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mardi 11 septembre 2018

Un bilan du PQ sur la question nationale

Le recadrage du PQ sur les seuls enjeux du quotidien 

Faut-il vraiment blâmer le peuple pour l'échec du projet péquiste ?


Il est justifié de juger d'un événement par son résultat, 
et c'en est le critère le plus solide
Clausewitz
Le Québec ira en élection le 1er octobre prochain. C'est la première fois que la question nationale au Canada sera absente d'une élection provinciale depuis 1966, année où le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) présentait 73 candidats. Son successeur, le Parti québécois (PQ), fondé à la fin de 1968, propose depuis cinquante ans - avec une ferveur fluctuante - une forme ambiguë de souveraineté. Pourquoi vient-il de renoncer à plaider la cause qui l'avait mis au monde ? L'infiltration fédérale ? L'intransigeance du Canada contre lequel il ne peut rien ? Les « méchants fédéralistes » ou « le peuple qui n'a pas suivi » ? 

De l'avis général, cette élection marquera la fin du PQ comme parti d'alternance. Son recadrage sur les seuls enjeux du quotidien ne lui permettra pas d'échapper à une trajectoire en déclin depuis 1995.    
En marge des élections, voici un examen des réalisations majeures de ce parti qui a fait vivre des moments forts à deux générations de Québécois. 


La fine équipe portée au panthéon de nos héros

Je ne veux pas briser mais transformer radicalement notre union avec le Canada
René Lévesque, oct. 1978

Pour moi, ce n'est pas si grave que Lévesque ait dit cela. Les positions néo-fédéralistes se retrouvent partout chez lui. Le problème c'est qu'il n'a pas tenu parole. Il porte avec Claude Morin la responsabilité peu honorable d'avoir tu ses engagements constitutionnels en 1981. Qui chez ses partisans n'aurait pas été satisfait qu'il plaide à Ottawa la transformation de notre union ? Qu'il dénonce la subordination pour défendre une relation d'égalité ?

Les négociations constitutionnelles se sont terminées abruptement avec la fameuse Nuit des longs couteaux ( ici et ici ) du 4 novembre 1981. C'est sur cet événement que toute l'attention médiatique et politique s'est durablement tournée. Or, comme un train peut en cacher un autre, ce n'était pourtant pas ce qui était le plus grave.

Ces longs couteaux rutilants ont permis de détourner l'attention sur le  fait peu banal que la délégation du Québec était pilotée par un agent des services de renseignements. À moins de croire que la GRC rémunère ceux qui veulent « transformer radicalement» le Canada, on peut trouver là une explication plausible au fait que le dossier de notre reconnaissance nationale n'a pas été déposé à Ottawa. 


En fait, la stratégie constitutionnelle du Québec était déjà en branle au moment où Lévesque niait l'existence de négociations avec Ottawa. Claude Morin faisait la navette entre les capitales provinciales pendant que Lévesque esquivait les questions insistantes de Claude Ryan, chef libéral de l'époque, sur les intentions constitutionnelles du PQ. Cette situation d'importance a été dissimulée pendant la campagne électorale de 1981 qui, pour le malheur du Québec, reporta le Parti québécois au pouvoir. 





Claude Morin, le père de l'étapisme
et la tête pensante du cafouillage constitutionnel.
Un échec programmé !?






C'est donc à l'insu des électeurs que Claude Morin, premier lieutenant de Lévesque, organisait un front commun des provinces contre le fédéral. Forcément, ce front commun était prisonnier des formules acceptables à toutes les provinces. Cette provincialisation des enjeux écartait d'emblée la question nationale que le Québec posait depuis longtemps. Plus question de « transformer radicalement notre relation avec le Canada ».

« Claude Morin qui de son propre aveu recevait de l'argent de la
Gendarmerie royale du Canada...»
Pierre Dubuc, L'Autre Journal 
Il faut savoir que le tandem Lévesque-Morin s'était présenté à Ottawa en position de faiblesse extrême. Qu'on aime l'entendre ou pas, les deux hommes agissaient en violation frontale de la volonté populaire. En effet, quelques mois plus tôt, le premier référendum de mai 1980 avait clairement refusé à Lévesque le mandat de négocier de nouveaux accords constitutionnels. 

Dissimulation aux électeurs, couverture d'un agent fédéral et complicité avec lui, mépris de la démocratie, ils firent quand même à leur tête : se lançant dans des négociations historiques sans mandat, sans ambition et sans préparation ! Une aubaine pour le fédéral. Martin Bisaillon ne sera pas tendre avec Lévesque pour avoir sciemment gardé en place un homme qu'il savait recevoir de l'argent de la GRC. Il écrira : « Voilà certainement le geste politique le plus lâche et le plus égoïste de toute l'histoire contemporaine du Québec. » 
Il s'agit en fait de l'épisode le plus humiliant de notre histoire et la défaite la plus cuisante - auto-infligée - qu'a fait subir au Québec un parti politique, toutes étiquettes confondues, depuis au moins la Confédération.

