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jeudi 8 août 2019

"Québécois n'avait pas d'histoire", F-A Angers

Changer d'identité est un pari risqué pour toute nation. L'oser dans le cas d'une petite nation privée de reconnaissance et d'égalité politiques était lourd de responsabilité. 




Les pionniers de la "québécitude" prenaient donc un pari risqué. En rejetant une identité canadiEnne forgée par les tribulations de l'histoire, la crédibilité de leur projet ne tenait que par la promesse d'une réussite imminente, qui soulevait d'ailleurs l'enthousiasme. Cinquante ans plus tard, non seulement les résultats n'y sont pas, mais la "québécitude" nous aura valu un recul inédit face au Canada anglais. Les circonstances sonnent le rappel de notre identité historique.
Le chroniqueur Steve E. Fortin rapporte ce matin que pour la Commission des communautés culturelles du PLQ : 
« Nous sommes francophones, nous sommes tous des Québécois et nous sommes multiculturels ». 

Il faut leur répondre que si nous sommes tous Québécois, membres de ce grand fourre-tout multiculticulturel, nous ne sommes pas tous des Canadiens-français. La nation fondatrice du Canada ne doit pas être la dernière minorité à s'organiser, à revendiquer sa place et son identité. 
C'est ce que le multiculturalisme officiel nous impose. 
Le Québec aux CanadiEns !  


*   *   *

 Québécois n'avait 
pas d'histoire !
« ... ils n'ont pas assez tenu compte que l'expression "Québécois", elle, n'avait pas d'histoire et que tout le monde, ne la comprenant pas ou se refusant même à la comprendre comme eux, allait nous engager dans une lutte de signification de ce qu'est un Québécois. Tant que nous nous disions Canadiens-Français, personne d'autres que nous ne pouvait s'identifier à notre histoire, à nos droits, sans accepter de s'identifier à nous, tels tant de Canadiens-Français qui portent effectivement des noms anglais, irlandais ou écossais. »

François-Albert ANGERS
Analyse du référendum de 1980 II
Revue L'Action nationale
https://gilles-verrier.blogspot.com/2018/10/en-1980-francois-albert-angers-plaide.html

mercredi 31 octobre 2018

mercredi 10 octobre 2018

mardi 10 avril 2018

Bourassa s'est écrasé - Ils se sont tous écrasés dans une sous-performance généralisée

Comment Bourassa - dans un cas d'école de démission égal à celles du PQ - nous donne par l'intermédiaire d'acteurs directs (André Tremblay et Diane Wilhelmy) la mesure de ce qu'il faut de préparation et de détermination - sans compter la nécessité d'organiser l'appui populaire -  pour tenir le fort, faire face à la machine de guerre canadienne, dans des négociations constitutionnelles. Le problème de la sous-performance constitutionnelle chronique du Québec, de sa négligence dans la préparation de sa défense, forme la trame des événements officiels qui marquent nos reculs historiques depuis la Confédération. Il est clair que Lévesque, Bourassa et Parizeau n'étaient pas de taille. Ils n'avaient ni la préparation mentale ni le dispositif politique pour affronter ces ogres. Comme Gorges-Étienne Cartier, ils se sont faits bouffer tout rond. Le PQ actuel et singulièrement le tout frais programme politique du Bloc québécois reprennent le paradigme des perdants.

samedi 17 mars 2018

La « nation québécoise » cinquante ans plus tard : un marché de dupes au profit des « Rhodésiens »

Toute nation encore en santé est constituée d'un noyau ethnique auquel se joignent des individus provenant de tous les horizons. La nation moderne est un produit de la civilisation,  une communauté de conscience, une parenté spirituelle. [1]

mardi 23 janvier 2018

Arbour - cessons d'être des colonisés - extraits

Cessons d'être des colonisés !

ARBOUR, J. Maurice, Presses de l'Université Laval, 2015, 242 pages
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Le combat de la décolonisation 

Chapitre 3 
C'est dans le contexte du problème canadien, c'est-à-dire du problème global des rapports conflictuels entre les vaincus et les vainqueurs de 1760, des victoires et des défaites des colonisés d'ici, à travers la contrainte armée et la loi du nombre (233/75 en 2015) qu'à la fin des années 1950 et au début des années 1960, des intellectuels québécois ont discuté du colonialisme et de la nécessaire décolonisation du Québec. On y parle domination politique, économique et culturelle.

lundi 30 octobre 2017

Avec  le trentième anniversaire de la mort de René Lévesque et les  cinquante ans du Parti québécois en 2018, comment redonner aux Québécois francophones un rapport de force favorable, condition indispensable à tout changement de statut politique ?

L'HÉRITAGE DE RENÉ LÉVESQUE, UN ÉCHEC POLITIQUE QUI SE PROLONGE


Les revendications du Québec ne sont plus prises au sérieux par personne, ni au Canada ni ailleurs dans le monde. C'est peut-être que toute l'affaire n'a jamais été considérée comme sérieuse ? Dans le but d'alimenter le débat sur l'avenir politique du Québec, je propose une réévaluation des événements qui ont marqué un demi siècle de péquisme. Cinquante ans au cours desquels le statut du Québec a été modifié à son désavantage. Il y a encore beaucoup de déni concernant cet échec et bien des préjugés sur ses causes qui, malgré l'évidence, sont encore entretenus par une certaine élite politique et le milieu universitaire. Trouver des explications appropriées à ce qui fut une dégringolade de notre potentiel d'affirmation nationale nous semble indispensable. À défaut, comment pourrait-on reprendre l'offensive en faveur de nos droits et libertés ? Voici un rappel historique chevillé aux faits et dépourvu d'esprit partisan. Un condensé de cinquante années de péquisme.
Les années péquistes

