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mercredi 31 octobre 2018

Thèses socialistes sur la question nationale

La conception de la nation qui l'a emporté au Québec a été fixée solidement par le débat - peut-on appeler ça un débat ? 
- qui suivit le référendum de 1995. Le discours de démission de Parizeau attribuant la défaite référendaire à l'argent et aux votes ethniques - en fait, il aurait dû dire aux Anglais - provoqua un tir groupé d'accusations et de suspicions  envers une conception « ethnique » (pas ethniciste !) de la nation. 

[dernière mise-à-jour 31-10-2018 21:10]

Je me souviens que Bernard Landry avait été mis tout de suite en mode défensif pour déclarer très fermement que « notre nation est civique ». Naturellement, la forme manichéenne d'une querelle politico-médiatique entre « le bien et le mal » : « nation civique contre nation ethnique », ne permit pas que le débat soit vraiment éclairant. Au fond, la nation civique est celle que, quiconque tenant le pouvoir d'État, pourrait créer en deux jours. Elle apparaît dès qu'elle est crée par les législateurs. La nation sociologique prend des siècles à se créer, elle se forme à travers une longue maturation historique.

C'est peut-être sur la question nationale que les écrits de Lénine et surtout ceux,
plus abondants, de Staline, peuvent se comparer, pour une part, à beaucoup
d'écrits de la tradition européenne sur le même sujet.
Une parenté de vues qui fait office d'exception. 

Pour ceux qui ont vécu ces événements qui commencent à dater, le débat, fort mal engagé, se concluait sur l'impression que le PQ n'avait pas fait ses devoirs et ne maîtrisait pas les concepts. À titre de contribution à l'enrichissement d'une culture politique sur le national, voici ce que disaient à ce sujet deux figures historiques controversées, mais qui, de toute évidence, ont eu des positions articulées sur la question nationale qui, aujourd'hui encore, restent en partie d'actualité.   

Plusieurs citations de Lénine et de Staline, montrent bien que la nation pour les communistes est de nature ethnique et non civique. C'est d'ailleurs Staline qui s'était opposé de toutes ses forces dans une polémique à admettre l'existence d'un État national comme un critère nécessaire pour établir l'existence d'une nation.

La conception communiste de la nation.

Les communistes de la tradition reconnaissent les droits du national, ils les mettent toutefois au conditionnel en les subordonnant aux intérêts du prolétariat, à un projet de société en particulier. Dans son application, en Union soviétique, aucune langue minoritaire - qui sont plus d'une centaine - n'a disparu, on avait même donné des « garanties contre l'assimilation ». C'est la formule qui était employée. Par contre, le droit au référendum, pouvant conduire jusqu'à la sécession, s'il était explicitement reconnu, n'a jamais été mis à l'épreuve à ma connaissance. 

Pour notre cas, ceci met en évidence qu'une politique de gauche pourrait très bien revendiquer une conception socio-historique de la nation, ce qu'elle se garde bien de faire au Québec. C'est probablement, en partie, sous l'influence diffuse mais importante du trotskysme, qui porte plus loin l'universalité d'une lutte des classes qui ne connaît pas de frontière, et qui doit être menée dans un cadre de révolution permanente. Des idées auxquelles s'opposaient ceux des marxistes qui opinaient que l'expérience socialiste pouvait se poursuivre dans un seul pays, l'indépendance des nations et la libération coloniale pouvaient, quant à elles, constituer une avancée des « droits démocratiques des peuples », une phase transitoire en vue de la révolution socialiste. 
« L'instrument historique de l'émancipation nationale ne peut être que la lutte de classes. » Trotsky
https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1935/04/lt19350420.htm

Si la gauche prenait davantage en compte le concept marxiste de la nation et le droit au référendum au sein de la nation non reconnue, elle ne proposerait pas la tenue d'une constituante dans un cadre bi-national. Le référendum dans deux nations combinées étant contraire au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, une constituante respectueuse de la nation qui réclame ses droits devrait se tenir au sein même de cette nation. À défaut de proposer une constituante pour chacune des nations, au minimum, c'est la tenue d'États généraux préalables, à tenir au sein de chaque groupe national, qui pourraient constituer une formule acceptable. Pour les onze nations autochtones - même si elles ne rencontrent pas tous les critères de la nation au sens rigoureux, le bon sens demande de leur accorder un statut semblable à celui d'une nation.

_____________________

http://communisme-bolchevisme.net/download/Staline_Le_marxisme_et_la_question_nationale_et_coloniale.pdf

Subjectivement, il provoque une réaction dans l'esprit des Juifs, et pose la question de la garantie des droits de la minorité nationale, de la garantie contre l'assimilation.

Staline LA QUESTION NATIONALE ET LE LÉNINISME

Réponse aux camarades Mechkov, Kovaltchouk et autres (18 mars 1929)
J'ai reçu vos lettres. Elles sont analogues à toute une série de lettres sur le même sujet que j'ai reçues ces derniers mois d'autres camarades. J'ai décidé pourtant de répondre justement à vous, parce que vous posez les questions plus brutalement et que vous aidez ainsi à mettre de la clarté. Certes, vous donnez dans vos lettres une solution inexacte des questions posées ; mais c'est une autre affaire ; nous en parlerons plus bas.
Passons au fait.

