PKP
un bâtisseur! Bâtira-t-il sur une fondation solide ?
La
question du retour en politique de PKP fait la nouvelle. Pourquoi un
bâtisseur, un vrai gagnant, tiendrait-il tant à joindre un
parti de perdants ?
Le navire amiral péquiste a toujours
été mal accastillé et quand le gréement s'emmêle, comment tenir
un cap qu'on n'a jamais fixé ?
Premier constat, le PQ a été
incapable de maintenir les acquis du Québec face au fédéral. Son
ratage de première pour faire passer les revendications
traditionnelles du Québec en 1981 s'est soldé pas un recul
historique. Quant à l'indépendance, une idée souriante il y a
cinquante ans, elle a quitté la ferveur des discussions entre amis, qui font la moue quand elle se pointe. La nouveauté a été
gaspillée.
Deuxième constat, un programme qui a
toujours entretenu l'ambiguïté sur les fins qu'il poursuivait,
électoralisme oblige. Encore aujourd'hui, alors que les uns plaident
une indépendance in-définie, la direction plaide l'alternance de gouvernement pendant que les stratèges plaideraient n'importe
quoi. C'est le festin de Babette de l'électoralisme d'occasion. En tout état cause, on a
bien causé d'indépendance, sans jamais franchir le premier pas pour
la réaliser. Les référendums étaient faits pour être perdus, et surtout, pour ne mener à rien d'autre. Peut-on s'étonner que le
Parti québécois n'a jamais pu fournir de leadership capable
d'entraîner la nation avec lui ? Toutes ses prestations sur le front
constitutionnel, les deux référendums (1980 et 1995) et le rapatriement de la constitution (1981) se sont terminées en
désastre. Pire, rien de ce qui pouvait être réparable n'a été
réparé.
On pourrait mettre ça sur le compte de
la stratégie, de la négligence, de l'improvisation, etc. mais je
vais résumer tout ça en attribuant l'ensemble de l'oeuvre foireuse à deux
raisons fondamentales :
La première, le Parti québécois a
été infiltré de longue date par la GRC, sans que le parti ne
prenne des mesures d'auto-défense à cet égard ou ne s'en offusque.
Bien au contraire, René Lévesque n'a jamais retiré sa confiance à
Claude Morin, longtemps son principal lieutenant, qui était aussi, il
faut le rappeler, le négociateur en chef du gouvernement du Québec
en 1981 à l'occasion du rapatriement de la constitution. Tout cela
est bien connu. Mais on n'a jamais beaucoup insisté sur la
banalisation de la présence d'agents de l'ennemi au sein de l'état
major. Les documents qu'on aimerait voir sont sous scellé. Ce seront
les générations futures qui découvriront dans le détail les
dommages causés aux intérêts du Québec et de prime abord ils sont
considérables.
Christian Saint-Germain(1) frappera
avec son humour plus aigre que doux :
« Bien que le projet national eût requis, depuis l'invasion militaire de 1970, le développement d'un service d'espionnage et de contre-espionnage, la formation active de milices et de groupes spéciaux d'intervention, rien n'y fit. L'architecte principal de l' « étapisme » avait plutôt décidé d'infiltrer la GRC par les soirs. Personne ne porta attention aux liens entre le contenu de son intuition politique fumeuse, aussi inédite que l'invention de l'eau tiède, et le principal hobby de son promoteur. D'après des témoins, même René Lévesque recevant la nouvelle de la trahison de son bras droit n'en fut aucunement ébaubi; il eut plutôt l'air de quelqu'un qui aurait préféré ne pas le savoir. [Ou qui accusa le choc parce qu'il savait tout ? gv] C'est clair que les membres du Parti québécois ne réagirent pas à l'action de Morin comme le Sinn Fein l'eût sans doute fait. C'était plutôt un coup dur porté à une position constitutionnelle ambigüe rejoignant par sa couardise et son sens de la demi-mesure l'état confus des esprits. Cet attentisme fit la fortune des opportunistes du PQ, de cette union nationale revampée. » (L'avenir du bluff québécois, Liber, p.25)
Malgré tout, les successeurs de René
Lévesque ont continué de l'encenser comme un grand homme, oubliant
les graves manquements à son devoir pour ne rappeler que son
touchant charisme; c'est le parti au complet qui s'en trouve
discrédité pour toujours en raison de sa criminelle insouciance.
