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lundi 19 novembre 2018

Bock-Coté se trompe et joue sur l'ambiguité de l'identité québécoise - Version augmentée

Identité : L'appellation d'origine (Canadien-Français)  ou la copie (Québécois francophone)



Version augmentée (passages en jaune) d'une chronique déjà parue ici 
[20-11-2018]

samedi 27 octobre 2018

Ce que l'abandon de notre identité nous a coûté

Pour une nation sans son chaperon !

On n'a pas fini de compter ce que nous a coûté l'abandon de notre identité. Pour en arriver là, il fallait d'abord lui

mercredi 10 octobre 2018

mardi 10 avril 2018

Bourassa s'est écrasé - Ils se sont tous écrasés dans une sous-performance généralisée

Comment Bourassa - dans un cas d'école de démission égal à celles du PQ - nous donne par l'intermédiaire d'acteurs directs (André Tremblay et Diane Wilhelmy) la mesure de ce qu'il faut de préparation et de détermination - sans compter la nécessité d'organiser l'appui populaire -  pour tenir le fort, faire face à la machine de guerre canadienne, dans des négociations constitutionnelles. Le problème de la sous-performance constitutionnelle chronique du Québec, de sa négligence dans la préparation de sa défense, forme la trame des événements officiels qui marquent nos reculs historiques depuis la Confédération. Il est clair que Lévesque, Bourassa et Parizeau n'étaient pas de taille. Ils n'avaient ni la préparation mentale ni le dispositif politique pour affronter ces ogres. Comme Gorges-Étienne Cartier, ils se sont faits bouffer tout rond. Le PQ actuel et singulièrement le tout frais programme politique du Bloc québécois reprennent le paradigme des perdants.

mardi 23 janvier 2018

Arbour - cessons d'être des colonisés - extraits

Cessons d'être des colonisés !

ARBOUR, J. Maurice, Presses de l'Université Laval, 2015, 242 pages
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Le combat de la décolonisation 

Chapitre 3 
C'est dans le contexte du problème canadien, c'est-à-dire du problème global des rapports conflictuels entre les vaincus et les vainqueurs de 1760, des victoires et des défaites des colonisés d'ici, à travers la contrainte armée et la loi du nombre (233/75 en 2015) qu'à la fin des années 1950 et au début des années 1960, des intellectuels québécois ont discuté du colonialisme et de la nécessaire décolonisation du Québec. On y parle domination politique, économique et culturelle.

lundi 30 octobre 2017

Avec  le trentième anniversaire de la mort de René Lévesque et les  cinquante ans du Parti québécois en 2018, comment redonner aux Québécois francophones un rapport de force favorable, condition indispensable à tout changement de statut politique ?

L'HÉRITAGE DE RENÉ LÉVESQUE, UN ÉCHEC POLITIQUE QUI SE PROLONGE


Les revendications du Québec ne sont plus prises au sérieux par personne, ni au Canada ni ailleurs dans le monde. C'est peut-être que toute l'affaire n'a jamais été considérée comme sérieuse ? Dans le but d'alimenter le débat sur l'avenir politique du Québec, je propose une réévaluation des événements qui ont marqué un demi siècle de péquisme. Cinquante ans au cours desquels le statut du Québec a été modifié à son désavantage. Il y a encore beaucoup de déni concernant cet échec et bien des préjugés sur ses causes qui, malgré l'évidence, sont encore entretenus par une certaine élite politique et le milieu universitaire. Trouver des explications appropriées à ce qui fut une dégringolade de notre potentiel d'affirmation nationale nous semble indispensable. À défaut, comment pourrait-on reprendre l'offensive en faveur de nos droits et libertés ? Voici un rappel historique chevillé aux faits et dépourvu d'esprit partisan. Un condensé de cinquante années de péquisme.
Les années péquistes

L'option de René Lévesque

Le Parti québécois a été fondé sur l'idée de réaliser une forme de souveraineté-association avec le Canada. Son orientation constitutionnelle aboutissait à une refonte du fédéralisme, ce que René Lévesque écrit dans son livre  Option Québec. Pour le Québec, c'était « jouir d'un minimum vital d'autonomie interne » dans le cadre d'une union monétaire et économique avec le Canada. Le pays réformé prendrait pour nom l'Unité canadienne. Cinquante ans plus tard, la confusion continue de régner sur les véritables objectifs constitutionnels de ce parti dans bien des esprits, notamment chez ses dirigeants. Il est clair pour quiconque se donne la peine de repasser le fil des événements qu'une orientation indépendantiste bien comprise, si on respecte le sens des mots, n'a jamais prévalu au sein du PQ, et ce, même du temps de Jacques Parizeau. Au moment du référendum de 1995, ce dernier pouvait compter sur les doigts de la main les appuis au sein de son cabinet. Tous les autres étaient déjà passés dans le camp de Lucien Bouchard, prêt à passer le rouleau compresseur d'une austérité bien provinciale et, surtout, à oublier les folies constitutionnelles des dernières années. C'est ce que me rappelait récemment Richard Le Hir, lequel avait été nommé ministre à la Restructuration à l'époque.
Le parcours du PQ, sous la gouverne de René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, André Boisclair, Bernard Landry, Lucien Bouchard n'est pas, et n'a jamais été, indépendantiste ; à moins de se laisser duper par quelques déclarations patriotiques pour sauver les apparences ou se duper soi-même. Comme le fait, pour citer un exemple, cette vidéo d'Option nationale, qui commence avec cette perle : « Lors de nos deux récentes tentatives d'accéder à l'indépendance...». Ainsi, réclamer un mandat pour négocier la souveraineté-association devient, par la magie des mots, une « tentative d'accéder à l'indépendance ». Une déformation de la vérité qui sévit encore, après cinquante ans, et qui est d'autant plus révélatrice qu'Option nationale se targue d'avoir fait plus que quiconque ses devoirs sur la question nationale.

Qu'on ne soit jamais parvenu à faire consensus sur les orientations essentielles du PQ constitue une faiblesse qu'il a lui-même contribué à entretenir. Naviguer sans fixer de cap, quel qu'il soit, et le tenir, est pour un « navire amiral » la source de toutes les dérives. Les reculs successifs que ce parti a fait subir au Québec depuis cinquante ans nous sont laissés en héritage.

