En cinquante ans, le néo-nationalisme a fini de briser les liens ancestraux. Au lieu de tasser le West Island il a tassé les Canadiens-français. Il a contribué à la réalisation du plan canadian de segmentation provinciale des « descendants des vaincus ». Le régime fédéral édifié sur la suprématie anglo-saxonne est devenu aujourd'hui plus triomphant que jamais.
Au Québec, autonomisme – souverainisme – indépendantisme - beau risque - enfin toute toute cette panoplie de l'ambivalence politique qui tourne autour d'une thématique, qui ne sait plus trop comment se contorsionner pour gagner l'éternelle prochaine élection, est en fin de cycle.
Son crédit épuisé, le Parti québécois (PQ) est devenu aphone. Le pari généreux – mais irréaliste – de former une nation nouvelle à partir des deux nations internes, distinctes – voire trois ? - qui se concurrencent sur le territoire du Québec, n'a pas été tenu.
À la base de ce pari, une version québécoise précoce de l'utopie canadienne qui consacre la primauté de l'individu sur toute considération nationale et patriotique. Un chartisme avant la Charte ! Le leitmotiv du PQ de gouverner pour tous les Québécois sans distinction, sans jamais modérer cette affirmation ultra libérale avec une défense explicite et claire de notre intérêt national, revient à confier à l'État le devoir de se dresser en arbitre du statu quo, de maintenir l'équilibre de l'injustice et de l'inégalité entre les nations. Inégalités aussi voyantes aujourd'hui que jadis dans les domaines de la santé et de l'éducation, notamment. Sans parler de langue et d'immigration.
Maintenir l'équilibre de l'inégalité entre les deux nations a été la mission du néo-nationalisme moderne - peut-être involontaire mais combien réelle - du néo-nationalisme péquiste et, dans ce cas, on peut déclarer mission accomplie. Ceci tout à la différence d'un autre État du Québec : celui projeté dans le Rapport Tremblay de 1956 - dont la vision était en partie inspirée par la doctrine de Lionel Groulx - qui voyait dans cet État à construire le foyer principal du Canada-français, éventuellement indépendant. On ne s'objecterait pas beaucoup à continuer de se définir comme Québécois dans cette continuité spirituelle, si seulement on y était restée fidèle. Or, être Québécois aujourd'hui, ce n'est plus être un Canadien-français du Québec, c'est être une personne qui habite le Québec. Mais pourquoi alors vouloir l'indépendance pluri-nationale et multiculturelle du Québec alors que le Canada le fait si bien ?
Dans un tel climat de pluri-nationalisme et de multiculturalisme, les résistants à la dénationalisation doivent bien se dire qu'il vaut mieux ne rien lâcher. Ne rien lâcher de ce qui peut encore désigner nos ancêtres, les fondateurs du Canada européen, les deuxièmes autochtones du Canada britannique.
Effectivement, le Parti québécois est devenu totalement aphone. Dans une impasse historique insoluble. Pour la première fois depuis 1966, la question du statut constitutionnel du Québec - à l'intérieur ou hors du Canada, peu importe - ne sera pas un enjeu à l'élection provinciale du 1er octobre prochain. Il y aurait pourtant matière !
Le Parti québécois, porteur historique du ballon souverainiste, a fait de nouveau volte-face avec sa décision de reporter à un très hypothétique deuxième mandat, c'est-à-dire au-delà de 2022, la « pressante » question existentielle qui avait justifié sa création en 1968. Dans une évolution des choses qui aura fait passer l'atmosphère de l'enthousiasme au désenchantement, le ballon de la québécitude apparaît irrémédiablement crevé.
Un mot sur le fédéralisme
Je serai franc et direct. Contrairement aux enseignements de Maurice Séguin, de qui j'ai beaucoup appris et que je respecte toujours, Séguin condamne le fédéralisme en tant que tel, ce qui fut longtemps une idée que j'ai partagé. Je pense aujourd'hui que ce n'est pas la formule fédérale qui pose problème mais sa caricature canadienne. J'en arrive à cette position voyant bien que la fenêtre de l'indépendance se rétrécit, non seulement pour le Québec, mais également dans le monde. À l'époque mondialiste, qui n'était pas celle du Canadien français, Maurice Séguin, (universitaire montréalais né au Manitoba ) nous étions dans ce que l'on peut appeler l'âge d'or des indépendances. Aujourd'hui, nous en sommes quitte pour des formules de compromis. On ne pourra se séparer du Canada sans un accord. Par conséquent, mieux vaut prendre les devants et proposer directement une formule équitable de renouvellement du fédéralisme. C'est le premier pas d'une démarche autonomiste sérieuse.
