Document 1
Jean-Claude Dupuis la Révolution tranquille a eu plus d'effet sur notre identité que la Conquête»
«La Révolution tranquille (1960-1970) est le mythe fondateur du Québec contemporain. Le terme «mythe» doit s’entendre ici au sens d’un récit symbolique, fondé sur une certaine réalité, mais qui porte une vision du monde et des valeurs universelles. Selon l’historiographie dominante, la Révolution tranquille aurait été un mouvement de modernisation et de démocratisation de la société québécoise. Le Québec serait alors sorti de la Grande Noirceur duplessiste pour s’ouvrir au monde. C’est l’acte de naissance d’un nouveau peuple, les Québécois : un peuple nord-américain, libéral et francophone, qui aspirait à l’indépendance au nom du nationalisme territorial. Rien à voir avec les anciens Canadiens français, qui fondaient leur nationalisme ethnique sur la foi catholique et la culture française classique. La Révolution tranquille a changé l’âme de la nation qui habitait la vallée du Saint-Laurent depuis le XVIIe siècle. Du point de vue identitaire, elle a eu un impact plus considérable que la Conquête anglaise de 1760.
Pour saisir la nature de ce changement, il suffit de comparer la description de la culture canadienne-française dans le Rapport Tremblay (1956) avec celle de l’espace identitaire québécois dans le Rapport Bouchard-Taylor (2008). Le Québec était, en 1956, un peuple français fondé sur la foi chrétienne; il était devenu, en 2008, un espace interculturel fondé sur les droits de la personne.
«La culture canadienne-française est, en effet, une forme particulière de l’universelle conception chrétienne de l’ordre et de l’homme. La France de tous les temps, surtout celle des débuts du Canada, est une des réalisations les plus authentiques de la conception chrétienne de la vie et de la civilisation. C’est pourquoi né français, le peuple canadien est né chrétien, et c’est pourquoi dans la mesure où, au long de l’histoire, il a vécu en profondeur sa culture d’origine, il s’est affirmé peuple d’esprit chrétien. Quant au génie français (…), on reconnaît généralement qu’il est du type rationnel, enclin au raisonnement. (…) La culture canadienne-française, variante américaine du type originel [français], est [qualitative, spiritualiste, personnaliste et communautaire].» – Rapport Tremblay (1956)
«L’identité héritée du passé canadien-français est parfaitement légitime et doit survivre, mais elle ne peut plus occuper à elle seule l’espace identitaire québécois. Elle doit s’articuler aux autres identités présentes dans l’esprit de l’interculturalisme, afin de prévenir la fragmentation et l’exclusion. Il s’agit, en somme, de nourrir de symbolique et d’imaginaire la culture publique commune, qui est faite de valeurs et de droits universels, mais sans la défigurer. (…) C’est un apprentissage difficile qui a commencé dans les années 1960 et qui, visiblement, n’est pas encore achevé.» - Rapport Bouchard-Taylor (2008)»
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«Selon l’historiographie officielle, le Québec de 1960 accusait un retard sur l’Ontario en matière d’éducation. Plusieurs auteurs affirment ou laissent entendre que c’était à cause de «l’obscurantisme» du clergé catholique, qui dirigeait alors le système scolaire, tant public que privé. Ce fait est contestable et il devrait être réétudié par des historiens moins biaisés par les préjugés anticléricaux issus de la Révolution tranquille. Si le Québec avait un retard éducationnel en comparaison de l’Ontario (et ce fait reste à prouver), c’était probablement à cause de son retard économique par rapport à une province qui a toujours été l’enfant chéri du gouvernement fédéral, et non pas à cause du caractère catholique de son système d’éducation. D’ailleurs, le Québec avait fait d’énormes progrès éducatifs sous le régime Duplessis. En 1959, les écoles primaires étaient de bonne qualité et largement accessibles, ce qui n’était le cas en 1936. Les Allemands venaient étudier le fonctionnement de nos écoles de métiers pour réformer leur propre système scolaire. Nos collèges classiques suscitaient l’admiration des Américains pour leur haut niveau culturel. Les universités étaient en pleine croissance. L’Université Laval a ouvert son nouveau campus à Sainte-Foy en 1952; l’Université de Sherbrooke a été fondée en 1954; l’Université de Montréal a créé un grand nombre de facultés et de départements nouveaux dans l’après-guerre. Les écoles normales de ce temps formaient sans doute de meilleurs enseignants que les prétentieuses facultés des sciences de l’éducation d’aujourd’hui.»