I. — La notion de nation
Les marxistes russes ont depuis longtemps leur théorie de la nation. Selon cette théorie, la nation est une communauté humaine stable qui s'est constituée historiquement, née sur la base de la communauté de quatre caractères fondamentaux, à savoir : sur la base de la communauté de langue, de la communauté de territoire, de la communauté de vie économique et de la communauté de conformation psychique, manifestée par la communauté des propriétés spécifiques de la culture nationale. Comme on le sait, cette théorie est universellement admise dans notre Parti.

A ce qui ressort de vos lettres, vous jugez cette théorie insuffisante. C'est pourquoi vous proposez d'ajouter aux quatre caractères de la nation un cinquième caractère : l'existence d'un Etat national propre distinct. Vous considérez que sans ce cinquième caractère il n'y a pas et il ne peut pas y avoir de nation.
Je pense que le schéma que vous proposez avec ce nouveau et cinquième caractère de la notion de nation est profondément erroné, et ne peut être justifié ni théoriquement, ni pratiquement — politiquement.
Avec votre schéma, il faudrait ne reconnaître comme nations que celles qui ont leur Etat propre distinct des autres ; et toutes les nations opprimées, privées du caractère d'état indépendant, il faudrait les rayer de la liste des nations ; cependant que la lutte des nations opprimées contre l'oppresseur national, la lutte des peuples coloniaux contre l'impérialisme, il faudrait l'exclure de la notion de « mouvement national » ou de « mouvement de libération nationale ».
Bien plus, avec votre schéma, il faudrait affirmer :
a) que les Irlandais ne sont devenus une nation qu'après la fondation de l' « Etat libre d'Irlande », et que, jusque là, ils ne constituaient pas une nation ;
b) que les Norvégiens n'étaient pas une nation avant la séparation de la Norvège d'avec la Suède, et qu'ils ne sont devenus une nation qu'après cette séparation ;
c) que les Ukrainiens n'étaient pas une nation lorsque l'Ukraine faisait partie de la Russie tsariste, qu'ils ne sont devenus une nation qu'après la séparation d'avec la Russie soviétique, sous la « Tsentralnaïa Rada » et l'hetman Skoropadski, mais qu'ils ont à nouveau cessé d'être une nation après avoir réuni leur Ukraine soviétique avec les autres Républiques soviétiques, dans l'Union des Républiques soviétiques socialistes.
On pourrait citer une multitude de tels exemples.
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Il est évident qu'un schéma qui aboutit à des conséquences aussi absurdes ne peut être considéré comme un schéma scientifique.
Pratiquement, politiquement, votre schéma conduit inévitablement à justifier l'oppression nationale, l'oppression impérialiste, dont les tenants refusent résolument de considérer comme de véritables nations les nations opprimées et les nations qui ne jouissent pas de tous leurs droits, les nations qui ne possèdent pas leur Etat distinct, et jugent que cette circonstance leur donne le droit d'opprimer ces nations.
Je ne dirai rien du fait que votre schéma conduit à justifier les nationalistes bourgeois de nos républiques soviétiques, ceux qui prétendent que les nations soviétiques ont cessé d'être des nations après avoir réuni leurs républiques soviétiques nationales dans l'Union des Républiques socialistes soviétiques.
Voilà pour la question des « compléments » et des « corrections » à apporter à la théorie marxiste russe de la nation.
Il ne reste qu'une chose à faire : reconnaître que la théorie marxiste russe de la nation est la seule théorie juste. 


__________________

Lénine (1913)

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/06/vil19130600.htm

(Le lecteur peut aller directement à mes surlignements et commentaires plus bas dans le texte)

THÈSES SUR LA QUESTION NATIONALE [1]