Ce trouble d'identité, dont on pourrait faire remonter l'origine jusqu'à la Conquête, ne fera que s'aggraver à mesure que les Canadiens-français du Québec prendront leur distance du peuple « sans nom » des vaincus pour poursuivre un projet autonomiste qu'ils jugent mieux servi par la consécration d'une évasion moderniste déclarée incompatible avec leur passé. « Du passé faisons table rase... » n'est-ce pas là un air connu ? Sous la Nouvelle-France, les Canadiens étaient sans conteste les « rois » de l'Amérique du Nord. Ils étaient tout simplement fascinants.
Jean Bouthillette écrira dès 1972,
Son crédit épuisé, le Parti québécois (PQ) est devenu aphone. Le pari généreux – mais irréaliste – de former une nation nouvelle à partir des deux nations internes, distinctes – voire trois ? - qui se concurrencent sur le territoire du Québec, n'a pas été tenu.
À la base de ce pari, une version québécoise précoce de l'utopie canadienne qui consacre la primauté de l'individu sur toute considération nationale et patriotique. Un chartisme avant la Charte ! Le leitmotiv du PQ de gouverner pour tous les Québécois sans distinction, sans jamais modérer cette affirmation ultra libérale avec une défense explicite et claire de notre intérêt national, revient à confier à l'État le devoir de se dresser en arbitre du statu quo, de maintenir l'équilibre de l'injustice et de l'inégalité entre les nations. Inégalités aussi voyantes aujourd'hui que jadis dans les domaines de la santé et de l'éducation, notamment. Sans parler de langue et d'immigration.
Maintenir l'équilibre de l'inégalité entre les deux nations a été la mission du néo-nationalisme moderne - peut-être involontaire mais combien réelle - du néo-nationalisme péquiste et, dans ce cas, on peut déclarer mission accomplie. Ceci tout à la différence d'un autre État du Québec : celui projeté dans le Rapport Tremblay de 1956 - dont la vision était en partie inspirée par la doctrine de Lionel Groulx - qui voyait dans cet État à construire le foyer principal du Canada-français, éventuellement indépendant. On ne s'objecterait pas beaucoup à continuer de se définir comme Québécois dans cette continuité spirituelle, si seulement on y était restée fidèle. Or, être Québécois aujourd'hui, ce n'est plus être un Canadien-français du Québec, c'est être une personne qui habite le Québec. Mais pourquoi alors vouloir l'indépendance pluri-nationale et multiculturelle du Québec alors que le Canada le fait si bien ?
Dans un tel climat de pluri-nationalisme et de multiculturalisme, les résistants à la dénationalisation doivent bien se dire qu'il vaut mieux ne rien lâcher. Ne rien lâcher de ce qui peut encore désigner nos ancêtres, les fondateurs du Canada européen, les deuxièmes autochtones du Canada britannique.
Effectivement, le Parti québécois est devenu totalement aphone. Dans une impasse historique insoluble. Pour la première fois depuis 1966, la question du statut constitutionnel du Québec - à l'intérieur ou hors du Canada, peu importe - ne sera pas un enjeu à l'élection provinciale du 1er octobre prochain. Il y aurait pourtant matière !
Le Parti québécois, porteur historique du ballon souverainiste, a fait de nouveau volte-face avec sa décision de reporter à un très hypothétique deuxième mandat, c'est-à-dire au-delà de 2022, la « pressante » question existentielle qui avait justifié sa création en 1968. Dans une évolution des choses qui aura fait passer l'atmosphère de l'enthousiasme au désenchantement, le ballon de la québécitude apparaît irrémédiablement crevé.
De quelle identité pouvons-nous encore nous réclamer ?
Poser la question suppose l'existence d'un trouble de l'identité chez un peuple qui ne sait plus comment se nommer, en l'occurrence ceux que George Brown, Père de la Confédération, appelait les « descendants des vaincus ». Les nations fortes n'ont pas de trouble d'identité. Chez les nations faibles ce trouble semble coïncider avec la dénationalisation, l'assimilation, la folklorisation...
