et de l'aveu même des décideurs, a été un choix hâtif, dicté par les circonstances du moment. Or, si ce choix a pu s'imposer à la fin de la guerre, il n'est plus justifié aujourd'hui. Nous sommes désormais en présence d'un attribut de la domination américaine et anglo-saxonne du monde de l'après-guerre, en présence d'un choix qui avait tout du transitoire mais qui s'est incrusté dans le temps alors que le monde a changé. Les décisions prises dans «l'urgence» et dans l'état de délabrement matériel du monde à l'époque sont devenues caduques.

En dépit de contestations mal fondées au sein même des États-Unis, il faut admettre que l'ONU a fait de New York une plaque tournante de la diplomatie internationale. La présence onusienne a grandement contribué au rayonnement de cette métropole, mais aussi, on ne peut l'oublier, à la valorisation et à la projection de l'anglais et de la culture anglo-saxonne à travers le monde.

Dans ce sens, compte tenu de la faveur que gagne l'idée de multipolarité du monde et d'un partage plus équitable des avantages économiques, il faut considérer la rente que procure automatiquement à tout pays le privilège d'être celui où siège les Nations unies. Il faut désormais considérer l'emplacement newyorkais du siège des nations unies comme une réalité dont la révision s'impose. Il n'est pas trop tôt, après 72 ans à enrichir New York, de formuler un projet de relocalisation ordonné et réfléchi de l'ONU dans un pays plus approprié, moins riche, d'ici 10, 15 ou 20 ans. Les jeux olympiques se déplacent. Sans être aussi mobile, pourquoi pas l'ONU?

J'ai déjà pour ma part proposé une ville du Québec. Or, le Québec est trop proche de New York et il a sur ce coup le désavantage de se trouver en Amérique. Pour le Québec, fragile et en voie de dépopulation autochtone, accueillir l'ONU serait d'ailleurs un facteur additionnel d'anglicisation et d'assimilation. D'ailleurs, honnêtement, l'ONU ne pourrait se relocaliser en Amérique du Nord. Par conséquent, mon choix se porterait volontiers sur un pays francophone d'Afrique, autre qu'une capitale, une ville qui pourrait bénéficier à son tour des retombées économiques conséquentes et, par effet de proximité, alléger le fardeau économique des délégations africaines à l'ONU.

En situant ce phare de la diplomatie mondiale au centre de croissance démographique de la francophonie, le rayonnement du français dans le monde s'en trouverait impulsé. Comme on l'a vu, d'autres pays et d'autres intérêts s'intéressent au sujet et proposent leur choix. Le Québec et la francophonie ne doivent pas être en reste.

L'ONU en Afrique, quelle belle façon de déplacer des rentes américaines vers l'Afrique, de garder les Africains chez eux par la création d'un nouveau pôle économique assorti de bons emplois, sans faire la charité!

En terminant, on a certes critiqué l'impuissance des Nations unies à souhait et souvent on le fait avec raison. Effectivement, il faut le reconnaître, la réforme des Nations unies ne concerne pas que la langue et le site de son siège. Beaucoup d'autres propositions de réforme d'inégale valeur circulent depuis un certain temps, mais cela évolue hélas très lentement. Les Nations unies malgré leur imperfection, qui ne sont pas sans rapport avec l'influence américaine de proximité (pour ne pas dire de promiscuité ), constituent un forum des pays, le seul, et sauvegardent a minima un droit international fort malmené il est vrai, mais auquel il nous faut tenir et tâcher de le renforcer en attendant mieux.



lundi 12 septembre 2016

L'INDÉPENDANCE FAUSSAIRE ET LA DÉSERTION DU POUVOIR RÉEL


L'indépendance : tributaire de la puissance et non d'un référendum

Pour le bénéfice des lecteurs je tenterai de bien m'expliquer afin de ne susciter aucune confusion puisque je renvoie à des termes et à des idées qui sont hors du champ de la réflexion habituelle chez les souverainistes-indépendantistes. Mais les temps nous invitent à des changements, encore d'autres! Et si vous n'êtes pas trop réfractaires au changement, une idée que tous les motivateurs friqués ont reprise, vous devriez être bien servis.

D'abord, je m'élève contre les frères jumeaux que sont le provincialisme et le référendisme. Opposés en paroles, ils se complémentent dans la fuite en avant.  Le provincialisme est caractérisé par le renoncement à l'exercice du pouvoir alors que le référendisme est reconnaissable par la réclame qu'il fait pour une indépendance faussaire.  François Ricard pourfendait récemment les partisans d'un nouveau référendum en soutenant qu'un référendum gagnant ne ferait qu'ouvrir la porte à des négociations. Ce qui est incontestable. Accessoirement, il pointait les fédéralistes dans leur rôle d'habiles provocateurs politiques, et les péquistes, comme incapables de résister à l'attrait de l'échec. Toujours prêts à tomber dans le panneau.

«Bien des indépendantistes, à tort, croient qu’un référendum gagnant nous mènera nécessairement à l’indépendance. De même, chez les fédéralistes, plusieurs croient qu’un référendum gagné par le Québec conduira ce dernier à l’indépendance. Ces personnes des deux camps sont dans l’erreur.» (1)

Les troupes fédéralistes sont bien dressées, c'est le moins qu'on puisse dire. Pour elles, tout référendum conduirait à l'indépendance. C'est l'alerte rouge qui sonne depuis l'élection de René Lévesque. Ainsi, anglophones et allophones, minorité politique monolithique, se tiennent prêts à monter au créneau dès que la «menace» de l'indépendance sort le bout de son nez. Or, les chefs de file fédéralistes et leurs inconditionnels ont-ils raison de craindre l'indépendance ou s'ils ont tout simplement acquis le réflexe pavlovien de crier au loup dès que les «indépendantistes» veulent «donner leur 110%» en évoquant un référendum ?

François Ricard en conclut tout à fait à propos que les deux camps sont dans l'erreur. En d'autres mots, ils se dupent mutuellement en prolongeant la vie de leurs lubies respectives. Le camp péquiste parce qu'il n'a jamais fait de référendum sur l'indépendance et n'en fera jamais. Le camp fédéraliste parce qu'il a compris combien il était facile de mettre les Québécois en boîte en répercutant l'idée-panique que le spectre de l'indépendance revenait hanter la «pax canadiana».

Ceci mérite quelques explications car je sens déjà que des convaincus, réfractaires au changement, me vouent déjà aux gémonies, ne serait-ce que par l'insécurité que pourrait susciter chez eux le dévoilement de ce jeu de dupes qui fait danser aux Québécois la St-Guy depuis 1980.

Précisons. L'indépendance – si le mots ont encore un sens – consiste pour une nation à détenir les pouvoirs lui permettant de maîtriser sa destinée. Pour faire simple, ce sont les pouvoirs cardinaux, soit ceux qui comptent le plus pour tout pays qui sait ce qu'est d'être indépendant. Ce sont donc les pouvoirs de l'argent et ceux de la force d'abord. L'indépendance se mesure ainsi à la capacité de contrôler sa banque, sa monnaie et son économie; de défendre ses frontières extérieures et de maintenir l'ordre intérieur par des forces armées et policières qui répondent à l'autorité étatique. Ceci s'applique à tout pays.

En d'autres mots, croyez-le ou non, nous n'avons pas encore commencé à parler sérieusement d'indépendance au Québec. Ni avec Lévesque, ni avec Parizeau et pas davantage avec PKP. On fait un plat avec le lancement de l'Institut de recherche sur l'indépendance, soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? On en reparlera le moment venu mais ça s'annonce plate comme une crêpe car le «war room» de l'indépendance n'existe tout simplement pas. On excusera mon scepticisme mais je m'attends à des études d'intellectuels qui ne vaudront pas un pavé dans la mare, je le pressens au temps qu'il faut pour en accoucher. Bref, pour y revenir, un référendum sur le sujet que personne ne maîtrise est par conséquent impossible. C'est d'ailleurs conforme à la simple vérité historique. Il vous suffit de retourner au libellé des questions référendaires de 1980 et 1995 pour constater que l'indépendance n'était pas l'enjeu. Et à juste titre, car la population n'y a jamais été préparée. Pour bien remettre les choses à plat et rompre avec les récits fantaisistes, il suffit de se demander sur quoi portait donc les deux premiers référendums... et ajoutons l'éventuel prochain, à propos duquel les aspirants à la chefferie du PQ s'apostrophent déjà, comme si le «vouloir» ou simplement le garder dans le décor donnait en soi un surplus de fibre patriotique.