Une insouciance qui n'aurait jamais trouvé grâce aux yeux de tout
mouvement de libération nationale sérieux. Mais au Québec, il n'a
jamais été question ni de l'un ni de l'autre. Passons l'innommable libération
nationale, mais si on avait été sérieux par ailleurs ? Or pas de sérieux non plus ! Un sérieux qui
aurait été pourtant bien utile, ne serait-ce que pour éviter les
reculs et préserver l'avenir ! Aujourd'hui, le risque de confier des
missions existentielles au PQ est évidemment devenu trop grand avec les
barbouzes qui rodent présumément autour, encouragés par l'impunité
que le parti semble garantir aux informateurs de la GRC. Lisée a
compris l'utilité de se délester des hautes envolées discursives
pour passer en douce au remplacement du gouvernement en place, sans
autre prétention.
Rien de neuf en fait. Aucune
élection n'a jamais porté sur les grands enjeux nationaux, sauf
celle de 1973. Certes, il y eut l'élection du 13 avril 1981. Celle où l'assemblée nationale ainsi formée était unanime pour revendiquer une réforme significative du fédéralisme. Elle aurait même pu se déclarer assemblée constituante, comme la coalition de George Brown l'avait fait en 1865 dans le coup de force qui donna naissance au Canada. Mais ni les libéraux de Claude Ryan
ni les péquistes de Lévesque n'avaient le mandat pour se présenter à Ottawa. Ni conjointement ni séparément. Des deux, l'un avait un plan, le
livre beige, l'autre n'en avait pas – ou n'en avait jamais fait état.
Or, non seulement le gouvernement Lévesque n'en avait pas, mais il venait juste d'essuyer le refus de négocier une réforme du fédéralisme au référendum du 20 mai 1980. Malgré tout, le tandem Morin-Lévesque s'engagera dans des négociations avec Trudeau. Il le fera sachant qu'il le faisait contrairement au verdict populaire et par conséquent privé de tout rapport de force, à peine trois mois après le référendum. Ce renversement de la volonté populaire sera caché aux électeurs. Lévesque se gardera de mettre cartes sur table au cours de la campagne électorale qui suivit. Voilà envolée une rare occasion de débattre en toute transparence des grands enjeux nationaux dans un moment crucial. Mais Lévesque préféra violer l'essence même de la démocratie contre les intérêts d'un peuple qu'il affectait de tant aimer. C'est là qu'il montra qu'entre la souveraineté et l'association, l'association prévalait.
Or, non seulement le gouvernement Lévesque n'en avait pas, mais il venait juste d'essuyer le refus de négocier une réforme du fédéralisme au référendum du 20 mai 1980. Malgré tout, le tandem Morin-Lévesque s'engagera dans des négociations avec Trudeau. Il le fera sachant qu'il le faisait contrairement au verdict populaire et par conséquent privé de tout rapport de force, à peine trois mois après le référendum. Ce renversement de la volonté populaire sera caché aux électeurs. Lévesque se gardera de mettre cartes sur table au cours de la campagne électorale qui suivit. Voilà envolée une rare occasion de débattre en toute transparence des grands enjeux nationaux dans un moment crucial. Mais Lévesque préféra violer l'essence même de la démocratie contre les intérêts d'un peuple qu'il affectait de tant aimer. C'est là qu'il montra qu'entre la souveraineté et l'association, l'association prévalait.
Parlant de Lévesque, Martin
Bisaillon(2) sera direct :
« Dès l'été 1980, il a amorcé la négociation d'une nouvelle entente constitutionnelle avec le gouvernement fédéral sans avoir été formellement mandaté par son peuple pour le faire. Lors de la campagne électorale de 1981, il a sciemment décidé de ne pas aborder la question constitutionnelle, laissant les coudées franches à Claude Morin pour brader le droit de veto du Québec à l'occasion d'une entente qui ne tenait pas debout, et cela, pour des considérations bassement électoralistes. Le peuple québécois ne savait pas ce que tramait le tandem Morin-Lévesque en avril 1981. S'il l'avait su, il y a fort à parier que René Lévesque n'aurait pas été réélu. Comment expliquer autrement son désir de ne pas trop en savoir sur cette question lors de la campagne et ne pas avoir à répondre à des questions gênantes de la part de Claude Ryan ?
« Puis vint novembre 1981. René Lévesque s'est présenté à la table de négociations de la conférence constitutionnelle de la dernière chance en sachant parfaitement que Claude Morin avait été rétribué pour services rendus à la GRC. Au lieu d'annuler la présence du Québec à la conférence et de dévoiler l'affaire, il a préféré garder le silence afin de préserver son gouvernement au détriment des intérêts du Québec.
« Voilà certainement le geste politique le plus lâche et le plus égoïste de l'histoire contemporaine du Québec. » (Le perdant, Les Intouchables, 2004, p. 97)
2 . La deuxième cause fondamentale est
l'esprit du colonisé, aux prises avec une attirance mortifère pour
la défaite et le suicide.