Une ambiguité constitutionnelle jamais surmontée

« Je ne blâme point ceux qui désirent dominer, mais ceux qui sont trop disposés à obéir »
(Hermocrate de Syracuse, cité par Thucydide 4, 61, 5)

L'ambiguïté constitutionnelle insurmontable du PQ s'expliquerait par deux raisons.
La première se situe dans l'opposition entre le Québec et le Canada. Le Parti libéral du Canada et les fédéralistes de tout bord n'ont jamais ménagé les efforts pour accoler au PQ l'étiquette péjorative de « séparatisss... », et de « parti qui veut briser le Canada, le plus beau pays du monde ». Cette propagande martelée sans arrêt avait pour but de préserver le statu quo en peignant le PQ sous les traits les plus repoussants. Bien que dépourvu de rigueur sémantique, ce braquage a toujours rapporté gros dans les urnes et, surtout, à l'occasion des deux référendums. Si les chefs fédéralistes à Ottawa n'ont jamais voulu d'une séparation, ils ne voulaient pas davantage d'une réforme qui aurait octroyé des droits politiques égaux aux « descendants des vaincus », comme George Brown, - véritable père de la Confédération (1867) l'avait promis lors des débats parlementaires sur la Confédération. C'est par leur démagogie tapageuse contre le « séparatisme » que les fédéralistes, bien en selle à l'offensive, sont parvenus à faire oublier leurs promesses constitutionnelles mille fois brisées depuis 1867. Bien des péquistes, novices en matière constitutionnelle, se laissent prendre à ce jeu de propagande, avalant à leur tour la méprise que leur parti était prêt pour l'indépendance. Une thèse rarement démentie dans un sens ou dans l'autre, laissant commodément planer toutes les équivoques.

La deuxième raison se situe dans le camp autonomiste et, à ce titre, mérite la plus grande attention. Elle part de l'étonnante dissolution du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), une décision dans laquelle il est difficile de voir d'autre motif que celui de servir l'unité nationale. L'esprit du temps - plus optimiste qu'aujourd'hui ! - portait à une union moins partisane du camp national afin de donner plus de poids à la volonté du Québec de se réaliser selon ses propres intérêts. Cette dissolution était un moyen de dernier recours pour réaliser l'unité, suite au refus réitéré de René Lévesque de considérer tout projet de fusion entre les deux partis. Le Ralliement national (autre parti souverainiste à l'époque) avait déjà rejoint Lévesque. Alors pourquoi le RIN ne le pourrait-il pas ?

Le RIN, fondé au début des années 60, avait fait un bon bout de chemin dans sa réflexion constitutionnelle avec Marcel Chaput, lequel n'entretenait aucune illusion sur le Canada. Contrairement au PQ, il revendiquait l'indépendance pure et simple comme solution nationale. Au-delà de la question constitutionnelle, les positions du RIN sur les questions linguistique et sociale indisposaient grandement Lévesque. C'est pourquoi il ne voulait rien entendre de ce parti. Mais si, selon lui, une fusion n'était pas possible avec le RIN, comme elle l'avait été pour le RN, pourquoi fallait-il proscrire tout dialogue stratégique entre ces deux entités du camp national ? N'était-il pas hautement souhaitable de favoriser un maximum de cohésion ? Une attitude inspirée par un rassemblement purement stratégique n'aurait-t-elle pas permis de sortir de cet imbroglio par le haut, au bénéfice de l'avenir politique du Québec ? Mais l'intransigeance de René Lévesque, qui avait brillé antérieurement chez les libéraux provinciaux, y mit un frein.

Les membres du RIN rejoignirent donc le PQ, mais un à un, amenant avec eux des convictions indépendantistes qui contrastaient avec celles des « ex-libéraux progressistes » de René Lévesque. De ce mariage forcé - désiré par Pierre Bourgault et combattu sans succès par d'autres au RIN - résulta une froide cohabitation entre des « indésirés » et des « légitimes ». Cette relation difficile éclata au grand jour lorsque l'on vit la mine déconfite d'un René Lévesque écoutant le discours de Bourgault au Congrès de 1971. À toutes fins utiles, Bourgault, qui restait un chef charismatique remarquable, ne sera malheureusement jamais accepté par la direction du parti.

On pourrait aussi y voir une affaire de personnalités : Bourgault n'avait-il pas eu la maladresse de qualifier Lévesque de « maudit épais » ? Mais c'était, bien au-delà des personnalités, l'expression la plus visible de ce qui était devenu une friction continue entre deux approches politiques face à l'avenir politique du Québec. Bref, c'est celui qui doutait de tout et de lui-même qui ouvrira la marche et mènera les troupes au combat, avec Bourgault, représentant ceux qui ne doutaient pas, sur le banc des punitions. À Ottawa, le général en chef s'en réjouissait.

Une affaire bâclée aux graves conséquences

Cette affaire bâclée va marquer le PQ pour les décennies à venir. D'abord, le geste d'abnégation patriotique qu'avait été la dissolution du RIN ne fut jamais reconnu comme tel. On aurait pu le faire pour au moins tourner la page avec élégance, pour ne laisser derrière ni perdants ni victimes. Au contraire, loin de la reconnaissance attendue, on instilla le doute sur la légitimité des plus déterminés à réclamer l'indépendance. La méfiance contamina la vie du parti et rendit impossible l'ouverture de tout débat permettant de poursuivre l'oeuvre de Chaput et d'Allemagne ( André ). La fermeture d'esprit rendit impossible qu'on accède, par des délibérations sereines entre militants, à une lecture claire des fragilités statutaires du Canada. Le parti, privé d'unité et de l'envergure nécessaire, incapable d'élever le niveau pour aboutir à une stratégie tournée contre le Canada visant son talon d'Achille, opta pour l'étroitesse des ambitions. On écarta la question constitutionnelle qui se situe pourtant au cœur des intérêts fondamentaux de la nation. On la retira des délibérations politiques pour la remettre éventuellement entre les mains d'avocats comme Lucien Bouchard. Au PQ, il ne fut donc jamais question de faire feu de tout bois contre le Canada.