Allons plus loin. Un éventuel oui à un éventuel référendum est peu probable et ce, quelle que soit la question posée. Mais si, par hasard, le oui l'emportait avec une petite majorité obtenue à l'arraché, on jase, cette courte victoire ouvrirait la porte à n'importe quoi, dont des divisions sur des revendications à la baisse, le tout préludant à une finale décevante, possiblement contraire aux intérêts du Québec.

Quant on n'a jamais réussi à regrouper la masse critique de la nation, quant on est séparé d'elle et qu'on craint comme la peste son identité, comment serait-il possible de former avec elle un consensus national fort? Dans ces circonstances de grande faiblesse, au final, qu'y aurait-t-il à négocier? Représentés par un si pauvre parti armé d'un si pauvre mandat? Car, ouvrons les yeux, la plus totale confusion l'égard de la prétendue indépendance persiste depuis 50 ans... Le projet d'indépendance du Québec contient des titres et de la réclame, mais tout cela est entrecoupé de tant de pages blanches et de non dit qu'on ne remarque même plus l'erreur. Ce qui est toutefois persistant, je le reconnais, c'est le désir d'autonomie culturelle, linguistique, en matière d'éducation et d'immigration.

Revenons au consensus et rectifions. Un consensus national fort a déjà été obtenu en cinquante ans. Il s'est en effet cristallisé autour des accords du lac Meech, menés par le libéral Robert Bourassa en 1887. Pour rappel, cet accord donnait au Québec des pouvoirs accrus, notamment dans le domaine de la culture et de l'immigration. Il lui donnait la possibilité de se retirer des programmes fédéraux avec pleine compensation. En reconnaissant le Québec comme société distincte, il ouvrait la porte à un changement de la dynamique entre le Québec et le Canada, figée depuis 1867. Plus de 65% des Québécois l'aurait applaudi, dont 80% de souverainistes ! 

Or, vu les circonstances mélodramatiques dans lesquelles se sont tenus les deux premiers référendum, et compte tenu de ce que je viens d'exposer, une petite victoire ne pouvait conduire au mieux qu'à des accommodements raisonnables, se solder avec un Meech plus (ou moins), garnis d'un enrobage différent. Le prochain et tout hypothétique référendum qu'appelle de ses voeux Martine Ouellet ne permettrait pas davantage. La branche référendiste du PQ ne fait que s'enfoncer davantage à marcher dans les traces des échecs du passé, faute d'en avoir fait un bilan sans complaisance, d'où sa presse d'en découdre avec les fédéralistes qui, justement, fédèrent la moitié du Québec.

Résultat des courses.

Qui est prêt à continuer de braquer la moitié du Québec contre l'autre pour au mieux des accommodements raisonnables ? Au pire et plus probablement pour un autre échec dramatique et démoralisant car, les deux référendums précédents l'ont bien montré, après un non les chefs plient bagage et renvoient les militants aux douches. Jacques Parizeau n'était pas prêt à continuer le combat en cas d'une défaite dans les urnes, même contestable. Dans la confusion, il a appelé à la démobilisation générale. Une vérité que la majorité des indépendantistes refusent de voir, comme si la réalité leur faisait trop mal. Le maintien de la «Pax canadiana» pesait sans doute dans sa décision, laquelle renvoyait à l'improvisation dans laquelle l'aventure référendaire avait été lancée. Et ce fut une aventure. Diriger une province, chose à laquelle il ne pouvait se résoudre, le fit jouer la santé et la cohésion de la nation sur une simple consultation populaire, pour finir aussi lamentablement. 

Les fractures profondes héritées du premier référendum et consolidées à l'ère Parizeau sont toujours celles qui traversent et plombent lourdement le Parti québécois aujourd'hui. Ceux qui ne veulent pas de référendum sont soupçonnés de provincialisme, ce qui est d'ailleurs assez vrai car ils restent à ce jour incapables de produire un plan de redressement national qui utiliserait tous nos pouvoirs. Le soupçon d'être contents de diriger une province leur colle donc à la peau. À l'opposé, ceux qui veulent un référendum restent sourds aux arguments souvent sensés des provincialistes. Entre les deux, aucun appel, aucune intuition, aucune réflexion ne semblent assez puissants pour briser cette stérile dichotomie.

Au sein de la mouvance référendiste loge une envie d'en finir qui ressemble à l'attirance irrésistible pour l'échec. Le Québec n'est jamais gagnant. Depuis longtemps il perd systématiquement au jeu de la politique, mais ses chefs continuent de l'inviter à foncer dans le mur. 

Or le Québec vaut mieux. Et le défi immédiat des politiques du serait de rassembler les Québécois autour de quelques idées fortes, autour de consensus qui nous feraient progresser, quitte à renverser des monuments du statu quo au passage. Contrairement à Parizeau qui ne voulait pas diriger une province, grave erreur, il faudra se résoudre à le faire et à le faire correctement... pour arriver à le faire puissamment. Car la voie de la puissance est la voie de l'indépendance. 

Épris de grandes ambitions mais peu formée et aguerrie sur le plan politique, l'élite souverainiste a négligé de se souder aux pouvoirs qui lui étaient confiés. En fait, le Parti québécois au pouvoir a souvent marché dans les routines établies par le parti libéral, n'agissant que de façon marginalement différente. Était-ce faute d'avoir les coudées franches, faute de pouvoir compter sur une nette majorité parlementaire? Possible en partie, mais cela ne peut expliquer tout un parcours navrant, comme la phobie toujours grandissante de notre identité qui le caractérise maintenant. Il suffit de rappeler la récente visite de Marine Le Pen qui les a mis, toute cette bien pensance, au bord de la crise de nerfs. Il est clair que cette panique de vierges effarouchées, pour si peu, ne fait pas de la classe politique actuelle une force fiable. Au contraire, elle la disqualifie pour nous mener à l'indépendance. Mon conseil, ne les suivez surtout pas sur la voie référendaire.

Il y aurait tant à faire. D'abord unir les Québécois en leur proposant un redressement à travers des objectifs qui s'adressent à la masse et non à des clientèles communautaires. Les grands consensus devraient se faire sur des enjeux du quotidien, enjeux désertés par le Parti québécois. Voici quelques exemples :

1- Fracasser l'immobilisme qui prive les Québécois de l'accès aux soins de santé. Venir à bout de cette féodalité médicale qui oblige les malades à attendre des heures et des heures dans les urgences. Donner le pouvoir aux super infirmières, faire venir des médecins coopérants de l'étranger (Cuba ?) pour travailler avec elles à créer de super cliniques d'urgence qui contourneraient, s'il le faut, le système actuel maintenu en place au profit de minorités âpres au gain. Sans se mettre à dos les médecins, leur faire comprendre que les médecins devenus ministres de la santé n'ont jamais pu régler les problèmes qui persistent depuis trop longtemps car ils n'ont pas l'indépendance nécessaire pour le faire. Le prochain ministre de la santé ne serait pas un médecin, quelqu'un d'autre, une infirmière de renom par exemple. 

2- Donner au Québec un visage français, re-vamper les institutions et les règlements qui accompagnent la loi 101 et les appliquer avec tout le muscle que la loi et les règlements autorisent. Revoir les budgets de cette mission, revoir ses objectifs et s'assurer qu'un personnel de direction motivé est bien en selle. Donner un signal clair et net qui atteindra tout le Québec, le Canada et le monde en gardant le cap. La langue de la réussite au Québec devrait être le français, il faut d'abord y croire nous-mêmes et accroître l'utilité du français partout, au sein de l'État et de ses prolongements d'abord. 