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«Le bilan de la Révolution tranquille est largement négatif, même du point de vue des idéaux qui l’animaient. Les Québécois francophones contrôlent-ils davantage leur économie? Non, et le mondialisme est en train de balayer les maigres succès du Québec Inc. Le Québec a-t-il réalisé son indépendance? Non, et les jeunes sont de moins en moins nationalistes. Le Québec a-t-il obtenu plus d’autonomie dans la Confédération canadienne? Non, et les Canadiens anglais ne se donnent même plus la peine de se demander «What does Quebec want?» La langue française est-elle en meilleure posture? Non, le visage linguistique de Montréal est aussi anglophone qu’en 1920, bien que ce soit désormais au nom de l’ouverture sur le monde plutôt qu’au nom de l’empire britannique. Les Québécois sont-ils plus instruits? Non, ils sont plus diplômés, mais le niveau des études s’est effondré. Les Québécois sont-ils mieux soignés qu’à l’époque où les religieuses géraient les hôpitaux? Non, et le Dr Barrette n’améliorera pas les choses. La culture québécoise est-elle plus riche? C’est une question de goût, mais je préfère la Bolduc à Céline Dion et Soirée canadienne à Star Académie. Dans leur vie personnelle et familiale, les Québécois sont-ils plus heureux aujourd’hui qu’avant 1960? J’en doute.»
http://www.tradition-quebec.ca/2015/06/le-mythe-de-la-revolution-tranquille.html
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Document 2
Sur l'évolution des budgets et des dépenses publiques au Québec dans le contexte de la Révolution tranquille.
Titre : Le processus budgétaire au Québec
Guy Lachapelle, et al.
«...la progression fulgurante des dépenses de l'État québécois après 1960. En dollars courants, de 1960 à 1999, les revenus et les dépenses ont été multipliés par 76.» «... la capacité d'agir de l'État s'est grandement accrue. Duplessis avait pris sept ans, de 1945 à 1952, pour doubler son budget total alors que dès 1965, le gouvernement Lesage a plus que doublé son premier budget, celui de 1961.» (p. 13)
«L'essence de la modernisation c'est le transfert de pouvoir de la société civile vers l'État»
«Le nombre d'ordinations de prêtres est passé de 117 en 1961 à 17 en 1987, le nombre de psychologues en pratique privée a, pour sa part augmenté en passant de 179 à 680 pour 100 000 habitants.»
«De 1961 à 1987, le taux de suicide par 100 000 habitants a bondi de 6,6 chez les hommes à 28,2» (p.19)
https://books.google.ca/books?id=DlKgxicE7UkC&pg=PA11&lpg=PA11&dq=budgets+r%C3%A9volution+tranquille&source=bl&ots=Jb3scnU6kF&sig=eg_1u4QmdWDPLiXX7GGj6B9W3mE&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjggamtwfzKAhUIej4KHXRDAfwQ6AEIODAE#v=onepage&q=budgets%20r%C3%A9volution%20tranquille&f=false
Document 3
Le nationalisme autonomiste hostile à toute intervention fédérale de Duplessis ne trouvera pas grâce auprès de ceux qui le suivirent dans la Révolution tranquille. Pourtant leur nationalisme s'inscrivait dans la même lignée, avec peut-être moins d'intransigeance dans l'interventionnisme fédéral. Pierre Fortin, se refuse à l'idée que le faible endettement du Québec par rapport à l'Ontario constituait un cadeau que Duplessis laissait à ses successeurs pour faciliter les investissements majeurs qui suivirent.
http://www.economistesquebecois.com/files/documents/at/35/txt-membres-du-cpp-pierre-fortin-11-mai-2010.pdf
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La Révolution tranquille et l’économie : où étions-nous, qu’avons-nous accompli,
que nous reste-t-il à faire ?