1. Le paragraphe de notre programme (sur la libre disposition des nations) ne peut recevoir aucune autre interprétation que celle de la libre disposition politique, c'est-à-dire du droit de se séparer pour former un Etat indépendant.
2. Pour les social-démocrates de Russie, ce point du programme social-démocrate est absolument indispensable : 
(a) tant au nom des principes fondamentaux de la démocratie en général ;
(b) qu'en raison de l'existence sur le territoire de la Russie (et qui plus est à sa périphérie) d'un certain nombre de nations marquées par des conditions d'économie, de mode de vie, etc., fortement distinctes ; de plus ces nations (comme toutes celles de la Russie à l'exception des Grands-Russes [2]) sont incroyablement opprimées par la monarchie tsariste ;
(c) enfin, en raison du fait que, dans toute l'Europe orientale (Autriche et Balkans) et en Asie, c'est-à-dire dans les pays limitrophes de la Russie, la transformation démocratique bourgeoise des Etats, soit n'est pas achevée, soit vient à peine de commencer ; or, cette transformation a conduit partout dans le monde, dans une mesure plus ou moins grande, à la création d'Etats nationaux indépendants, ou d'Etats formés des nationalités les plus proches et les plus apparentées entre elles. 
(d) La Russie est aujourd'hui le pays dont le régime politique est le plus arriéré et le plus réactionnaire, comparé à celui de tous les pays qui l'entourent, depuis l'Autriche à l'Ouest, où les bases de la liberté politique et du régime constitutionnel se sont consolidées depuis 1867, et où le suffrage universel est maintenant instauré, jusqu'à la Chine républicaine à l'Est. C'est pourquoi les social-démocrates de Russie doivent insister, au cours de toute leur propagande, sur le droit de chaque nationalité à constituer un Etat séparé ou à choisir librement l'État au sein duquel elle veut vivre.
3. Comme la social-démocratie reconnaît le droit de toutes les nationalités à la libre disposition, il faut que les social-démocrates :
(a) manifestent une hostilité sans réserve envers tout emploi de la violence, sous quelque forme que ce soit, par une nation dominante (ou formant la majorité de la population) contre une nation désirant se séparer en Etat distinct ;
(b) exigent que la question de cette séparation soit réglée sur la base exclusive d'un vote de la population du territoire par un scrutin universel, direct, égal et secret ;
(c) mènent une lutte sans relâche, aussi bien contre les partis cent-noirs et octobristes [3] que contre les partis bourgeois libéraux («progressistes» [4], cadets, etc.) à chaque fois que ceux-ci défendent ou admettent l'oppression nationale en général, ou nient le droit des nations à la libre disposition en particulier.
4. Le fait que la social-démocratie reconnaît le droit de toutes les nationalités à la libre disposition, ne signifie nullement qu'elle renonce à porter son propre jugement sur l'opportunité pour telle ou telle nation, dans chaque cas particulier, de se séparer en un Etat distinct. Au contraire, les social-démocrates doivent porter un jugement qui leur appartienne en propre, en tenant compte aussi bien des conditions du développement du capitalisme et de l'oppression des prolétaires des diverses nations par la bourgeoisie de toutes nationalités réunie, que des objectifs d'ensemble de la démocratie, et au tout premier chef, des intérêts de la lutte de classe du prolétariat pour le socialisme.
De ce point de vue, le fait suivant mérite tout particulièrement d'être pris en considération. Il existe en Russie deux nations que toute une série de conditions, liées à l'histoire et au genre de vie, ont rendues plus civilisées et plus individualisées que les autres ; elles pourraient mettre en pratique, de la façon la plus aisée et la plus «naturelle» que soit, leur droit à la séparation. Ce sont la Finlande et la Pologne. L'expérience de la révolution de 1905 a montré que, même dans ces deux nations, les classes dominantes, grands propriétaires et bourgeoisie, renient la lutte révolutionnaire pour la liberté et cherchent à se rapprocher des classes dominantes de Russie et de la monarchie tsariste, par peur du prolétariat révolutionnaire de Finlande et de Pologne.
C'est pourquoi la social-démocratie doit mettre en garde avec la plus grande énergie le prolétariat et les classes laborieuses de toutes nationalités, contre les mots d'ordre nationalistes à l'aide desquels «leur» bourgeoisie ne fait que les tromper ; avec ses discours douceâtres ou fougueux sur la «patrie», elle s'efforce de diviser le prolétariat et de détourner son attention de ses agissements à elle, la bourgeoisie, et de l'alliance à la fois politique et économique qui l'unit à la bourgeoisie des autres nations et à la monarchie tsariste.
Le prolétariat ne peut ni mener la lutte pour le socialisme, ni défendre ses intérêts économiques quotidiens, sans l'union la plus étroite et la plus complète entre les ouvriers de toutes les nations au sein de toutes les organisations ouvrières sans exception. 
Le prolétariat ne peut pas conquérir la liberté autrement qu'en menant la lutte révolutionnaire pour le renversement de la monarchie tsariste et son remplacement par une république démocratique. La monarchie tsariste exclut la liberté et l'égalité en droits des nationalités ; de plus, elle est le principal rempart de la barbarie, de la brutalité et de la réaction, en Asie comme en Europe. Et la seule force capable de renverser cette monarchie, c'est le prolétariat uni de toutes les nations de Russie qui entraîne, parmi les masses laborieuses de toutes les nations, les éléments démocratiques conséquents et aptes à la lutte révolutionnaire.
C'est pourquoi l'ouvrier qui place l'union politique avec la bourgeoisie de «sa» nation au-dessus de l'unité complète avec les prolétaires de toutes les nations agit contre son propre intérêt, contre l'intérêt du socialisme et contre l'intérêt de la démocratie.
5. La social-démocratie qui lutte pour un régime d'Etat démocratique conséquent réclame une égalité en droits absolue des nationalités et combat tous privilèges, quels qu'ils soient, favorisant une ou plusieurs nationalités.
En particulier, la social-démocratie rejette la langue «officielle» . Celle-ci est spécialement superflue en Russie, car plus des sept dixièmes de sa population appartiennent à la famille des peuples slaves, qui, s'il existait un enseignement libre dans un Etat libre, parviendraient sans difficulté, en raison des exigences de la circulation économique, à se comprendre sans qu'il existe aucun privilège «officiel» en faveur de l'une des langues. 
La social-démocratie exige que les vieilles subdivisions administratives de la Russie, instituées par les grands propriétaires féodaux et les fonctionnaires de l'Etat autocratique et féodal, soient remplacées par des subdivisions fondées sur les exigences de la vie économique contemporaine et mises en accord, dans la mesure du possible, avec l'effectif national de la population.