Même si beaucoup l'ont oublié aujourd'hui, ou sont trop jeunes pour en avoir eu connaissance, les frictions se poursuivirent sans relâche. À titre d'exemples, rappelons les emblématiques crises du « renérendum » et du « beau risque » et, de nouveau, à chaque fois que surgissait la fort délicate question de choisir un chef capable de rallier tout le monde. Le chef est immanquablement perçu comme « trop provincialiste » ou soit « trop indépendantiste ». En fait, ce dernier cas ne concernera que Jacques Parizeau. Curieusement, les mêmes membres choisiront tour à tour des « chefs » aussi opposés que Pierre-Marc Johnson et Jacques Parizeau. Ils seront d'ailleurs tous les deux éjectés. Au final, on peut dire que la cohabitation des provincialistes et des indépendantistes n'a jamais été résolue, si ce n'est par la prépondérance indéniable des premiers sur les seconds. En d'autres mots, l'esprit de Lévesque l'emportait toujours sur celui de Bourgault, une constante dont on peut suivre la trace jusqu'à Jean-Martin Aussant qui claqua la porte en 2011.

Résumons. Dans un combat pour les droits et libertés nationales, au sein d'un État dont les faits remontent à 1663, plus de cent ans avant la conquête anglaise, un chef issu des « descendants des vaincus », - mots de Brown - qui ne peut être qu'un chef d'état major, devrait s'efforcer de fédérer toutes les forces, travailler à bâtir la confiance entre elles pour constituer un front commun patriotique le plus large possible. Au lieu de cela, René Lévesque a maintenu nos forces dans la division. Il a décidé en catimini, avec Claude Morin - qui de son propre aveu recevait de l'argent de la Gendarmerie royale du Canada pour des rencontres clandestines - de toutes les questions décisives : question référendaire douteuse de l'avis de tous (1979), absence de plan pour continuer ce combat, qui n'était qu'un début, en cas d'un « non » (1980), négociations constitutionnelles bâclées et catastrophiques (1981), lesquelles préfiguraient la nuit des longs couteaux et le rapatriement de la constitution (1982), qu'on refusa de contester, alors qu'on pouvait le faire de bon droit. Le navire amiral sans gouvernail se replia dans la soumission.

Parallèlement, notre état major, qui ne voulait pas assumer ses responsabilités, a provoqué la cristallisation des divisions internes par des parti pris de plus en plus clivant et obsessif justifiés par la hantise de l'extrémisme. Comment peut-on plaider la cause de René Lévesque et de son passif ? Je n'en sais rien. En tout cas, il est clair que l'atmosphère de méfiance rendait impossible un dialogue politique constructif chez les « descendants des vaincus ». D'où le délaissement des enjeux constitutionnels et statutaires, des questions qui demandaient pourtant qu'on s'y attarde. Plombée par ces carences, à l'opposé du camp fédéral, qui ne pensait qu'en termes stratégiques, la direction du PQ ne forma jamais un état-major politique digne de ce nom. De surcroît, chez les militants, tant membres que sympathisants, l'absence d'éducation politique de niveau acceptable vint compléter le portrait. C'est ce qui résume la vie misérable du PQ depuis cinquante ans.

Réussir partout sauf en politique

Il ne faudrait pas voir dans cette analyse un dénigrement du Québec et des Québécois. Bien au contraire. Tous savent que le Québec, fort de son identité francophone pluri centenaire, s'est distingué depuis la fin des années cinquante pour atteindre des niveaux d'excellence enviables dans le domaine des arts – cinéma, musique, théâtre – des sports, de la science et du monde des affaires. C'est en politique, domaine réputé pour être particulièrement difficile et ingrat, que le Québec a déçu toutes les attentes. En cinquante ans, nous avons réussi partout, sauf en politique ! Un constat qui s'imposa d'évidence avec la démission de Jacques Parizeau, à un moment clé d'un rapport de force tendu, certes, comme si la lutte politique avait le luxe de se payer des vacances. Déclarer si vite forfait était une capitulation inespérée qu'Ottawa n'attendait même pas. Chez les partisans, on attendait de Gaulle, on a eu la Bérézina.

L'histoire nous apprend que, s'agissant de Lévesque, de Bourassa - et son fameux discours patriotique répercutant l'échec de l'entente du lac Meech - ou de Parizeau, effondré, et de tous les autres, le rapport de force, lorsqu'il se tend, devient vite une charge insoutenable. Or, qui ne s'accroche pas avec la dernière énergie à se défendre dans les moments difficiles, quand l'objectif devient plus palpable et concret, met à risque toutes ses ambitions. Comme le dit si bien l'expression, l'histoire ne repasse pas les plats. C'est pourtant ce que nous apprend la légendaire pugnacité des Anglais ! Ou des Juifs ! Comme l'a si bien rappelé Lionel Groulx dans des pages bien inspirées dans lesquelles il nous les proposait en exemples.

Une histoire qui trébuche mais néanmoins inspirante

Notre histoire trébuche. Elle le fait avec une récurrente et lancinante incapacité d'agir avec fermeté au-delà du seuil qui met en cause le confort du statu quo. Nous sommes un peuple qui avait commencé d'atteindre un degré d'émancipation nationale enviable en 1663, mais sans pouvoir la consolider suffisamment avant la Conquête. Mais pour bien des Québécois qui se mêlent de politique, la modification du statut politique de la nation ne mérite pas une chicane de famille. C'est à la fois l'expression paradoxale de notre existence nationale et de sa faiblesse sur le plan politique. Il nous faut mesurer combien il est difficile de sortir du rang, de s'élever à un niveau jamais atteint, pour ceux qui n'ont jamais acquis dans leur histoire nationale, la tradition d'exercer le pouvoir et de le tenir pour leur propre compte. C'est ce qu'on appelle ailleurs l'État profond, un État permanent – qui n'a pas que du bon, nous le savons tous ! - qui assure la continuité en s'affirmant dans la durée. Ce manque d'atouts peut expliquer, sans toutefois excuser, tous ces combats abandonnés prématurément, avant leur véritable dénouement, par une direction politique immanquablement ramollie. Cela doit bien compter pour une bonne moitié de nos déboires.

