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dimanche 21 octobre 2018

La république ne s'entend guère sur le sort des nations socio-historiques

République française et République fédérative de Russie : Deux approches opposées quant aux nations socio-historiques.
[Texte mis-à-jour le 22-10-2018 à 9:24]
La Russie tient son approche de l'époque tsariste (1), une conquête de l'Est, qui se faisait à la même époque que l'épique Conquête de l'Ouest aux États-Unis. La Russie tsariste reconnaissait les droits nationaux des peuples qu'elle conquérait alors que, à l'opposé, les É-U niaient ces droits, ce qui conduisit à un véritable ethnocide.
Sans surprise, le Canada se situait dans la même lignée, celle du droit anglais qui, depuis Luther, avait rompu avec la tradition du droit romain, qui forma ensuite le « droit des gens ». 

Le Canada britannique ne reconnut pas les indigènes comme des égaux. Il refusa qu'ils puissent prospérer et se perpétuer dans la dignité. Dans un renversement des pratiques établies en Nouvelle-France, il les refoula dans des réserves tribales. Une ségrégation qui favorisa la dépendance, l'indigence et une perte de l'estime national. Le Canada britannique ne s'est pas démenti avec la nation canadienne [française], à laquelle il refusa l'égalité des droits politiques. Ce qui ne pouvait conduire qu'au séparatisme.    

Curieusement, quoi qu'on en pense dans les cercles indépendantistes, l'État du Québec se situe dans la même logique que celle du Canada en ce qui concerne la question nationale. Il se range du même coté que la France et des États-Unis. Cela se vérifie par un parti pris en faveur d'une « nation civique », une construction étatique et artificielle, que l'on retrouve dans les considérants de la Loi 99 et le préambule de la Loi 101. 

La Loi 99 et le préambule de la Loi 101
Rappelons que la Loi 99 a été souvent présentée comme le noyau d'une future constitution du Québec.

À son cinquième considérant, la Loi 99 reconnaît 11 nations ethniques - qui, ensemble, représentent les formations sociologiques issues des tribus indigènes mais, incroyablement, la clarté de la loi s'arrête là. Elle ne reconnaît pas sur son territoire d'autres nations ethniques ou, plus correctement dit, socio-historiques. Pour aller à l'essentiel, la Loi 99 esquive la reconnaissance des deux principales nations installées sur le territoire du Québec. Soit, la nation canadienne-anglaise, dont le berceau est au Québec, et qui s'estime inséparablement liée au destin du Canada anglais. Une réalité définie par un euphémisme hilarant : « une communauté aux droits consacrés », au sixième considérant de la loi 99. Quant à la nation canadienne-française, pas mieux, elle y est réduite, dans la manière déjà officialisée par le Canada, comme une « majorité francophone », au sein d'un peuple québécois dont les caractéristiques laissent croire qu'il englobe les 11 nations ethniques ainsi que la « communauté aux droits consacrés ». L'emploi du mot peuple, au lieu de mot nation, plus vague, ne peut être le fait du hasard. Il laisse voir, sans la nommer, la réalité pluri-nationale du Québec, en s'abstenant de la reconnaître comme telle, celle de deux nations principales. Voilà pourquoi nous disons que la nation canadienne-française n'est pas reconnue par l'État du Québec. 

Quant à la loi 101, elle commence par le mots suivants : « Langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone ».  Encore une fois, le peuple du Québec apparaît comme une réalité pluri nationale, mais qui reste indéfinie dans la loi.

La lutte pour l'égalité des nations au Canada passe par la fin de l'occultation de leur réalité sociologique. Elle passe par leur reconnaissance au grand jour. Le Québec doit procéder à une réforme égale à celle qui est réclamée du Canada : reconnaître enfin les nations socio-historiques et, en particulier, la nation fondatrice dans le sens sociologique, qu'est la nation canadienne-française. 

L'État, qu'il s'agisse de celui du Québec ou de celui du Canada, n'a pas pour mission de re-définir les nations socio-historiques, de déclarer l'existence d'un « peuple juridique » se substituant et sublimant les réalités des nations, à la manière typiquement reprise par le droit anglais. Le rôle de l'État consiste à garantir le droit à l'existence des nations et à assurer leur avenir. Ce qui veut dire les reconnaître, assurer leur égalité politique et leur permettre de se perpétuer dans le temps. L'État du Québec manque à son devoir en ne reconnaissant pas les droits de la nation canadienne-française. Il commet la même erreur à l'égard de la nation canadienne-anglaise. À cet égard, l'État du Québec n'est pas différent de l'État canadien. Le déni des nations crée un climat malsain qui favorise un statu quo - le déni du colonialisme - dans lequel il est impossible de réformer le cadre politique de manière à assurer l'exercice de droits égaux pour les uns et les autres. 