Jacques Parizeau ramassa à la petite cuillère les débris laissés par Lévesque. Reprenant toutefois la même stratégie foireuse, celle du référendum élaborée et défendue par nul autre que Claude Morin. Coup de théâtre, le héros de remplacement démissionna dès l'annonce des résultats serrés du deuxième référendum comme une diva catastrophée. Il regrettera plus tard de se trouver devant « un champ de ruines », refusant toutefois d'y voir sa propre main. Faute de combattants au sein de l'état-major péquiste, les résultats contestables du référendum de 1995 en restèrent là ! 

Était-ce le peuple qui avait lâché ?

Et ça continue. On peut notamment s'étonner que le PQ n'ait jamais réclamé l'annulation des négociations constitutionnelles de 1981. N'étaient-elles pas viciées dès le départ du fait qu'une délégation provinciale était pilotée par un agent rémunéré des services de renseignements fédéraux ? Ne croyez vous pas que cela pourrait se défendre en droit international ? Ne croyez-vous pas que Parizeau aurait mieux fait de demander l'annulation des décisions constitutionnelles ? De faire campagne sur cette question plutôt que d'y aller d'un autre pari référendaire dans le vide, comme s'il n'y avait aucune cause pendante à plaider contre Ottawa ? Surtout, pourquoi a-t-il choisi de persister dans la voie tracée par Claude Morin et ses conseillers anglos du camp fédéral ?

Et ça continue (bis). Jean-François Lisée, candidat péquiste aux présentes élections, vient de renoncer à promouvoir le projet politique de son parti. Est-ce bien nouveau de sa part ?  En écrivant un discours de capitulation, livré par Lucien Bouchard au Centaur, Lisée et Bouchard n'étaient-ils pas aux premiers rangs de ceux qui avaient déjà renoncé dès 1995 à défendre les intérêts de la nation socio-historique ? Ne reste à Lisée que le charme du joueur de flute de Hamelin. Lisée a compris qu'il ne peut pas parler de souveraineté. Le bilan de son parti, qu'il continue d'assumer, le lui interdit. Si les Québécois ont le moindre jugement, et je pense qu'ils en ont, jamais ils ne redonneront leur confiance au Parti québécois. 

Alors qui a lâché ? 

André Lafrenaie a mis bout à bout quelques citations qui relèvent d'un pur déni envers les trahisons péquistes. Pour le coup, c'est le commentateur bien connu, Mathieu Bock-Coté, qui se présente au bâton. Il se chagrine que le peuple a lâché. En revanche, on a l'habitude de se faire bassiner par l'indulgence de la classe politico-médiatique envers la direction du Parti québécois. Il faut être aveugle pour ne pas voir que la critique du péquisme se fait facilement complaisante, au prétexte de ne pas faire le jeu des fédéralistes. Mais de qui se moque-t-on quand on écrit sans gène que  : 
« Cette disparition de la question nationale [dans les présentes élections] n’a rien d’un détail. C’est comme si les Québécois devenaient indifférents à leur destin comme peuple. »
« Les Québécois, globalement, ne se perçoivent plus comme les membres d’un peuple en attente d’un nouveau cadre politique […]. D’ailleurs, on peut croire que la vieille tentation de la mort qui n’a jamais cessé de les hanter est remontée à la surface […]. »
« […] les Québécois […] ont abandonné la question nationale en même temps qu’ils ont abandonné la souveraineté […].  »
« […] les Québécois ne se posent plus la question de la souveraineté.
  
« […] dans les années à venir, le nationalisme québécois se découplera de plus en plus de l’idée d’indépendance. » 
Le peuple ne s'est jamais « dit non à lui-même », comme on l'entend souvent. Un peuple ne se dit pas non. Il se prononce. Mais l'argument est sans cesse ressassé, comme pour masquer que les grandes figures du panthéon de nos échecs ont manqué à leur devoir. Ils l'ont fait dans des moments de grande importance, comme ces négociations constitutionnelles bâclées qui ont façonné pour le pire notre destin. La défaite du référendum de 1980 n'avait pas pour conséquence obligée de nous enfoncer davantage avec le fiasco constitutionnel de 1981-1982. 

Faire l'analyse des années péquistes en privilégiant son impact sur la question nationale est un exercice fort déprimant. Or, on ne saurait plus longtemps en faire l'économie. Il se trouve au bout de l'exercice des effets libérateurs, au moins psychologiques, même si la classe politico-médiatique, complice d'un cafouillage de cinquante ans, refuse de nous y accompagner en trafiquant l'histoire.  

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