GV :

Au Canada, les provinces au découpage rectiligne, comme si elles avaient tracées dans des territoires vierges, sans effectif de population indigène, métis ou canadien français témoignent du mépris colonial prêt à sacrifier tout le passé pour s'imposer. Il est inévitable que des négociations ayant pour objectif d'achever le colonialisme britannique incluent un redécoupage des provinces en accord avec l'effectif des populations socio-historiques et de leur volonté de se perpétuer. 


Toutes les régions de l'Etat qui se distinguent par des particularités dans le mode de vie ou par l'effectif national de leur population doivent bénéficier de larges pouvoirs administratifs propres et de l'autonomie, jouir d'institutions basées sur le suffrage universel et égal, à scrutin secret.
6. La social-démocratie réclame la promulgation d'une loi valable pour l'ensemble de l'Etat et sauvegardant les droits de toute minorité nationale en quelque lieu de l'Etat que ce soit. Aux termes de cette loi, toute mesure à l'aide de laquelle la majorité nationale tenterait de créer un privilège national à son profit ou de réduire les droits de la minorité nationale (dans le domaine de l'enseignement, de l'usage de telle ou telle langue, du budget, etc.) doit être déclarée nulle et non avenue, et l'application de cette mesure doit être interdite sous peine de sanctions. 
7. La social-démocratie désapprouve le mot d'ordre d'«autonomie nationale culturelle» (ou simplement «nationale»), ainsi que les projets tendant à la réaliser. En effet, ce mot d'ordre (1) est absolument contraire à l'internationalisme de la lutte de classe du prolétariat, - (2) aide à entraîner le prolétariat et les masses laborieuses dans la sphère d'influence des idées du nationalisme bourgeois, - (3) peut détourner de la tâche de transformation démocratique conséquente de l'Etat tout entier, transformation qui peut seule assurer (dans la mesure où cela est en général possible en régime capitaliste) la paix nationale.
En raison de l'acuité particulière prise par la question de l'autonomie nationale culturelle parmi les social-démocrates, voici quelques éclaircissements sur cette thèse.
(a) Du point de vue de la social-démocratie, il est inadmissible de lancer, que ce soit directement ou indirectement, le mot d'ordre de culture nationale. Ce mot d'ordre est erroné, car toute l'existence économique, politique et intellectuelle de l'humanité s'internationalise sans cesse davantage, même en régime capitaliste. Le socialisme l'internationalisera intégralement. La culture internationale que le prolétariat de tous les pays crée dès aujourd'hui d'une manière systématique ne s'approprie pas la totalité d'une «culture nationale» (de quelque collectivité nationale que ce soit), mais prend exclusivement dans chaque culture nationale ses éléments démocratiques et socialistes conséquents.
(b) Il n'existe dans les programmes de la social-démocratie sans doute qu'un seul exemple de point se rapprochant, timidement il est vrai, du mot d'ordre de culture nationale : il s'agit du paragraphe 3 du programme de Brünn des social- démocrates autrichiens, qui dit : «Toutes les régions d'une même nation dotées de pouvoirs administratifs propres forment une entité nationale qui règle ses affaires nationales en toute autonomie.» 
C'est un mot d'ordre de compromis, car il n'y a pas là l'ombre d'une autonomie nationale exterritoriale (personnelle). Mais ce mot d'ordre est lui aussi erroné et nuisible, car ce n'est nullement l'affaire des social-démocrates de Russie de réunir en une seule nation les Allemands de Lodz, de Riga, de Pétersbourg et de Saratov. Notre affaire est de lutter pour la démocratie complète et l'abolition de tous les privilèges nationaux, afin que les ouvriers allemands de Russie s'unissent aux ouvriers de toutes les autres nations pour sauvegarder et développer la culture internationale du socialisme. 
A plus forte raison est erroné le mot d'ordre d'autonomie nationale exterritoriale (personnelle), comportant (suivant le plan des partisans conséquents de ce mot d'ordre) l'institution de parlements nationaux et de secrétaires d'Etat nationaux (O. Bauer et K. Renner). Contraires à toutes les conditions économiques des pays capitalistes, n'ayant été expérimentées dans aucun Etat démocratique du monde, de telles institutions sont une rêverie opportuniste de ceux qui ont perdu tout espoir de voir créer des institutions démocratiques conséquentes et qui cherchent une issue aux querelles nationales de la bourgeoisie dans un particularisme artificiel réunissant le prolétariat et la bourgeoisie de chaque nation sur certaines questions (les questions «culturelles»).
Les circonstances obligent parfois les social-démocrates à se soumettre momentanément à telle ou telle solution de compromis ; mais ce ne sont pas des solutions de compromis que nous devons emprunter aux autres pays, ce sont des solutions social-démocrates conséquentes. Quant à emprunter l'infructueuse tentative autrichienne de compromis, cela est d'autant plus stupide aujourd'hui que, même en Autriche, elle a subi une faillite totale, puisqu'elle a abouti au séparatisme et à la scission des social-démocrates tchèques.
(c) L'histoire du mot d'ordre d'« autonomie nationale culturelle» en Russie montre qu'il a été adopté par tous les partis bourgeois juifs sans exception, et seulement par les partis juifs ; le Bund leur a emboîté le pas sans aucune critique, tout en rejetant avec illogisme l'idée d'un parlement (d'une diète) national juif et de secrétaires d'Etat nationaux juifs. Or, même ceux des social-démocrates européens qui admettent ou qui prônent le mot d'ordre hybride d'autonomie nationale culturelle, reconnaissent qu'il est totalement irréalisable pour les Juifs (O. Bauer et K. Kautsky). «Les Juifs de Galicie et de Russie sont une caste plutôt qu'une nation, et les tentatives faites pour constituer la communauté juive en nation sont des tentatives de perpétuation d'une caste» (K. Kautsky).