3- Diriger résolument et explicitement les nouveaux arrivants dans des parcours qui les conduisent à s'intégrer à la nation majoritaire. Imposer des tests de connaissance du français et de connaissance des réalités québécoises. Le faire avec fermeté, ce qui aura pour effet de décourager les moins adaptables et de ramener le nombre d'immigrants à des proportions plus conséquentes avec notre capacité d'intégration. Mettre la pression voulue pour admettre des immigrants qui non seulement parlent français (ce qui est insuffisant), mais des immigrants qui manifestent une aptitude et une volonté à s'intégrer. Cibler par exemple des Syriens chrétiens, plus proches de nos valeurs et qui sont d'ailleurs les plus persécutés.

4- Remettre à l'étude l'enseignement de l'histoire nationale du Québec obligatoire pour tous: L'épopée de la Nouvelle-France, (sans doute au monde le cas le plus harmonieux de la colonisation européenne), Samuel de Champlain, la Conquête, la déportation des Acadiens, les troubles de 1837-38. Enseigner aux nouvelles générations l'essentiel des enseignements qui nous ont aidés à survivre dans la durée. 

5- Obliger les universités anglophones à s'engager dans un programme graduel de francisation partielle pour en arriver à ce que l'enseignement universitaire sur le territoire se fasse en français dans une proportion égale à celle de la population francophone. Idem pour les collèges. Le Québec ne peut échapper à reconnaître qu'il a un caractère multi-national, mais la nation fondatrice et majoritaire est en droit de s'affirmer en garantissant le respect des autres, mais pas davantage qu'en proportion de leur importance démographique et historique.

6- Augmenter l'intérêt de l'État pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine religieux catholique. Rappeler que les cultes religieux, s'ils sont égaux en droit, ne sont pas égaux sur le plan patrimonial et historique. L'institution catholique a été un pilier de la fondation du Canada, d'abord. Ensuite, seule capable de le faire, elle a soigné la nation canadienne-française de ses blessures après la violente répression britannique des années 1837-38, faisant ainsi échec aux plans d'assimilation du Rapport Durham et préparant de fait, notamment par la fondation de collèges classiques de haut niveau, le sursaut national dont l'apogée se situe dans les années 1955-1980. Pour ces raisons, la religion catholique est une religion à part pour la nation québécoise. Elle mérite la reconnaissance de toute la nation, y compris celle des nouveaux arrivants et des adaptes des autres cultes. Cette dernière mesure, qui est en fait un changement d'attitude, est probablement la plus importante de toutes pour unir profondément la nation québécoise au delà des lignes partisanes.   

Cette petite révolution des mentalités, qui demanderait beaucoup de confiance, de nerfs et d'aplomb, ne serait au fond que le signe que nous nous respectons nous-mêmes, à titre de peuple d'accueil et de peuple fondateur du Canada. Remarquez que toutes ces mesures n'exigeraient l'addition d'aucun nouveau pouvoir à ceux que le Québec détient déjà. Or, le Parti québécois qui, paraît-il, aurait le courage de faire l'indépendance (armée, monnaie, banque, etc.) n'a jamais eu le courage d'utiliser pleinement les pouvoirs de la province de Québec dans l'intérêt national. Quant il a feint de les utiliser, il est reparti piteux en s'excusant comme d'habitude.

Il est facile de promettre qu'au bout d'un référendum se trouve l'indépendance. Mais au bout du compte, personne de ces «visionnaires» n'est responsable des résultats. Il semble bien, si le passé est garant de l'avenir, que si «le maudit peuple ne dit pas OUI», on démissionne, on se crache dans les mains et on recommence. Jusqu'à quand? Mes amis, il est beaucoup plus difficile de faire face à l'opposition hurlante qui se dressera dès que le Québec prendra la décision d'agir en conformité avec ses propres intérêts nationaux, que de réclamer un fumeux référendum. On a prétendu que dans le fédéralisme le Québec n'avait pas assez de pouvoir pour agir dans son intérêt national. Je suis d'avis que cette ligne de pensée est une ligne démissionnaire qui a conduit à la désertion du front le plus important pour le développement de l'affirmation, de l'autonomie et de la puissance nationale.

Ceux qui ont suivi les affaires savent qu'on a abusé de l'expression «gouvernance souverainiste» pour cacher une certaine vacuité. Sous Pauline Marois, l'expression, bien trouvée sans être nécessairement malhonnête, tenait plus de la réclame que du programme. Il reste néanmoins que les possibilités d'une vraie gouvernance souverainiste sont grandes pour changer la face du Québec et le remettre sur le chemin de la confiance, puis de la puissance. À condition que cette gouvernance ne soit pas un alibi aux mains de politiciens populistes et sans substance. Pour que l'indépendance ne soit pas faussaire, qu'elle procure au Québec le maximum de liberté politique et d'autonomie, il faut comprendre que cette dernière est tributaire de la puissance. Le Québec pourra être aussi indépendant que sa puissance le lui permettra. 

Aujourd'hui, dans l'impossibilité de faire progresser notre demi-indépendance de jure, soit le statut politique du Québec, il faut s'employer à faire progresser notre indépendance de facto. Regardons le monde. De plus en plus de petites entités nationales sont contraintes de se développer comme des nations sans avoir la reconnaissance d'autres pays, d'une majorité de pays ou de l'ONU. Pourquoi ne pas apprendre de ces expériences ? Au delà de la Catalogne et de l'Écosse, il faut s'ouvrir les yeux sur une multitude de situations nationales qui sont apparues au fil des ans. La presse n'en parle pas mais elles existent. Plusieurs de celles-ci se trouvent au sein ou en marge du monde russophone, mais aussi ailleurs (2). Quoi qu'il en soit, l'indépendance, qu'on le veuille ou non, est à la limite de la puissance que peut déployer un pays. Par conséquent, pour tenter d'en faire une formule, je conclurais, au risque de me répéter, que l'indépendance est au bout de la puissance et non au bout d'un référendum.

Je ne me fais pas d'illusion en écrivant ces lignes. Je sais d'expérience que l'arrivisme politicien, l'esprit multiculturaliste généralisé et la soumission aux valeurs mondialistes qui règnent au Parti québécois, comme au sein des autres partis, y compris Option nationale et Québec solidaire, ne permettront pas qu'un programme de redressement national voit le jour aux prochaines élections. Mon ambition est plus modeste, soit de montrer que le référendisme est un échec fini et qu'il s'oppose au sein du PQ à un autre échec historique qui est le provincialisme. Cette ligne de fracture stérile au sein du PQ a été consolidée sous l'ère Parizeau. Son dépassement éventuel est éminemment souhaitable. Pour en sortir par le haut, il faudra que de nouvelles valeurs habitent ceux qui font de la politique. Il faudra aussi que les politiciens indépendantistes cessent d'avoir honte de leur identité. Une honte encouragée et présentée comme «progressiste» à l'aune des valeurs du déracinement prêchées par tous les haut-parleurs de l'hyper classe mondialiste.  


1- http://vigile.quebec/Le-referendum-pour-les-nuls

2- Pour les intéressés qui veulent fouiller des cas de statuts de jure faibles ou incomplets qui enfreignent (ou pas) les constructions nationales de facto: Abkhazie (Georgie), Ossétie du Sud (Georgie), Haut Karabach (Arménie), Transnistrie (Moldavie), Les républiques de Donetz et de Lugansk (Ukraine), la Palestine (Israel), Le Somaliland (Somalie), Républika Srpska (Bosnie).  


vendredi 1 avril 2016

En marge de ma chronique ¨«Les musulmans» boucs émissaires¨

Vigile mettait en ligne cette chronique que j'écrivais le 1er avril 2016.

http://vigile.quebec/Les-musulmans-boucs-emissaires

Voici  un texte

http://www.philolog.fr/la-bresilianisation-du-monde/

que je reproduis sans le commenter, avec lequel je suis pour une bonne part en accord et partiellement en désaccord. En accord certes avec l'analyse qui est faite du bourgeois bohème et du naufrage de la gauche. Je le crois bien étayé et utile pour approfondir la réflexion.