Je me demande où se cache notre meilleure source d'inspiration. Elle se trouve peut-être dans l'histoire exceptionnellement inspirante de la Nouvelle-France. Un modèle sans égal dans les annales des colonisations européennes, comme le rappelle justement Madame Morot-Sir. Une exemplarité dénigrée à tort et à travers, et qu'on a même renoncé à transmettre. Serait-ce parce qu'il s'agit là d'une rare histoire d'alliances réussies et d'intrépides gagnants ? Plus récemment, elle se trouve aussi cette inspiration, cet encouragement, dans les éclatants succès que nous avons connus dans tous les domaines. C'est pourquoi, en dépit de notre piètre performance en politique, nous ne devrions pas nous contenter de ce petit pain d'un statu quo constitutionnel qui nous a été imposé par des autorités étrangères.

Le statut politique du Québec doit changer ! Et pour le changer nous avons de nombreux défis à relever. Sans tradition d'autonomie politique et sans enracinement dans la machine d'État, il nous faut faire notre glace en patinant, innover, et, surtout, travailler à briser le funeste réflexe qui nous porte à accrocher nos patins aux premiers signes de redoux.


Le poids de l'héritage de René Lévesque

Nous vivons aujourd'hui la continuité des positions prises à la fin des années 1960 et qui n'ont jamais évolué depuis. Tous les successeurs de René Lévesque ont repris son triste héritage sans jamais le remettre en question. La lignée se voit chez Bernard Landry, poussant Françoise David à fonder Québec solidaire (FPU) et, à son tour, chez Pauline Marois incapable de rallier l'indépendantisme de J M Aussant. Combien de fois Lévesque n'a-t-il pas poussé ses opposants vers la sortie ? Cette attitude, qui va de pair avec le peu d'importance que l'on accorde à la cause nationale, a encouragé l'institutionnalisation du PQ comme simple parti d'alternance provinciale. Les forces se sont forcément cristallisées, peu à peu, dans une véritable division nationale des Québécois. C'est à ces résultats déplorables, c'est à ces fruits indigestes qu'il nous faut juger de l'arbre péquiste.

Oui, les Québécois ont connu de belles occasions de se réjouir et de fraterniser en cinquante ans, dont ces magnifiques fêtes nationales sur le Mont-Royal. Mais pour ce qui est du fondamental, l'avenir politique du Québec, tout ce qui a trait au domaine du pouvoir et de nos droits, nous n'aurons connu que des échecs : le Canada, d'esprit multiculturel et protestant, sec et dépourvu de magnanimité, ne nous a jamais rien cédé. Il a même durci et consolidé sa position, resserrant son emprise sur notre destinée à chaque fois qu'il le pouvait, à mesure que notre poids démographique déclinait...


Parallèlement, il faut voir cette chute comme la conséquence de combats si mal planifiés qu'ils ne pouvaient conduire qu'à la défaite. Avec un bilan aussi traumatisant, pas étonnant que le Parti québécois veuille parler de n'importe quoi, sauf de souveraineté, cause pour laquelle sa cote de crédibilité n'a cessé de fléchir. Pas étonnant non plus que le discours politique sur notre destin national soit devenu si rachitique et cynique.  

vendredi 1 avril 2016

En marge de ma chronique ¨«Les musulmans» boucs émissaires¨

Vigile mettait en ligne cette chronique que j'écrivais le 1er avril 2016.

http://vigile.quebec/Les-musulmans-boucs-emissaires

Voici  un texte

http://www.philolog.fr/la-bresilianisation-du-monde/

que je reproduis sans le commenter, avec lequel je suis pour une bonne part en accord et partiellement en désaccord. En accord certes avec l'analyse qui est faite du bourgeois bohème et du naufrage de la gauche. Je le crois bien étayé et utile pour approfondir la réflexion.

Ce que je cherche à présent c'est une source crédible qui traite du fascisme. Non dans le sens galvaudé et employé trivialement, mais dans le sens originel, soit de l'absolu renoncement à la lutte des classes pour y substituer la lutte contre une menace intérieure ou extérieure fantasmée, exhibant  dans les deux cas la tendance à promouvoir un nationalisme étroit. Jusqu'à en arriver, comme aujourd'hui dans le cas de l'Ukraine post-maïkan, à fabriquer un univers nationaliste anachronique qui renoue sans gène avec l'Allemagne nazie et ses figures, comme au premier plan celle de Stephan Bandera.

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La brésilianisation du monde

carnaval de rio www.album-photo.net

  Il est bon de suspendre parfois le difficile travail d'appropriation des concepts. J'appellerai récréation ces moments de pause. Je désire aujourd'hui présenter un compte rendu d'un petit livre, d'accès très facile, que j'ai trouvé intelligent : La peste et l'orgie. Giuliano Da Empoli. Grasset 2005. 
Constat: L'auteur observe qu'il y a une mise en déroute du rationaliste progressiste dans son analyse du réel, depuis l'explosion des réality shows, des blogs, du populisme, du terrorisme, du retour du religieux etc. Celui-ci ne semble pas comprendre que son rêve d'un monde soumis aux exigences de la raison n'est qu'une illusion. D'où son indigence analytique, celle-ci se manifestant par un surcroît d'indignation.
  La thèse de l'auteur est que la civilisation occidentale avec son pari rationaliste et progressiste rencontre ses limites. Comme l'avait analysé Nietzsche, une grande civilisation est la synthèse réussie d'un fond dionysiaque et d'une mise en forme apollinienne.
  Or nous avons eu tendance à refouler Dionysos, le dieu de l'exubérance vitale, du chaos, du fond obscur et tragique de l'existence. Nous avons cru au progrès, à une finalité de l'histoire, aux vertus d'une raison conquérante et libératrice. La faillite des idéologies, les horreurs du 20° siècle ont sonné le glas de ces vaines espérances.
  A l'opposé des tentations occidentales, dans la version esprit des Lumières, la vitalité dionysiaque est la réalité immémoriale du Brésil : passion sensuelle, histoire abolie dans l'apothéose de l'instant carnavalesque, rire de la transe ou énergie de la danse, existence comme sensation et spectacle, violence et jouissance.
   L'auteur établit que le monde contemporain est en voie de brésilianisationaccélérée, entendant par là : « une samba frénétique où un pôle carnavalesque, fait d'expression corporelle et de théâtralité, de grandes célébrations et de métissage, entre en résonance avec un pôle tragique fait de risques et de violences, d'astrologie et d'un fatalisme qui, à son tour, trouve à s'épancher dans le carnaval, contribuant à alimenter une spirale inépuisable oscillant constamment entre l'orgie et le massacre, côtoyant le sublime et l'obscène jusqu'à les fondre dans un rythme unique et incessant ».
  La réflexion de Giuliano da Empoli consiste donc à pointer les différentes caractéristiques de ce qu'il appelle la brésilianisation.
  Je relève celles qui me paraissent les plus emblématiques du phénomène :  