L'option de René Lévesque

Le Parti québécois a été fondé sur l'idée de réaliser une forme de souveraineté-association avec le Canada. Son orientation constitutionnelle aboutissait à une refonte du fédéralisme, ce que René Lévesque écrit dans son livre  Option Québec. Pour le Québec, c'était « jouir d'un minimum vital d'autonomie interne » dans le cadre d'une union monétaire et économique avec le Canada. Le pays réformé prendrait pour nom l'Unité canadienne. Cinquante ans plus tard, la confusion continue de régner sur les véritables objectifs constitutionnels de ce parti dans bien des esprits, notamment chez ses dirigeants. Il est clair pour quiconque se donne la peine de repasser le fil des événements qu'une orientation indépendantiste bien comprise, si on respecte le sens des mots, n'a jamais prévalu au sein du PQ, et ce, même du temps de Jacques Parizeau. Au moment du référendum de 1995, ce dernier pouvait compter sur les doigts de la main les appuis au sein de son cabinet. Tous les autres étaient déjà passés dans le camp de Lucien Bouchard, prêt à passer le rouleau compresseur d'une austérité bien provinciale et, surtout, à oublier les folies constitutionnelles des dernières années. C'est ce que me rappelait récemment Richard Le Hir, lequel avait été nommé ministre à la Restructuration à l'époque.
Le parcours du PQ, sous la gouverne de René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, André Boisclair, Bernard Landry, Lucien Bouchard n'est pas, et n'a jamais été, indépendantiste ; à moins de se laisser duper par quelques déclarations patriotiques pour sauver les apparences ou se duper soi-même. Comme le fait, pour citer un exemple, cette vidéo d'Option nationale, qui commence avec cette perle : « Lors de nos deux récentes tentatives d'accéder à l'indépendance...». Ainsi, réclamer un mandat pour négocier la souveraineté-association devient, par la magie des mots, une « tentative d'accéder à l'indépendance ». Une déformation de la vérité qui sévit encore, après cinquante ans, et qui est d'autant plus révélatrice qu'Option nationale se targue d'avoir fait plus que quiconque ses devoirs sur la question nationale.

Qu'on ne soit jamais parvenu à faire consensus sur les orientations essentielles du PQ constitue une faiblesse qu'il a lui-même contribué à entretenir. Naviguer sans fixer de cap, quel qu'il soit, et le tenir, est pour un « navire amiral » la source de toutes les dérives. Les reculs successifs que ce parti a fait subir au Québec depuis cinquante ans nous sont laissés en héritage.

Une ambiguité constitutionnelle jamais surmontée

« Je ne blâme point ceux qui désirent dominer, mais ceux qui sont trop disposés à obéir »
(Hermocrate de Syracuse, cité par Thucydide 4, 61, 5)

L'ambiguïté constitutionnelle insurmontable du PQ s'expliquerait par deux raisons.
La première se situe dans l'opposition entre le Québec et le Canada. Le Parti libéral du Canada et les fédéralistes de tout bord n'ont jamais ménagé les efforts pour accoler au PQ l'étiquette péjorative de « séparatisss... », et de « parti qui veut briser le Canada, le plus beau pays du monde ». Cette propagande martelée sans arrêt avait pour but de préserver le statu quo en peignant le PQ sous les traits les plus repoussants. Bien que dépourvu de rigueur sémantique, ce braquage a toujours rapporté gros dans les urnes et, surtout, à l'occasion des deux référendums. Si les chefs fédéralistes à Ottawa n'ont jamais voulu d'une séparation, ils ne voulaient pas davantage d'une réforme qui aurait octroyé des droits politiques égaux aux « descendants des vaincus », comme George Brown, - véritable père de la Confédération (1867) l'avait promis lors des débats parlementaires sur la Confédération. C'est par leur démagogie tapageuse contre le « séparatisme » que les fédéralistes, bien en selle à l'offensive, sont parvenus à faire oublier leurs promesses constitutionnelles mille fois brisées depuis 1867. Bien des péquistes, novices en matière constitutionnelle, se laissent prendre à ce jeu de propagande, avalant à leur tour la méprise que leur parti était prêt pour l'indépendance. Une thèse rarement démentie dans un sens ou dans l'autre, laissant commodément planer toutes les équivoques.

La deuxième raison se situe dans le camp autonomiste et, à ce titre, mérite la plus grande attention. Elle part de l'étonnante dissolution du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), une décision dans laquelle il est difficile de voir d'autre motif que celui de servir l'unité nationale. L'esprit du temps - plus optimiste qu'aujourd'hui ! - portait à une union moins partisane du camp national afin de donner plus de poids à la volonté du Québec de se réaliser selon ses propres intérêts. Cette dissolution était un moyen de dernier recours pour réaliser l'unité, suite au refus réitéré de René Lévesque de considérer tout projet de fusion entre les deux partis. Le Ralliement national (autre parti souverainiste à l'époque) avait déjà rejoint Lévesque. Alors pourquoi le RIN ne le pourrait-il pas ?

Le RIN, fondé au début des années 60, avait fait un bon bout de chemin dans sa réflexion constitutionnelle avec Marcel Chaput, lequel n'entretenait aucune illusion sur le Canada. Contrairement au PQ, il revendiquait l'indépendance pure et simple comme solution nationale. Au-delà de la question constitutionnelle, les positions du RIN sur les questions linguistique et sociale indisposaient grandement Lévesque. C'est pourquoi il ne voulait rien entendre de ce parti. Mais si, selon lui, une fusion n'était pas possible avec le RIN, comme elle l'avait été pour le RN, pourquoi fallait-il proscrire tout dialogue stratégique entre ces deux entités du camp national ? N'était-il pas hautement souhaitable de favoriser un maximum de cohésion ? Une attitude inspirée par un rassemblement purement stratégique n'aurait-t-elle pas permis de sortir de cet imbroglio par le haut, au bénéfice de l'avenir politique du Québec ? Mais l'intransigeance de René Lévesque, qui avait brillé antérieurement chez les libéraux provinciaux, y mit un frein.

Les membres du RIN rejoignirent donc le PQ, mais un à un, amenant avec eux des convictions indépendantistes qui contrastaient avec celles des « ex-libéraux progressistes » de René Lévesque. De ce mariage forcé - désiré par Pierre Bourgault et combattu sans succès par d'autres au RIN - résulta une froide cohabitation entre des « indésirés » et des « légitimes ». Cette relation difficile éclata au grand jour lorsque l'on vit la mine déconfite d'un René Lévesque écoutant le discours de Bourgault au Congrès de 1971. À toutes fins utiles, Bourgault, qui restait un chef charismatique remarquable, ne sera malheureusement jamais accepté par la direction du parti.

On pourrait aussi y voir une affaire de personnalités : Bourgault n'avait-il pas eu la maladresse de qualifier Lévesque de « maudit épais » ? Mais c'était, bien au-delà des personnalités, l'expression la plus visible de ce qui était devenu une friction continue entre deux approches politiques face à l'avenir politique du Québec. Bref, c'est celui qui doutait de tout et de lui-même qui ouvrira la marche et mènera les troupes au combat, avec Bourgault, représentant ceux qui ne doutaient pas, sur le banc des punitions. À Ottawa, le général en chef s'en réjouissait.