Ce que je cherche à présent c'est une source crédible qui traite du fascisme. Non dans le sens galvaudé et employé trivialement, mais dans le sens originel, soit de l'absolu renoncement à la lutte des classes pour y substituer la lutte contre une menace intérieure ou extérieure fantasmée, exhibant  dans les deux cas la tendance à promouvoir un nationalisme étroit. Jusqu'à en arriver, comme aujourd'hui dans le cas de l'Ukraine post-maïkan, à fabriquer un univers nationaliste anachronique qui renoue sans gène avec l'Allemagne nazie et ses figures, comme au premier plan celle de Stephan Bandera.

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La brésilianisation du monde

carnaval de rio www.album-photo.net

  Il est bon de suspendre parfois le difficile travail d'appropriation des concepts. J'appellerai récréation ces moments de pause. Je désire aujourd'hui présenter un compte rendu d'un petit livre, d'accès très facile, que j'ai trouvé intelligent : La peste et l'orgie. Giuliano Da Empoli. Grasset 2005. 
Constat: L'auteur observe qu'il y a une mise en déroute du rationaliste progressiste dans son analyse du réel, depuis l'explosion des réality shows, des blogs, du populisme, du terrorisme, du retour du religieux etc. Celui-ci ne semble pas comprendre que son rêve d'un monde soumis aux exigences de la raison n'est qu'une illusion. D'où son indigence analytique, celle-ci se manifestant par un surcroît d'indignation.
  La thèse de l'auteur est que la civilisation occidentale avec son pari rationaliste et progressiste rencontre ses limites. Comme l'avait analysé Nietzsche, une grande civilisation est la synthèse réussie d'un fond dionysiaque et d'une mise en forme apollinienne.
  Or nous avons eu tendance à refouler Dionysos, le dieu de l'exubérance vitale, du chaos, du fond obscur et tragique de l'existence. Nous avons cru au progrès, à une finalité de l'histoire, aux vertus d'une raison conquérante et libératrice. La faillite des idéologies, les horreurs du 20° siècle ont sonné le glas de ces vaines espérances.
  A l'opposé des tentations occidentales, dans la version esprit des Lumières, la vitalité dionysiaque est la réalité immémoriale du Brésil : passion sensuelle, histoire abolie dans l'apothéose de l'instant carnavalesque, rire de la transe ou énergie de la danse, existence comme sensation et spectacle, violence et jouissance.
   L'auteur établit que le monde contemporain est en voie de brésilianisationaccélérée, entendant par là : « une samba frénétique où un pôle carnavalesque, fait d'expression corporelle et de théâtralité, de grandes célébrations et de métissage, entre en résonance avec un pôle tragique fait de risques et de violences, d'astrologie et d'un fatalisme qui, à son tour, trouve à s'épancher dans le carnaval, contribuant à alimenter une spirale inépuisable oscillant constamment entre l'orgie et le massacre, côtoyant le sublime et l'obscène jusqu'à les fondre dans un rythme unique et incessant ».
  La réflexion de Giuliano da Empoli consiste donc à pointer les différentes caractéristiques de ce qu'il appelle la brésilianisation.
  Je relève celles qui me paraissent les plus emblématiques du phénomène :  

  La démocratisation de l'orgie.

 

   Le goût des plaisirs et, en particulier, des plaisirs interdits n'est pas une nouveauté. Il est aussi vieux que la nature humaine puisque les pulsions instinctives appartiennent à notre condition, d'une manière bien plus évidente que les tendances spirituelles ou morales. La nouveauté tient seulement au fait que les plaisirs, autrefois réservés à une élite, intellectuelle ou autre et soigneusement dissimulés aux yeux du profane sont désormais le lot de masses de plus en plus nombreuses. En témoigne le fait que la pornographie comme genre a disparu ; elle s'est diluée dans une culture de masse communément acceptée. Au début des années 90 on a ainsi assisté à la grande fusion entre éthique bourgeoise et culture bohème. La contre culture s'est réconciliée avec les impératifs de l'entreprise (création d'entreprises de design, de publicité permettant de gagner de l'argent tout en se prévalant d'un esprit rebelle). La culture officielle s'est mise à recycler commercialement les éléments dadas, nihilistes, underground de mouvances jusqu'alors marginales et ennemies du monde capitaliste. Au fond, s'est opérée l'institutionnalisation de la subversion. Ce qui était contestation est devenu le propre du monde branché, le bourgeois bohème, la quintessence de la civilisation occidentale avec son culte des plaisirs, en particulier celui de la table, son culte du corps et son goût de l'ivresse collective (les grandes messes sportives, artistiques, politiques). La télévision est évidemment l'instrument par excellence de cette atmosphère où l'émotion l'emporte sur la raison. Elle permet la propagation rapide de véritables épidémies thématiques.  « La lecture est un acte éminemment individuel, presque antisocial. Les mass média créent au contraire, une atmosphère complètement différente, fusionnelle, favorable à la naissance de nouvelles dispositions sociales  dominées par de nouvelles élites ».

 La nouvelle superclasse.

       Traditionnellement la caractéristique d'une élite est de se poser en modèle de bonne société offert à l'admiration des contemporains. La forme la plus patente d'admiration est l'imitation ou en termes consacrés, depuis les analyses de René Girard, le mimétisme. Traditionnellement encore, ce qu'on appelait élite incarnait des idéaux, des valeurs imposant un contrôle de soi, une sublimation des tendances primaires ou vulgaires. L'auteur utilise la division freudienne du psychisme entre ça, moi et surmoi, pour dire que les élites traditionnelles étaient des élites surmoïques, à l'intérieur desquelles le Moi tend à s'identifier au surmoi et à réprimer le ça. Désormais les nouvelles élites sont issues du show business. La valeur dominante est de parvenir à attirer l'attention du public. A l'inverse des anciennes élites dont la réussite était proportionnelle aux capacités de travail, d'auto contrôle et de dissimulation, les qualités inverses sont requises pour faire partie de l'élite actuelle: se laisser aller plutôt que se retenir, donner libre cours aux pulsions instinctives. J Hallyday n'est jamais aussi populaire que lorsqu'il casse les chaises. Zidane que lorsqu'il pratique le coup de boule, l'intellectuel si spirituel que, lorsqu'avec Catherine Millet, il décrit sa vie sexuelle etc. Il s'agit d'être célèbre or une vie de star est une vie où l'on peut tout se permettre, où l'argent est roi, où il ne s'agit que de briller, fût-ce l'espace d'un instant. D'où l'idéal de l'homme contemporain : passer à la télévision, ne serait-ce que quelques instants.

 L'éloge du métissage et de la culture populaire.

   Les élites traditionnelles brésiliennes se caractérisaient par un sentiment de honte à l'endroit du métissage de leur société. Cette honte les portait à imiter les modèles européens et à produire un art sans vitalité et originalité. Le renouveau est venu d'une exaltation de l'identité brésilienne désormais fière de ce qu'elle est : exubérante, populaire, métissée. D'où un double mouvement : à l'horizontale, une tendance à combiner cultures, traditions, et matériaux provenant d'origines différentes, à la verticale, une tendance chez les élites culturelles à puiser dans ce vivier les sources de leur créativité. On peut dire que la vogue de « l'ethniquement ambigu », du mélange des races et des cultures, de la contestation des hiérarchies et du «  tout est culture » s'est exportée dans le monde entier. Nous vivons l'ère du syncrétisme dans  tous les domaines : religieux, artistique, politique, philosophique etc.

 Le carnaval, contrepartie du sens du tragique, l'orgie contrepartie de la peste.