  La démocratisation de l'orgie.

 

   Le goût des plaisirs et, en particulier, des plaisirs interdits n'est pas une nouveauté. Il est aussi vieux que la nature humaine puisque les pulsions instinctives appartiennent à notre condition, d'une manière bien plus évidente que les tendances spirituelles ou morales. La nouveauté tient seulement au fait que les plaisirs, autrefois réservés à une élite, intellectuelle ou autre et soigneusement dissimulés aux yeux du profane sont désormais le lot de masses de plus en plus nombreuses. En témoigne le fait que la pornographie comme genre a disparu ; elle s'est diluée dans une culture de masse communément acceptée. Au début des années 90 on a ainsi assisté à la grande fusion entre éthique bourgeoise et culture bohème. La contre culture s'est réconciliée avec les impératifs de l'entreprise (création d'entreprises de design, de publicité permettant de gagner de l'argent tout en se prévalant d'un esprit rebelle). La culture officielle s'est mise à recycler commercialement les éléments dadas, nihilistes, underground de mouvances jusqu'alors marginales et ennemies du monde capitaliste. Au fond, s'est opérée l'institutionnalisation de la subversion. Ce qui était contestation est devenu le propre du monde branché, le bourgeois bohème, la quintessence de la civilisation occidentale avec son culte des plaisirs, en particulier celui de la table, son culte du corps et son goût de l'ivresse collective (les grandes messes sportives, artistiques, politiques). La télévision est évidemment l'instrument par excellence de cette atmosphère où l'émotion l'emporte sur la raison. Elle permet la propagation rapide de véritables épidémies thématiques.  « La lecture est un acte éminemment individuel, presque antisocial. Les mass média créent au contraire, une atmosphère complètement différente, fusionnelle, favorable à la naissance de nouvelles dispositions sociales  dominées par de nouvelles élites ».

 La nouvelle superclasse.

       Traditionnellement la caractéristique d'une élite est de se poser en modèle de bonne société offert à l'admiration des contemporains. La forme la plus patente d'admiration est l'imitation ou en termes consacrés, depuis les analyses de René Girard, le mimétisme. Traditionnellement encore, ce qu'on appelait élite incarnait des idéaux, des valeurs imposant un contrôle de soi, une sublimation des tendances primaires ou vulgaires. L'auteur utilise la division freudienne du psychisme entre ça, moi et surmoi, pour dire que les élites traditionnelles étaient des élites surmoïques, à l'intérieur desquelles le Moi tend à s'identifier au surmoi et à réprimer le ça. Désormais les nouvelles élites sont issues du show business. La valeur dominante est de parvenir à attirer l'attention du public. A l'inverse des anciennes élites dont la réussite était proportionnelle aux capacités de travail, d'auto contrôle et de dissimulation, les qualités inverses sont requises pour faire partie de l'élite actuelle: se laisser aller plutôt que se retenir, donner libre cours aux pulsions instinctives. J Hallyday n'est jamais aussi populaire que lorsqu'il casse les chaises. Zidane que lorsqu'il pratique le coup de boule, l'intellectuel si spirituel que, lorsqu'avec Catherine Millet, il décrit sa vie sexuelle etc. Il s'agit d'être célèbre or une vie de star est une vie où l'on peut tout se permettre, où l'argent est roi, où il ne s'agit que de briller, fût-ce l'espace d'un instant. D'où l'idéal de l'homme contemporain : passer à la télévision, ne serait-ce que quelques instants.

 L'éloge du métissage et de la culture populaire.

   Les élites traditionnelles brésiliennes se caractérisaient par un sentiment de honte à l'endroit du métissage de leur société. Cette honte les portait à imiter les modèles européens et à produire un art sans vitalité et originalité. Le renouveau est venu d'une exaltation de l'identité brésilienne désormais fière de ce qu'elle est : exubérante, populaire, métissée. D'où un double mouvement : à l'horizontale, une tendance à combiner cultures, traditions, et matériaux provenant d'origines différentes, à la verticale, une tendance chez les élites culturelles à puiser dans ce vivier les sources de leur créativité. On peut dire que la vogue de « l'ethniquement ambigu », du mélange des races et des cultures, de la contestation des hiérarchies et du «  tout est culture » s'est exportée dans le monde entier. Nous vivons l'ère du syncrétisme dans  tous les domaines : religieux, artistique, politique, philosophique etc.

 Le carnaval, contrepartie du sens du tragique, l'orgie contrepartie de la peste.

