Deuxième
partie
Les
Nations-Unies en Afrique francophone
Après
avoir profité à New York et aux États-Unis pendant 70 ans
Il
ressort de la première partie que l'insularité relative des
États-Unis, une «île» entre deux océans, lui a permis d'entrer
dans la deuxième guerre quand elle l'a bien voulue et de profiter de
cette position de retrait pour parfaire l'édification de son
complexe militaro-industriel. Ce dernier est devenu le fondement de
ce que l'on appelle aujourd'hui «l'État profond». Pour nourrir le
monstre, la guerre sera portée sur tous les continents sans jamais
que les perprétateurs en subissent les terribles conséquences
négatives chez eux.
La
création des Nations-Unies et son installation au cœur même de
l'empire constitue toujours un fleuron de la projection de puissance
américaine. À partir de faits regroupés ici et souvent peu
connus, je vais tenter de montrer que le siège de l'ONU devrait être
délocalisé et ne plus jamais se trouver dans les frontières d'une
grande puissance. Il devrait se situer dans un pays de petite taille,
bien géo-localisé et dont les ambitions ne lui permettraient jamais
d'exercer trop d'influence.
1-
Comment furent choisis New York et les États-Unis
Curieusement,
la première assemblée générale des Nations Unies s'est tenue à
Londres en 1946. À l'ordre du jour, il fallait choisir le pays hôte
de la nouvelle organisation. Selon une note de bas de page de la
chercheuse Jessica
Field,
les autres pays membres du Conseil de sécurité (Royaume Uni,
France, Chine, URSS) auraient été minimalement envisagés, mais vu
«l'urgence», «les destructions de la guerre dans ces pays» et «le
rôle prépondérant joué par les États-Unis pour réunir les
nations et pousser cette forme de collaboration», la préférence
fut donné aux États-Unis. Une parenthèse sur l'urgence : on
pourrait facilement arguer qu'il n'y avait pas d'urgence au temps où
les États-Unis ne défendaient pas leurs alliés... avant d'être
eux-mêmes attaqués par le Japon et que l'Allemagne leur déclare la
guerre. Quoi qu'il en soit, on notera que des trois motifs invoqués
à Londres pour choisir les États-Unis, deux n'existent plus de nos
jours et le troisième est devenu fort discutable.
Une
fois le pays choisi, il fallait choisir la ville. On rapporte que
Londres avait été envisagée antérieurement. Or, avec la
confirmation des États-Unis, la capitale anglaise tomba de fait. Les
villes envisagées restaient San Francisco, Boston, Philadelphie et
New York. Un don de «dernière minute» de 8,5 millions de dollars
de John D. Rockefeller Jr. donna à NY la marge nécessaire pour
l'emporter sur les villes concurrentes. L'argent achète tout! On
rapporte aussi que le miliardaire donna 17 acres de terrain en
bordure de l'East River. Était-ce en échange de contrats
d'architecture et de conception...comme d'autres l'ont rapporté...?
2-
Retombées économiques
Selon
des données de 2014, rendues publiques en décembre 2016, les
Nations unies, ses agences et son personnel ont généré 3,69
milliards de revenus
pour la ville de New York. Ils représentent un apport de 8 000
emplois et amènent à New York 30 000 visiteurs qui participent à
des réunions chaque année. Il s'agit d'une petite avalanche de
dollars US qui retournent à la maison en provenance du monde entier,
année après année.
3-
Langues officielles de L'ONU
A
l'ONU, s'il y a un information confidentielle, c'est qu'il y existe
six langues officielles. Parmi elles, le français et l'anglais sont
les deux langues de travail. À l'ONU, comme au Canada, les langues
officielles finissent en monolinguisme. La langue dominante, que
personne ne veut qualifier de suprême, mais qui exerce néanmoins sa
suprématie, est l'anglais. Christian
Rioux explique,dans
un article paru dans Le Devoir en 2012 «L’Organisation
des Nations unies a depuis sa fondation deux langues de travail qui
ont le même statut officiel : l’anglais et le français. Depuis la
publication du rapport Vareilles en février dernier, on sait
pourtant que, lorsque vient le temps de recruter du personnel,
l’anglais est obligatoire dans 84 % des postes alors que le
français ne l’est que pour 7 %. Et encore, parmi ces rares
employés qui parlent le français, plus d’un sur cinq est affecté
à la traduction.»