Dans une version des faits que je reprends, l'équivoque identitaire au sein du camp des « descendants des vaincus » va sourdre à l'occasion des États généraux du Canada français de 1967. On pourra trouver ici ma description détaillée de cette rupture, provoquée vraisemblablement par le Québec, sans y faire de gains et sans motif stratégique, une rupture inspirée uniquement, semble-t-il, par le besoin adolescent de bomber le torse devant les minoritaires francophones dépréciés, venus des autres provinces pour participer à ces assises, que nous sommes aujourd'hui en passe de rejoindre : Un destin commun dénié pour être un peu décalée !I
Un mot sur le fédéralisme
Je serai franc et direct. Contrairement aux enseignements de Maurice Séguin, de qui j'ai beaucoup appris et que je respecte toujours, Séguin condamne le fédéralisme en tant que tel, ce qui fut longtemps une idée que j'ai partagé. Je pense aujourd'hui que ce n'est pas la formule fédérale qui pose problème mais sa caricature canadienne. J'en arrive à cette position voyant bien que la fenêtre de l'indépendance se rétrécit, non seulement pour le Québec, mais également dans le monde. À l'époque mondialiste, qui n'était pas celle du Canadien français, Maurice Séguin, (universitaire montréalais né au Manitoba ) nous étions dans ce que l'on peut appeler l'âge d'or des indépendances. Aujourd'hui, nous en sommes quitte pour des formules de compromis. On ne pourra se séparer du Canada sans un accord. Par conséquent, mieux vaut prendre les devants et proposer directement une formule équitable de renouvellement du fédéralisme. C'est le premier pas d'une démarche autonomiste sérieuse.
* * *
Ce trouble d'identité, dont on pourrait faire remonter l'origine jusqu'à la Conquête, ne fera que s'aggraver à mesure que les Canadiens-français du Québec prendront leur distance du peuple « sans nom » des vaincus pour poursuivre un projet autonomiste qu'ils jugent mieux servi par la consécration d'une évasion moderniste déclarée incompatible avec leur passé. « Du passé faisons table rase... » n'est-ce pas là un air connu ? Sous la Nouvelle-France, les Canadiens étaient sans conteste les « rois » de l'Amérique du Nord. Ils étaient tout simplement fascinants.
Une mémoire substantiellement amputéeLa rupture ne se fait pas qu'avec le Canada-français hors Québec et l'Acadie. La faille continentale se prolonge avec ceux qui au Québec – et ils restent nombreux - conservent une vision plus traditionnelle de la problématique canadienne. L'affaire divisera donc très durablement les Québécois eux-mêmes. Pire encore, la même césure traversera l'esprit des individus qui, séduits par les sirènes du modernisme - dont on mesure aujourd'hui la sagesse – les pressera à amputer substantiellement leur mémoire collective. Le néo-nationalisme de la fin des années 1960, sonne la fin du patriotisme canadien-français qui ne sera bientôt plus transmis. Quelques années plus tard on mettra fin à l'enseignement de l'histoire nationale à la petite école, appelée bel et bien « L'histoire du Canada », mais qui était en bonne partie racontée de notre point de vue, dans la continuité du récit national. Avec peut-être moins de rigueur, diront les universitaires et didacticiens qui s'empareront des » contenus », mais avec toute la grandeur d'une épopée. Ces événements marqueront l'érosion continue de l'héritage national qualifié de dépassé. Douter de soi jusqu'à vouloir disparaître, comme c'est souvent le cas chez les peuples colonisés.
Une démarche contraire à l'intérêt du minoritaire
La sagesse de base du minoritaire
l'interroge. Ne lui faut-il pas s'inscrire dans une démarche
conservatrice – toute résistance étant par définition
conservatrice - au terme de laquelle une identité qui ne lâche rien
– même pas son appellation de Canadien français - pourrait encore
rebondir pour mieux faire taire ceux qui ont toujours nié chez lui... la possibilité qu'il puisse même en avoir une ! Mais
le Québécois francophone, appellation de remplacement et réduite pour Canadien français, ne se croit pas minoritaire.
Jean Bouthillette écrira dès 1972,
« Et pourtant nous nous cherchons. Mais nous nous méfions de nos sources. Comment renaître à soi-même sans ressusciter ce qui ne demande plus à vivre? » (Le Canadien français et son double, p. 11)
La grande dépossession identitaire qui conduit au suicide.