Une affaire bâclée aux graves conséquences

Cette affaire bâclée va marquer le PQ pour les décennies à venir. D'abord, le geste d'abnégation patriotique qu'avait été la dissolution du RIN ne fut jamais reconnu comme tel. On aurait pu le faire pour au moins tourner la page avec élégance, pour ne laisser derrière ni perdants ni victimes. Au contraire, loin de la reconnaissance attendue, on instilla le doute sur la légitimité des plus déterminés à réclamer l'indépendance. La méfiance contamina la vie du parti et rendit impossible l'ouverture de tout débat permettant de poursuivre l'oeuvre de Chaput et d'Allemagne ( André ). La fermeture d'esprit rendit impossible qu'on accède, par des délibérations sereines entre militants, à une lecture claire des fragilités statutaires du Canada. Le parti, privé d'unité et de l'envergure nécessaire, incapable d'élever le niveau pour aboutir à une stratégie tournée contre le Canada visant son talon d'Achille, opta pour l'étroitesse des ambitions. On écarta la question constitutionnelle qui se situe pourtant au cœur des intérêts fondamentaux de la nation. On la retira des délibérations politiques pour la remettre éventuellement entre les mains d'avocats comme Lucien Bouchard. Au PQ, il ne fut donc jamais question de faire feu de tout bois contre le Canada.

Même si beaucoup l'ont oublié aujourd'hui, ou sont trop jeunes pour en avoir eu connaissance, les frictions se poursuivirent sans relâche. À titre d'exemples, rappelons les emblématiques crises du « renérendum » et du « beau risque » et, de nouveau, à chaque fois que surgissait la fort délicate question de choisir un chef capable de rallier tout le monde. Le chef est immanquablement perçu comme « trop provincialiste » ou soit « trop indépendantiste ». En fait, ce dernier cas ne concernera que Jacques Parizeau. Curieusement, les mêmes membres choisiront tour à tour des « chefs » aussi opposés que Pierre-Marc Johnson et Jacques Parizeau. Ils seront d'ailleurs tous les deux éjectés. Au final, on peut dire que la cohabitation des provincialistes et des indépendantistes n'a jamais été résolue, si ce n'est par la prépondérance indéniable des premiers sur les seconds. En d'autres mots, l'esprit de Lévesque l'emportait toujours sur celui de Bourgault, une constante dont on peut suivre la trace jusqu'à Jean-Martin Aussant qui claqua la porte en 2011.

Résumons. Dans un combat pour les droits et libertés nationales, au sein d'un État dont les faits remontent à 1663, plus de cent ans avant la conquête anglaise, un chef issu des « descendants des vaincus », - mots de Brown - qui ne peut être qu'un chef d'état major, devrait s'efforcer de fédérer toutes les forces, travailler à bâtir la confiance entre elles pour constituer un front commun patriotique le plus large possible. Au lieu de cela, René Lévesque a maintenu nos forces dans la division. Il a décidé en catimini, avec Claude Morin - qui de son propre aveu recevait de l'argent de la Gendarmerie royale du Canada pour des rencontres clandestines - de toutes les questions décisives : question référendaire douteuse de l'avis de tous (1979), absence de plan pour continuer ce combat, qui n'était qu'un début, en cas d'un « non » (1980), négociations constitutionnelles bâclées et catastrophiques (1981), lesquelles préfiguraient la nuit des longs couteaux et le rapatriement de la constitution (1982), qu'on refusa de contester, alors qu'on pouvait le faire de bon droit. Le navire amiral sans gouvernail se replia dans la soumission.

Parallèlement, notre état major, qui ne voulait pas assumer ses responsabilités, a provoqué la cristallisation des divisions internes par des parti pris de plus en plus clivant et obsessif justifiés par la hantise de l'extrémisme. Comment peut-on plaider la cause de René Lévesque et de son passif ? Je n'en sais rien. En tout cas, il est clair que l'atmosphère de méfiance rendait impossible un dialogue politique constructif chez les « descendants des vaincus ». D'où le délaissement des enjeux constitutionnels et statutaires, des questions qui demandaient pourtant qu'on s'y attarde. Plombée par ces carences, à l'opposé du camp fédéral, qui ne pensait qu'en termes stratégiques, la direction du PQ ne forma jamais un état-major politique digne de ce nom. De surcroît, chez les militants, tant membres que sympathisants, l'absence d'éducation politique de niveau acceptable vint compléter le portrait. C'est ce qui résume la vie misérable du PQ depuis cinquante ans.

Réussir partout sauf en politique

Il ne faudrait pas voir dans cette analyse un dénigrement du Québec et des Québécois. Bien au contraire. Tous savent que le Québec, fort de son identité francophone pluri centenaire, s'est distingué depuis la fin des années cinquante pour atteindre des niveaux d'excellence enviables dans le domaine des arts – cinéma, musique, théâtre – des sports, de la science et du monde des affaires. C'est en politique, domaine réputé pour être particulièrement difficile et ingrat, que le Québec a déçu toutes les attentes. En cinquante ans, nous avons réussi partout, sauf en politique ! Un constat qui s'imposa d'évidence avec la démission de Jacques Parizeau, à un moment clé d'un rapport de force tendu, certes, comme si la lutte politique avait le luxe de se payer des vacances. Déclarer si vite forfait était une capitulation inespérée qu'Ottawa n'attendait même pas. Chez les partisans, on attendait de Gaulle, on a eu la Bérézina.

L'histoire nous apprend que, s'agissant de Lévesque, de Bourassa - et son fameux discours patriotique répercutant l'échec de l'entente du lac Meech - ou de Parizeau, effondré, et de tous les autres, le rapport de force, lorsqu'il se tend, devient vite une charge insoutenable. Or, qui ne s'accroche pas avec la dernière énergie à se défendre dans les moments difficiles, quand l'objectif devient plus palpable et concret, met à risque toutes ses ambitions. Comme le dit si bien l'expression, l'histoire ne repasse pas les plats. C'est pourtant ce que nous apprend la légendaire pugnacité des Anglais ! Ou des Juifs ! Comme l'a si bien rappelé Lionel Groulx dans des pages bien inspirées dans lesquelles il nous les proposait en exemples.

Une histoire qui trébuche mais néanmoins inspirante

Notre histoire trébuche. Elle le fait avec une récurrente et lancinante incapacité d'agir avec fermeté au-delà du seuil qui met en cause le confort du statu quo. Nous sommes un peuple qui avait commencé d'atteindre un degré d'émancipation nationale enviable en 1663, mais sans pouvoir la consolider suffisamment avant la Conquête. Mais pour bien des Québécois qui se mêlent de politique, la modification du statut politique de la nation ne mérite pas une chicane de famille. C'est à la fois l'expression paradoxale de notre existence nationale et de sa faiblesse sur le plan politique. Il nous faut mesurer combien il est difficile de sortir du rang, de s'élever à un niveau jamais atteint, pour ceux qui n'ont jamais acquis dans leur histoire nationale, la tradition d'exercer le pouvoir et de le tenir pour leur propre compte. C'est ce qu'on appelle ailleurs l'État profond, un État permanent – qui n'a pas que du bon, nous le savons tous ! - qui assure la continuité en s'affirmant dans la durée. Ce manque d'atouts peut expliquer, sans toutefois excuser, tous ces combats abandonnés prématurément, avant leur véritable dénouement, par une direction politique immanquablement ramollie. Cela doit bien compter pour une bonne moitié de nos déboires.