(d) Dans les pays civilisés, nous constatons que la paix nationale est obtenue de manière assez complète (relativement) en régime capitaliste uniquementlorsque l'esprit démocratique est appliqué au maximum dans toute l'organisation et l'administration de l'Etat (Suisse). Les mots d'ordre d'esprit démocratique conséquent (république, milice, élection des fonctionnaires par le peuple, etc.) unissent le prolétariat, les masses laborieuses et, en général, tous les éléments avancés de chaque nation au nom de la lutte pour des conditions interdisant tout privilège national, si minime soit-il, alors que le mot d'ordre «autonomie nationale culturelle » préconise le particularisme des nations dans le domaine scolaire (ou «culturel» en général), particularisme parfaitement compatible avec le maintien des fondements des privilèges de toute sorte (y compris nationaux).
Les mots d'ordre d'esprit démocratique conséquent réalisent la fusion du prolétariat et de la démocratie avancée de toutes les nations (ces couches n'ont pas besoin que les éléments démocratiques des nations se singularisent, mais qu'ils s'unissent sur tous les terrains, y compris le terrain scolaire), tandis que le mot d'ordre d'autonomie nationale culturelle sème la division dans le prolétariat des différentes nations, en le rattachant aux éléments réactionnaires et bourgeois de chacune.
Les mots d'ordre d'esprit démocratique conséquent se heurtent à l'opposition implacable des réactionnaires et de la bourgeoisie contre-révolutionnaire de toutes les nations, tandis que le mot d'ordre d'autonomie nationale culturelle est jugé très acceptable par les réactionnaires et les bourgeois contre-révolutionnaires de certaines nations.
8. Ainsi, tout l'ensemble des conditions économiques et politiques de Russie exige de la social-démocratie qu'elle pratique inconditionnellement la fusiondes ouvriers de toutes nationalités au sein de toutes les organisations prolétariennes sans exception (politiques, syndicales, coopératives, éducatives, etc., etc.). Pas de fédération dans la structure du Parti, pas de constitution de groupes social-démocrates nationaux, mais unité des prolétaires de toutes les nations dans une localité donnée, propagande et agitation dans toutes les langues du prolétariat du lieu, lutte commune des ouvriers de toutes les nations contre tous les privilèges nationaux, quels qu'ils soient, autonomie des organisations locales et régionales du Parti.
9. L'expérience de l'histoire du P.O.S.D.R., longue de plus de dix ans, confirme les thèses ci-dessus. Le Parti naît en 1898 en tant que Parti «de Russie» c'est-à-dire parti du prolétariat de toutes les nationalités de Russie. Il reste Parti «de Russie» quand, en 1903, le Bund s'en sépare, après que le Congrès du Parti a rejeté la prétention du Bund à être reconnu comme le représentant unique du prolétariat juif. En 1906-1907, la vie rend pleinement évident le manque de fondement de cette prétention : en grand nombre, les prolétaires juifs continuent de prendre part dans un esprit unitaire à l'activité social-démocrate commune dans une série d'organisations locales, et le Bund revient au Parti. Le Congrès de Stockholm, (1906) [5] rassemble aussi les social-démocrates polonais et lettons, qui se placent sur le terrain de l'autonomie territoriale ; par ailleurs, le Congrès n'admet pas le principe de la fédération, et exige l'union sur le plan local entre social-démocrates de toutes nationalités. Ce principe est mis en pratique durant de longues années dans le Caucase, il est mis en pratique à Varsovie (ouvriers polonais et soldats russes), à Vilno (ouvriers polonais, lettons, juifs et lituaniens), à Riga : dans ces trois derniers centres, il est pratiqué contre le Bund, séparatiste, qui s'est détaché. En décembre 1908, le P.O.S.D.R. réuni en conférence adopte une résolution spéciale, confirmant l'exigence de l'unité entre ouvriers de toutes nationalités selon un principe autre que celui de la fédération. La non-application scissionniste de la décision du Parti par les séparatistes bundistes aboutit à la faillite de toute cette «fédération du pire type » [6], rapproche les bundistes des séparatistes tchèques et réciproquement (cf. Kossovski dans Nacha Zaria [7] et l'organe des séparatistes tchèques, Der Cechoslavische Sozialdemokrat, 1913, n° 3, article sur Kossovski), et, enfin, à la conférence liquidatrice d'août 1912, elle suscite une tentative des séparatistes bundistes et des liquidateurs, ainsi que d'une partie des liquidateurs du Caucase, pour introduire subrepticement dans le programme du Parti l'«autonomie nationale culturelle», sans que celle-ci soit défendue quant au fond ! 
Les ouvriers social-démocrates révolutionnaires de Pologne, comme ceux de Lettonie et du Caucase, gardent toujours le point de vue de l'autonomie territoriale et de l'unité des ouvriers social-démocrates de toutes les nations. La scission bundiste-liquidatrice et l'alliance du Bund avec des non-social-démocrates à Varsovie mettent à l'ordre du jour, pour tous les social-démocrates, l'ensemble de la question nationale, sous l'angle à la fois de sa portée théorique et de l'œuvre d'édification du Parti.
Les solutions de compromis ont été justement ruinées par ceux qui les ont pratiquées à l'encontre de la volonté du Parti, et, plus fort que jamais, retentit l'exigence de l'unité entre les ouvriers social-démocrates de toutes nationalités.
10. Le nationalisme brutal et ultra-réactionnaire de la monarchie tsariste, auquel s'ajoute le regain d'activité de tous les nationalismes bourgeois, grand-russe (M. Strouvé, la Rousskaïa Molva [8], les «progressistes» etc.), ukrainien, polonais (l'antisémitisme de la «national-démocratie» [9]), géorgien, arménien, etc.: ces faits exigent impérieusement des organisations social-démocrates, dans tous les coins de la Russie, qu'elles consacrent une attention plus grande qu'auparavant à la question nationale et qu'elles élaborent à cet effet des solutions marxistes conséquentes, dans l'esprit d'un internationalisme rigoureux et de l'unité des prolétaires de toutes les nations.