Majorité
électorale et minorité sociologique
Le
Québec province a fait l'erreur de s'éprendre de sa majorité
démographique électorale, une erreur focale. Un démocratisme
d'enfant d'école qui
ne voulait surtout pas admettre qu'il constituait toujours une
minorité sociologique, même après une victoire électorale. Pour
preuve, la seule mesure d'indépendance nationale en cinquante ans
n'aurait été à peu près que la Loi 101. La seule occasion où la
majorité sociologique dominante du Canada au Québec aura été quelque
peu tassée, au corps défendant de bien des péquistes d'ailleurs.
Désormais devenu un cas unique de soulèvement réel, dans les
formes, avec des effets réels. Un moment de psychologie sociale sans
lendemain, car plus jamais la majorité démographique ne s'imposera aussi
fortement dans la controverse comme une majorité sociologique capable d'affirmer son droit d'exister.
Refus de
défendre la loi 101 par estime pour le Canada
Nous savons tous que la loi 101, invalidée par une Cour suprême à la légitimité douteuse, n'a jamais été
défendue par le gouvernement du Québec. Ce gouvernement « de tous
les Québécois », non national, s'est soumis à l'ordre
fédéraliste établi. Il a refusé d'employer tous les moyens
légitimes et légaux à sa disposition, y compris la contestation
sur les tribunes internationales, pour contre attaquer. Quant à
recourir à la clause dérogatoire, ce que Robert Bourassa du Parti
libéral a fait, cette avenue de résistance est si loin de la
philosophie politique d'une élite québécoise colonisée, si
soumise à l'idéologie canadienne, qu'il ne faut même pas y penser.
Pour bien de nos élites francos, diplômées de Mc Gill, de
Concordia, de Londres, le Canada sera toujours dans leur esprit
colonisé un indélogeable parangon de vertu. Faut-il s'étonner que
l'élite québécoise ait trahi son appartenance canadienne française
?
« Le refus se double donc d'un secret consentement à l'Anglais. (C'est cette ambiguïté qui est à la source de l'opportunisme politique de notre « bourgeoisie » traditionnelle, qui fut – et est encore – à la fois nationaliste et « collaboratrice », son instinc de survie lui commandant à la fois, pour se tenir en selle, de flatter le peuple par des slogans autonomistes et de rassurer l'Anglais en l'assurant de notre docilité. Le dédoublement de la personnalité a conduit tout naturellement au double jeu politique, caractéristique des peuples dominés. » Jean BOUTHILLETTE, p.56
Le Canada poursuit son œuvre d'assimilation
Pour l'historien Jean-Claude Dupuis, c'est l'abandon de la foi qui explique notre déchéance, notre repli, nos fins d'espoirs. La division du camp des vaincus en camps séparés coïncide avec l'effondrement de la pratique religieuse au Québec. Au Québec exclusivement d'abord, en avance dans cette rupture de la foi. La résistance à la déferlante anglo-saxonne protestante qui avait la foi et la langue comme boucliers n'a plus que la langue... et encore. Une résistance affaiblie, en perte de ses repères, qui n'a plus la profondeur spirituelle pour se mesurer au monde judéo-protestant qui a fait de la langue une propriété privée individuelle.
Du coté rigolo de la misère identitaire, nous avons Elvis Gratton, empatouillé dans une identité qui lui échappe. Il hésite entre des choix loufoques qui révèlent l'insécurité identitaire typique du colonisé. Du coté sérieux nous avons Jean-Claude Dupuis qui se demande Qu'est-ce qu'un Canadien français ? Une question déjà dramatique puisque notre seul et unique nom est Canadien avec un e. Ce nom perdu, nous errons en quête d'une identité de remplacement, avoir trop de noms est évidemment ne pas en avoir.
Pour Dupuis,
Pour Dupuis,
« Cette caricature [Elvis Gratton] reflète une réalité. Notre peuple a du mal à dire son nom. Je ne connais pas d’autre peuple qui ait, comme nous, changé de nom cinq fois en quatre siècles. Il y a d’autres peuples qui ont du mal à se définir, mais ce sont des peuples colonisés. Or je pense que le Québec d’aujourd’hui reste, au fond, aussi colonisé que le Canada français d’autrefois. »
La différence marquée que plusieurs voudraient voir
entre le Canadien-français et le Québécois, ne les sépare pas de
leur condition commune de colonisés. Leur difficulté à s'arrimer,
à partager un récit commun, ne fait que rajouter un trouble cognitif
sur une identité qui, déjà, avait beaucoup de peine à s'affirmer.