   Aux antipodes de l'optimisme historique des Lumières, nous avons renoué avec le sentiment du primat du destin sur la volonté humaine. L'irrationnel fait la nique à la rationalité, la violence urbaine, les inégalités résistent à nos efforts pour les juguler. La volonté humaine n'est pas toute puissante. Nous redécouvrons la vérité tragique du réel et l'orgie, l'exaltation de l'instant, le carnaval deviennent, comme aux époques des grandes pestes, une manière de domestiquer la peur et de consentir au fatum.
    Le livre s'achève sur une condamnation sévère du discours de l'intellectuel progressiste, (de gauche comme il se doit).
  Il est accusé d'être paradoxalement trop prompt à condamner la dimension dionysiaque de l'époque, celle qui offre pourtant des possibilités de liberté inédites, à condition de mieux la maîtriser alors qu'il est fort complaisant à l'égard de la dimension tragique de notre monde. Comme hier à l'égard de l'horreur totalitaire communiste, il témoigne d'un aveuglement  criminel à l'endroit des vraies menaces, celle en particulier du fascisme islamique parce que la haine de soi qui le caractérise (haine de l'Occident, libéral, capitaliste) transforme en victimes ce qu'il faudrait condamner sans concession. « Sa censure indignée s'abat implacablement sur toutes les formes d'effervescence. Hédonisme et consommation de masse, soin du corps, exhibitionnisme télévisuel et culte de la célébrité, nouvelles croyances et spiritualité à usage personnel : toutes ces formes suscitent la réprobation de l'intellectuel progressiste. En revanche il réserve son indulgence aux phénomènes qui peuplent les cauchemars des Occidentaux : en premier lieu le terrorisme international et la criminalité urbaine ». L'auteur voit dans cette attitude, la raison de la mise hors jeu de l'intellectuel dans le présent. La gauche européenne retrouvera du crédit lorsqu'elle sera plus en harmonie avec la brésilianisation propre à la société, ce qui semble être l'art maîtrisé par celui que le progressiste appelle trop rapidement le populiste.
  Da Empoli porte au crédit de la brésilianisation l'avantage d'être le meilleur rempart contre le totalitarisme et non comme le prétend l'intellectuel progressiste une des ses expressions molles.
  «  Quand il s'élève contre les manifestations du carnaval de masse, le progressiste oublie cette simple leçon : tout ce qui renforce l'attachement des individus à la vie, dans sa simple manifestation quotidienne, diminue les chances de succès d'idéologies totalitaires qui demandent, pour une raison ou pour une autre, de sacrifier le présent pour bâtir un avenir radieux ».
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mardi 22 mars 2016

Commentaire - sur une course longue (quantité) et courte (qualité) à la chefferie du Parti québécois



  • gilles verrier

    Monsieur Thomson, vous écrivez :
    De même, il faut être d’une incroyable naïveté pour croire que les politiques d’accueil des émigrants que ce soit au Québec ou dans le reste du Canada resteront sans conséquence pour l’avenir de nos identités respectives, ou suffiront à assurer la survie des valeurs fondamentales qui font et forgent nos identités culturelles et identitaires tout en assurant leur continuité.
    Le problème est que nous venons d’élire un chef qui n’a pas eu besoin de se prononcer clairement sur ces questions, comme le fait remarquer justement M. Ricard. On a eu vite fait de transformer une rare occasion de faire un débat d’idées en concours de personnalités. Plusieurs ont prématurément choisi leur camp. Vigile en est. On n’a pas jugé utile de poser les questions difficiles, de cuisiner les candidats... pour connaître le fond de leur pensée. La politique spectacle étant par définition superficielle.
    Le message de M. Ricard m’a allumé tout de suite. J’ai voulu relire ce que j’écrivais le jour du lancement de la course à la chefferie du Parti québécois, ce parti qui après avoir élu des Pierre-Marc Johnson, André Boisclair et Lucien Bouchard (je vais m’arrêter là) devrait avoir appris le devoir de précaution. Mais il semble que l’espoir de remplacement des libéraux et la cause de la probité gouvernementale suffisent. Le reste est ce qui tient lieu de souverainisme, des paroles. On a rénové. Changé l’appellation de souverainisme par celle d’indépendantisme, priant pour qu’un ravalement de façade change tout l’édifice. Peine perdue, rien n’a changé.
    Nous en sommes à la quadrature du cercle. Le Parti québécois se meurt de vouloir demeurer un parti agréable aux yeux de l’establishment canadien et mondial, auxquels il donne des gages de soumission à répétition tout en croyant demeurer souverainiste. Le dilemme cornélien ne tient plus. Il devra choisir. Dans l’épisode que nous venons de vivre il a choisi pour l’establishment et contre nous. Fidèle à son habitude des petites trahisons, la rectitude politique l’a emportée sur l’indépendance, sur ce que j’appelle à tout le mois un « bon comportement » patriotique. Il n’a pas sauvé l’honneur. Il nous a renié comme l’apôtre Pierre le fit (« Je ne connais pas cet homme ») et c’est maintenant au moins la troisième fois. La coupe est pleine, l’affaire est entendue, ce parti ne fera jamais l’indépendance.
    Nous sommes seuls, affreusement seuls devant le spectre d’un gouvernement mondial-mondialiste qui viendra mettre de l’ordre dans nos affaires, qui nous rendra la sécurité contre le terrorisme en éliminant toutes les souverainetés nationales. Une femme venue d’ailleurs est venu donner une leçon de virilité aux indépendantistes du ravalement de façade. Ils ne l’ont pas reconnue. « Je ne connais pas cette femme », ont-ils dit, je ne connais rien de ce qu’elle dit. Les immigrationnistes-mondialistes auront bientôt plein de sang sur les mains chez nous, comme ils en ont en France et en Belgique. Le PQ est des leurs.
    Voir ma tribune libre (et le fil des messages) pour se rappeler combien nous coute notre naïveté politique collective. Mais plusieurs commencent à y voir clair et c’est encourageant.

samedi 19 mars 2016

Se distinguer de Claude Morin - et comment donc !


Ainsi, me pose-t-on la question de savoir si mes propositions ne sont pas une réédition de celles de Claude Morin. Naturellement, il n'en est rien et pour dissiper tout doute à ce sujet, je vais m'exprimer d'une manière plus directe, avec moins de précautions dans mon propos afin que chacun comprenne bien de quoi il s'agit.

Ce que propose Claude Morin c'est de recourir à des référendums sectoriels et d'adopter une constitution québécoise. Je ne suis pas du tout dans cette dynamique. Par contre, je le suis davantage quand il s'exprime en faveur de l'utilisation de la clause dérogatoire.

Ce que je propose c'est de monter à l'assaut de l'État du Québec et d'en faire un bastion de la défense de nos intérêts. Ce qui suppose une petite révolution à l'intérieur du PQ, qui n'a jamais que mollement défendu nos intérêts quand il ne les a pas tout simplement trahis. Comme dans le cas de l'affaire Michaud où ce parti d'écervelés, censé être de notre coté, est allé détruire la réputation d'un honnête patriote, un des nôtres, dans une union déshonorante avec l'engeance libérale. Il fallut ensuite quatre ans avant que les auteurs commencent à s'en excuser, assez mollement d'ailleurs. Sans la trahison péquiste il n'y aurait pas eu d'affaire Michaud. Et cette affaire est importante parce qu'elle est révélatrice de la profondeur des convictions au sein du Parti québécois, en tout cas de sa direction. Pas mieux : dans la foulée du référendum de 1995, le PQ s'est complètement effondré sur la question nationale. Il a accepté béatement les résultats, refusé absolument de les contester sous tout rapport et a lâchement abandonné toute défense de notre cause pour se réfugier dans le provincialisme le plus plat. 