(a) Le mot d'ordre de culture nationale est erroné ; il ne traduit que l'étroitesse bourgeoise dans la conception de la question nationale. Culture internationale. 
(b) Perpétuation de la division nationale et pratique d'un nationalisme raffiné - jonction, rapprochement, brassage des nations et expression des principes d'une culture  autre, internationale. 
(c) Désespoir du petit bourgeois (lutte vaine contre les querelles nationales) et crainte des transformations démocratiques radicales et du mouvement socialiste - seules les transformations démocratiques radicales peuvent créer la paix nationale dans les Etats capitalistes, et seul le socialisme peut mettre fin aux querelles nationales. 
(d) Les curies nationales dans le domaine scolaire [10]
(e ) Les Juifs. 

Notes
Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]
[1] Les Thèses sur la question nationale furent rédigées par Lénine lorsqu'il préparait ses conférences consacrées à la question nationale. Il les lut les 9, 10, 11 et 13 juin 1913 à Zurich, Genève, Lausanne et à Berne. Ces conférences réunirent les bolchéviks et des groupements d'émigrés représentant d'autres partis socialistes. [N.E.]
[2] Les Grands-Russes, appellation officielle des Russes sous le régime tsariste par opposition aux Ukrainiens appelés péjorativement Petits-Russes. [N.E.]
[3] Octobristes, membres du parti des octobristes («Union du 17 octobre»), fondé en Russie après la publication du manifeste du tsar le 17(30) octobre 1905. Parti contre-révolutionnaire défendant les intérêts de la grosse bourgeoisie et des propriétaires fonciers qui organisaient leurs exploitations sur un pied capitaliste. Les octobristes soutenaient pleinement la politique intérieure et extérieure du tsarisme. Arrivé au pouvoir après la révolution démocratique bourgeoise de Février, le parti des octobristes lutte activement contre la révolution socialiste imminente. Le leader du parti Goutchkov fut le ministre de la Guerre du premier Gouvernement provisoire. Après la Révolution d'Octobre les octobristes luttèrent contre le pouvoir des Soviets. [N.E.]
[4] Progressistes, groupement politique de la bourgeoisie monarchiste libérale qui aussi bien aux élections aux Doumas qu'à l'intérieur de ces dernières cherchait à unir sous le mot d'ordre de «sans-parti» des éléments de divers partis et groupes de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers
En novembre 1912 les progressistes formèrent un parti politique qui prônait comme programme une constitution modérée avec un cens sévère, de menues réformes, un gouvernement responsable devant la Douma, l'écrasement du mouvement révolutionnaire
Pendant la première guerre mondiale, les progressistes se montrent très actifs, ils exigent la révocation des chefs militaires, la reconversion de l'industrie sur le pied de guerre, un «ministère responsable» avec la participation de représentants de la bourgeoisie. Après la révolution démocratique bourgeoise de Février, certains leaders du parti entrèrent dans le gouvernement provisoire. Après la Révolution d'Octobre les progressistes luttèrent contre le pouvoir des Soviets. [N.E.]
[5] Il s'agit du IVe Congrès (d'unification) du P.O.S.D.R. [N.E.]
[6] «Fédération du pire type», la conférence de Prague de 1912 qualifia ainsi les relations existant entre le P.O.S.D.R. et les organisations social-démocrates nationales depuis le IVe Congrès (d'unification). Tout en faisant partie du P.O.S.D.R. les organisations social-démocrates de Pologne, Lituanie et Lettonie et le Bund menaient une politique tout à fait indépendante de celle du parti. Leurs représentants s'abstenaient de prendre part au travail du parti dans l'ensemble de la Russie et contribuaient directement ou indirectement aux menées antiparti des liquidateurs. [N.E.]
[7] Nacha Zaria (Notre aube), revue mensuelle des menchèviks liquidateurs qui a paru à Pétersbourg de 1910 à 1914. Elle fut un des pôles d'activité des liquidateurs russes. [N.E.]
[8] Rousskaïa Molva (la Rumeur russe), organe quotidien des progressistes, parti de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers, fondé en 1912. Le journal a paru à Pétersbourg de 1912 à 1913. [N.E.]
[9] National-démocratie (parti des Narodowaja fondé en 1897), principal parti réactionnaire et nationaliste de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers polonais, étroitement lié à l'Eglise catholique. Tout en prêchant les mots d'ordre d'«harmonie de classes» et d'« intérêts nationaux», ses membres cherchaient à étendre leur emprise sur les masses populaires et à les entraîner dans le sillage de leur politique réactionnaire. Prônant le nationalisme et le chauvinisme à outrance comme moyen de lutte contre le mouvement socialiste et démocratique du peuple polonais, les «narodowy» tentèrent de l'isoler du mouvement révolutionnaire russe. Pendant la première guerre mondiale ils soutinrent sans réserve les puissances de l'Entente, mettant tous leurs espoirs dans la victoire de la Russie tsariste, l'unification des terres polonaises, annexées par l'Autriche et l'Allemagne, et l'octroi à la Pologne de l'autonomie dans le cadre de l'Empire de Russie. Après la chute du tsarisme les «démocrates populaires» adoptèrent une orientation profrançaise. [N.E.]
[10] Il s'agit de l'organisation de l'école d'après le principe des nationalités, revendication essentielle du programme nationaliste d'«autonomie nationale culturelle» [N.E.]