Une identité dont l'existence même avait été carrément mise en
doute par Lord Durham. En
fait, les Québécois francophones ne seraient-ils, au fond, que des
Canadiens français qui manquent d'humilité ? Dans leur prétention,
auraient-ils essayé de reproduire au Québec, sans succès, un
modèle réduit du Canada hors sol ?
* * *
« Être issus d'ancêtres qui ont civilisé un continent, qui ont fondé les plus grandes villes américaines, et vivre à la remorque de toutes les minorités en leur propre province, quelle déchéance ! »Hermas Bastien, Condition de notre destin national, 1935
(Cité par Christian Saint-Germain)
Dans Famille-Sans-Nom, roman
décrivant la vie d'une famille du Bas-Canada en 1837, le célèbre
auteur de fiction, Jules Vernes, est saisi par la fragilité
identitaire des vaincus de la Nouvelle-France. Ces derniers, qui
vivaient déjà depuis 74 ans sous le régime anglais, cette famille,
représentative d'un peuple, était sans nom. Dépourvue en quelque
sorte d'une identité bien à elle.
Lord Durham, dans son rapport éponyme paru deux ans plus tard, parlera de
ces « sans nom » comme d'un « peuple sans littérature et
sans histoire ». Pour qu'ils rejoignent la civilisation, le
haut fonctionnaire britannique recommandera qu'on
assimile ces pauvres hères pour leur donner l'identité la plus
noble du monde.
Moins de trente ans plus tard,
dans les délibérations constitutionnelles de 1865, George Brown,
principal artisan de la Constitution canadienne de 1867, utilisera
maintes fois l'expression « descendants des vaincus »
pour désigner ceux qui avaient fait mentir Durham grâce au poids
d'une démographie – nourrie par une forte natalité - qui les
favorisait. Utilisée en apposition avec l'expression « descendants
des vainqueurs », le Canada courtisait les descendants des
vaincus pour les convaincre d'entrer dans une Confédération qui faisait semblant de reconnaître l'existence de
deux peuples.
Un peuple sans identité menace
les Anglais
Malgré une identité dépréciée,
incertaine, qui divise les vaincus eux-mêmes, de toute évidence peu
menaçante, les descendants des vainqueurs ne manquent jamais de
mettre en garde contre les dangers d'intolérance linguistique et
identitaire, pointant du doigt la loi 101, qui, même édentée par
la Cour suprême, donnerait encore
trop de droits à l'usage public du français. Ils redoutent
l'égalité comme la peste ! Il est vrai que le régime anglais avait usurpé le nom des « Canadiens » dès le lendemain de la Conquête.
Cette décision de George III commençait la coexistence par la
négation du peuple fondateur jusqu'à lui disputer l'usage de son
nom. Cette attitude dominatrice ne pouvait laisser que des victimes.
D'un coté, les victimes d'une usurpation avec leur insécurité
identitaire et, de l'autre, des victimes de la paranoïa. Comme si la
mauvaise conscience d'un bien mal acquis faisait vivre aux Anglais
le cauchemar perpétuel d'une « revanche des esclaves »,
qui viendrait les hanter aux moindres signes d'une volonté
d'émancipation. Mais dans cette lutte, les Canadiens, devenus
Canadiens-français, avaient néanmoins toujours su qui ils étaient.
De l'Acadie à la Rivière rouge, de la rivière rouge à Batoche et
au Nord de l'Ontario jusqu'en Nouvelle-Angleterre.
Croissance et déclin du sentiment indépendantiste
Entre 1960 et 1969, 46 nouveaux pays se joignent aux Nations unies, un sommet qui marque le point culminant du cycle de l'affranchissement des territoires d'Asie et d'Afrique face aux puissances coloniales européennes. C'est dans ce contexte général que le statu quo constitutionnel colonial canadien devient la cible d'un mouvement de contestations. Portée par l'esprit du temps, l'idée d'indépendance connaît un irrésistible essor et séduit bien des esprits, à coté d'autres propositions de réformes de la Constitution de 1867. (Lien Laurendeau-Dunton). Au Québec, pour une
nouvelle élite montante - portée par le technocratie étatique naissante et l'essor
démographique de l'après guerre, le sentiment est à l'optimiste. On croît pouvoir modifier facilement le statut politique du Canada français ou du Québec et une jeunesse festive qui le disait en chansons. Si bien que le maintien des
liens forgés par la résistance des vaincus vieille de deux siècles ne représentait
plus beaucoup d'attrait. Erreur fatale.