Et aujourd'hui, la trouille aux fesses, le PQ prend d'avance ses distances avec la présidente du plus grand parti politique de France. Il refuse de rencontrer pour ne pas se faire diaboliser... du fait, ne serait-ce que de l'avoir rencontrée. Mais quel courage! Pendant ce temps-là, le Canada reçoit avec les honneurs les ordures d'Arabie saoudite et d'Ukraine. Comme dans le cas de l'affaire Michaud, le PQ cherche encore une fois à donner des gages à l'establishment. La prise de position de PKP, qui soulève une controverse jamais vu sur son Facebook n'est que la dernière en lice des petites trahisons du PQ, un parti qui ne cesse de décevoir. 

Mon propos est simple. Il s'agit de demander au PQ de cesser de nous trahir dans les moments critiques. Dans ces moments difficiles où les parlementaires, qui sont les premiers représentants du parti, devraient, au lieu d'aller se cacher, redoubler d'ardeur et de courage et mettre leur tête sur le billot. À la lumière de ses impostures, il est présentement impossible pour une personne sensée de se fier sur le Parti québécois pour faire l'indépendance du Québec, peu importe le moyen, la façon ou la stratégie. Ce qu'il faut demander au Parti québécois c'est qu'il fasse le ménage dans sa propre boutique, dans sa propre politique. Et ensuite, pour commencer, on ne mettra pas la barre trop haute, on va simplement lui demander de bien se comporter. 

D'autres objections semblent venir du fait de prétendre à l'exclusivité mutuelle entre la lutte pour l'indépendance et de faire de l'État le bastion de la défense de nos intérêts. Comme je l'ai expliqué ailleurs, il n'en est rien. 


http://vigile.quebec/L-independance-passe-par-le

lundi 14 mars 2016

L'indispensable reconquête de l'État

L'indispensable reconquête de l'État
LA MONTÉE EN INDÉPENDANCE, POSSIBLE DÈS 2018
Les errances de l'idéalisme philosophique en politique

Après plus de cinquante ans de souverainisme, nous devrions aujourd'hui avoir le coeur à la fête. Palper le succès de nos longs investissements dans la cause avec satisfaction et arriver enfin au bout de nos efforts. Hélas il n'en est rien. Bien au contraire, le mot que les indépendantistes ont le plus souvent à la bouche depuis vingt ans est le mot «relance», mot qui sous-entend une certaine stagnation. En fait, l'incapacité de rebondir confine à l'effondrement. Pour remède, on se fend donc à imaginer des expédients pour «relancer» l'indépendance. La magie n'opérant pas, on pourrait conclure à moindre frais que la cause ne se pose plus du tout dans les mêmes termes. Un constat qui échappe à la sagacité de fervents patriotes qui ne cessent de ranimer les cendres de la stratégie passée pour y déchiffrer la formule de «la relance», comme on lirait, avec plus d'ésotérisme, l'avenir dans les feuilles de thé.

Dans cette chronique, après un détour pour faire découvrir la philosophie politique qui anime les plus ardents «référendistes», je plaiderai la cause de la reconquête de l'État, un objectif qui peut unir les Québécois. Je terminerai en proposant un cadre programmatique pour une victoire incontestable aux élections de 2018, passage obligé pour renouer avec de grandes ambitions.

Des errances d'une philosophie politique
On a commencé à parler timidement de l'échec du «référendisme». En s'enhardissant dans l'analyse, ce qui est en train de se répandre, on commence à comprendre de plus en plus qu'il s'agit de l'échec d'une approche du tout ou rien, qu'illustre cet orgueil mal placé qui consiste à refuser de diriger la province d'une main haute et assurée, sous prétexte que l'indépendance serait à elle seule cet événement révélateur, le moment quasiment mystique sans lequel l'État du Québec ne pourrait agir de manière décisive.

L'approche «référendiste», en fait ce qui la sous-tend sur le plan de la conception du monde et des changements qui s'y opèrent, révèle la prépondérance (consciente ou non) de la philosophie politique idéaliste chez nos compatriotes et en particulier chez ceux qui ont défini depuis longtemps l'orientation du mouvement, tels Claude Morin, René Lévesque et Jacques Parizeau. La base du raisonnement philosophique qui caractérise cette approche mérite d'être mieux définie.

«En philosophie, l'idéalisme est une doctrine qui accorde un rôle prépondérant aux idées et pour laquelle il n'y a pas de réalité indépendamment de la pensée. »(1)
Pour le dire à ma façon, l'idéalisme c'est de croire que l'histoire suivra la route qu'on lui trace parce que ma bonne idée est un boulevard. Par conséquent, la prépondérance des idées sur la dynamique propre aux phénomènes matériels en société (économiques, sociologiques, de tout ordre...) (2) conduit à des positions telles que tenait l'ancien premier ministre Bernard Landry avec son fameux mot d'ordre des années 2000 (3) : «Sortir, parler, convaincre». Suggérant que le manque d'efforts de conviction expliquerait l'insuccès. C'est ce que reprend à son tour Pierre Cloutier, qui estime que des milliers de militants sont maintenus dans la passivité parce que le PQ ne donne pas le signal : «quand on veut un pays, il faut avoir le courage minimal de le mettre sur la table, le matin, le midi, le soir, la semaine et la fin de semaine». Pour lui, deux ans d'assemblées de cuisine et de tournées régionales devraient changer la donne. En d'autres mots, même si l'état major ne donne aucun signe de cohésion sur le message à passer une fois qu'on a répété les banalités d'usage, les militants devraient sortir et convaincre.(4)

Pour expliciter, l'idéalisme politique des «référendistes» se vérifie par certains traits (le lecteur comprendra ici que je ne m'adresse à personne en particulier, le «il» que j'emploie renvoie à l'idéalisme politique) :
1- Il néglige de faire une analyse concrète des rapports de force et des conséquences à en tirer.
Par exemple, de la division de la nation en plusieurs partis, de l'appui à la souveraineté devenu anémique, etc.

2- Il véhicule une idée fantasmée de l'indépendance, un nouvel Eldorado, détachée, privée de rapport dynamique avec les obligations actuelles de l'État.

3- Il néglige de prendre en compte le caractère relatif et limitatif de l'indépendance des pays, ce qui est particulièrement vrai pour le Québec.

4- Il se paie de mots ou abuse des mots, tel «indépendance»
Car, ce qui est évoqué pour le Québec au final, est un pouvoir politique limité, qui commence par la reconduction des responsabilités provinciales actuelles, augmentées de pouvoirs en matière socio-culturelle, de langue et d'immigration et d'une plus grande autonomie économique. Parlons-nous toujours d'une indépendance sans armée? sans monnaie et sans banque centrale? Sans frontières avec le Canada? Or, dans ce cas, une souveraineté limitée ne peut donner des relations extérieures indépendantes. Est-ce que le siège à l'ONU serait un siège de complaisance avec des positions calquées sur celles du Canada? D'ailleurs, pourquoi insister? Le Québec n'a jamais vraiment revendiqué sa propre politique internationale? Est-ce à dire, on jase, que le Québec récolterait tous ses impôts mais que ceux-ci seraient en partie retournés à Ottawa pour qu'il administre les responsabilités qui lui seraient laissées, de toute évidence nombreuses, pour tout ce qui est de l'avenir post-indépendance immédiat et prévisible?
C'est donc dire que le Québec indépendant, esquissé dans l'historiographie souverainiste, qui varie il est vrai, aura d'autres responsabilités mais le noyau dur de la souveraineté continuerait de lui échapper.

Donc, même après une indépendance durement négociée en notre faveur, devenue de jure, ne serions-nous pas encore un peu dans la petite politique provinciale, soit dans la continuité de l'insuffisance d'indépendance?

5- Il dévalue l'État provincial et son potentiel, refusant de concéder que sa montée en puissance et en effectivité permettrait de construire l'assise d'une plus grande indépendance, jusqu'au statut d'État indépendant. Autrement dit, il néglige l'intérêt qu'il y a à accroître indépendance de facto, pour ne donner d'importance qu'à l'indépendance de jure.