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1- Cette approche m'apparaît, à ce stade de mes recherches, être la plus en phase avec le droit international coutumier et le droit des gens. C'est une tradition qui a été reconduite par l'Union soviétique qui, en 70 ans d'existence, n'aura fait disparaître aucune de sa centaine de langues minoritaires. Cette tradition a aussi été reconduite plus récemment par la constitution de la République fédérative de Russie, adoptée par référendum en 1999, qui reconnaît un total de plus de 80 sujets fédéraux, découpés essentiellement sur les réalités socio-historiques, en tout cas sans aucune intention de les nier, bien au contraire. La France républicaine, d'inspiration maçonnique-anglo-saxonne, nous offre un contre-exemple par son horreur, ne serait-ce que dans une forme symbolique, de la reconnaissance des Basques et des Bretons. L'égalité républicaine est strictement individuelle-individualiste. Mais le  contre-exemple absolu est sans doute celui du Canada. Il a repris la même attitude de déni des droits nationaux, aggravée dans son cas du fait que sa dénégation concerne sa nation fondatrice. 
Quant aux États-Unis, leur extension s'est faite sur la décimation des peuples indigènes. 

Pas question pour moi de qualifier l'étendue des droits des nations reconnues en Russie, savoir s'ils sont suffisants ou insuffisants. Cela serait aller bien au-delà de mes compétences.  Il reste toutefois indéniable que la façon dont le pouvoir central se décline en République fédérative de Russie, il accorde aux nations internes une existence explicite. C'est déjà toute la différence avec le Canada. 

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Projet de loi no 99
LOI SUR L’EXERCICE DES DROITS FONDAMENTAUX ET DES PRÉROGATIVES DU PEUPLE QUÉBÉCOIS ET DE L’ÉTAT DU QUÉBEC
CONSIDÉRANT que le peuple québécois, majoritairement de langue française, possède des caractéristiques propres et témoigne d’une continuité historique enracinée dans son territoire sur lequel il exerce ses droits par l’entremise d’un État national moderne doté d’un gouvernement, d’une assemblée nationale et de tribunaux indépendants et impartiaux ;
CONSIDÉRANT que l’État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu’il a enrichies au cours des ans par l’adoption de plusieurs lois fondamentales et par la création d’institutions démocratiques qui lui sont propres ;
CONSIDÉRANT l’entrée du Québec dans la fédération canadienne en 1867;
CONSIDÉRANT l’engagement résolu du Québec à respecter les droits et libertés de la personne ;
CONSIDÉRANT l’existence au sein du Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, innue, malécite, micmaque, mohawk, naskapi et inuit et les principes associés à cette reconnaissance énoncés dans la résolution du 20 mars 1985 de l’Assemblée nationale, notamment leur droit à l’autonomie au sein du Québec ;
CONSIDÉRANT l’existence d’une communauté québécoise d’expression anglaise jouissant de droits consacrés ;
CONSIDÉRANT que le Québec reconnaît l’apport des Québécoises et des Québécois de toute origine à son développement ;
CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale est composée de députés élus au suffrage universel par le peuple québécois et qu’elle tient sa légitimité de ce peuple dont elle constitue le seul organe législatif qui lui soit propre ;
CONSIDÉRANT qu’il incombe à l’Assemblée nationale, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple québécois, de le défendre contre toute tentative de l’en spolier ou d’y porter atteinte;
CONSIDÉRANT que l’Assemblée nationale n’a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée malgré son opposition ;
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CONSIDÉRANT que le Québec fait face à une politique du gouvernement fédéral visant à remettre en cause la légitimité, l’intégrité et le bon fonctionnement de ses institutions démocratiques nationales, notamment par l’adoption et la proclamation de la Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec (Lois du Canada, 2000, chapitre 26) ;
CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de réaffirmer le principe fondamental en vertu duquel le peuple québécois est libre d’assumer son propre destin, de déterminer son statut politique et d’assurer son développement économique, social et culturel ;
CONSIDÉRANT que, par le passé, ce principe a trouvé à plusieurs reprises application, plus particulièrement lors des référendums tenus en 1980, 1992 et 1995 ; 

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