Conférence présentée dans la série « La Révolution tranquille, 50 ans d’héritages »
à la Grande Bibliothèque, Montréal, 11 mai 2010
Pierre Fortin
Université du Québec à Montréal
« J’ai confiance que les Canadiens français rateront encore une fois le tournant. »
Pierre Trudeau (janvier 1960)
En 1960, après avoir pris si longtemps à se remplir, les écluses ont sauté. La Révolution tranquille a frappé le Québec comme un torrent. La citation qui apparaît ci-dessus indique que tous ne s’y attendaient pas. Où étions-nous ? On perçoit habituellement l’avènement de la Révolution tranquille comme sonnant le réveil économique du Canada français. (...) Mais l’idée que ça n’allait pas bien avant ne fait pas l’unanimité. Où étions-nous avant 1960 ? Mon confrère et ami Jean-Luc Migué a écrit, il y a 12 ans :
« De toute son histoire moderne, depuis la fin du 19e siècle, le Québec a vécu une croissance forte, parallèle à celle de l’Ontario. La période immédiatement antérieure à la Révolution tranquille se distingue même comme l’une des plus prospères de toute l’histoire. »
La figure 1 expose les deux inexactitudes que contient cette affirmation de Migué, qui n’a sans doute pas eu accès aux données aujourd’hui disponibles. La courbe trace l’évolution du rapport entre le revenu réel par habitant d’âge actif du Québec et celui de l’Ontario de 1926 à 1961. Quand ça baisse, le Québec fait moins bien que l’Ontario; quand ça monte, c’est le contraire. Premièrement, on y observe que, loin d’être parallèle à celle de l’Ontario, la croissance du Québec a subi une dégringolade magistrale pendant la Crise et la Guerre. En 1929, le Québec tirait de l’arrière de 10 % sur l’Ontario; en 1946, le retard du Québec avait grimpé à 21 %. Deuxièmement, il est vrai que, de 1946 à 1960, l’économie québécoise progressait bien dans l’ensemble, étant portée par l’expansion nord-américaine. Mais l’Ontario avançait aussi vite, de sorte que, sous le régime Duplessis, le Québec n’a jamais réussi à regagner le terrain perdu avant 1945.
La figure 2 indique que ce n’est pas la seule indication de la faiblesse comparative de l’économie québécoise de l’époque. En Ontario, le taux d’emploi global des 15-64 était passé de 59 % en 1931 à 63 % en 1961. Or, le Québec avait connu le mouvement 2 inverse : parti du même taux de 59 %, il avait au contraire chuté à 54 % en 1961. Cette baisse est considérable : en termes de 2010, cela équivaudrait à une perte de 160 000 emplois. La figure 3 complète le portrait de l’emploi en montrant que notre population active se féminisait, mais qu’elle le faisait plus lentement que l’Ontario, et avec un retard croissant à mesure que la décennie 1950 avançait. La pénurie d’emploi était flagrante. Elle fut par la suite l’une des grandes préoccupations du gouvernement Lesage. La sous scolarisation n’aidait pas.
Le tableau 1 établit qu’en 1960 seulement un tiers de nos jeunes adultes de 25 à 34 ans avaient un diplôme en poche, contre plus de la moitié en Ontario. Et seulement 5 % des jeunes de cet âge avaient un diplôme universitaire au Québec, soit moitié moins qu’en Ontario. Comme on sait – le tableau le confirme –, notre fréquentation scolaire avait commencé à augmenter dans les années 1950. Mais on voit bien que le retard à combler était encore très grand.
Le tableau 2, lui, montre qu’en 1961 la situation économique des « Canadiens français du Québec » n’était guère différente de celle des Noirs américains. Les hommes noirs complétaient 11 années à l’école, les « Canadiens français », 10 années, soit une de moins. Le salaire moyen des hommes noirs américains équivalait à 54 % de celui des hommes blancs américains; au Québec, le salaire moyen des hommes francophones unilingues équivalait à seulement 52 % de celui des hommes anglophones, bilingues ou unilingues. Lorsque l’écrivain Pierre Vallières nous a appelés « nègres blancs d’Amérique » en 1968, on l’a évidemment accusé d’exagérer. Mais, en fait, il clamait l’exacte vérité. La position relative des nôtres n’était pas meilleure que celle des Noirs américains. Il faut, de toute urgence, réhabiliter Vallières.