Comme
au Canada, la langue de rédaction (et de création) est l'anglais,
ce qui relègue toutes les autres langues à n'être plus que des
langues de traduction.
C'est
un peu comme le cas des Jeux olympiques que l'on peut aussi
reprendre. Fondés par Pierre de Coubertin, cette organisation a le
français pour langue officielle. En pratique, l'anglais y domine
pourtant, sans que les pays francophones réagissent. Le Comité
international olympique siège à Lausanne (Suisse), il y a fort à
parier, et à plus forte raison, que tant que le siège des Nations
Unies se trouvera dans la métropole du monde anglo-saxon, l'anglais
continuera à détemir la prépondérance au prix de la diversité
langagière du monde. Il continuera d'apparaître naturel que son
usage, un fait de dominance auquel trop se sont conformés, continue
de nous rapprocher de son usage exclusif. Le phénomène sera
irréversible si la volonté populaire de donner sa chance à une
autre langue et à un autre pays ne se dresse pas contre une
situation qui a trop durée.
4-
Le déplacement du siège des Nations-Unies dans l'actualité
Une
petite recherche a permis de constater que le sujet de la
relocalisation du siège des Nations unies s'il n'a pas encore
rejoint de larges couches de l'opinion publique, c'est un sujet qui
commence à intéresser. Selon moi, nous n'avons pas fini d'en
entendre parler.
Ainsi,
une question posée sur le site Quora
a généré des réponses intéressantes. Ailleurs on a parlé du
Qatar comme point de chute éventuel, mais c'est de la part des
diplomates et politiques Russes que viennent les prises de position
les plus fortes. La
Russie s'inquiète
des tracasseries que leur impose les services frontaliers ou de
sécurité américains et voudrait que l'organisation s'installe dans
un pays plus neutre. L'argument porte. Difficile à dire s'il s'agit
d'une vraie tendance, mais c'est d'ores et déjà un pays dont on
s'exile (Edward Snowden) et un pays à qui l'on demande de radier sa
nationalité (Ken O'Keefe), ceci sans compter les nouveaux objecteurs
de conscience qui, à tort ou à raison, se croient justifiés de
fuir les États-Unis de Donald Trump. Reste à savoir combien
passeront à l'acte.
D'autre
part, les Russes, pas seuls, trouvent la vie chère à New York.
Qu'en pensent les pays les plus pauvres de la planète comme le Niger
ou l'Éthiopie? Pour réduire le coût des délégations et le temps
de transport, Un
parlementaire russe
s'est exprimé pour que les Nations Unies s'installent au centre de
toutes les capitales du monde. D'abord dubitatif, j'ai dû jongler un
peu avec l'idée avant de comprendre qu'il propose très
objectivement l'endroit qui serait le plus proche en kilomètres
cumulés des 183 capitales. Par exemple, si 100 capitales se trouvent
à moins de 4 500 km d'une ville candidate, (Alexandrie? Latakié?
Limasol?) ce serait déjà pas mal, mais pas du tout le cas de New
York, qui serait sous cet angle exclue au premier tour. Dans un
article du NY Daily
News,
à propos d'un livre paru en 2013, on trouve là aussi que la
métropole américaine est trop couteuse et on propose la ville de
Nairobi au Kenya. Washington se trouve à 327 KM de New York, la
seule capitale située à proximité du siège de l'ONU. Il s'agit
d'un immense avantage pour faire entendre son point de vue, jouer de
son influence et pratiquer toutes le formes de lobbying. Rockfeller
avait bien vu l'intérêt d'installer l'ONU à New York!