Je me demande où se cache notre meilleure source d'inspiration. Elle se trouve peut-être dans l'histoire exceptionnellement inspirante de la Nouvelle-France. Un modèle sans égal dans les annales des colonisations européennes, comme le rappelle justement Madame Morot-Sir. Une exemplarité dénigrée à tort et à travers, et qu'on a même renoncé à transmettre. Serait-ce parce qu'il s'agit là d'une rare histoire d'alliances réussies et d'intrépides gagnants ? Plus récemment, elle se trouve aussi cette inspiration, cet encouragement, dans les éclatants succès que nous avons connus dans tous les domaines. C'est pourquoi, en dépit de notre piètre performance en politique, nous ne devrions pas nous contenter de ce petit pain d'un statu quo constitutionnel qui nous a été imposé par des autorités étrangères.

Le statut politique du Québec doit changer ! Et pour le changer nous avons de nombreux défis à relever. Sans tradition d'autonomie politique et sans enracinement dans la machine d'État, il nous faut faire notre glace en patinant, innover, et, surtout, travailler à briser le funeste réflexe qui nous porte à accrocher nos patins aux premiers signes de redoux.


Le poids de l'héritage de René Lévesque

Nous vivons aujourd'hui la continuité des positions prises à la fin des années 1960 et qui n'ont jamais évolué depuis. Tous les successeurs de René Lévesque ont repris son triste héritage sans jamais le remettre en question. La lignée se voit chez Bernard Landry, poussant Françoise David à fonder Québec solidaire (FPU) et, à son tour, chez Pauline Marois incapable de rallier l'indépendantisme de J M Aussant. Combien de fois Lévesque n'a-t-il pas poussé ses opposants vers la sortie ? Cette attitude, qui va de pair avec le peu d'importance que l'on accorde à la cause nationale, a encouragé l'institutionnalisation du PQ comme simple parti d'alternance provinciale. Les forces se sont forcément cristallisées, peu à peu, dans une véritable division nationale des Québécois. C'est à ces résultats déplorables, c'est à ces fruits indigestes qu'il nous faut juger de l'arbre péquiste.

Oui, les Québécois ont connu de belles occasions de se réjouir et de fraterniser en cinquante ans, dont ces magnifiques fêtes nationales sur le Mont-Royal. Mais pour ce qui est du fondamental, l'avenir politique du Québec, tout ce qui a trait au domaine du pouvoir et de nos droits, nous n'aurons connu que des échecs : le Canada, d'esprit multiculturel et protestant, sec et dépourvu de magnanimité, ne nous a jamais rien cédé. Il a même durci et consolidé sa position, resserrant son emprise sur notre destinée à chaque fois qu'il le pouvait, à mesure que notre poids démographique déclinait...


Parallèlement, il faut voir cette chute comme la conséquence de combats si mal planifiés qu'ils ne pouvaient conduire qu'à la défaite. Avec un bilan aussi traumatisant, pas étonnant que le Parti québécois veuille parler de n'importe quoi, sauf de souveraineté, cause pour laquelle sa cote de crédibilité n'a cessé de fléchir. Pas étonnant non plus que le discours politique sur notre destin national soit devenu si rachitique et cynique.  

vendredi 8 janvier 2016

Et si Poutine réhabilitait Lionel Groulx pour de bon ?

Une révolution tranquille « à l'envers » 
en Russie


Une volonté marquée d'ancrer la société dans le meilleur de son passé, que j'appelle la révolution tranquille à l'envers, s'opère en Russie depuis 2010. Cette révolution du bon sens  suscite un intérêt inquiet de la part des pays occidentaux en perte de repères. Pour ces derniers, le nationalisme est mort, sinon il doit mourir. 

Joueur qu'on attendait pas dans le grand échiquier, la Russie a mis à mal l'idée d'une nation sans histoire et sans transcendance. Une nation ¨défuntisée¨ devenue la nôtre et dont la majorité des souverainistes ne cessent de se réclamer. En revanche, en Russie, une nation qui plonge ses racines dans l'histoire, qui ne tourne pas le dos à son identité, qui porte une vision qui valorise la tradition sans refuser la modernité, cette nation ne serait pas une utopie du XXè siècle. Et ce serait cette vision qui a cours en Russie. Une ¨russitude¨ qui reconnaît des nations avant de reconnaître des territoires. Mais ce n'est pas ce dont nos médias nous abreuvent. Mises à part les oppositions légitimes, sur lesquelles nos médias restent discrets, nous n'avons pour nous forger une opinion déformée que les affres des minorités «sororisées» dont nos médias font grand cas.

Le lecteur qui tire sa seule information de Radio-Canada ou d'autres médias standardisés comme Le Monde, Le Devoir, etc. est un handicapé de l'information. L'internet existe, mais il n'exploite pas ses possibilités. Il sera surpris d'avoir été tenu à l'écart de bien des développements s'il lui advient un jour de percer l'encerclement médiatique. Présumant de sa bonne foi.

Inversement, en gros, la moitié de l'humanité a déjà pris l'habitude de s'alimenter à des sources d'information diversifiées, moins uniformément orientées que celles de la grande presse des pays de l'OTAN, lire Canada. Ils seront déjà mieux outillés. Ils auront déjà une opinion formée au contact d'arguments venus de tous bords, inclusivement sur Vladimir Poutine et la Russie.

*   *   *

Selon l'ifrii, le tournant conservateur russe plairait aux pays d'Asie. Ces pays seraient pour la Fédération de Russie (FR) les partenaires de l'avenir parmi lesquels elle se sent respectée dans ses différences et surtout traitée en égal. Elle est en bonne compagnie avec ces pays qui s'efforcent de conjuguer la modernité avec leur attachement aux traditionsii

Elle-même pays d'Europe, la Russie ne délaisse pas pour autant ses partenaires européens, même quand ceux-ci boudent le dialogue avec elle pour recourir à des sanctions. Piètre diplomatie, les désaccords, aussi nombreux soient-ils, devraient être résolus par voie de négociation, je pense au contentieux ukrainien, etc. La Russie, déjà au centre de bien des enjeux mondiaux, plonge dans la défense du national avec une approche particulière qu'elle assume pleinement. Elle ne se départit jamais d'une défense bien sentie de son indépendance, ce qui fait se tourner vers elle les regards sourcilleux de ceux pour qui la disparition des nations n'est qu'une affaire de temps. Le Québec a certes intérêt à ne pas prendre pour argent comptant la campagne de dénigrement permanent dont la Russie est l'objet dans notre coin du monde, Il faut y regarder de plus près.