Comment les finances publiques du Québec se comparaient-elles à celles de l’Ontario à l’aube de la Révolution tranquille ? Le tableau 3 aide à y voir clair. Si on consolide les budgets provincial et municipaux – ce qui est nécessaire parce que les compétences n’ont jamais été exactement les mêmes dans les deux provinces –, on arrive à la conclusion, qui sera sans doute surprenante pour plusieurs, que l’État québécois taxait et dépensait un peu plus que son pendant ontarien en 1961. La dette accumulée par la province était cependant beaucoup moins lourde chez nous chez notre voisin. Fin 1961, elle équivalait à 14 % du revenu intérieur au Québec et à 21 % en Ontario. La conséquence au Québec était des infrastructures provinciales honteusement déficientes en santé, en éducation, en culture et en transport. On fait parfois valoir que le faible niveau d’endettement de la province serait une sorte de cadeau que Maurice Duplessis aurait fait aux révolutionnaires tranquilles. Il s’agit évidemment d’un sophisme. [mon surlignement]
Le cadeau de Duplessis fut le retard à investir dans ces infrastructures et les conséquences négatives que cela entraînait pour notre développement. Cadeau de Grec.
[Ma question : si la taxation était légèrement plus élevée au Québec qu'en Ontario, le taux d'endettement de l'État la moitié de celui de l'Ontario (avant 1961), le seul reproche que l'on peut faire à Duplessis c'est de ne pas avoir suffisamment ouvert le Québec aux marchés de l'emprunt, d'avoir été conservateur en gérant le Québec selon ses moyens. Dans ce cas, la confirmation de la mise au diapason du Québec aux marchés financiers nord-américains est implicite.Or, l'obsession d'aujourd'hui n'est-elle pas que le fardeau de la dette entrave le développement du Québec ? Que le fardeau fiscal sur la population est presque de moitié au service de la dette ? Qu.on nous oblige à une austérité plus ou moins sévère ? Le Québec est-il plus ou moins indépendant qu'il ne l'était sous Duplessis ?]
Résumé
En résumé, dans les années 1950, l’économie québécoise était portée par l’expansion nord-américaine et progressait à peu près au même rythme par habitant que l’économie ontarienne. Mais nos salaires et notre niveau de vie, qui avaient dégringolé antérieurement, restaient bien inférieurs et ne manifestaient aucun signe de rétablissement. Le taux d’emploi de nos hommes se détériorait et celui de nos femmes accusait un retard croissant sur celui des femmes ontariennes. Nos jeunes étaient terriblement sous-scolarisés. Le sort des francophones du Québec était comparable à celui des Noirs américains. L’État québécois n’était pas inactif, mais il sous-investissait gravement dans les infrastructures.
Document 5
On lira ici le point de vue de Jacques Beauchemin
http://www.ledevoir.com/culture/livres/334156/essais-quebecois-faut-il-en-finir-avec-la-revolution-tranquille
Document 6
«Face à l'étranglement financier dont le gouvernement du Québec fut victime en 1939, Duplessis, à son retour en politique en 1944, fit de l'autonomie fiscale une priorité. Il refusa en 1951 que le fédéral finance les universités québécoises et mit en place la commission Tremblay en 1953 pour dénoncer les ingérences fédérales dans le domaine des compétences du Québec.
Il y a 50 ans, face au déséquilibre fiscal, le gouvernement de Maurice Duplessis, à la surprise générale, faisait voter le 24 février 1954 un impôt provincial sur le revenu des particuliers de 15 % et exigeait d'Ottawa que cet impôt soit déductible de l'impôt fédéral.»
«Grâce à ce nouvel impôt créé en 1954, les grandes réformes de la Révolution tranquille furent rendues possibles.»
http://www.ledevoir.com/non-classe/60843/duplessis-face-au-desequilibre-fiscal-l-impot-quebecois-de-1954
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