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La stratégie machiavélique du fédéral pour mettre en échec la menace des Canadiens-Français : référendum et langues officielles

Le 16 novembre 1974, il y 50 ans, l'accession de la souveraineté par la voie référendaire était adoptée. Disons qu'il y a 50 ans ça...

vendredi 2 juin 2023

Le référendum fait partie d'une panoplie de moyens - c'est la doctrine et le commandement qui font défaut

Je suis en grande partie d'accord avec l'excellente synthèse historique de Jean-Claude Pomerleau publiée dans Vigile. 
Il nous place devant une urgence historique. 
Sa conclusion est claire : 

« Dans ce contexte, la nation recherche désespérément un chef d’État afin de poursuivre l’édification de l’État national, le seul instrument qui donne à la nation une prise sur son destin. Le seul levier pour faire face au défi clairement posé depuis le rapport Durham, la constitution de 1982 et l’Initiative du siècle : Le défi existentiel. »

Il y a bien quelques différences dans nos approches, nous ne qualifions pas l'État du Québec de la même façon, je pourrai y revenir une autre fois. Mais c'est surtout sur la question référendaire que j'aimerais apporter un point de vue différent. 

Jean-Claude Pomerleau se positionne fortement contre l'approche référendaire, qui serait la cause de bien de nos malheurs. Il faudrait remplacer le référendum par des petits pas ou par autre chose... et certainement un vrai chef d'abord. 

Je vais droit au but. Référendums et petits pas sont du domaine de la stratégie et de la tactique. Un problème survient quand on veut élever une stratégie au rang d'un point de doctrine. C'est une erreur. On ne peut juger d'avance de l'utilité d'un outil ou le rejeter péremptoirement. A priori, ni les référendums, ni l’action législative, ni l’action juridique, ni les combats constitutionnels sont à écarter quand on comprend la lutte nationale comme un combat prolongé et multiforme. Une grande qualité du regretté Frédéric Bastien était justement son agilité combative, il avait le talent de rebondir à gauche ou à droite, n'accordant jamais de trêve aux "fédéraux", comme il les appelait.

En fait, il faut accepter que les référendums de 1980 et de 1995 aient été des révélateurs de la faiblesse du commandement. Je ne veux pas être méchant, mais certaines choses doivent se dire si on veut s'armer sérieusement devant un défi existentiel. D'abord des chefs peu réalistes, des libéraux issus de la Révolution tranquille qui s'illusionnent sur la démocratie canadienne. Ils ne sont ni enclins ni préparés à poursuivre la lutte advenant une défaite aux urnes. D'ailleurs rien n'est prévu. Pas de riposte, pas de phase deux, rien. Avouons, ce n'est pas exceller dans l'art de la guerre que de faire porter toute la stratégie sur un seul moyen. Les référendums ont été conduits comme s'il s'agissait de la Mère de toutes les batailles. 

« Les dangers d'une opération référendaire
mal engagée et mal conduite » F.-A. Angers, 1980


En réalité, le rejet de l'approche référendaire n'est pas sans bonnes justifications pour le moment, mais il ne faut pas se tromper de sujet. Même si le PQ a toujours le référendum à son programme aujourd'hui, ça ne me donne pas l'urticaire. Le noeud du problème se situe manifestement ailleurs, il se trouve dans une doctrine inadéquate et non dans le coffre à outils. 

Le problème n’a jamais été tant la stratégie souverainiste, jamais tant le plan que la direction du plan. J’ai toujours cru que Parizeau pouvait faire beaucoup de millage avec 60 % des Canadiens-Français qui avaient voté oui. Ce suffrage témoignait d’une crise de confiance profonde envers les institutions fédérales. Sur cette base, Jacques Parizeau pouvait, entre autres possibilités, réclamer des négociations constitutionnelles sur le champ, miser sur le fait que la population était encore mobilisée. Le problème n’était donc pas entièrement la nature du référendum ou de son résultat, mais le refus de poursuivre le combat avec d'autres moyens. 

Lévesque, quinze ans plus tôt, avait harmonisé sa campagne référendaire avec l’agenda fédéraliste : il avait refusé d’ouvrir le dossier noir du Canada à l'égard des Canadiens-Français. Sa campagne épurée de sentiment national tourna au fiasco. Réduire le passage en force de la Loi constitutionnelle de 1982 à la seule défaite référendaire me semble un peu fort de café. Il y a dans cette déconfiture la légèreté d'un chef et de son entourage, il y a une signature. Martine Tremblay dit presque carrément dans sa biographie de Lévesque que la nuit des longs couteaux était prévisible bien à l'avance. 

Pour revenir à Parizeau, en dramatisant le référendum, allant jusqu’à démissionner en catastrophe, on se demande s'il confondait un référendum consultatif avec l'avortement du Grand soir ? René Lévesque, lui, était loin d'accorder la même importance à l'exercice. Le lundi suivant il était au boulot, reprenant les affaires de la province là où il les avait laissées. 

Lévesque et Parizeau se rejoignent cependant dans leur refus de contester la fraude fédérale. Ni l'un ni l'autre ne voulurent assurer le service après vente. Suivez-moi, mais je n'irai jamais plus loin. Tiens, Bourassa n'avait-il pas fait un discours courageux au lendemain de l'échec du lac Meech ? Il s'est vite dégonflé, mais l'exemple démontre bien qu'un référendum peut devenir pertinent du jour au lendemain. Alors, quel état-major avisé voudrait
 télégraphier à l'adversaire qu'il renonce à utiliser certains moyens ? Même en sachant qu'Ottawa pourrait ne pas respecter le résultat, les ruses de guerre sont un jeu qui normalement se joue à deux. Or, jusqu'ici, la ruse a toujours été un privilège fédéral, n'est-ce pas ?

Ce qui a le plus manqué à l’approche référendaire, comme dans celle de la gouvernance souverainiste d'ailleurs, c’est une doctrine nationale assez claire pour mobiliser les premiers concernés, les Canadiens-Français. Et ça, ce n'est pas le référendum en soi qui l'a voulu, mais la ligne politique frileuse du Parti québécois. Si on a raison de mettre en garde contre une panacée référendaire exclusive, il faut aussi se garder de discréditer totalement le mécanisme. On ne peut honnêtement  en faire la cause de tous nos déboires. Il ne faut pas tenter de tout expliquer par une certaine monocausalité référendaire, alors qu'une mise à jour des orientations politiques est indispensable. Pour faire face au défi existentiel, et j'en suis, il faudra beaucoup plus que de remettre le référendum à sa place.

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En complément 

François-Albert Angers

  • La dérive libérale : Renoncement au droit imprescriptible d’un peuple à disposer de lui-même remplacé par le concept démocratique libéral qui accorde aux deux nations le droit de se prononcer sur le sort de la nation demanderesse.

« Dès que nous nous sommes dit Québécois s’est amorcée la prétention de beaucoup d’autres d’être Québécois autant que nous. Nous venions de leur offrir la chance de nous voler non seulement notre nom, mais notre pays même du Québec. Et notre gouvernement issu de la pensée indépendantiste a donné une sorte de sanction légale à ces prétentions en établissant le droit de vote au référendum de l’auto-détermination sur la citoyenneté canadienne et la résidence au Québec, et non pas sur l’appartenance nationale qui fonde ce droit. Le prétexte? Il lui fallait se comporter ainsi pour agir en bon démocrate et en esprit dépourvu de tout préjugé raciste. Le sort d’une nation, de notre nation, a été ainsi remis aux mains d’une proportion importante de Québécois qui n’en font pas partie. »

https://canadiens-francais.com/apres-le-referendum-ii/?highlight=Angers

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