Faire la fine bouche sur cette question est véritablement de l'idéalisme de haut vol. Le «grand bond en avant» se produirait donc subitement, spontanément. On sait très bien que les responsabilités de l'État sont de tout temps. Refuser d'y faire face rejoint la perspective même de l'anarchisme. On verra plus loin que l'État se trouverait pour une part devant les mêmes défis, même si l'indépendance se produisait demain matin.

De nouveau sur l'analyse de la situation
À l'idéalisme philosophique du courant «référendiste», j'oppose le pragmatisme politique. (5) L'État du Québec est notre instrument collectif pour l'émancipation. Il s'avère que pour la première fois de son histoire moderne il est investi par des forces ouvertement anti-patriotiques, pires que tous les gouvernements québécois antérieurs qui, même velléitaires adhéraient au nationalisme traditionnel. Marcel Haché a raison quand il affirme que le Parti libéral a été intégré par le Parti Égalité et non l'inverse. On tarde à en prendre acte, même si le parti libéral d'aujourd'hui se situe à des années lumières de celui de Robert Bourassa ou de Jean Lesage.

La question que je pose à mes amis indépendantistes est de savoir comment, alors que nos propres forces sont affaiblies par deux échecs successifs qui nous ont beaucoup couté, que les forces patriotiques sont divisées plus que jamais et que notre État est entre les mains des ennemis de la nation, que ces derniers y ont placé partout leurs agents, qu'ils s'y sont incrustés depuis des années, de sorte que l'État du Québec serait un véritable champ de mines pour un prochain gouvernement plus patriotique, comment peut-on dans ce contexte en arriver à croire que la situation commande aujourd'hui de nous lancer dans une troisième aventure référendaire, dans une élection décisionnelle ou dans une constituante alors que nous ne disposons d'aucune base pour s'y lancer ? Suffirait-il de répéter le mantra assez souvent pour que la réalité daigne s'y conformer?

Selon moi, la situation commande la reconquête de notre État. C'est indispensable du fait que cette reconquête porte la possibilité de constituer un dénominateur acceptable pour l'ensemble des forces nationalistes. Donc, un objectif rassembleur à partir duquel peut être reconstitué l'unité nationale. Dispersés au sein de plusieurs partis, la reconnaissance mutuelle de la relance de l'État donnerait la chance de former un consensus national nouveau, ayant le potentiel d'aller au-delà du fédéralisme. Mais d'abord, l'idée de ne plus jamais laisser passer l'État du Québec aux mains des libéraux est centrale.

La prise en charge ferme et assurée de l'État comme processus constitutif de l'indépendance.
Il nous presse de comprendre que la puissance de l'État provincial sert à préparer l'indépendance et ne s'y oppose pas. De comprendre que des petites victoires, ces changements quantitatifs, représentent la meilleure chance de produire des changements qualitatifs plus tard, comme le changement de statut politique. Il s'agit de mettre en marche dès l'élection notre indépendance dans les domaines de notre compétence, réaffirmer la puissance de l'État à l'encontre des petites féodalités trop longtemps tolérées.

Dans un esprit rassembleur, il importe de choisir des dossiers reconnus d'intérêt universels pour en faire un programme en quelques points et d'éviter impérativement le piège des causes minoritaires ou communautaires à la mode qui braquent les uns contre les autres : féminisme, laïcité, lgbt, constituante, constitution, référendum, etc. En 2018, pour gagner, il ne s'agira pas de faire de la pédagogie politique au profit de sensibilités particulières ou minoritaires, mais de prêcher à des oreilles réceptives ce qu'elles veulent entendre, et il y matière. Soit de dire à six millions d'honnêtes gens ce qu'ils n'ont pas entendu depuis longtemps, ce que nous voulons tous entendre. Et d'y aller férocement avec tout ce qui sert le bien public le plus large. Voici neuf points (parmi d'autres) qu'il faudrait certes reformuler en «langage électoral» et ramener éventuellement à trois ou cinq points centraux tout au plus.

  1. Agir en santé, quitte à déplaire aux médecins et aux médecins spécialistes, ce qu'aucun gouvernement n'a voulu faire (le gouvernement du Québec indépendant le ferait-il? C'est le même problème!) pour en finir avec l'attente aux urgences et rendre accessibles pour tous les soins de santé. Impérativement, ne pas choisir un médecin à la tête de ce ministère, nommer une infirmière-chef familière avec les urgences.
  2. Assainir et donner les coudées franches à la direction des poursuites pénales, enrayer la criminalité d'État et la corruption.
  3. Mettre derrière les barreaux les criminels identifiés par la Commission Charbonneau et les autres enquêtes policières qui présentement n'aboutissent pas. (Le même problème avec les mêmes hésitations si le Québec était indépendant demain matin... idem pour la suite.)
  4. Modifier les politiques d'Hydro-Québec, une autre féodalité dans l'État, pour que notre électricité serve pour une part de levier au développement économique, notamment par l'accroissement de notre indépendance dans les transports et en alimentation (production serricole) et autres domaines.
  5. Caisse de dépôt et de placement. Modérer son inclusion dans le marché financier pour l'obliger à se doter d'un volet de ré-investissement national, visant l'accroissement du PIB et le soutien à la PME, segment d'activité le plus créateur d'emplois.
  6. En éducation, rétablir l'enseignement de l'histoire nationale. Redresser partout la qualité de l'enseignement du français.
  7. Revalorisation de la langue française par des mesures particulières dans tous les secteurs, ré-investir dans l'Office de la langue française. Utiliser au besoin, sur un sujet aussi existentiel que celui-là la clause dérogatoire (6), recours qui, à lui seul, symboliserait fortement la volonté d'indépendance.
  8. Intégration des immigrants. Interventions par l'intermédiaire d'agents appartenant aux communautés immigrantes pour relayer des messages qui imposent l'idée de l'importance de l'État québécois, son histoire, sa langue, sa culture religieuse, etc.
  9. Immigration. Réduire à des seuils qui permettent de garantir une intégration harmonieuse. Choisir les immigrants non seulement en fonction de critères linguistiques mais en fonction de critères culturels de compatibilité avec les valeurs de l'intégration plutôt que celles du multiculturalisme.

Pourquoi cela ne s'est-il pas fait avant?
Les raisons sont faciles à comprendre, des gouvernements aux ambitions modérés par les fantasmes référendaires et des gouvernements minoritaires ou formés de majorités peu convaincantes. Ces deux causes expliquent en partie la panne de notre État. D'où l'importance que le prochain gouvernement du Québec soit élu avec une forte majorité.

Est-ce la garantie qu'un programme de redressement vigoureux de l'État sera mis en œuvre? Je n'en sais rien et, en réalité on ne peut rien garantir. En fait, nous savons tous que pour différentes raisons le courage des élus n'a guère impressionné dans le passé. Suffit de mentionner l'affaire Michaud ou les reculs successifs de Lucien Bouchard. Les candidats, nouveaux élus, seront-ils mieux formés, plus entreprenants, plus audacieux, mieux dirigés? Seront-ils capables de garder le cap et de résister aux fortes pressions de l'oligarchie mondialiste des Bilderberg et autres puissants lobbies? La question reste entièrement ouverte. À cette question, je réponds donc par une autre : avons-nous le choix de ne pas essayer?

Les petits gouvernements «provincialistes» sans envergure ont été jusqu'ici la norme. Ils ne sont toutefois pas une fatalité. Quand il y a eu des exceptions, tels les gouvernements de 1954 à 1965, pour ce qui est de la fiscalité, et ceux de 1960 à 1980, pour ce qui est de la fierté nationale, le Québec a progressé. Et c'est à ces occasions que l'indépendance à connu ses moments les plus enthousiasmants.

Selon moi, il n'y a pas d'autre voie. C'est la reconquête de l'État, réalisée avec l'appui massif de la population qui redonnera le goût aux Québécois d'aller plus loin. Quand nous aurons obtenus des gains, l'État québécois aura gagné en puissance et en prestige. À partir de là, il serait trop facile de dire que la suite se devine aisément, non pas. Ce dont il faut d'abord s'assurer c'est que les ressorts de la nation ne soient pas irrémédiablement brisés.