   Aux antipodes de l'optimisme historique des Lumières, nous avons renoué avec le sentiment du primat du destin sur la volonté humaine. L'irrationnel fait la nique à la rationalité, la violence urbaine, les inégalités résistent à nos efforts pour les juguler. La volonté humaine n'est pas toute puissante. Nous redécouvrons la vérité tragique du réel et l'orgie, l'exaltation de l'instant, le carnaval deviennent, comme aux époques des grandes pestes, une manière de domestiquer la peur et de consentir au fatum.
    Le livre s'achève sur une condamnation sévère du discours de l'intellectuel progressiste, (de gauche comme il se doit).
  Il est accusé d'être paradoxalement trop prompt à condamner la dimension dionysiaque de l'époque, celle qui offre pourtant des possibilités de liberté inédites, à condition de mieux la maîtriser alors qu'il est fort complaisant à l'égard de la dimension tragique de notre monde. Comme hier à l'égard de l'horreur totalitaire communiste, il témoigne d'un aveuglement  criminel à l'endroit des vraies menaces, celle en particulier du fascisme islamique parce que la haine de soi qui le caractérise (haine de l'Occident, libéral, capitaliste) transforme en victimes ce qu'il faudrait condamner sans concession. « Sa censure indignée s'abat implacablement sur toutes les formes d'effervescence. Hédonisme et consommation de masse, soin du corps, exhibitionnisme télévisuel et culte de la célébrité, nouvelles croyances et spiritualité à usage personnel : toutes ces formes suscitent la réprobation de l'intellectuel progressiste. En revanche il réserve son indulgence aux phénomènes qui peuplent les cauchemars des Occidentaux : en premier lieu le terrorisme international et la criminalité urbaine ». L'auteur voit dans cette attitude, la raison de la mise hors jeu de l'intellectuel dans le présent. La gauche européenne retrouvera du crédit lorsqu'elle sera plus en harmonie avec la brésilianisation propre à la société, ce qui semble être l'art maîtrisé par celui que le progressiste appelle trop rapidement le populiste.
  Da Empoli porte au crédit de la brésilianisation l'avantage d'être le meilleur rempart contre le totalitarisme et non comme le prétend l'intellectuel progressiste une des ses expressions molles.
  «  Quand il s'élève contre les manifestations du carnaval de masse, le progressiste oublie cette simple leçon : tout ce qui renforce l'attachement des individus à la vie, dans sa simple manifestation quotidienne, diminue les chances de succès d'idéologies totalitaires qui demandent, pour une raison ou pour une autre, de sacrifier le présent pour bâtir un avenir radieux ».
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mardi 16 février 2016

Duplessis et la révolution tranquille

À propos du duplessisme et de la révolution tranquille


Document 1

Jean-Claude Dupuis la Révolution tranquille a eu plus d'effet sur notre identité que la Conquête» 

«La Révolution tranquille (1960-1970) est le mythe fondateur du Québec contemporain. Le terme «mythe» doit s’entendre ici au sens d’un récit symbolique, fondé sur une certaine réalité, mais qui porte une vision du monde et des valeurs universelles. Selon l’historiographie dominante, la Révolution tranquille aurait été un mouvement de modernisation et de démocratisation de la société québécoise. Le Québec serait alors sorti de la Grande Noirceur duplessiste pour s’ouvrir au monde. C’est l’acte de naissance d’un nouveau peuple, les Québécois : un peuple nord-américain, libéral et francophone, qui aspirait à l’indépendance au nom du nationalisme territorial. Rien à voir avec les anciens Canadiens français, qui fondaient leur nationalisme ethnique sur la foi catholique et la culture française classique. La Révolution tranquille a changé l’âme de la nation qui habitait la vallée du Saint-Laurent depuis le XVIIe siècle. Du point de vue identitaire, elle a eu un impact plus considérable que la Conquête anglaise de 1760.

Pour saisir la nature de ce changement, il suffit de comparer la description de la culture canadienne-française dans le Rapport Tremblay (1956) avec celle de l’espace identitaire québécois dans le Rapport Bouchard-Taylor (2008). Le Québec était, en 1956, un peuple français fondé sur la foi chrétienne; il était devenu, en 2008, un espace interculturel fondé sur les droits de la personne.
«La culture canadienne-française est, en effet, une forme particulière de l’universelle conception chrétienne de l’ordre et de l’homme. La France de tous les temps, surtout celle des débuts du Canada, est une des réalisations les plus authentiques de la conception chrétienne de la vie et de la civilisation. C’est pourquoi né français, le peuple canadien est né chrétien, et c’est pourquoi dans la mesure où, au long de l’histoire, il a vécu en profondeur sa culture d’origine, il s’est affirmé peuple d’esprit chrétien. Quant au génie français (…), on reconnaît généralement qu’il est du type rationnel, enclin au raisonnement. (…) La culture canadienne-française, variante américaine du type originel [français], est [qualitative, spiritualiste, personnaliste et communautaire].» – Rapport Tremblay (1956)

«L’identité héritée du passé canadien-français est parfaitement légitime et doit survivre, mais elle ne peut plus occuper à elle seule l’espace identitaire québécois. Elle doit s’articuler aux autres identités présentes dans l’esprit de l’interculturalisme, afin de prévenir la fragmentation et l’exclusion. Il s’agit, en somme, de nourrir de symbolique et d’imaginaire la culture publique commune, qui est faite de valeurs et de droits universels, mais sans la défigurer. (…) C’est un apprentissage difficile qui a commencé dans les années 1960 et qui, visiblement, n’est pas encore achevé.» - Rapport Bouchard-Taylor (2008)»

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«Selon l’historiographie officielle, le Québec de 1960 accusait un retard sur l’Ontario en matière d’éducation. Plusieurs auteurs affirment ou laissent entendre que c’était à cause de «l’obscurantisme» du clergé catholique, qui dirigeait alors le système scolaire, tant public que privé. Ce fait est contestable et il devrait être réétudié par des historiens moins biaisés par les préjugés anticléricaux issus de la Révolution tranquille. Si le Québec avait un retard éducationnel en comparaison de l’Ontario (et ce fait reste à prouver), c’était probablement à cause de son retard économique par rapport à une province qui a toujours été l’enfant chéri du gouvernement fédéral, et non pas à cause du caractère catholique de son système d’éducation. D’ailleurs, le Québec avait fait d’énormes progrès éducatifs sous le régime Duplessis. En 1959, les écoles primaires étaient de bonne qualité et largement accessibles, ce qui n’était le cas en 1936. Les Allemands venaient étudier le fonctionnement de nos écoles de métiers pour réformer leur propre système scolaire. Nos collèges classiques suscitaient l’admiration des Américains pour leur haut niveau culturel. Les universités étaient en pleine croissance. L’Université Laval a ouvert son nouveau campus à Sainte-Foy en 1952; l’Université de Sherbrooke a été fondée en 1954; l’Université de Montréal a créé un grand nombre de facultés et de départements nouveaux dans l’après-guerre. Les écoles normales de ce temps formaient sans doute de meilleurs enseignants que les prétentieuses facultés des sciences de l’éducation d’aujourd’hui.»