Cette révolution tranquille à l'envers que rien n'annonçait est d'autant plus inusitée qu'elle survient après 70 ans de socialisme «scientifique», qui s'est traduit par une dénationalisation menée de main de fer par les bolchéviques, dont la composition ethnique était plus juive que russe, selon l'oeuvre jamais démentie d'Alexandre Soljenitsyne. Une idéologie basée sur le matérialisme, la primauté de l'économie, le dirigisme culturel, le remplacement de la religion et de la tradition par l'éducation laïque et la volonté de construire un «homme nouveau» débarrassé des «préjugés». Pas étonnant qu'une source d'inspiration des révolutionnaires russes coulait de la révolution française. 

Le renforcement du national en Fédération de Russie est très intéressant à observer du fait que ce pays possède une diversité ethnique qui n'est dépassée que par celle de l'Inde. La grande diversité ethnique et linguistique de la Russie ne semble pas être un poids pour elle. À preuve, elle n'aurait pas freiné un consensus social conservateur qui ne fait que s'affirmer autour des valeurs patriotiques. Le respect des minorités nationales, une tradition russe qui remonterait à la tradition tsariste, contraste avec la tradition anglo-saxonne subie par les Canadiens-Français. Deux mondes. La popularité de Vladimir Poutine, jamais démentie, incarne le phénomène de relative unité que vit présentement la Fédération de Russie. Le conservatisme social, le conservatisme pragmatique et le pragmatisme conservateur de Poutine, trois appellations couramment utilisées, forment donc un socle politique de rassemblement. Il semble promis à durer. 

Dans sa lettre «La question russe», en janvier 2012, au cours de la campagne électorale, Poutine écrivait : 
« L'auto-identification du peuple russe, c'est une civilisation multiethnique unie par le noyau culturel russe».iii 
Une citation transmise par Léonid Poliakov, qui enchaîne avec ce commentaire à propos de Poutine :
«Au fond, il formule ainsi une ¨troisième voie¨, située entre le projet multiculturel occidental, dont Poutine estime qu'il a échoué, et le défi alternatif d'un ¨État national¨ qui serait fondé ¨exclusivement sur l'identité ethnique¨.»iv 
Pour Pliakov, Vladimir Poutine considère son conservatisme 
«comme une vision politique et morale du monde cohérente et pleine de bon sens. C'est sur cette base qu'il a fondé sa campagne électorale de 2011-2012 et sa stratégie de développement jusqu'en 2025...»
Lors des rencontres annuelles du Club Valdaï, en 2014, Poutine poursuivait de la façon suivante : 
«Pour que la société existe, il convient de soutenir des choses élémentaires que l'humanité a élaborées au cours des siècles : c'est le respect de la maternité et de l'enfance, le respect de notre histoire et de ses accomplissements, le respect de nos traditions et des religions traditionnelles»v
À la lumière de tout ceci, en viendra-t-on à considérer Lionel Groulx comme un visionnaire dont l'heure n'était pas encore venue? 

Il a certes combattu une forme de modernité aguicheuse et illusoire, une menace dont il nous entretenait notamment dans sa lettre à Jean Éthier-Blais «Sur les dangers de l'influence américaine».vi Un filet dans lequel se sont pris plusieurs intellectuels d'avant-garde, vantant comme un progrès indépassable de faire table rase, jugeant à jamais dépassé l'héritage spirituel (spirituel au sens profane comme au sens transcendant) de Lionel Groulx sur le petit peuple francophone d'Amérique.

Dans la présentation du dossier Lionel Groulx, publié par les Cahiers d'histoire du Québec au XXè sièclevii, Benoit Lacroix et Stéphane Stapinsky expliquent :
«Les citélibristes et certains nationalistes (notamment ceux d'extrême gauche) allaient prendre le relais au cours des années 1950 et 1960. Pour plusieurs souverainistes des années 1990, la figure de Groulx fait problème. Il leur semble que, en réponse aux accusations de «racisme» et de «fascisme» qu'on adresse tant de l'intérieur que de l'extérieur à la société québécoise (et en particulier au mouvement nationaliste), il leur faille prouver à tout prix à la face du monde qu'ils ne sont pas coupables, eux «modernes», de ce qui leur est reproché; pour ce faire, ils insisteront donc sur une rupture radicale entre la société d'autrefois et la nôtre et s'en prendront publiquement à ce Québec obscurantiste d'avant 1960 et au symbole du racisme et du fascisme de l'ancien régime que serait à leurs yeux Lionel Groulx. Une manifestation récente de ce nouveau rituel peut être relevée chez Gérard Bouchard.»
Plus loin, les auteurs nuancent en citant quelques noms, parmi eux, à gauche, Pierre Falardeau, Gaston Miron, Andrée Ferrettiviii, qui ont accepté 
«de nouer un dialogue avec Groulx». 
Ils finissent par demander avec raison qu'on tourne la page à cet infantilisme 
«qui fait que, pour certains, il paraît impossible de se reconnaître dans une continuité à moins d'y trouver la trace d'une pureté conforme à nos valeurs actuelles.»ix
On pourrait épiloguer longuement sur l'héritage de Lionel Groulx, mais l'affaire est entendue. On en reviendra donc à ceci. Les arguments de ses pourfendeurs, lorsqu'il s'agissait d'arguments et non de demi-vérités et de falsifications, ont été réfutés avec patience et plus d'explicitations que la plupart des objections n'en méritaientx. Depuis une trentaine d'années, grâce à des intellectuels courageuxxi, tous les arguments pour discréditer Groulx et son oeuvre ont été répudiés d'une façon ou d'une autre; si bien que le dossier Groulx est clair et net. Alors pourquoi parler de réhabilitation de Groulx par Poutine ?