3 commentaires:

Gilles Verrier a dit...

Kornilov: How today’s Russia-Ukraine conflict has its roots in the
policies of Lenin’s Bolsheviks 100 years ago
By Vladimir Kornilov, Russian political scientist.

One hundred years ago, on August 1, 1923, the All-Ukrainian Executive Committee and the Council of People’s Commissars of the Ukrainian SSR (Soviet Socialist Republic) adopted a joint resolution on the beginning of the process of Ukrainianization. It sounded quite positive: ‘On Measures to Ensure the Equality of Languages and Assistance to the Development of the Ukrainian Language’.

At first glance it seemed like there was nothing to fear – after all, it was about ‘equality’. But literally in the very first paragraphs of this decree, discrimination was established against Russian, which was the main – and even only – language for a significant part of the territories of the southern Russian Empire.

The decree stated: “The Ukrainian language shall be chosen as the predominant language for official relations.” It prohibited the employment in state and Soviet institutions of people who did not speak the language. This was a disaster for the Russian-speaking Donbass, where Ukrainian-speaking people were hard to find. And so this is how it all began.

The Galician genocide: How Russian identity was wiped out in what is now Western Ukraine
Read more The Galician genocide: How Russian identity was wiped out in what is now Western Ukraine
Some will say: ‘It is understandable, it was called Ukraine, that’s why these orders were adopted.’ But the point is that these native Russian lands were declared to be part of Ukraine only a few years before this decree.

It is no coincidence that Russian President Vladimir Putin, commenting recently on the nature of the conflict in Donbass, has repeatedly noted how the region came to be part of the Ukrainian SSR: “We had to look at what is happening in the south-east, in Donbass, which originally, even when the Soviet Union was organized in 1922-1924, did not think of itself as anything other than as part of Russia? But [Vladimir] Lenin and his comrades-in-arms pushed it there by force... They created a country that had never existed before… They shoved there historical territories with a people from whom no one asked how and where they wanted to live.”

As a historian of the period who has studied this process in detail, I would add: Donbass, when it was forced to become part of Soviet Ukraine, was solemnly promised that the language issue would not be touched. I have unearthed in the archives the originals (including handwritten) of documents in which the Kiev National Bolsheviks, who persuaded the Donbass people not to create a Donetsk Republic in 1918, swore that Soviet Ukraine would not be formed on the basis of nationality. But then, after this region was ‘forcibly’ incorporated into the Ukrainian SSR, all these promises were quickly forgotten.
This turned into a tragedy for the Russian lands of Donbass and Novorossiya. People were dismissed en masse for refusing to switch to the Ukrainian language, and were even subjected to criminal reprisals. In just ten years, schools and universities in Donbass were forcibly Ukrainianized. In Russian-speaking Makeyevka, there was not a single Russian class left in primary schools in the 1932-33 academic year. By 1933, all Russian pedagogical technical schools in Donbass were closed – there was nowhere to train Russian-speaking teachers.

Although in the mid-1930s, the process of total, savage Ukrainianization was slowed down and even reversed a little, it is not true to say that it was stopped. As early as January 1941, the Donbass party organs reported on the “insufficient pace of Ukrainianization.” And with the arrival of the German Nazis, the wagons brought in ideological servants from the Organization of Ukrainian Nationalists (a radical nationalist group which collaborated with Adolf Hitler’s fascists, and helped carry out the Holocaust), who first rushed to ban the Russian language.

Lire la suite ici : https://www.rt.com/russia/580730-todays-conflict-bolshevik-roots/

Gilles Verrier a dit...

EN FRANÇAIS _ TRADUCTION AUTOMATIQUE - partie 1
Vladimir Kornilov: Comment le conflit russo-ukrainien d'aujourd'hui a ses racines dans la politique des bolcheviks de Lénine il y a 100 ans
Cette semaine marque un triste anniversaire qui est significatif, instructif et malheureusement d'actualité
Par Vladimir Kornilov, Politicien russe.