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«Le bilan de la Révolution tranquille est largement négatif, même du point de vue des idéaux qui l’animaient. Les Québécois francophones contrôlent-ils davantage leur économie? Non, et le mondialisme est en train de balayer les maigres succès du Québec Inc. Le Québec a-t-il réalisé son indépendance? Non, et les jeunes sont de moins en moins nationalistes. Le Québec a-t-il obtenu plus d’autonomie dans la Confédération canadienne? Non, et les Canadiens anglais ne se donnent même plus la peine de se demander «What does Quebec want?» La langue française est-elle en meilleure posture? Non, le visage linguistique de Montréal est aussi anglophone qu’en 1920, bien que ce soit désormais au nom de l’ouverture sur le monde plutôt qu’au nom de l’empire britannique. Les Québécois sont-ils plus instruits? Non, ils sont plus diplômés, mais le niveau des études s’est effondré. Les Québécois sont-ils mieux soignés qu’à l’époque où les religieuses géraient les hôpitaux? Non, et le Dr Barrette n’améliorera pas les choses. La culture québécoise est-elle plus riche? C’est une question de goût, mais je préfère la Bolduc à Céline Dion et Soirée canadienne à Star Académie. Dans leur vie personnelle et familiale, les Québécois sont-ils plus heureux aujourd’hui qu’avant 1960? J’en doute.»


http://www.tradition-quebec.ca/2015/06/le-mythe-de-la-revolution-tranquille.html

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Document 2

Sur l'évolution des budgets et des dépenses publiques au Québec dans le contexte de la Révolution tranquille.

Titre : Le processus budgétaire au Québec
Guy Lachapelle, et al.

«...la progression fulgurante des dépenses de l'État québécois après 1960. En dollars courants, de 1960 à 1999, les revenus et les dépenses ont été multipliés par 76.»  «... la capacité d'agir de l'État s'est grandement accrue. Duplessis avait pris sept ans, de 1945 à 1952, pour doubler son budget total alors que dès 1965, le gouvernement Lesage a plus que doublé son premier budget, celui de 1961.» (p. 13)

«L'essence de la modernisation c'est le transfert de pouvoir de la société civile vers l'État»

«Le nombre d'ordinations de prêtres est passé de 117 en 1961 à 17 en 1987, le nombre de psychologues en pratique privée a, pour sa part augmenté en passant de 179 à 680 pour 100 000 habitants.»

«De 1961 à 1987, le taux de suicide par 100 000 habitants a bondi de 6,6 chez les hommes à 28,2» (p.19)


https://books.google.ca/books?id=DlKgxicE7UkC&pg=PA11&lpg=PA11&dq=budgets+r%C3%A9volution+tranquille&source=bl&ots=Jb3scnU6kF&sig=eg_1u4QmdWDPLiXX7GGj6B9W3mE&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjggamtwfzKAhUIej4KHXRDAfwQ6AEIODAE#v=onepage&q=budgets%20r%C3%A9volution%20tranquille&f=false

Document 3

Le nationalisme autonomiste hostile à toute intervention fédérale de Duplessis ne trouvera pas grâce auprès de ceux qui le suivirent dans la Révolution tranquille. Pourtant leur nationalisme s'inscrivait dans la même lignée, avec peut-être moins d'intransigeance dans l'interventionnisme fédéral. Pierre Fortin, se refuse à l'idée que le faible endettement du Québec par rapport à l'Ontario constituait un cadeau que Duplessis laissait à ses successeurs pour faciliter les investissements majeurs qui suivirent.

http://www.economistesquebecois.com/files/documents/at/35/txt-membres-du-cpp-pierre-fortin-11-mai-2010.pdf
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La Révolution tranquille et l’économie : où étions-nous, qu’avons-nous accompli, 
que nous reste-t-il à faire ?
Conférence présentée dans la série « La Révolution tranquille, 50 ans d’héritages »
à la Grande Bibliothèque, Montréal, 11 mai 2010
Pierre Fortin
Université du Québec à Montréal

« J’ai confiance que les Canadiens français rateront encore une fois le tournant. »
Pierre Trudeau (janvier 1960)

En 1960, après avoir pris si longtemps à se remplir, les écluses ont sauté. La Révolution tranquille a frappé le Québec comme un torrent. La citation qui apparaît ci-dessus indique que tous ne s’y attendaient pas. Où étions-nous ? On perçoit habituellement l’avènement de la Révolution tranquille comme sonnant le réveil économique du Canada français. (...) Mais l’idée que ça n’allait pas bien avant ne fait pas l’unanimité. Où étions-nous avant 1960 ? Mon confrère et ami Jean-Luc Migué a écrit, il y a 12 ans :
« De toute son histoire moderne, depuis la fin du 19e siècle, le Québec a vécu une croissance forte, parallèle à celle de l’Ontario. La période immédiatement antérieure à la Révolution tranquille se distingue même comme l’une des plus prospères de toute l’histoire. »

La figure 1 expose les deux inexactitudes que contient cette affirmation de Migué, qui n’a sans doute pas eu accès aux données aujourd’hui disponibles. La courbe trace l’évolution du rapport entre le revenu réel par habitant d’âge actif du Québec et celui de l’Ontario de 1926 à 1961. Quand ça baisse, le Québec fait moins bien que l’Ontario; quand ça monte, c’est le contraire. Premièrement, on y observe que, loin d’être parallèle à celle de l’Ontario, la croissance du Québec a subi une dégringolade magistrale pendant la Crise et la Guerre. En 1929, le Québec tirait de l’arrière de 10 % sur l’Ontario; en 1946, le retard du Québec avait grimpé à 21 %. Deuxièmement, il est vrai que, de 1946 à 1960, l’économie québécoise progressait bien dans l’ensemble, étant portée par l’expansion nord-américaine. Mais l’Ontario avançait aussi vite, de sorte que, sous le régime Duplessis, le Québec n’a jamais réussi à regagner le terrain perdu avant 1945.