Ce sont les deux fondamentaux, la
police et la psyché, qui peuvent expliquer les comportements
illogiques, instables, erratiques, insensés, mal conçus,
improvisés, négligents des gouvernements Lévesque et Parizeau, les
deux seuls qui ont touché à la question constitutionnelle depuis 1867, avec
pour résultat un affaiblissement inédit de la position du Québec.
Si Lévesque avait été un démocrate honnête, il aurait mis les
faits sur la table, quitte à être battu par Claude Ryan, qui, de
l'avis de plusieurs, nous aurait beaucoup mieux défendu.
Même si la glissade péquiste s'est
étendue sur quelques décennies, nous n'avions pas connu de pires
défaites collectives depuis 1837-1838.
L'alibi des journalistes, chroniqueurs,
politiciens et intellectuels est un simple copié collé de
l'explication officielle du Parti québécois : c'est « la
faute au fédéral » et c'est « le peuple qui n'a pas suivi ». La complicité générale avec cette excuse fantaisiste doit faire
l'affaire de bien du monde, même si elle peut avoir une part de
vérité elle ne peut tout laver.
Cependant, Parizeau remplaça le «
fédéral » par « l'argent et des votes ethniques ».
Christian Saint-Germain écrira à ce
sujet (mon soulignement) :
« Bien qu'il ait lui-même dénoncé à grands cris le « rôle de l'argent et des votes ethniques », et malgré le fait que l'on soit arrivé si près du but, personne ne prit sur le coup la mesure exacte des effets politiques incalculables de cette défection spontanée non plus que ses conséquences historiques permanentes. On préféra s'épancher sur l'inconvenance de la déclaration plutôt que de saluer l'un de ses rares moments de lucidité quant à la désignation des ennemis du peuple québécois, mais son pire geste face à l'histoire. (L'avenir du bluff québécois, p. 20)
« On ne s'attendait pas à ce que l'échec du projet national québécois prenne la forme solennelle de la capitulation du Japon et de son empereur à bord du porte-avion US Missouri. (p. 24)
« Lors de sa dernière entrevue à la revue L'Actualité, Parizeau se déclara encore « éberlué » d'avoir fait confiance à Lucien Bouchard pour la suite des choses. Ces moments de folie temporaire l'ont pourtant accompagné pendant toute sa carrière, de sa relation torride avec une informatrice de la GRC pendant les événements d'octobre, en passant par la nationalisation de l'amiante, jusqu'à son désir - apparemment généreux - de confier l'accession au pays à l'économe de la fabrique. (p. 25)
De retour à notre question. Pourquoi
Pierre-Karl Péladeau voudrait-il se coller à un parti au passé si
lourd, ténébreux et si peu honorable en termes patriotiques ?
Parce
qu'il aime la politique ?
Si
PKP était sérieux, en vrai bâtisseur, il ne partirait pas d'une
fondation aussi instable que la cale d'un rafiot. Il prendrait le
temps d'établir une fondation saine et bien d'équerre. Par exemple, un mouvement. Le temps qu'il faut pour mettre au clair la question nationale,
puisque personne ne sait plus de quoi il s'agit... et l'a-t-on déjà
su ? Ceci, sans s'exposer aux dévoiements des épreuves
électorales. Puis,
éventuellement, un nouveau parti politique déterminé à ne
connaître que des victoires plutôt que des aventures sans
lendemain.
Un mouvement voué
à mettre
fin au déni complice en ce qui concerne le bilan du PQ, décidé à
rétablir les faits, pourrait
avoir beaucoup plus de puissance mobilisatrice et de rigueur.
PKP pourrait-il
s'imposer comme l'homme de la rupture, celui qui rompt avec ce qui est
intenable ? Serait-il celui qui ne tomberait pas dans les pièges à
ours dans lesquels le PQ a toujours été attiré comme une victime à
demi consentante ?
Mais
pour avoir vu PKP aller, je doute de sa capacité d'aligner un
programme débarrassé des ambiguïtés légendaires du PQ, de faire
la lumière sur le passé, de bâtir sur du solide. De lancer un retentissant « désormais ». Il jouera
probablement le rôle d'une autre bouée de sauvetage, une semaine
sur deux, dans une quête perpétuelle d'indépendance sans
possibilité de libération... tant que le cercle vicieux de l'attirance du colonisé pour l'échec ne sera pas brisé.
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Et sur le même sujet :
Extraits de Cessons d'être
des colonisés, ARBOUR, J. Maurice
Guy
Laforest sur les dérapages du PQ
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