La réhabilitation de Lionel Groulx par Poutine est bien sûr une figure de style. Elle met en évidence le fait que si la joute intellectuelle a été remportée par les nôtres, ils n'ont pas prévalu. La société civile ne l'a pas répercutée par des changements fondamentaux comme en Russie. Le discours politique et le projet d'indépendance, qui restent défensifs, ont continué à freiner des quatre fers pour que survive la mauvaise conscience de notre passé. On refuse de faire à Lionel Groulx une place au panthéon de notre histoire parce que notre élite nationale dite «moderne» a rejeté tout ce qu'il représentait. Il était prêtre catholique et défenseur de la tradition. Et, cocasserie de l'histoire, c'est encore le prêtre catholique qui, depuis la grande noirceur de 1943, leur fera la leçon  : 
«D'où nous vient, qui nous a donné ce goût morbide de nous accuser de tous les péchés, et plus particulièrement de ceux que nous n'avons pas commis.(sic)» xii
Après 60 ans de lutte souverainiste-indépendantiste infructueuse, ne sommes-nous pas rendu au bout du rouleau? Peut-on sérieusement avoir racorni la «civilisation française en Amérique» au point où l'argumentaire des figures montantes ne semble plus considérer que l'enrichissement personnel comme motif central de la cause? Ceci après avoir épuré au fil des ans toute référence à ce que nous sommes et d'où nous venons. Le phénomène de retour aux sources, qui a amené les Russes au succès après 70 ans de dénationalisation violente (clin d'oeil à la dénationalisation tranquille), surtout avant Staline, à recouvrer leur patriotisme, prouve qu'il est possible pour une nation, singulièrement une nation  fondatrice, de recouvrer ses droits fondés sur la continuité historique. 
_______________________
i www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_rnv_90_fr_poliakov_protege.pdf  Le « conservatisme » en Russie : instrument politique
ou choix historique ? , déc. 2015
ii  Japon, Corée du Sud, Taïwan, Singapour, selon ifri
iii  Que penserait-on d'une nation multiethnique unie par le noyau culturel néo-français, canadien français et Québécois?
iv Ifri, p.18
vi  Les Cahiers d'histoire du Québec au XXè siècle, No 8, automne 1997. Sur les dangers de l'influence américaine, 7 décembre 1964, p.175
viii Il faudrait rajouter Michel Chartrand et Simone Monet-Chartrand dont le mariage dut béni par Lionel Groulx
ix Cahiers p.10 ou lien ici
x Pensons ici à la réfutation détaillée par notre sociologue québécois anglo-protestant Garry Caldwell, de la thèse de doctorat d'Esther Delisle http://agora.qc.ca/Documents/Antisemitisme--Le_discours_sur_lantisemitisme_au_Quebec_par_Gary_Caldwell Thèse effectivement couronnée d'un doctorat, à la courte honte de l'Université Laval.
xi Stéphane Stapinsky, Garry Caldwell, Fernand Dumont, Serge Cantin, Nicole Gagnon et bien d'autres
xii «Notre force...» Groulx, Lionel, 1943; cité dans la présentation des Cahiers... No 8    

samedi 26 décembre 2015

Les possibles et les limites de l'indépendance dans un monde unipolaire

(version définitive du 28 décembre 2015)

Gilles VERRIER



Tenir un référendum «le plus tôt possible après la prise du pouvoir» (http://vigile.net/Independance-s-unir-et-agir) continue de susciter bien des émois chez les indépendantistes. Pour PKP, marchant dans les pas de Jacques Parizeau, le référendum serait la seule voie de la légitimité. Une orthodoxie que rejette parmi d'autres Claude Bariteau qui, en regard de la loi sur la Clarté, soutient que l'absence d'un accord avec le Canada sur l'environnement référendaire ferait de l'élection le seul choix possible du Québec pour décider de son destin, citant en appui les cas de la Namibie et des pays baltes. (http://vigile.net/Nouvel-article-No-65897).

Pas en reste, Alain Raby ( http://vigile.net/Le-mouvement-declarationniste défendait récemment le recours à la Déclaration unilatérale d'indépendance (DUI), arguant qu'une quinzaine de pays membres des Nations-Unies ont accédé à leur indépendance de cette façon depuis 1991. Il fournit en complément une liste (partielle) de pays devenus indépendants sans référendum préalable, nuançant que cela n'exclue pas un référendum de ratification après. La DUI a déjà fait l'objet d'éloquentes prises de position (http://vigile.net/Declaration-unilaterale-d-42268?t=22 ) et constituait d'ailleurs la voie que retenait Option nationale, jusqu'à ce que l'on revienne à une position plus orthodoxe. Campé dans sa priorité sociale, Québec solidaire préconise la convocation d'une assemblée constituante populaire pour jeter les bases d'une constitution souveraine, une position reçue avec scepticisme dans les rangs péquistes mais qui se défend face à la fragilité de l'argumentaire référendaire.

L'indépendance dans le monde, une diversité d'approche

La diversité des approches indépendantistes en vogue dans le Québec d'aujourd'hui se situe dans la diversité plus large des approches qui ont réussi à travers le monde, et l'on se prend à se demander pourquoi les indépendances ne font pas l'objet de plus d'études, dont une classification de leurs processus et de leurs fondements. À ma connaissance, l'inventaire des processus employés dans l'histoire moderne pour accéder à l'indépendance ne se trouve nulle part. Certes, dresser la typologie des indépendances pose plusieurs difficultés dû au fait que chaque passage à l'indépendance (plusieurs centaines de nouveaux pays depuis 200 ans) se présente rarement comme appartenant à un seul type. Par conséquent, tenter de construire une typologie serait forcément un projet perfectible mais déjà utile si le résultat permet d'introduire certaines distinctions dans un classement susceptible de regrouper tous les événements d'indépendance. En ce sens, une meilleure connaissance du phénomène peut servir d'outil de réflexion et de mise en perspective, aider à situer plus correctement le cas du Québec dans l'ensemble mondial.

Dans la foulée, il ne fait pas de doute que les militants et les cadres indépendantistes devraient acquérir une expertise mondiale sur toutes les dimensions de l'indépendantisme. Il faudrait favoriser l'émergence d'une ample culture en rapport avec l'indépendance légitime, de son maintien et de sa défense en présence d'un mondialisme idéologique au tropisme prédateur de nations. Il est vrai que pour y arriver, compter sur nos propres forces est un choix qui s'impose naturellement puisqu'il est pratiquement exclu que les universités, devenues les obligées des chaires de recherche du Canada, s'engagent sérieusement dans ce créneau comme elles le feraient si elles étaient libres de travailler pour le Québec. En contre partie, un futur institut de recherche sur l'indépendance, promis par PKP, pourrait s'y intéresser sans restriction, même si rien ne semble acquis à cet égard. En attendant je vous livre ma modeste contribution.

Classification des indépendances

Je tenterai de dresser une classification des indépendances en tâchant de montrer les modes par lesquelles elles sont advenues et je donnerai des exemples parfois commentés. Dans un deuxième temps, j'aborderai la question des événements déclencheurs d'indépendance pour finir avec des remarques en ce qui concerne les référendums et la fixation particulière du mouvement indépendantiste québécois, surtout péquiste, sur cette question.