5-
Un choix pour la francophonie et un choix pour le bien vivre chez soi
planétaire
Les
Nations Unies sont le fruit d'un projet discuté par Churchill et
Roosevelt en 1941 au large de Terre-Neuve, puis à la Conférence
Arcadia, tenue fin 41 et au début de 1942 à Washington. Cette
conférence ratifia la Déclaration des nations unies sans
majuscules. Installer l'ONU à New York, comme je l'ai montré, et de
l'aveu même des décideurs, a été un choix hâtif, dicté par les
circonstances du moment. Or, si ce choix a pu s'imposer à la fin de
la guerre, il n'est plus justifié aujourd'hui. Nous sommes désormais
en présence d'un attribut de la domination américaine et
anglo-saxonne du monde de l'après-guerre, en présence d'un choix
qui avait tout du transitoire mais qui s'est incrusté dans le temps
alors que le monde a changé. Les décisions prises dans «l'urgence»
et dans l'état de délabrement matériel du monde à l'époque sont
devenues caduques.
En
dépit de contestations mal fondées au sein même des États-Unis,
il faut admettre que l'ONU a fait de New York une plaque tournante de
la diplomatie internationale. La présence onusienne a grandement
contribué au rayonnement de cette métropole, mais aussi, on ne peut
l'oublier, à la valorisation et à la projection de l'anglais et de
la culture anglo-saxonne à travers le monde.
Dans
ce sens, compte tenu de la faveur que gagne l'idée de multipolarité
du monde et d'un partage plus équitable des avantages économiques,
il faut considérer la rente que procure automatiquement à tout pays
le privilège d'être celui où siège les Nations unies. Il faut
désormais considérer l'emplacement newyorkais du siège des nations
unies comme une réalité dont la révision s'impose. Il n'est pas
trop tôt, après 72 ans à enrichir New York, de formuler un projet
de relocalisation ordonné et réfléchi de l'ONU dans un pays plus
approprié, moins riche, d'ici 10, 15 ou 20 ans. Les jeux olympiques
se déplacent. Sans être aussi mobile, pourquoi pas l'ONU?
J'ai
déjà pour ma part proposé une ville du Québec. Or, le Québec est
trop proche de New York et il a sur ce coup le désavantage de se
trouver en Amérique. Pour le Québec, fragile et en voie de
dépopulation autochtone, accueillir l'ONU serait d'ailleurs un
facteur additionnel d'anglicisation et d'assimilation. D'ailleurs,
honnêtement, l'ONU ne pourrait se relocaliser en Amérique du Nord.
Par conséquent, mon choix se porterait volontiers sur un pays
francophone d'Afrique, autre qu'une capitale, une ville qui pourrait
bénéficier à son tour des retombées économiques conséquentes
et, par effet de proximité, alléger le fardeau économique des
délégations africaines à l'ONU.
En
situant ce phare de la diplomatie mondiale au centre de croissance
démographique de la francophonie, le rayonnement du français dans
le monde s'en trouverait impulsé. Comme on l'a vu, d'autres pays et
d'autres intérêts s'intéressent au sujet et proposent leur choix.
Le Québec et la francophonie ne doivent pas être en reste.
L'ONU
en Afrique, quelle belle façon de déplacer des rentes américaines
vers l'Afrique, de garder les Africains chez eux par la création
d'un nouveau pôle économique assorti de bons emplois, sans faire la
charité!
En
terminant, on a certes critiqué l'impuissance des Nations unies à
souhait et souvent on le fait avec raison. Effectivement, il faut le
reconnaître, la réforme des Nations unies ne concerne pas que la
langue et le site de son siège. Beaucoup d'autres propositions de
réforme d'inégale valeur circulent depuis un certain temps, mais
cela évolue hélas très lentement. Les Nations unies malgré leur
imperfection, qui ne sont pas sans rapport avec l'influence
américaine de proximité (pour ne pas dire de promiscuité ),
constituent un forum des pays, le seul, et sauvegardent a
minima
un droit international fort malmené il est vrai, mais auquel il nous
faut tenir et tâcher de le renforcer en attendant mieux.