1- http://www.toupie.org/Dictionnaire/Idealisme.htm
2- Ce que le philosophe allemand Hegel développa avec le concept de l'analyse dialectique, reprise ensuite, notamment par Marx et d'autres en philosophie politique, qui firent du caractère matériel prépondérant des choses et des phénomènes la base de la dialectique, qui s'impose toujours aujourd'hui comme un formidable outil d'analyse, principalement dans la variante du matérialisme historique.
3- http://vigile.net/archives/01-3/verrier-landry.html
4- En comparaison, la gouvernance souverainiste de Pauline Marois, était potentiellement beaucoup plus dangereuse. Dans ce cas, ce n'est pas la formule qui fâche mais le fait qu'elle soit restée creuse. Deuxièmement, même avec un contenu clair, on peut se questionner à bon droit sur l'effectivité, le mot n'est pas choisi au hasard, qu'aurait pu prendre la gouvernance souverainiste compte tenu du statut minoritaire de ce gouvernement.
5- http://www.toupie.org/Dictionnaire/Pragmatisme.htm
6- Daniel Turp en faveur de l'utilisation de la clause dérogatoire.


samedi 5 mars 2016

Donner une chance à la prise du pouvoir - pour une mise en échec de la dénationalisation tranquille du Québec

Commentaire dur l'article suivant : http://vigile.quebec/Tout-miser-sur-le-Pouvoir
[Tribune de Marcel Haché]
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Tout miser sur le pouvoir 


Tout miser sur le Pouvoir. Le titre de Marcel Haché est bon. Car la garantie de résultats, même dans le cas de l'élection d'un gouvernement majoritaire sur une ligne nationale - nationaliste est loin d'être acquise. Mais avons-nous d'autres paris plus prometteurs à part miser sur celui-là ? 
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Prendre le pouvoir pour ne plus jamais le perdre aux mains des libéraux. Prendre le pouvoir pour en chasser graduellement les ennemis de la nation. Ce pouvoir qu'ils ont fini par occuper mur à mur dans toutes les dimensions de l'État, dans la haute fonction publique, dans la magistrature, au Barreau, au Collège des médecins, dans le secteur public et para public, à la Caisse de dépôt et de placement, à la Commission des droits de la personne, à Hydro-Québec, dans les médias. Partout.

Il faut non seulement prendre le pouvoir sur une ligne nationale - nationaliste, mais le prendre avec une victoire convaincante. Une victoire à la Marois, à la Landry et autres gouvernements minoritaires ou légèrement majoritaires serait absolument insuffisante. Il en faut plus pour renverser le cours de la dénationalisation tranquille qui s'est enclenchée au Québec. Il faudra idéalement une coalition du PQ et de la CAQ, dont seuls les augures peuvent deviner les contours. Sans refaire l'union de la nation il ne sera pas possible de commencer à prétendre à quelque chose. Tout le reste, la rêverie républicaine, référendaire et constitutionnelle représentent ce qui nous a toujours nui depuis que nous avons perdu le bon coté du manche et, si nous n'y voyons pas, c'est ce qui nous gardera pour toujours à l'écart de notre indispensable ré-affirmation nationale. Condition préalable pour renouer avec de plus grandes espérances.

Le volontarisme politique est notre pire ennemi. Cette spécialité des cénacles indépendantistes, qui se tiennent chaudement à l'écart de la {realpolitik}, nous pond des plaidoiries poussives pour un autre référendum ou d'autres plans alambiqués. Quelle dispense à bon compte de l'analyse du rapport des forces dans le Québec actuel !

La situation, après des décennies de gouvernement libéral et quelques années de gouvernements péquistes minoritaires et faiblards, ou pas intéressés à gouverner une «méprisable» province, nous a conduit à cette déplaisante réalité : le recul. La question n'est plus de savoir par quels moyens faire l'indépendance, qui est aujourd'hui une question oiseuse, presque scolastique, une perte de temps; mais de savoir si la nation québécoise pourra prochainement se relever et se ressaisir suffisamment pour renverser le cours de sa dénationalisation, l'antichambre de sa disparition.
Ce n'est donc plus de l'indépendance dont il s'agit dans la conjoncture actuelle, mais de savoir si il y aura une nation avec suffisamment de vitalité pour qu'elle retrouve le goût de vivre, cette fierté qui pourra la lancer de nouveau dans la durée. «Les boeufs sont lents mais la terre est patiente», cette idée de Pierre Falardeau est plus actuelle que jamais. Elle devrait nous inspirer pour le temps présent : celui des grandes ambitions dans le sens provincial, un programme peu glorieux pour ceux qui refusent de décrocher du «grand soir».  Voilà hélas où des décennies d'errances nous ont ramenés.

samedi 27 février 2016

Anniversaire de la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada - Quelle signification pour nous aujourd'hui ?

À la veille de l'anniversaire de la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada, je prends quelques moments pour réfléchir à cet épisode de notre histoire qui à mes yeux conserve une symbolique et une valeur politique insuffisamment retenue dans notre Québec du «Je me souviens».

J'écrivais en 2002, un commentaire peut-être trop élogieux sur l'événement, en tout cas insuffisamment critique, il me semble aujourd'hui.(1) Mais, me dis-je, il ne faut pas critiquer trop sévèrement les manifestations d'indépendance ouvertement déclarées, surtout quand elles ont cette virilité d'antan qui n'a plus court, soit celle de l'avoir fait «les armes à la main». Car à ma connaissance, il n'y en eut que trois. Celle des Canadiens et de Vaudreuil en 1759-60, celle de Louis Riel et celle dont je parle, qui nous livra un message politique encore d'une certaine pertinence, sur lequel il nous est utile de méditer encore aujourd'hui. (2)

Mes sentiments aujourd'hui, si je devais nuancer mon hommage à ceux de Noyan et à leur Déclaration d'indépendance, seraient de dire que leur action fut teintée d'un volontarisme poussif qui n'avait pas le poids de cet assentiment populaire qui rend un mouvement irréversible. Le «mystère de Québec» existait déjà en 1838! On passa outre. Au final, la répression brutale des courageux sacrifiés et de leurs supporteurs provoqua une sorte de «stupeur et tremblement», titre d'Amélie Nothomb qui me semble convenir pour le cas, provoqua le black-out de la mémoire collective pendant cent ans. Leur épopée ne regagna une maigre place dans l'histoire que plus tard, petit à petit. Mais qui chez nos républicains se formalise que notre république a déjà été proclamée ?

Ces idées me sont inspirées par la situation du moment, où la volonté d'avancer vers l'indépendance ne représente plus, par certains aspects, que le volontarisme poussif de ceux qui, désarmés, ne réalisent pas que la population a déjà donné dans le «morinisme» qui l'a dépitée, et ne les suit plus. Et je pense à l'État colonial qui s'obstinait à refuser aux Canadiens de l'époque le pouvoir des élus et je me rends compte qu'aujourd'hui, l'État du Québec est aux mains des prédateurs et des imposteurs. Le pouvoir a muté dans ses formes mais les patriotes d'une nation, plus forts sur les grands élans que rusés à mettre l'adversaire échec et mat, en sont toujours les exclus.

Pour certains, ce que dit Jean-Claude Pomerleau est du charabia, en vérité ce sont des vérités toutes simples. Sans la construction graduelle d'un rapport de force en notre faveur, et il nous faut repartir hélas du bas de l'échelle, les grands projets seront systématiquement tenus en échec. L'histoire future en pensera peut être autrement, mais en ce qui me concerne aujourd'hui, la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada, autant qu'elle m'émeut, ne procédait pas d'un rapport de force favorable, du moins à l'interne, car à l'externe les indépendances dans les deux Amériques se succédaient alors dans la réussite. Le rapport de force interne sera toujours déterminant sur les conditions externes, même si ces dernières peuvent jouer dans un sens favorable.

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1. http://vigile.net/archives/ds-patriotes/docs/02-2-26-verrier.html
2. http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=document62