Types d'indépendance
1- Accord de gré à gré ou accord négocié en présence d'un rapport de force établi et de deux États concurrents

Cas de l'indépendance octroyée par la Grande-Bretagne à l'Égypte en 1922
Cas de la Norvège, indépendance obtenue de la Suède

2- Déclaration unilatérale d'indépendance (DUI) avec derrière, pour les cas les plus réussis, une forte volonté populaire, parfois organisée, pour que cède l'État colonial;

Cas des États-Unis d'Amérique – déclarée en 1776, État de facto qui obtint sa reconnaissance internationale (de jure) sept ans plus tard, de manière essentielle de la Grande-Bretagne, en 1783
Cas de la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada en 1838 par Robert Nelson à Noyan, accompagné de 300 Canadiens en armes (http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=document62)
Cas (autres) : Philippines (Espagne 1898); Bangladesh (Pakistan 1971); Slovénie et Croatie (Yougoslavie 1991);
Cas d'échecs : Biafra, sécession ratée du Nigeria (1967); Rhodésie (1965) scession de la Grande-Bretagne pour instituer un État officiellement ségrégationniste devenu depuis le Zimbabwé.

3- Délestage colonial La volonté de l'État colonial de se départir d'une colonie devenue une charge tout en cherchant à préserver ses intérêts, en présence de pressions populaires inscrites dans le cadre général du recul colonial européen de première génération.

Cas des colonies britanniques dont les rapports avec la métropole seront restructurés au sein du Commonwealth et par le biais de relations bilatérales privilégiées. Concerne le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ainsi que les colonies africaines et asiatiques du domaine colonial britannique.
Cas de la France en Afrique avec le franc CFA, etc.
Cas général du domaine colonial espagnol

4- Démembrement extérieur Il s'agit d'accessions à l'indépendance qui ne se produiraient pas sans la volonté de démembrement de pays existants par des puissances étrangères pour servir des intérêts géo-politiques globaux (cas des États-Unis avec ou sans l'OTAN). Ce redécoupage des cartes peut prendre des accents néo-coloniaux. C'est un processus moderne qui fait largement appel à «l'idéologie de l'humanitaire» ou «sécuritaire», c'est selon et s'accompagne souvent de l'exacerbation délibérée des tensions ethniques, religieuses ou territoriales.

Cas d'Israel, cas tardif d'une implantation coloniale de peuplement sur le territoire d'une population déplacée ou superposée sur elle, opération parrainé par la Grande-Bretagne.
Cas du Kosovo dans le cadre du démembrement de la Serbie par l'OTAN,
Cas du Soudan / Soudan du Sud ?
Cas des républiques auto proclamées (voir DUI précédée d'un référendum) de facto (voir plus bas) des républiques de Donetsk et de Lugansk, poussées hors de l'Ukraine par l'expansionnisme de l'OTAN (coup d'État, encouragement de la russophobie et de l'ukro-nazisme).
Cas de la France de de Gaulle, celle du «Vive le Québec libre», qui sans pouvoir prétendre au démembrement du Canada de l'extérieur, intervint comme l'expression d'une volonté (restée sans suite) de contenir l'essor de la projection de puissance anglo-saxonne dans le monde.
Cas anticipés aujourd'hui de menaces sur l'intégrité territoriale de l'Irak, de la Libye et de la Syrie.

NOTE IMPORTANTE  : À l'instar de l'Écosse et de la Catalogne, respectivement intégrés dans l'OTAN par la Grande-Bretagne et l'Espagne, il faut considérer le Québec comme un cas pour lequel ne joue en sa faveur aucune force extérieure intéressée par le démembrement du Canada. Malgré le commerce important du Canada avec la Chine, celle-ci n'a aucune influence sur le Canada. La Russie est totalement discréditée dans l'opinion publique par une médiacratie aux ordres et n'a pas davantage d'influence, admettant qu'elle soit intéressée. La France est entièrement sous domination de l'OTAN (via l'Union Européenne) et ne pourrait retrouver certaines sympathies en faveur de l'indépendance du Québec que dans le cas de l'élection d'un gouvernement du Front national. Ce que voit d'un mauvais œil Sol Zanetti (Option nationale), adoptant ainsi une position «trotskyste» qui donne la préséance à la politique du «bien dans le monde» plutôt qu'aux intérêts bien compris du Québec. Peu lui chaut que la seule présidentiable (Marine Le Pen) qui défend un tant soit peu l'indépendance de la France soit la seule à pouvoir éventuellement sympathiser avec notre cause.
Par conséquent, le Québec est seul comme une barque en mer et ne peut se laisser séduire par le nombre de pays qui accèdent à leur indépendance car, comme on le voit, au nombre des indépendances récentes, il s'en trouve de nombreuses qui sont des indépendances fabriquées en tout ou en partie de l'étranger.
Quel chance reste-t-il aux nations subordonnées comme le Québec, ces cas ou aucune puissance étrangère ne veut briser le Canada? Le Canada étant déjà membre de l'OTAN et soumis à son leader étatsunien, «la puissance indispensable» ? Il faudra y réfléchir! Entre temps, la tentation est grande de penser qu'une éventuelle indépendance serait une souveraineté limitée (culturelle, représentation internationale, etc.), réalisable uniquement après avoir donné des gages à l'OTAN.
5- Indépendance de facto Ces territoires dont le statut définitif n'est pas encore fixé. Généralement absents de l'ONU, reconnus par quelques pays, parfois plusieurs, mais pas universellement reconnus. Ils disposent du rapport de force nécessaire pour jouir d'une certaine indépendance pratique mais n'ont pas la capacité de déclarer leur indépendance légale, de jure, sans risquer que leur existence soit menacée ou provoquer le déclenchement d'hostilités. Se compare avec 240 ans d'écart à la situation des États-Unies entre 1776 et 1783!

Cas du Kosovo, reconnu par plus de 100 pays
Cas de la Transnistrie, du Somaliland, du Haut-Karabagh, de l'Abkazie et de l'Ossétie du Sud
Cas de la Palestine


6- Guerre de libération L'indépendance accordée par l'État colonial à l'issue d'une guerre de libération nationale. Se résout rarement (jamais?) par un référendum mais par la négociation qui conduit à la reconnaissance de la souveraineté, qu'il devient superflu de ratifier par référendum.

Cas de l'Algérie, cas des colonies portugaises d'Afrique (Mozambique, Angola, Guinée Bisau) du Vietnam, de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe (Rhodésie), notamment. Dans la plupart des cas, il y absence de structure étatique et institutionnelle permettant de faire avancer les intérêts nationaux. Une situation qu'il importe de distinguer ici de celle du Québec.