La nouvelle identité québécoise et la nation civique
Pour ne pas réveiller la susceptibilité d'un Canada paranoïaque, des chefs de file de l'indépendance du Québec, ont proposé de laisser tomber toute identité sociohistorique, toute référence au passé et au caractère organique de la nation pour créer, hors sol, un État-nation indépendant, à vocation de regrouper dans ce projet tous ceux ayant élu domicile au Québec. Une nation civique et inclusive avec droit de veto pour la majorité sociologique. La belle utopie canadienne appliquée au Québec.
La séparation désirée par
des chefs de file du Québec autonomiste se produisit donc mais pas de la façon souhaitée. Pas entre les deux Canada, mais au sein même de la communauté de
ses victimes. Au sein même du peuple national que George Brown
appelait « les descendants des vaincus » ! Il ne restait aux élites nationales montantes du Québec qu'à
donner le coup de pied de l'âne pour se sortir mentalement d'un
Canada français contenu dans le Canada anglais, pour se sortir de
l'impasse des deux nations. Ne suffisait-il pas de se dire
Québécois ? Par un curieux retour des choses, enflammé par
une surenchère de réthorique, le Québec français ne voyait pas
qu'il se faisait rétrécir, qu'il s'emmurait dans un territoire
canadien, mais plus petit, une province à deux nations, les deux
mêmes que partout ailleurs au Canada ! La prison venait de changer de nom et de taille !
La
nouvelle identité québécoise et la nation civique
Les partis politiques du Québec continuent de proposer une indépendance velléitaire, édentée, qui conserverait le droit de veto colonial issu de la Conquête. Parmi leurs illusions, ils ne réalisent pas que le contexte de l'indépendance s'est considérablement transformé en cinquante ans.Pour ne pas réveiller la susceptibilité d'un Canada paranoïaque, des chefs de file de l'indépendance du Québec, ont proposé de laisser tomber toute identité sociohistorique, toute référence au passé et au caractère organique de la nation pour créer, hors sol, un État-nation indépendant, à vocation de regrouper dans ce projet tous ceux ayant élu domicile au Québec. Une nation civique et inclusive, inclusive aux deux nations concurrentes du Québec. En même temps, cette nation territoriale est déterminée à pratiquer l'exclusion des Canadiens français et des Acadiens. La belle utopie canadienne appliquée au Québec. Le lecteur qui m'aura suivi jusqu'ici aura bien compris que nous sommes partis pour un autre tour de manège, car tout ce que le PQ a proposé jusqu'ici a échoué et tous ses arguments sont désormais éventés. Le PQ n'a pas de solution pour résoudre la question nationale et, pire, il ne s'en cache pas. En fait, il faudrait plutôt dire qu'il se propose de se cacher pendant quatre ans pour ne pas avoir à aborder la question existentielle qui avait justifié sa fondation en 1968.
Pour rompre le silence et passer à l'offensive - mes propositionsPour que le silence sur les injustices constitutionnelles – et le déficit de pouvoir national des Canadiens-français, Québécois francophones et Acadiens - soit total, il ne leur reste plus qu'à faire taire Martine Ouellet.
Je propose que nous profitions de ces quatre ans de silence péquiste sur la question constitutionnelle - donc trêve de bavardages - pour constituer un front commun des exclus du Canada, y compris les Premières nations. Y compris les Canadians qui, en conscience, refusent de vivre dans un cadre étatique et constitutionnel fondé sue l'hypocrisie, l'inéquité, l'injustice et le suprémacisme. Je propose un front commun des nations socio-historiques du Canada pour forcer, par la confection d'un dossier à charge incontestable, soutenu par une pression populaire graduelle, l'ouverture de la constitution et sa refondation sur la base de l'égalité des nations du Canada. Une démarche conjointe, entreprise dans l'égalité et l'indépendance.Je propose un projet audacieux et je dispose de quatre ans, avec ceux qui se joignent à moi nous disposons des quatre ans de la démission volontaire du Parti québécois, pour le faire lever.
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