La figure 2 indique que ce n’est pas la seule indication de la faiblesse comparative de l’économie québécoise de l’époque. En Ontario, le taux d’emploi global des 15-64 était passé de 59 % en 1931 à 63 % en 1961. Or, le Québec avait connu le mouvement 2 inverse : parti du même taux de 59 %, il avait au contraire chuté à 54 % en 1961. Cette baisse est considérable : en termes de 2010, cela équivaudrait à une perte de 160 000 emplois. La figure 3 complète le portrait de l’emploi en montrant que notre population active se féminisait, mais qu’elle le faisait plus lentement que l’Ontario, et avec un retard croissant à mesure que la décennie 1950 avançait. La pénurie d’emploi était flagrante. Elle fut par la suite l’une des grandes préoccupations du gouvernement Lesage. La sous scolarisation n’aidait pas.

Le tableau 1 établit qu’en 1960 seulement un tiers de nos jeunes adultes de 25 à 34 ans avaient un diplôme en poche, contre plus de la moitié en Ontario. Et seulement 5 % des jeunes de cet âge avaient un diplôme universitaire au Québec, soit moitié moins qu’en Ontario. Comme on sait – le tableau le confirme –, notre fréquentation scolaire avait commencé à augmenter dans les années 1950. Mais on voit bien que le retard à combler était encore très grand.

Le tableau 2, lui, montre qu’en 1961 la situation économique des « Canadiens français du Québec » n’était guère différente de celle des Noirs américains. Les hommes noirs complétaient 11 années à l’école, les « Canadiens français », 10 années, soit une de moins. Le salaire moyen des hommes noirs américains équivalait à 54 % de celui des hommes blancs américains; au Québec, le salaire moyen des hommes francophones unilingues équivalait à seulement 52 % de celui des hommes anglophones, bilingues ou unilingues. Lorsque l’écrivain Pierre Vallières nous a appelés « nègres blancs d’Amérique » en 1968, on l’a évidemment accusé d’exagérer. Mais, en fait, il clamait l’exacte vérité. La position relative des nôtres n’était pas meilleure que celle des Noirs américains. Il faut, de toute urgence, réhabiliter Vallières.

Comment les finances publiques du Québec se comparaient-elles à celles de l’Ontario à l’aube de la Révolution tranquille ? Le tableau 3 aide à y voir clair. Si on consolide les budgets provincial et municipaux – ce qui est nécessaire parce que les compétences n’ont jamais été exactement les mêmes dans les deux provinces –, on arrive à la conclusion, qui sera sans doute surprenante pour plusieurs, que l’État québécois taxait et dépensait un peu plus que son pendant ontarien en 1961. La dette accumulée par la province était cependant beaucoup moins lourde chez nous chez notre voisin. Fin 1961, elle équivalait à 14 % du revenu intérieur au Québec et à 21 % en Ontario. La conséquence au Québec était des infrastructures provinciales honteusement déficientes en santé, en éducation, en culture et en transport. On fait parfois valoir que le faible niveau d’endettement de la province serait une sorte de cadeau que Maurice Duplessis aurait fait aux révolutionnaires tranquilles. Il s’agit évidemment d’un sophisme. [mon surlignement]

Le cadeau de Duplessis fut le retard à investir dans ces infrastructures et les conséquences négatives que cela entraînait pour notre développement. Cadeau de Grec.

[Ma question : si la taxation était légèrement plus élevée au Québec qu'en Ontario, le taux d'endettement de l'État la moitié de celui de l'Ontario (avant 1961), le seul reproche que l'on peut faire à Duplessis c'est de ne pas avoir suffisamment ouvert le Québec aux marchés de l'emprunt, d'avoir été conservateur en gérant le Québec selon ses moyens. Dans ce cas, la confirmation de la mise au diapason du Québec aux marchés financiers nord-américains est implicite.Or, l'obsession d'aujourd'hui n'est-elle pas que le fardeau de la dette entrave le développement du Québec ? Que le fardeau fiscal sur la population est presque de moitié au service de la dette ? Qu.on nous oblige à une austérité plus ou moins sévère ? Le Québec est-il plus ou moins indépendant qu'il ne l'était sous Duplessis ?]

Résumé
En résumé, dans les années 1950, l’économie québécoise était portée par l’expansion nord-américaine et progressait à peu près au même rythme par habitant que l’économie ontarienne. Mais nos salaires et notre niveau de vie, qui avaient dégringolé antérieurement, restaient bien inférieurs et ne manifestaient aucun signe de rétablissement. Le taux d’emploi de nos hommes se détériorait et celui de nos femmes accusait un retard croissant sur celui des femmes ontariennes. Nos jeunes étaient terriblement sous-scolarisés. Le sort des francophones du Québec était comparable à celui des Noirs américains. L’État québécois n’était pas inactif, mais il sous-investissait gravement dans les infrastructures.


Document 5

On lira ici le point de vue de Jacques Beauchemin

http://www.ledevoir.com/culture/livres/334156/essais-quebecois-faut-il-en-finir-avec-la-revolution-tranquille


Document 6

«Face à l'étranglement financier dont le gouvernement du Québec fut victime en 1939, Duplessis, à son retour en politique en 1944, fit de l'autonomie fiscale une priorité. Il refusa en 1951 que le fédéral finance les universités québécoises et mit en place la commission Tremblay en 1953 pour dénoncer les ingérences fédérales dans le domaine des compétences du Québec.

Il y a 50 ans, face au déséquilibre fiscal, le gouvernement de Maurice Duplessis, à la surprise générale, faisait voter le 24 février 1954 un impôt provincial sur le revenu des particuliers de 15 % et exigeait d'Ottawa que cet impôt soit déductible de l'impôt fédéral.»

«Grâce à ce nouvel impôt créé en 1954, les grandes réformes de la Révolution tranquille furent rendues possibles.»

http://www.ledevoir.com/non-classe/60843/duplessis-face-au-desequilibre-fiscal-l-impot-quebecois-de-1954