7- Lutte de libération pacifique ou principalement pacifique.

Cas du Raj de l'Inde (Grande-Bretagne) qui conduisit aux indépendances de l'Inde et du Pakistan. Comme dans le cas de la guerre de libération, l'absence d'une structure étatique est remplacée par la vigueur de la résistance populaire.

Les déclencheurs /accélérateurs de l'indépendance

L'indépendance, le passage du pouvoir d'un État à un autre, peut se faire de gré à gré mais il est rare qu'il se fasse sans une montée des tensions. Dans la période qui précède le dénouement politique de la question nationale, le rapport de force entre les parties s'exacerbe et prend la forme d'une crise suscitée et nourrie par deux types de déclencheurs /accélérateurs que j'ai pu distinguer et que j'illustre par des exemples du Canada-Québec.

1- Une affaire litigieuse devant le parlement qui, si l'affaire est menée sans flancher, peut évoluer pour atteindre le point de rupture.

a) Ce qui fut le cas en 1834-1837-38 – si on admet que la rébellion a été provoquée pour être écrasée dans l'oeuf – on peut poser raisonnablement l'hypothèse que sans la répression qui a suivie la lutte parlementaire entamée en 1834 aurait fini par aboutir
b) Plus récemment le cas de l'échec de l'accord du lac Meech qui a fourni la meilleure occasion au Québec de déclarer unilatéralement son indépendance (par Bourassa, en 1990, qui l'a presque fait d'ailleurs...) et de tenir immédiatement après un référendum de ratification que tous les sondages donnaient gagnant.

2- Des événements extérieurs qui ont un effet catalytique sur les conditions internes : guerre, crise...

a) Cas de la pendaison de Louis Riel en 1885 à Régina, qui fut l'occasion de soulèvements importants au Québec pendant une semaine avec en pointe 50 000 montréalais dans la rue.
b) Cas la crise de la conscription de 1918 ponctuée de troubles dans la ville de Québec avec présence des forces armées. Une partie de l'élite canadienne-française derrière la cause, Henri Bourassa et une partie du clergé.
c) Faut-il anticiper l'effondrement économique du Canada ou des États-Unis ?


Référendum – sa pertinence (rarement) et ses mirages (souvent)

Les deux référendums tenus au Québec le furent pour signifier au fédéral la volonté du Québec de s'asseoir à la table de négociation. L'histoire des indépendances tend à montrer que lorsqu'un État offre la possibilité d'un gouvernement fort, comme le Québec, il ne devrait pas y avoir de référendum sur un tel enjeu. L'obligation de négocier tient davantage de facteurs comme la légitimité, la pugnacité du gouvernement provincial, l'habileté politique, l'avancement de certains dossiers ainsi que de l'expression de la volonté populaire. En d'autres termes, elle tient du rapport de force qui évolue entre deux entités séparées par un litige, la partie demanderesse s'efforçant d'amener l'autre à négocier. Ce qui nous amène à pousser les distinctions sur la question référendaire.

Référendum de ratification de l'indépendance
Si un référendum peut constituer en temps opportun un instrument souhaitable, il n'apparaît pas comme un passage obligatoire dans le processus d'accession à l'indépendance de la majorité des pays. Pour le cas particulier du Québec, des attentes référendaires fortes ont été créées dans l'histoire récente sous l'influence de Claude Morin. Il aura fait du référendum un point de doctrine alors que celui-ci aurait dû demeurer un moyen d'action politique asservi à la stratégie et à la tactique. Or, il appert que la doctrine référendaire de Claude Morin a été vite avalisée par la direction du PQ qui ne disposait pas d'une volonté claire d'opérer un changement de statut pour le Québec. Le résultat est que cette confusion des genres n'a jamais été combattue adéquatement par le caucus et les intellectuels de la mouvance péquiste. Ces années Morin ont eu pour effet de ramener le large boulevard de l'accession à l'indépendance à un étroit sentier. Encore aujourd'hui, le Québec reste largement captif de ce que j'appelle la «fixette» référendaire, laquelle ne pourra être neutralisée que par une meilleure éducation politique. Entre temps, le «référendisme» en 2015 constitue toujours la doctrine officielle du Parti Québécois.

Un institut pour mettre le référendum à sa place (entre autres)
Il nous faut anticiper sur l'Institut de recherche scientifique sur l'indépendance. Comme plusieurs, j'aurais souhaité que l'Institut surgisse rapidement, rappelant la vigueur d'un poing fermé au bout d'un bras levé. Force est de constater qu'il y a ici une lenteur que l'on peut redouter comme annonciatrice de lourdeur... L'avenir le dira.

Chose certaine, la nécessité d'aérer la question référendaire est claire. Il faut replacer les référendums dans un contexte élargi, en relativiser l'importance en se rappelant la diversité des expériences nationales à travers le monde. L'utilisation du référendum ne se situe pas tant dans le cadre d'une problématique du pour et du contre. Cet outil s'inscrit plutôt dans le cadre d'une lutte où tous les moyens sont possibles et aucun n'est exclu. Il suffit de redonner à l'esprit la souplesse stratégique qui permet de choisir et de doser les éléments de la lutte politique intégrale, sans a-priori.

Un référendum gagné par la peau des dents en 1995 aurait été difficilement gérable. Un référendum gagné de peu dans quelques années (supposant que cela soit possible) le sera encore moins. Toute la haute fonction publique est occupée par des libéraux. Il en va de même de l'appareil judiciaire et des sociétés d'État, comme la Caisse de dépôt et de placement, les missions étrangères, et autres dépendances de l'État. Tout cet État profond, mis en place de longue date par les libéraux, allant des notables jusqu'aux malfrats, se fera fort de se constituer en pouvoir parallèle pour résister sourdement aux changements, voir saboter toutes les initiatives gouvernementales post-référendaires. Quant au PQ ? Il est toujours composé de militants et de dirigeants d'une persistante candeur politique qui n'ont pas voulu prévoir de plan B en cas de courte défaite en 1995, misant tout sur l'absolutisme référendaire, et de ces politiciens «apatrides» qui ont rejeté de leur propre corps un patriote et membre émérite de leur parti, Yves Michaud, dans la plus grande confusion politique, pour attendre ensuite quatre longues années avant de commencer à exprimer de molles excuses. Une situation emblématique des divisions au sein du PQ. Voudriez-vous aller au front, jouer la nation sur un autre va tout référendaire, avec de telles troupes pour affronter un redoutable adversaire planqué dans tout l'appareil d'État?
Si vous répondez oui, je ne donnerais pas cher de votre peau.