Vladimir Kornilov: Comment le conflit russo-ukrainien d'aujourd'hui a ses racines dans la politique des bolcheviks de Lénine il y a 100 ans
© AP Photo / Leo Correa
Il y a cent ans, le 1er août 1923, le Comité exécutif panukrainien et le Conseil des commissaires du peuple de la RSS d'Ukraine ( République socialiste soviétique ) ont adopté une résolution commune sur le début du processus d'ukrainisation. Cela semblait assez positif: ‘ Sur les mesures visant à garantir l'égalité des langues et l'aide au développement de la langue ukrainienne ’.

À première vue, il semblait qu'il n'y avait rien à craindre – après tout, il s'agissait d'une égalité ‘ ’. Mais littéralement dans les tout premiers paragraphes de ce décret, une discrimination a été établie contre le russe, qui était la langue principale – et même seulement – pour une partie importante des territoires du sud de l'Empire russe.

Le décret stipulait: “ La langue ukrainienne sera choisie comme langue prédominante pour les relations officielles. ” Il a interdit l'emploi dans les institutions étatiques et soviétiques de personnes qui ne parlaient pas la langue. Ce fut un désastre pour le Donbass russophone, où les ukrainiens étaient difficiles à trouver. Et c'est ainsi que tout a commencé.

[Voir commentaire suivant pour ls deuxième partie]

Gilles Verrier a dit...

[suite 2/2] Le génocide galicien:
Certains diront: "Il est compréhensible, on l’appelait l’Ukraine, c’est pourquoi ces ordres ont été adoptés." Mais le fait est que ces terres indigènes russes ont été déclarées faire partie de l'Ukraine quelques années seulement avant ce décret.

Ce n'est pas un hasard si le président russe Vladimir Poutine, commentant récemment la nature du conflit dans le Donbass, a noté à plusieurs reprises comment la région est devenue partie intégrante de la RSS d'Ukraine: "Nous avons dû regarder ce qui se passe dans le sud-est, dans le Donbass, qui à l'origine, même lorsque l'Union soviétique a été organisée en 1922-1924, ne se considérait pas comme autre chose que comme faisant partie de la Russie? Mais [ Vladimir ] Lénine et ses camarades d'armes l'ont poussé de force... Ils ont créé un pays qui n'avait jamais existé auparavant... Ils y ont bousculé des territoires historiques avec un peuple dont personne ne demandait comment et où ils voulaient vivre. ”

En tant qu'historien de la période qui a étudié ce processus en détail, j'ajouterais: Donbass, lorsqu'il a été contraint de faire partie de l'Ukraine soviétique, a été solennellement promis que la question linguistique ne serait pas touchée. J'ai déniché dans les archives les originaux (y compris manuscrits) des documents dans lesquels les bolcheviks nationaux de Kiev, qui ont persuadé le peuple du Donbass de ne pas créer de République de Donetsk en 1918, a juré que l'Ukraine soviétique ne serait pas formée sur la base de la nationalité. Mais ensuite, après que cette région a été "de force" incorporée à la RSS d'Ukraine, toutes ces promesses ont été rapidement oubliées.

Comment les bolcheviks de Lénine ont placé les nouvelles régions de Russie sur une trajectoire de collision avec l'Ukraine, il y a 100 ans ?
Cela s'est transformé en tragédie pour les terres russes du Donbass et de Novorossiya. Des personnes ont été licenciées en masse pour avoir refusé de passer à la langue ukrainienne et ont même été soumises à des représailles pénales. En seulement dix ans, les écoles et universités du Donbass ont été ukrainisées de force. Dans le Makeyevka russophone, il ne restait plus une seule classe russe dans les écoles primaires au cours de l'année scolaire 1932-1933. En 1933, toutes les écoles techniques pédagogiques russes du Donbass étaient fermées –, il n'y avait nulle part où former des enseignants russophones.

Bien qu'au milieu des années 1930, le processus d'ukrainisation totale et sauvage ait été ralenti et même un peu inversé, il n'est pas vrai de dire qu'il a été arrêté. Dès janvier 1941, les organes du parti Donbass ont rendu compte du rythme insuffisant de l'ukrainisation. Et avec l'arrivée des nazis allemands, les wagons ont fait venir des serviteurs idéologiques de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (un groupe nationaliste radical qui a collaboré avec les fascistes d'Adolf Hitler, et a aidé à réaliser l'Holocauste), qui s'est d'abord précipité pour interdire la langue russe.

Il s'en est donc suivi vague après vague des campagnes pour interdire tout ce qui est russe dans les quartiers russes. Finalement, en 2014, les habitants du Donbass ont dû prendre les armes pour défendre un droit naturel – le droit d'enseigner à leurs enfants dans leur langue maternelle. Pensez-y – il a fallu un siècle entier pour corriger une erreur historique, pour rendre à une vaste région sa patrie et l'occasion de parler librement sa langue maternelle.

C'est pourquoi il est important de se rappeler comment tout a commencé. Afin de ne plus jamais marcher sur le même râteau, de sorte que les tâches tactiques à court terme, comme celles de Lénine, ne prévalent pas sur la définition des principes de la structure étatique et de l'avenir de notre pays.